21 décembre 2015 1 21 /12 /décembre /2015 13:30

Rapports de HORI Yasuo traduits de l'espéranto par Ginette MARTIN avec l'aide de Paul SIGNORET

Les 14 et 15 octobre 2015

 

Petit voyage à la ville de Minami-Sōma


    Accompagné d'un jeune népalais, Pradip, j'ai visité la ville de Minami-Sōma du département de Fukushima. Cette ville se compose de 3 districts. Le district le plus méridional, Odaka, est situé dans un rayon de 20 kilomètres de la centrale nucléaire n°1 endommagée de Fukushima, c'est la raison pour laquelle les habitants n'ont pas le droit d'y vivre. Dans le quartier central de Haramachi, autrefois déserté en raison de l'accident, à présent les gens vivent de façon apparemment normale. Dans mon cœur, il reste toujours une image de l'école élémentaire d'Odaka, dont les élèves ont tous émigré en divers endroits éloignés et ne sont jamais revenus, après avoir laissé leurs affaires dans les salles de classe. Je voulais que Pradip voie et sente lui aussi cette tragédie.

 

Visites à Minami-Soma et Motomiya à l’automne 2015

Ce cimetière à présent détruit

 

    Le 14 octobre à 8 heures, nous sommes arrivés à la gare de la ville de Minami-Sōma par le bus de la ville de Fukushima. À côté de la gare, nous avons emprunté des vélos gratuitement. Actuellement au Japon, dans toutes les gares principales, on met à disposition des vélos gratuitement ou presque. Ici, ce service fonctionnait déjà avant 9 heures. Les vélos n'étaient pas en bon état, donc c'est avec un peu de mécontentement que nous sommes partis vers le bord de mer de la ville.

 

    Mon plan était de faire du vélo le long de la côte du quartier d'Odaka, mais cela était tout à fait impossible, parce qu'ici on construit un grand barrage anti-tsunami, de sorte que la route était bloquée. Selon moi, il est plus important de construire rapidement des logements décents pour les sinistrés qu'un barrage pour protéger un désert inhabité, mais pour le gouvernement il importe davantage de faire profiter  les grandes entreprises.

 

Visites à Minami-Soma et Motomiya à l’automne 2015

Dans la photo ci-dessus, vous pouvez voir des sacs noirs à gauche sous la digue en construction. J'ai oublié de mesurer leur radioactivité, donc je ne veux pas m'avancer, mais je soupçonne qu'ils contiennent de la terre radioactive, parce qu'ils sont très semblables à ceux que l'on peut trouver partout à Fukushima et qui eux en contiennent.

Visites à Minami-Soma et Motomiya à l’automne 2015

Nous ne pouvions pas aller plus loin, alors nous sommes allés dans une autre direction, et avons trouvé une nouvelle statue de Bouddha au loin. Je me suis souvenu que là, auparavant, il y avait un cimetière détruit (photo).

 

J'avais déjà vu un grand nombre de cimetières dans les villes détruites, mais celui-ci était le plus misérable et le plus attristant, il avait perdu presque toutes ses pierres tombales. Avant l'attaque du tsunami, il était entouré de verdure comme un parc, mais après, il était au centre d'un désert. S'y dressaient des statues de Bouddha sans tête et sans bras, mais à présent, à ma grande joie, il était reconstruit, quoique peu de tombes aient été restaurées.

 

Selon la pancarte dans le cimetière, grâce à une loi nouvelle destinée à venir en aide aux villes sinistrées, les propriétaires de ce cimetière ont reçu 112 millions de yens de subvention (1,12 millions d'euros) de la ville de Minami-Sōma  (provenant peut-être du budget de l'Etat). Cependant, il est sûr que les propriétaires de tombes devront rembourser la totalité ou une partie de la dette. Est-ce que tous voudront retrouver leur tombe ici, après la perte de leur maison? Certes, il y a des familles qui ne veulent ou ne peuvent plus avoir de tombes ici. Apparemment, le cimetière magnifiquement réarrangé est un espoir pour eux, mais en réalité il est difficile de le maintenir.

 

Visites à Minami-Soma et Motomiya à l’automne 2015

Là trois hommes étaient au travail. Je leur ai demandé où ils avaient mis ou jeté les vieilles pierres tombales. Ils ont répondu qu'ils les avaient mises en pièces et enterrées sous le cimetière récemment refait.

 

   La pâtisserie Watanabe dans le quartier  d'Odaka


    Bientôt nous sommes arrivés au quartier d'Odaka. La gare a été recouverte de bâches et sur la voie quelques personnes travaillaient, donc d'ici peu de temps le service ferroviaire fonctionnera à nouveau.

   En face de la gare il y a un magasin qui s'appelle Engawa. Il y a quelques semaines, j'ai vu à la télévision qu'il était ouvert et qu'un pâtissier, M. Watanabe, avait commencé à y vendre des gâteaux. Quand j'ai vu ces nouvelles, j'ai pleuré d'émotion.

 

Visites à Minami-Soma et Motomiya à l’automne 2015

Ce M. Watanabe avait, et a de nouveau, sa fabrique de gâteaux dans ce quartier. Lorsque je l'ai visité en juin 2012, devant elle se trouvait un tableau noir sur lequel il avait écrit à la craie: «Je reviendrai très certainement à Odaka", et en 2013 sa phrase avait disparu. J'avais regardé ce tableau avec un sentiment de tristesse, aussi, lorsque j'ai vu à la télévision qu'il avait ouvert une nouvelle fabrique de gâteaux dans le quartier de Hamarachi et qu'il vendait des gâteaux également dans ce magasin, ce fut une énorme joie pour moi. Maintenant, au lieu du tableau noir, pend à la base du toit une grande toile avec le slogan: "La confiserie Watanabe va sûrement revivre avec les habitants d'Odaka".

Je suis entré dans le magasin et j'ai acheté 10 gâteaux. Je comptais visiter sa nouvelle fabrique, mais le vendeur m'a dit que le lendemain elle serait fermée, donc j'ai renoncé à la visiter.

 

L'école primaire d'Odaka


    Mon autre objectif était l'école élémentaire d'Odaka.
La catastrophe a eu lieu le vendredi 11 mars. Tous les élèves sont rentrés chez eux à la hâte, laissant leurs affaires dans la salle de classe. Lors de l'été 2012, on a permis aux habitants de pénétrer dans le quartier. Les instituteurs sont revenus et ont mis en ordre les salles de classe. Ils ont rassemblé les affaires des élèves et les ont mises sur leurs tables respectives. Plus tard certains élèves sont revenus et ont emporté leurs propres affaires, mais lorsque je suis venu moi-même ici en août 2013, dans toutes les salles on voyait 6 ou 7 tables où il restait des affaires. Ces élèves ne sont jamais revenus ici. Sur les tableaux noirs on lisait les paroles encourageantes et touchantes des instituteurs. À côté  se trouvaient quelques mots des élèves, par exemple: «Je veux revoir mes amis", "Je vis maintenant dans la ville de Sagae dans le département de Miyagi".

 

Visites à Minami-Soma et Motomiya à l’automne 2015

J'ai regardé dans les salles de classe du premier étage. Ce sont des salles pour les élèves de CP ou CE1. Comme auparavant, il restait des affaires sur les tables. Ils ne sont jamais revenus à leur école. Les garçons et filles qui étaient en CP en 2011 sont maintenant en CM1, et les enfants du cours supérieur sont maintenant au collège. Quel genre de vie ont-ils? Se sont-ils bien adaptés à leur  nouvelle vie? Ne souffrent-ils pas d'un problème de santé mentale? La première fois que j'ai vu les tables  avec les affaires, j'ai pleuré, et j'ai détesté le gouvernement et les compagnies d'électricité qui ont introduit l'énergie nucléaire au Japon et infligent une souffrance à des élèves innocents sans aucunement faire leur autocritique.

Visites à Minami-Soma et Motomiya à l’automne 2015

 Les écoles élémentaires de Fukushima sont très belles. L'école élémentaire d'Odaka est également magnifique avec de beaux bas-reliefs. Mais elle se dresse solitaire sans les voix enjouées des élèves. Dans le jardin d'une maison voisine, de beaux kakis sont en fruits. Tout est beau, mais tout est triste sous le ciel d'automne.

 

    Le Cimetière-Parc de Minami-Sōma


    Dans la matinée du 15, nous sommes allés au Cimetière-Parc sur une colline de Minami-Sōma. Ici se dresse une statue de kamikaze, parce que dans cette ville, pendant la guerre, il y avait un aérodrome pour les kamikazes. Quand je suis arrivé ici en 2013, la force de la radioactivité était  de 0,451 microsievert/h (selon la loi, il faut nettoyer les sites dont la radioactivité dépasse 0,23 microsievert/h). Cette fois j'ai mesuré, et le chiffre était 0,412 µSv/h.

Visites à Minami-Soma et Motomiya à l’automne 2015

Quand nous sommes revenus, nous avons trouvé de nombreux sacs noirs sur la colline. Je me suis approché et j'ai vu que sur chaque sac étaient inscrites la nature du contenu et son intensité radioactive. Sur la photo de droite, sur trois sacs au centre, on lit

"0,29 microsievert", "0,29" et "0,32" et "le mot "terre" (土)".

 

Sur un sac était collée une étiquette, sur laquelle on lisait quatre avertissements pour l'utilisation. L'un d'eux disait: "Nous ne devons pas laisser le sac au soleil, mais à l'intérieur d'une pièce" et "La limite d'utilisation est de trois ans". Partout dans Fukushima on conserve les sacs en plein air. En été, la température en surface va devenir élevée, peut-être plus de 60, plus de 70 degrés. Déjà de nombreux sacs ont quatre ans d'âge. Est-ce qu'ils ne sont pas endommagés? La terre et l'herbe polluées ne sortent-elles pas déjà et ne s'envolent-elles pas? Les travailleurs ne souffrent-ils pas à cause de la radioactivité?

 

       Comment gère-t-on la conservation de ces sacs sur la durée?

 

 Le 15, nous sommes retournés à la ville de Fukushima et avons visité l'entrepôt sur la colline de Shinobu, à 15 minutes à pied de la gare de Fukushima. Tout autour il y a beaucoup de maisons et même le bureau des affaires juridiques.

Visites à Minami-Soma et Motomiya à l’automne 2015

On conserve des sacs sur quatre étages sous une énorme bâche verte. Combien de sacs sont-ils stockés et jusqu'à quand ? Le gouvernement prévoit maintenant de construire un dépôt temporaire dans les villes voisines de la centrale n°1 de Fukushima, mais il est difficile d'obtenir des terrains pour cela, car les gens ne veulent pas vendre leurs terres et champs hérités de leurs ancêtres. Le gouvernement promet d'emporter hors du département, au bout de trente ans, les déchets pollués collectés, mais personne ne croit à cette promesse insensée, car aucune ville hors de Fukushima ne les acceptera.

 

Ensuite, Pradip et moi avons marché autour de la colline. Dans les ruelles, les enfants jouaient avec leurs mères. J'ai regardé en cachette mon radiamètre dans ma poche, et j'ai trouvé 0,30 microsievert/h de radioactivité. Cet endroit a déjà été nettoyé, mais il est toujours fortement radioactif. Puis j'ai fait une mesure au petit ruisseau, où auparavant le chiffre était de 12 microsieverts/h. Voir la photo ci-dessous.

Visites à Minami-Soma et Motomiya à l’automne 2015

Sur l'écran s'affiche non pas 0,100 mais 10,0 µSv/h.  J'ai mesuré dans de nombreux endroits, mais nulle part il n'y avait une aussi forte radioactivité. Tout à côté, le chiffre tombait à 1 microsievert/h. Pourquoi à cet endroit seulement est-ce si radioactif, me suis-je étonné.

Vraiment l'accident nucléaire nous a posé des  problèmes insolubles. Certes Pradip se sentait heureux parce qu'il vit dans un pays sans énergie nucléaire, le Népal.

 

     Suite de l'épisode


    Une semaine après mon petit voyage, le 21 octobre, je suis allé à la maison de retraite de ma ville, et j'y ai joué un concert avec des instruments intéressants de diverses parties du monde. Un coup de téléphone de ma femme m'est arrivé et elle me disait ceci: «Bientôt, va venir à la maison de retraite une dame qui s'appelle Watanabe, de Fukushima, et elle veut te rencontrer." Je ne savais pas qui elle est. Bientôt elle est venue et m'a salué: «Je suis la femme du pâtissier Watanabe. Je suis venue vous remercier". Après avoir vu cette émission de télévision sur le pâtissier Watanabe, j'avais envoyé mon livre de photos "Souvenirs de la catastrophe japonaise" avec une lettre pour lui, car sur le livre on voit apparaître sa pâtisserie. Sa femme avait été très émue par le livre et ma lettre, et elle avait décidé de venir me voir à l'occasion d'une visite à son fils qui travaille dans ma ville comme  apprenti pâtissier.

   Le pâtissier Watanabe a travaillé pendant un an à Tokyo après la catastrophe, mais il s'est énervé des difficultés de la vie et a ressenti un fort désir de rouvrir sa fabrique de gâteaux à Minami-Sōma. Le couple est revenu en décembre dernier et a réussi à rouvrir celle-ci dans le quartier de Haramachi.

      Son fils a dû arrêter ses études à l'université et il apprend maintenant le métier de pâtissier, et le hasard a fait que ce soit dans ma ville de Maebashi. Il y a deux jours, il est tombé malade, sa mère est donc venue auprès de lui et a profité de l'occasion pour me rendre visite. Sa fille, lorsque l'accident nucléaire est arrivé, fréquentait l'école secondaire supérieure d'Ōkuma, où se trouve la centrale nucléaire n°1. Avec sa famille, elle a fui dans une autre ville et elle y a fréquenté une école dans laquelle elle a eu du mal à s'intégrer. Ses affaires sont restées dans son ancienne école, comme celles des élèves de l'école élémentaire d'Odaka.  

    Quand les gens n'y habitent pas, une maison se dégrade facilement. Dans la fabrique de gâteaux Watanabe à Odaka, les planchers s'étaient effondrés. Tout devient vieux. En outre les rats s'y emploient. Mme Wanatabe a dit que sans réparations à grande échelle, le bâtiment ne sera pas utilisable.

    À la télévision son mari est apparu deux fois, mais l'émission n'a couvert que la région de Kantō, de sorte qu'elle n'a pas vu ces programmes. Mais quelques personnes de Kantō sont venues acheter des gâteaux dans sa pâtisserie.

Visites à Minami-Soma et Motomiya à l’automne 2015

Lorsqu'elle a reçu mon livre et ma lettre écrite au pinceau et à l'encre de Chine, elle a été très émue et réconfortée en voyant que des gens soutenaient son entreprise.

Sa visite a été une grande joie pour moi. Envoyer mon livre et écrire une lettre est une aide minuscule, mais cette aide est nécessaire. Entre la fabrique de gâteaux et moi est né un nouveau lien humain, à savoir l'amitié,  de laquelle doit naître du bien dans notre société.

 

 

___________________

 

 

Le 3 décembre 2015

 

 Visite du site de maisons provisoires à Motomiya


    Les 2 et 3 décembre 2015 a eu lieu la fête de Zamenhof organisée par la société d'Espéranto du département de Fukushima. Je suis quasiment un membre de cette société, vivant dans le département voisin, le Gunma. Le 2 décembre, nous avons passé la nuit aux Thermes de la source chaude de Dake, et le 3, j'ai fait un peu de tourisme dans la ville de Nihonmatsu, et  l'après-midi, je suis allé à Motomiya, une ville voisine.

Visites à Minami-Soma et Motomiya à l’automne 2015

 

     Dans le cadre de mon action d'aide aux victimes de la Catastrophe, j'ai rencontré des gens que je n'aurais jamais rencontrés si la catastrophe n'avait pas eu lieu. Par l'intermédiaire d'une enseignante, dans le département de Fukushima j'ai rencontré Mme Tachibana, réfugiée en provenance de la ville de Namie proche de la centrale nucléaire n°1 de Fukushima, et qui vit maintenant dans la ville de Motomiya.

Il y a deux ans, elle a publié une brochure sur sa vie. Je l'ai eue par hasard et ensuite j'en ai acheté vingt copies pour les vendre à mes connaissances dans ma ville. Elle y décrit ainsi sa carrière:
   Je suis née en 1939, en Mandchourie, dans la Chine nord-orientale,  colonisée alors par le Japon. Je suis revenue au Japon en 1946.

Ensuite, pendant 37 ans, j'ai travaillé dans la ville de Namie comme professeur d'anglais. J'ai agi pour la paix et la démocratie en tant que syndicaliste.
   En 2000, mon travail  a pris fin.

   Le 11 mars 2011 a eu lieu la catastrophe. J'ai souffert à cause de l'accident nucléaire et j'ai déménagé pour la ville  de Motomiya.

 

Après l'accident nucléaire, elle a vécu sa vie de réfugiée ainsi:

 

Dates

Lieux de refuge

Le 11 mars 2011

Centre de repos dans la ville de Namie.

Du 12 au 14 mars

Lieu de rassemblement du quartier de Tsushima à Namie.

Le 15 mars

Gymnase de la ville de  Nihonmatsu.

Du 16 au 18 mars

Chez un de ses amis.

Du 19 mars au 5 avril

Chez sa soeur dans le département de Kanagawa.

Du 6 au 30 avril

Chez son frère dans le département de Kanagawa.

Du 1er mai au 6 mai

Hôtel dans la ville de Kōriyama.

Du 7 mai au 6 octobre

Villa d'une amie à Motomiya

Du 27 octobre 2011 au 25 juin 2012

Maison provisoire à Motomiya.

Du 25 juin 2012 jusqu'à maintenant

Autre maison provisoire plus grande dans le même quartier.

 

 

 Une vie de réfugiée très dure ! Tous les réfugiés disent qu'ils ont déménagé au moins 5 ou 6 fois d'un endroit à l'autre. Mme Tachibana nomme sa vie nomade actuelle comme étant la deuxième que le pouvoir lui a imposée. La première fois, elle a vécu une expérience semblable en Mandchourie après la fin de la Seconde Guerre mondiale, lorsque les  Japonais immigrés ont été abandonnés face aux attaques des soldats soviétiques.

Après l'accident nucléaire, la ville de Namie est devenue inhabitable, alors l'administration municipale a été transférée à Nihonmatsu et tous les habitants sont à présent dispersés dans 31 sites provisoires (voir ci-dessous) dans 11 villes du département de Fukushima. Bien sûr, en outre il y a des citadins qui ont trouvé refuge dans d'autres départements, et même à l'étranger.

 

 

Kōri                        1 site

Nihonmatsu          11 sites

Fukushima              8 sites

Motomiya             7 sites

Sōma                    1 site

Kawamata            2 sites

Minami-Sōoma     1 site

 

En tout                  31 sites

 

Visites à Minami-Soma et Motomiya à l’automne 2015

    Le site de logements provisoires, dans le quartier de Takagi de la ville de Motomiya est l'un de ces trente-et-un sites. Dans ce lotissement, on peut trouver 3 types de logements : des F1 (une chambre et une cuisine, salle de bains et toilettes, pour une personne seule), des F2 (deux chambres, etc., pour 2 personnes ) et des F3 (3 chambres, etc., pour plus de 2 personnes). Initialement vivaient là 62 familles, mais maintenant il en reste 35. Mme Tachibana réside maintenant dans une maison F3, elle a déménagé de la maison F2 lorsque des maisons F 3 ont été libérées.
( à gauche: plan du site provisoire de Takagi)

 

     Visite au domicile provisoire de madame Tochibana


    Le 3 décembre à 1 heure, madame Tochibana est venue à ma rencontre à la gare de Motomiya. Sa voiture m'a emmené à la région montagneuse, où se trouvent les installations sportives de la ville. On a construit l'ensemble des logements dans son parc. Là, des rangées de maisons sont alignées. Elle a arrêté la voiture à l'endroit prévu pour la rencontre (espéranto), et sa maison était toute proche. Je voulais en voir l'intérieur, mais elle ne m'a pas invité à y entrer. La photo du bas montre une entrée de sa maison.

Visites à Minami-Soma et Motomiya à l’automne 2015

   A côté de la salle de rencontre, stationnaient des chasse-neige. J'ai été surpris de ce qu'a dit Mme Tachibana à propos des chutes de neige ici: "En janvier il a beaucoup neigé et la couche a atteint un mètre de hauteur." Dans la ville de Namie, il ne neige presque jamais, si bien que les réfugiés ont certainement été consternés par autant de neige.

        J'avais par avance annoncé ma visite et la présentation de mon concert d'instruments du monde,  si bien que lorsque je suis arrivé à l'endroit de la rencontre, trois hommes et quatre femmes s'étaient déjà rassemblés. J'ai été étonné de voir qu'ils étaient d'âge moyen. Sont-ils sans emploi ou bien travaillent-ils de nuit ? Pendant 90 minutes, je leur ai montré mes talents et je les ai divertis, mais ils ne se sont jamais déridés, probablement en raison d'insatisfaction et de préoccupations au sujet de leurs conditions de vie.

 

       Grande colère de son ancien élève


       J'avais décidé de partir à 3h20, dans la voiture d'un ancien élève de Mme Tachibana. En attendant, j'avais un peu de temps libre, alors je me suis promené sur le terrain et lui ai demandé quelle était la mesure de la radioactivité à cet endroit, et il a montré les chiffres sur le panneau d'affichage, à côté de la salle de réunion. Les chiffres étaient d'environ 0,18 microsievert/h, donc moins que la norme maximale permise de 0,23 µSv/h. Il a dit: "On a nettoyé le terrain du lotissement, si bien que les chiffres ne sont pas très élevés, mais ... viens chez moi." Il m'a conduit à sa maison. Derrière elle, se trouvait une petite prairie entourée d'une clôture. "On n'a pas  nettoyé ce lieu, alors le chiffre est élevé". J'ai tendu mon bras avec le dosimètre au-dessus de la prairie, et le chiffre est immédiatement monté à 0,24 µSv/h.

     Il m'a ensuite conduit à un autre endroit, en dehors de la clôture, où les habitants peuvent se promener librement. J'y ai mesuré la radioactivité, et le chiffre a atteint aussitôt 0,80 µSv/h. Il m'a dit en colère : "Nous nous sommes réfugiés ici en quittant ma ville de Namie, parce que Namie était polluée par la radioactivité. Pourquoi devons-nous habiter à nouveau dans un endroit contaminé? Dans la ville de Namie, on trouve maintenant des quartiers moins contaminés qu'ici". Il a demandé à la ville de Motomiya que l'on nettoie les alentours du lotissement provisoire, mais la ville a répondu que la terre appartenait à l'Etat, si bien qu'elle ne pouvait rien faire. Il a ensuite demandé à la ville de transférer sa demande à l'Etat, mais la réponse n'est pas venue.

Le champ est dépollué, mais au-delà du champ c'est pollué.

Le champ est dépollué, mais au-delà du champ c'est pollué.

      Dans la voiture qui me conduisait à la gare, sa colère ne s'est pas calmée. "Auparavant j'avais ma petite entreprise de réparation automobile, mais ici je ne peux pas travailler. Ma vie dépend des indemnités de TEPCO, mais dans deux ans, elles ne me seront plus payées. Je devrai partir de la maison provisoire pour aller ailleurs, parce que le droit au logement va expirer dans 2-3 ans. Le gouvernement et TEPCO attendent certainement notre mort. Si nous venons à mourir, ils n'auront plus besoin de nous payer les indemnités. Ils ne se soucient pas de nos plaintes ni de nos critiques. Les gens d'ici ne nous aiment pas car ils croient, à tort, que nous recevons de grosses indemnités. Je voudrais leur dire que je leur donnerais volontiers cet argent et la maison provisoire, s'ils me donnent leur maison en échange."

 

 Ce  site de logements provisoires isolé est situé dans la montagne, comme si on l'avait mis au ban de la société. Les habitants ne peuvent pas jouir des droits garantis par la Constitution japonaise. Mme Tachibana dit ceci : "Le gouvernement et TEPCO utilisent habilement l'argent pour créer la discrimination et l'hostilité entre les réfugiés et le reste de la population. Si nous nous battons entre nous, eux peuvent être tranquilles, car plus personne ne les critiquera. Il y a des gens rusés, et dans le gouvernement, et chez TEPCO ". Il est compréhensible que Mme Tachibana et son ancien élève soient en colère contre eux. Mme Tachibana se bat contre eux, mais cet ancien élève est pessimiste quant aux résultats de son combat. Il dit: "Elle se bat en cour de justice, mais cela ne les touche pas du tout. Dans quelques années, son combat prendra fin dans l'incertitude et sans résultat".

 

Auparavant Mme Tachibana m'avait dit: "Je ne partirai pas de la maison provisoire et je verrai ce qui arrivera à la fin." Il m'a semblé qu'elle n'avait pas encore perdu sa combativité, mais elle a déjà 76 ans. La bataille en cour de justice durera longtemps. L'accident nucléaire est vraiment cruel. Tous les habitants le long de la côte de Fukushima souffrent de la catastrophe. Malgré cela, le gouvernement va approuver la remise en fonctionnement des réacteurs nucléaires au Japon, ce qui pourra engendrer de nouvelles victimes. Le Premier ministre Abe et son parti manquent vraiment d'humanité et d'amour pour les gens du peuple. La colère de Mme Tachibana c'est "le pot de terre contre le pot de fer", à  savoir les plaintes des faibles contre les puissants, mais nous, gens de bonne foi, qui avons la responsabilité des générations suivantes, nous ne pouvons pas abandonner le combat. Nous devons porter haut notre slogan "Nous n'autorisons pas la politique d'Abe."

 

 

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13 décembre 2015 7 13 /12 /décembre /2015 10:26

Texte de de HORI Yasuo des 6 et 7 octobre 2015 traduit de l'espéranto par Paul SIGNORET et Ginette MARTIN

Gare de Tatsuta

Gare de Tatsuta

Visite de la région côtière de Fukushima

 

Les 6 et 7 octobre, je me suis rendu dans la région côtière de Fukushima avec une vingtaine d'ex-enseignants, membres de la Société des enseignants retraités du département de Gunma. Tous étaient de loyaux syndicalistes, qui s'étaient battus et se battent pour la paix et les droits de l'homme, et nous avons donc voyagé ensemble très amicalement. Notre but était de soutenir les gens de Fukushima, victimes d'une quadruple infortune : le séisme, le tsunami, l'accident nucléaire et le discrédit que la pollution a jeté sur le nom de leur région.

 

La gare de Tatsuta

 

Nous sommes partis à huit heures de la ville de Maebashi, dans le département de Gunma et nous avons d'abord atteint la gare de Tatsuta, dans la ville de Naraha. Elle est pour l'heure la gare la plus au nord sur la ligne Jōban, qui relierait Tokyo à Sendai, si le séisme et le tsunami ne s'étaient pas produits. Plus au nord, il y a encore des rails mais aucun train n'y circule.

Visite de la région côtière de Fukushima

Un employé était de service à l'intérieur de la gare devant laquelle stationnait un taxi, mais aucun magasin n'était ouvert. À l'intérieur, un radiamètre indiquait 0,161 microsievert/h et à l'extérieur, un autre indiquait 0,209. Selon la loi, les lieux pollués à plus de 0,23 microsievert/h doivent être dépollués. Peut-être y avait-il alentour des endroits plus pollués.

 

Cette gare est située dans la ville de Nahara, dans laquelle les habitants peuvent maintenant revenir loger, car on a en achevé la dépollution depuis déjà le 5  septembre 2015, mais seulement 450 des 8 000 habitants sont revenus. Quatre ans déjà se sont écoulés depuis l'accident et beaucoup de gens se sont installés ailleurs. Des parents refusent que leurs enfants vivent dans un lieu radioactif. Des enfants qui, du fait de leur situation de réfugiés ont dû changer maintes fois d'école, ne veulent plus que cela se reproduise.

 

 Dans les pages du site internet de la ville, le maire a écrit ceci :

Un mois déjà s'est écoulé depuis que nous avons le droit de loger à nouveau dans notre ville, et c'est pour moi comme si une horloge arrêtée se remettait en marche. Cent cinquante familles déjà sont revenues. Çà et là s'ouvrent des chantiers de réparation de maisons. Pour des raisons de sécurité nous avons installé des caméras de surveillance dans les principales artères de la ville afin que les habitants puissent vivre tranquilles.

Dans toutes les villes sinistrées du département de Fukushima, de nombreux voleurs sont apparus. De plus, beaucoup d'hommes venus de l'extérieur y travaillent à présent, si bien que les gens, les femmes en particulier, ont peur de revenir y loger. Devant la gare est affichée une belle image de l'avenir de la cité, mais quand donc se réalisera-t-il ?

 

La gare de Tomioka

 

C'est une gare relativement grande, où arrivaient des trains rapides, or à présent il n'y a plus que des quais, car tout le reste a été détruit par le tsunami.

 

        Rien n'a changé dans le paysage qu'on voit devant la gare. Dans une maison se trouve une camionnette, que la vague du tsunami a transportée là, et le long des rues s'alignent les ruines de boutiques et d'habitations détruites. En raison de la forte radioactivité, on n'a pu les démolir. Ou bien peut-être certains ont-ils encore la volonté de revenir ici réparer leur maison ?

 

Visite de la région côtière de Fukushima

Entre la mer et les quais s'élève à présent un grand bâtiment blanc entouré de sacs de plastique noir contenant de la terre polluée. Dans cet entrepôt, on en réduit le stock par combustion ou par dessication. Le résidu sera conservé dans le dépôt.

Visite de la région côtière de Fukushima

Du rivage nous pouvons apercevoir la centrale nucléaire n°2 de Fukushima. Elle contient quatre réacteurs. Quand s'est produit le tsunami, ces réacteurs étaient, eux aussi, en situation critique, car ils avaient perdu deux de leur trois sources de courant électrique et cette unique source restée en fonction a sauvé le Japon. Si les trois sources avaient fait défaut, le Japon n'existerait plus.

Visite de la région côtière de Fukushima

Dans la centrale nucléaire n°1 se trouvent quatre réacteurs détruits et deux restés intacts, dont la compagnie TEPCO a décidé qu'ils seraient tous mis au rebut, mais elle ne promet pas le rejet des quatre réacteurs de la centrale n°2, quoique le département de Fukushima et la totalité de ses villes et villages le réclament avec force.  Il est certain que la compagnie - et le gouvernement - ont l'intention de réutiliser ces réacteurs. Ils attendent que les gens aient oublié l'accident.

 

Je  dois avouer que c'est la première fois que je voyais une centrale nucléaire au Japon. En France, j'ai vu plusieurs fois des réacteurs, car beaucoup se trouvent le long de rivières, mais chez nous toutes les centrales nucléaires sont installées au bord de la mer, car on se sert de l'eau comme refroidisseur. Cette implantation est très périlleuse pour la défense du pays. Si des ennemis veulent détruire des réacteurs, rien de plus facile. S'ils nous menacent en attaquant nos réacteurs nucléaires, nous n'aurons aucune autre possibilité que de capituler. Le Japon ne peut faire la guerre. De toutes façons, de par notre constitution nous devons éviter la guerre.

 

La ville de Namie


    Dans la ville de Namie, nous avons d'abord visité l'école élémentaire de Ukedo. Ukedo était un magnifique village de pêcheurs avec 1800 habitants, mais en raison du tsunami tout a été perdu. Cent cinquante personnes ont péri, mais heureusement, aucun élève n'est mort, car tous ont pu se réfugier sur la colline distante de 2 km.

 

 

Visite de la région côtière de Fukushima

A l'école il reste les bâtiments. La photo ci-dessus est celle de la salle de gym. Sur le podium est accrochée l'affiche "Félicitations ! Cérémonie de fin d'année ". Peut-être la cérémonie en question a-t-elle eu lieu le 11 mars 2011, ou bien devait-elle avoir lieu le 12 ?

 

Ensuite, nous avons visité la gare de Namie. Ici aussi, rien n'a changé. En face de la gare se tenaient deux petits autobus à l'usage des habitants.

Visite de la région côtière de Fukushima

Dans le kiosque de presse, il restait des liasses de journaux publiés les 11 et 12 mars 2011 qui n'avaient jamais été distribués aux abonnés. Les commerces adjacents ne tenaient plus droit en raison de la catastrophe. Magasins et maisons se dressaient comme des fantômes, mais on ne voyait d'hommes nulle part.

 

Le radiamètre affichait 0,585 microsievert/h et sur un sac plastique contenant de la terre polluée le chiffre était de 0,61. Radioactivité deux fois, trois fois plus forte que la norme. Les gens ne peuvent vivre dans un tel endroit. Comme est grande la colère des anciens habitants !

 

Habitants abandonnés de Namie


    Les habitants de Namie ont été pour ainsi dire abandonnés par le gouvernement pendant la catastrophe. Lorsque la situation de la centrale nucléaire de Fukushima n°1 est devenue dangereuse, ils ont fui vers les hauteurs du district de Tsushima dans la même ville, et ils y sont restés 3 jours, pensant que là ils étaient en sécurité. Cependant, il s'est avéré par la suite que ce district était le plus fortement radioactif de cette région. Le gouvernement connaissait ce fait grâce aux informations fournies par Speedi, un système qui peut prévoir la propagation de la radioactivité, mais il a caché la chose aux villes concernées, prétextant  que cela éviterait une panique chez les habitants. Le maire était en colère à cause de cela, et ensuite, lorsqu'il a donné des conférences dans divers endroits, il n'a pas manqué d'ajouter que les responsables de TEPCO et le gouvernement devraient aller en prison.

 

   Pour les habitants de Tsushima, c'était le deuxième abandon de la part du gouvernement. Avant la Seconde Guerre mondiale, ils avaient émigré en Mandchourie au nord-est de la Chine, à l'instigation du gouvernement, mais, à la fin de la guerre, ils ont été laissés face aux soldats des troupes russes, sans aucune aide du gouvernement ni de l'armée. Beaucoup sont morts pendant l'exode, et 380 familles survivantes issues du département de Fukushima ont emménagé dans ce district de Tsushima. Après un long labeur dans les collines sauvages, ils ont réussi à vivre en paix, mais  une nouvelle tragédie les a frappés et cette fois, non seulement le gouvernement ne les a pas aidés, mais il les a sciemment exposés à la radioactivité.

 

   Toutefois, certains habitants de Namie ont été trois fois abandonnés par le gouvernement. Quelques-uns des exilés de Mandchourie avaient émigré dans le domaine sauvage de Sanrizuka dans le département de Chiba. Lorsque leur vie a commencé à se stabiliser dans les années 60, le gouvernement a décidé d'utiliser le district pour le nouvel aéroport international de Narita. Les habitants s'y sont fortement opposés, mais en vain. Ils ont tous été expulsés de leur foyer bien-aimé. Une de ces familles rejetées est celle de M. Joshizawa, qui s'occupe maintenant de vaches radioactives dans la ville de Namie malgré l'ordre du gouvernement qui est de tuer ces vaches.

 

Autoroute et radioactivité


    Nous avons roulé le long de l'autoroute Jōban-dō qui, entre les villes de Naraha et Namie, est incluse dans le district inhabitable, ce qui signifie qu'il est fortement radioactif. Toutefois, le gouvernement l'a réouverte, car la Jōban-dō est importante pour l'économie et la reconstruction de Fukushima. Dans une aire de stationnement on trouvait les explications suivantes:

 

  - L'exposition présumée aux radiations pour les conducteurs est de 0,37 microsievert pendant un passage. C'est un cent-soixantième des rayons X reçus pendant un examen de santé.
 -  La radioactivité déposée sur un camion et sa charge lors de la traversée de ce district était si faible que nous n'avons pu la mesurer.

 

   S'il arrive un accident et qu'on doit rester longtemps dans ce district, que va-t-il arriver? Certes, ceux qui auront un  accident sont coupables. Ils doivent répondre d'eux-mêmes. Mais qu'en est-il de la police et des infirmiers d'ambulance? Ils doivent travailler puisqu'ils sont payés pour cela. Les travailleurs de la centrale peuvent être soumis à 50 microsieverts par an. 0,37 signifie que si une personne stationne là pendant une heure, elle est exposée à cette même quantité de radioactivité, donc cela n'est pas grave pour sa santé.

 

  Nous transportons la terre polluée au dépôt. Cela est essentiel pour la reconstruction de Fukushima.
   1. Nous transportons la terre polluée dans des sacs en plastique, et nous couvrons le tout avec une toile.
   2. Nous informons les chauffeurs et les ouvriers de l'importance de ce travail et du moyen de traiter la terre polluée.
   3. Nous nettoierons les camions après avoir quitté le dépôt.
   4.
Dans les parkings, nous garons les camions dans un espace isolé.   

1-Parfaitement couvert !       4 -Le parking est isolé !

1-Parfaitement couvert ! 4 -Le parking est isolé !

À la fin du voyage, nous nous sommes rendus au temple bouddhiste de Shiramizu-Amida-dō et nous avons prié pour les victimes de la catastrophe et pour le rétablissement rapide des malades.

L'article original en espéranto

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5 décembre 2015 6 05 /12 /décembre /2015 22:10

Ce nouvel article de Cécile Asanuma-Brice, publié pour la revue philosophique Raison publique est évidemment d’actualité avec les discussions de la COP 21 qui se tient à Paris jusqu’au 11 décembre.

"Théorie de l'évolution", Cécile Brice, 2015

"Théorie de l'évolution", Cécile Brice, 2015

De la vulnérabilité à la résilience, réflexions sur la protection en cas de désastre extrême

Le cas de la gestion des conséquences de l’explosion d’une centrale nucléaire à Fukushima

 

Cécile Asanuma-Brice

 

 

L’explosion de la centrale nucléaire de Tepco Dai ichi à Fukushima en mars 2011 a été l’occasion de mettre en avant de l’actualité scientifique quelques concepts longtemps négligés, dont celui de résilience. Si l’utilisation psychanalytique de cette notion, qu’il s’agisse de la résilience neuronale, affective, psychologique ou sociale, s’attache à la faculté d’un individu à surmonter un trop grand isolement momentané ou un traumatisme quelqu’en soit la nature, recouvrant par là-même une intention positive de reconstruction du moi en dépit des aléas qu’il aurait subi, elle est l’objet d’un abus épistémologique dans l’utilisation qu’en ont fait les autres domaines de la recherche. En 2013, suite à la publication du Livre blanc du ministère de l’enseignement et de la recherche japonais « Toward a robust and resilient society », les budgets de recherche se sont de nouveau orientés vers l’étude et la mise en œuvre politique de ce concept dans les domaines les plus variés.

 

Anglicisme provenant du terme resiliency, cette notion, dans le domaine des sciences est d’abord utilisée en physique des matériaux pour décrire l’élasticité d’un corps qui aurait la capacité de retrouver sa forme initiale après avoir accusé un choc. Emmy Wermer [1] [2] a introduit cette notion en psychologie, via l’identification de facteurs qui auraient aidé certains enfants à surmonter leurs traumatismes. Boris Cyrulnick a répandu ce concept en France. Les cindyniques, sciences qui traitent des catastrophes, utilisent aujourd’hui cette notion afin de déterminer des modèles qui permettraient à nos villes de résister aux périls. Reconnaissant sa vulnérabilité face aux aléas, la ville serait dans la nécessité d’adopter un caractère résilient afin de pouvoir di-gérer les multiples risques naturels ou humains [3], considérant la ville comme une entité autonome alors qu’elle n’est qu’objet produit de l’humain.

 

Dans le cas présent, soit la gestion des conséquences humaines et environnementales de l’explosion de la centrale nucléaire de Fukushima, tous les outils sont mobilisés et c’est un doux mélange des approches développées concernant la résilience psychologique, écologique, urbaine [4] et tant d’autres encore, qui sont bravées afin de suggérer l’abandon de la fuite à ceux qui obéiraient encore à leur instinct primaire d’angoisse face aux dangers.

 

La notion originelle est ainsi appauvrie de son sens premier, pour ne devenir qu’un symbole auquel l’on attribue des qualités qui ne lui appartiennent pas. Autrement dit, et cela relève de la mise en place de la pensée fasciste qui tend à se répandre comme une flambée de poudre aujourd’hui dans de nombreux pays, les chercheurs se soumettent trop fréquemment à un slogan, à une doxa, s’empêchant eux-mêmes de raisonner pour se livrer à ce que Boris Cyrulnick appelle « la pensée paresseuse » [5].

 

COMMENT ASSIGNER A DEMEURE VIA LA RESILIENCE ? EN COMMUNIQUANT SUR LE RISQUE

 

La communication sur le risque remplit un rôle important dans l’instauration, à des fins politiques, de la résilience. Car c’est bien le potentiel politique de la catastrophe qui est en jeu dans un contexte où, malgré une opposition citoyenne massive, le marché du nucléaire, qu’il soit civil ou militaire, est imposé aux populations. Comme le note Ulrich BECK dans La société du risque [6] :

Les risques générés au stade le plus avancé du développement des forces productives (….radioactivité) (…) provoquent systématiquement des dommages, souvent irréversibles, restent la plupart du temps invisibles, requièrent des interprétations causales, se situent donc seulement et exclusivement dans le domaine de la connaissance (scientifique ou plutôt anti-scientifique) qu’on a d’eux, peuvent être transformés, réduits ou augmentés, dramatisés ou banalisés par la connaissance, et se prêtent donc tout particulièrement aux processus de définition sociale. [7]

Selon Beck, la société du risque est celle de la catastrophe, soit une société où l’état d’exception menace de devenir un état normal. Ce processus est particulièrement flagrant dans la gestion de la catastrophe de Fukushima.

 

L’explosion de la centrale de Tepco à Fukushima a engendré une contamination irrégulière au sein et au-delà du département de Fukushima. Le taux de radioactivité dans l’air, comme au sol, excède par endroit 10 à 20 fois le taux de contamination internationalement admis comme acceptable pour la population civile, soit 1 mSv/an. Face à une telle situation, dès avril 2011, les autorités ont relevé les normes de protection à 20 mSv/an dans la région la plus polluée, afin de limiter la surface de la zone d’évacuation. Il est aujourd’hui question de la relever à 100 mSv/an. Cette remise en cause de la norme de sécurité a été observée dans divers domaines. Le taux d’acceptabilité maximal de la radioactivité a également varié dans le secteur de l’alimentation, passant tour à tour d’une limite de 100Bq/kg à 500Bq/Kg, pour redescendre à 300 Bq/Kg.

 

Les discours justifiant la variabilité des normes de sécurité et leur acceptabilité dépendent de la position de ceux qui les expriment, de ceux qui s’expriment « en tant que ». Ainsi, la présentation des discours met à jour une manipulation de tout ordre. Kyô Kageura, dans son ouvrage intitulé Les conditions de la confiance, les paroles de l’accident nucléaire [8], nous donne à ce titre un exemple intéressant. Après l’explosion de la centrale de Fukushima, un chercheur d’un centre de recherche atomique s’exprime ainsi : « il semblerait qu’un grand nombre de concitoyens soit inquiet de la situation et croit que l’accident serait du niveau de celui de Tchernobyl (… ) ». Or, de fait, l’Agence Internationale de l’Energie Atomique a déclaré l’accident niveau 7, donc du même niveau que celui de Tchernobyl. Ce chercheur continue ainsi :

 

« Nous qui sommes payés pour faire des recherches par les impôts des citoyens », soulignant ainsi la responsabilité qui lui incombe, « devons mettre nos savoirs à leur service afin de les rassurer ». Kyô Kageura s’interroge alors sur le rôle de la science dans de telles circonstances. Quand bien même ceux-ci sont payés par les impôts des concitoyens, leur rôle est-il de rassurer à tort ces mêmes concitoyens ?

 

Ainsi, le scientifique, le politique et le citoyen se trouvent dans une nécessité de communication à flux tendus, s’appuyant sur de nombreuses expertises qui nourrissent la controverse au sein de laquelle on distingue grossièrement les « partisans de la sécurité » (anzenha) et les autres.

 

Contrairement à leur appellation, les partisans dits « de la sécurité » ne sont pas les partisans du risque zéro, mais ceux qui prônent l’institution de normes de sécurité en fonction desquelles la protection de la population est organisée. Aujourd’hui, le débat porte essentiellement sur les risques liés à l’exposition à de faibles doses de radiation, car aucun résultat épidémiologique ne permet la fixation d’un seuil fiable en deçà duquel le risque sanitaire serait réduit à néant. La difficulté en la matière réside notamment dans la multiplicité des facteurs à prendre en compte pour le calcul de la contamination interne et externe du corps humain, permettant de déterminer le risque encouru. Néanmoins, normes et seuils sont fixés et permettent la mise en œuvre d’une politique qui tend à assigner la population à demeure, voire à l’inciter au retour à la vie dans des zones pourtant contaminées aux vues des normes internationales. Ainsi, l’individu se voit contraint d’assumer financièrement (l’Etat ne lui délivre pas de subvention pour élaborer sa protection) et physiquement (l’individu est amené à prendre la responsabilité du refuge ou de la gestion du quotidien dans un environnement sali) la responsabilité de sa protection sanitaire même s’il n’a aucune prise, aucun rôle dans le processus décisionnel qui a engendré la situation de risque dont il devient captif.

 

Afin de remédier à cela, au moins en apparence, et de continuer à faire passer le message auprès des premiers concernés tout en regagnant la confiance des citoyens en leur laissant croire que leurs recommandations sont prises en compte, une véritable stratégie de communication est adoptée, soutenue par un budget spécifique pour l’année 2014 de plus de deux millions d’euros [9].

 

Cette politique d’empowerment vise à « éduquer » aux risques sanitaires pour mieux rassurer, notamment via l’organisation d’ateliers sur la radioactivité et le cancer destinés aux élèves des classes primaires du département de Fukushima [10], par la distribution de manuels apprenant à gérer la vie dans un environnement contaminé [11] [12], ou encore par l’organisation d’évènements culturels destinés aux enfants sur l’ensemble du territoire, ventant l’efficacité de la décontamination (qui n’a toujours pas été prouvée) par la vente des produits « frais » en provenance de la zone contaminée.

 

LA RESILIENCE, UNE ARME CONTRE LA SOCIETE DU RISQUE ?

 

Avant toute chose, nous souhaiterions revenir sur l’importance qu’accorde U. Beck à différencier la société du risque de celle de la menace. Ainsi, il distingue la prise de conscience de l’existence des risques dans l’ordre culturel et politique, de leur diffusion réelle. Il met en garde contre la disparition des évidences du tangible dans la société du risque. Par exemple, cela correspond dans le cas du désastre nucléaire japonais, à l’accroissement du nombre d’enfants atteints d’un cancer de la thyroïde qui devient un phénomène rendu invisible par la mise en doute des données épidémiologiques. Il s’agit de rendre invisible le véritable danger par le déplacement de l’attention sur un autre danger. Dans le cas de la gestion d’un accident nucléaire, ce processus est mis en place par un discours spécifique, qui consiste à dire aux habitants des zones contaminées qu’ils prennent un plus grand risque à se protéger au quotidien (en mettant des masques, en réduisant leur activité et celles de leurs enfants à l’extérieur, etc.), les contraintes engendrées par cette gestion journalière étant génératrices de stress à l’origine de dépressions nerveuses… [13].

 

Ulrich Beck, quant à lui, évoque principalement la menace sociale, brandie afin de permettre la continuité d’actions productrices de risques réels. À titre d’illustration, la menace de la perte d’emploi est sans cesse mise en avant afin de permettre la continuation de productions industrielles extrêmement polluantes. Il dénonce, par là-même, la contradiction que représente la production d’emplois stables pour la lutte contre les risques écologiques. Autre exemple, la menace de la radiophobie, terme créé après Tchernobyl en 1986, soit une psychopathologie relevant « d’une peur irraisonnée du nucléaire qui (non seulement) conduirait à une opposition antinucléaire pathologique » [14], mais également à des dépressions chroniques qui seraient le risque sanitaire le plus imminent, si l’on en croit le discours des administrateurs tant nationaux (commission d’enquête sanitaire) qu’internationaux (AIEA, OMS, CIPR) du désastre nucléaire de 2011. Il est à noter que les acteurs impliqués dans la gestion de la crise nucléaire de Tchernobyl sont les mêmes que ceux du désastre nucléaire japonais.

 

Cela explique certainement la redondance des discours.

 

Selon les propos que nous avons recueillis en novembre 2013 auprès de Jacques Lochard, directeur du CEPN (Centre d’étude sur l’évaluation de la protection dans le domaine nucléaire), membre permanent du CIPR (Commission Internationale de Protection Radiologique), et instigateur du programme ETHOS, certains membres japonais de la commission d’enquête sanitaire pour la gestion du pos-Fukushima, se sont rendus à Tchernobyl dans le cadre du programme ETHOS (qui débute en 1994). C’est le cas du Dr YAMASHITA Shunichi, sinistrement célèbre pour avoir été l’un des premiers à prôner le relèvement de la norme de sécurité à 100 msv/an, ou encore le Professeur NIWA Otsura, par ailleurs membre permanent du CIPR. Le programme Ethos, fondé sur le calcul du coût-bénéfice en matière de radioprotection (cela signifie, et ça n’est pas sans poser problème, que l’on attribue une valeur économique à la vie humaine), vise à apprendre aux habitants à gérer leur quotidien dans un environnement contaminé, évaluant la migration comme trop coûteuse. Afin de mettre en œuvre la résilience, ce programme, qui place l’économie au-dessus de l’homme comme l’on poserait la charrue avant les bœufs, a également pour but de relancer l’économie des régions touchées en incitant à la consommation des produits, notamment alimentaires, en provenance des zones contaminées. Ces sollicitations se matérialisent de façon pragmatique par des méthodes particulièrement astreignantes pour les habitants. Des accords sont passés avec des chaînes de supermarché [15] présentes sur l’ensemble du territoire qui orientent leurs marchandises vers la vente d’articles provenant presqu’exclusivement des territoires touchés [16]. Instauré pour la gestion de la catastrophe nucléaire de Tchernobyl, Ethos est également présent à Fukushima.

 

Le problème d’une telle société est donc qu’elle nie ce dont elle produit l’existence, en l’occurrence le risque nucléaire ou tout autre pollution industrielle.

 

Pourtant, les démarches résilientes, comme celles appliquées par le programme ETHOS, se disent participer de l’empowerment de la population, estimant le bien-être comme une notion commensurable dont ces experts détiendraient le secret. D’où provient cette notion d’empowerment ? Par qui est-elle produite et à qui est-elle destinée ?

 

(…)

Lire la suite de l’article

 

______________________________

 

Notes

[1] Marco Stathopoulos, « Qu’est-ce que la résilience urbaine ? », dans Urbanisme n°381, nov.-déc. 2011.

[2] Emmy E. Werner et Ruth S. Smith, Vulnerable but Invincible : A Longitudinal Study of Resilient Children and Youth, Broché, 1989.

[3] G. Djament-Tran, M. Reghezza-Zitt, Résiliences urbaines Les villes face aux catastrophes, ed. Le Manuscrit, 2012.

[4] Nous avons préalablement évoqué les biais de la résilience urbaine dans : Cécile Asanuma-Brice, Beyond reality : The management of migratory flows in a nuclear catastrophe by a pro-nuclear State, Japan Focus, nov. 2014.

[5] Boris Cyrulnick, Les âmes blessées, Paris, Odile Jacob, 2014.

[6] Ulrich BECK, La société du risque, Paris, Flammarion, 2003.

[7] Ibid., p. 41.

[8] 影浦峡, 信頼の条件 : 原発事故をめぐることば, 岩波書店, 2013.

[9] 平成26年度 原子力関係経費既算要求額、第34回原子力委員会資料第6号。

[10] The 52nd Annual Meeting of Japan Society of clinical Ontology : Kids cancer seminar - Because you live in Fukushima there is a necessity of education on cancer !

[11] NHK, 10 juin 2014, un manuel apprenant à « vivre avec la radioactivité »“放射能と暮らす”ガイド est désormais distribué dans les collectivités.

[12] Cette partie de notre recherche a été développée dans le cadre du PEPS Mission interdisciplinarité du CNRS Expertise, controverse et communication entre Science et société, au sein duquel nous avons dirigé une étude sur Les controverses scientifiques face à la responsabilité civique.

[13] Voir Cécile Asanuma-Brice, Beyond reality, Japan Focus, nov. 2014 « Le Pr Hirofumi MASHIKO, neuropsychiatre au département de médecine de l’université de Fukushima, explique ainsi que le port du masque, les restrictions diverses liées à l’utilisation des cours d’écoles, des piscines, à la consommation de la nourriture, etc. seraient autant de mesures stressantes à l’origine de désordres psychiques. »

[14] Annie Thébaud – Monny, La science asservie, Paris, La Découverte, 2014.

[15] Dans le cas du Japon, M. Yasuhide CHIKAZAWA, vice président de la chaîne de supermarché Aeon et ancien directeur de DAIEI, soit les deux plus importantes chaînes de supermarchés japonaises, a participé au 3e « dialogue » Ethos qui s’est déroulé les 7 et 8 juillet 2013 dans la ville de Date.

[16] http://www.icrp.org/docs/dialogue-3E.pdf

[17] Martha Nussbaum, Capabilités. Comment créer les conditions d’un monde plus juste ?, Paris, Climats, 2012.

[18] Sen Amartya K., “Equality of what ? », in Choice, welfare, and Measurement, Oxford, Basil Blackwell, 1979.

[19] B. SIMON, The Empowerment Tradition in American Social Work, a history, New York, Columbia University Press, 1994.

[20] Barbara SALOMON, Black Empowerment : social work in oppressed community, Columbia University Press, 1976.

[21] P. Freire, Pédagogie des opprimés – conscientisation et révolution, Paris, François Maspero, 1974.

[22] Estelle Ferrarese, Vivre à la merci, Le care et les trois figures de la vulnérabilité dans les théories politiques contemporaines, Multitudes, 2009.

[23] A.-E. CALVES, « Empowerment » : généalogie d’un concept clé du discours contemporain sur le développement, Revue Tiers Monde, Armand Colin, 2009.

[24] K. F. WONG, « Empowerment as a Panacea for Poverty. Pld wine in new Bottles ? Reflections on the Wolrd’s Bank’s Conception of Power, Progress in Development Studies, n°3, 2003.], et dans celui de la résilience, d’admettre la vulnérabilité des êtres et de leur environnement, anéantissant de fait le discours du risque zéro. La vulnérabilité est une notion qui a connu un développement important ces dernières années, dans le champ de la réflexion en sciences humaines et sociales. « Elle a d’abord été employée dans une perspective normative : il y aurait une catégorie de « vulnérables » – des humains à qui nous devrions une attention spécifique et que nous négligeons habituellement : handicapés, grand âge…. Mais elle a désormais acquis un sens descriptif, celui d’une condition humaine à « reconnaître » : nous sommes tous vulnérables[[ S. LAUGIER, Tous vulnérables ? Le care, les animaux et l’environnement, Petite bibliothèque Payot, 2012.

[25] Ibid.

[26] Carole Biezener et Marie-Hélène Bacqué, L’Empowerment, une pratique émancipatrice, La Découverte, 2013.

[27] Joan TRONTO, « Particularisme et responsabilité relationnelle en morale : une autre approche de l’éthique globale » (p. 103), dans Contre l’indifférence des privilégiés, à quoi sert le care ?, Carol Gilligan, Arlie Hochschild et Joan Tronto, Payot, 2013.

[28] Ibid., p. 23

[29] Gérôme TRUC, Assumer l’humanité. Hannah Arendt : la responsabilité face à la pluralité, Editions de l’université de Bruxelles, 2010.

[30] Ibid

[31] David Bodinier, de l’Alliance citoyenne à Grenoble, cité dans Sylvia Zappi, « L’empowerment, nouvel horizon de la politique de la ville », Le Monde, 07/02/2013.

[32] 烏賀陽弘道,Business Media 誠] , ”かつて封鎖ラインで線量計をかざすと、毎時0.2~0.3マイクロシーベルトだったのを覚えている。それでも中に入ると逮捕された。今は平均毎時3.8 マイクロシーベルト、最大値は毎時17.3マイクロシーベルトを自由に通れる。このへんの政府の規制の無意味さは、あまりにバカバカしい矛盾の積み重ね で、もう笑う気すら起きない。” 22.01.2015

 

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28 novembre 2015 6 28 /11 /novembre /2015 00:46
Pour la sauvegarde de l'aide au logement : entretien avec Ken Sakamoto

Cet article a été publié en japonais et en anglais le 2 novembre 2015 sur le site Evacuate Fukushima sous le titre original «坂本健 – 福島原発事故の避難慰謝料 Ken Sakamoto – Protecting Housing Subsidies for Evacuees»

Il a été ensuite édité en français sur le site Nos voisins lointains le 6 novembre 2015

Nous en reproduisons ici une grande partie et nous vous enjoignons de le lire entièrement sur un de ces deux sites, selon la langue de votre choix.

Avec les Jeux Olympiques à l’horizon et afin de montrer au  monde que le Japon a totalement récupéré du triple désastre qui a frappé la région de Tohoku en 2011, incluant la crise en cours de Fukushima et au-delà, Sinzo Abe, les gouvernements locaux ont montré clairement aux dizaines de milliers d’évacués qu’il était temps de rentrer dans leur région d’origine. Le Japon réclame qu’une quantité appropriée de travaux de décontamination soit réalisée pour que les évacués retournent en toute sécurité  sur leurs terres contaminées. Cependant, beaucoup d’entre eux n’acceptent pas la propagande déployée par les gouvernements locaux et sont réticents à rentrer  et ce à juste titre. Afin d’accélérer le processus de retour, le gouvernement a adopté des mesures drastiques, à savoir arrêter l’aide au logement et les autres compensations, à la grande majorité d’évacués d’ici  la fin  mars 2018, les obligeant ainsi à retourner dans leur lieux d’origine.

 

Bien que très mal informé par les médias japonais, Fukushima a été témoin d’un énorme acte de résistance de la part des résidents;  de nombreux citoyens se sont organisés en groupes et associations à but non lucratif,  déterminés à lutter contre des réformes exerçant des pressions sur les évacués. Un des leaders les plus dévoués est Ken Sakamoto, que j’ai eu le privilège de rencontrer via les réseaux sociaux. Il m’a été présenté par une de mes chères amies d’Evacuate Fukushima福島の子供を守れ,Yukiko Young. M. Sakamoto est un être incroyable et se bat avec tout son cœur et son ’esprit afin de protéger la vie des enfants et des résidents de Fukushima.

 

M. Sakamoto a accepté d’être interviewé par nous et nous lui avons promis de diffuser l’entretien autant que possible, et de le partager ; espérons-le, beaucoup plus largement  que ce que les media ont fait jusqu’à présent, contre leur gré. Nous sommes tous une plateforme pour transmettre au monde les voix oubliées de Fukushima.

 

Veuillez lui apporter votre soutien et aussi aux milliers de victimes en lisant cet entretien et en le partageant largement.

Pour la sauvegarde de l'aide au logement : entretien avec Ken Sakamoto


ENTRETIEN

 

Nelson :

M. Sakamoto, merci beaucoup d’avoir pris le temps et la peine de nous parler. Vous avez effectué une grève de la faim de 13 jours afin de protester contre la décision gouvernementale d’arrêter l’aide au logement des évacués de l’accident nucléaire de Fukushima, ce qui par conséquent forcera les déplacés à retourner dans les régions contaminées avec leurs enfants.

 

Toutefois, notre première question porte sur votre santé.  Quel est votre état de santé ?

 

Sakamoto :

Tout d’abord, je vous prie de bien vouloir m’excuser pour le retard que j’ai mis avant de vous répondre.

Merci, oui, je me porte fort bien. Je vous remercie sincèrement de  votre attention.

Cette grève de la faim est une action qui n’aurait pas pu se réaliser sans l’appui moral, la coopération et l’aide des amis. Je réponds à vos questions en ayant  conscience que c’est à eux et à celles qui m’ont soutenu tout en restant invisibles, que les compliments devraient être adressés.

Habituellement, le gréviste de la faim reste au même endroit  et proteste jour et nuit. Toutefois, cette fois-ci, il n’y a  eu que 4 jours entre la prise de décision et le commencement de la grève de la faim (hormis de l’eau et du sel). C’était bien court pour préparer une grève. Ainsi, j’ai du remplir les engagements pris avant la décision de la grève dans la préfecture de Kanagawa. En parallèle, je me rendais à la préfecture de Fukushima pour y réaliser mes actions de revendication, et  apporter les voix des évacués. Bien entendu, je n’ai absorbé que de l’eau et du sel même pendant mes déplacements. Après le jeûne de 13 jours, bien que généralement la règle demande de passer le même nombre de jours pour revenir progressivement au régime alimentaire antérieur, comme j’avais des engagements, j’ai recommencé à manger normalement dès le lendemain tout en faisant attention d’absorber beaucoup d’eau, d’éviter des aliments épicés et de manger moins mais  j’ai senti, en écoutant mon corps, qu’il n’y avait pas de problème particulier et qu’il  avait besoin de nourriture. J’ai pu me rétablir rapidement, et je vis ma vie comme avant. Je suis reconnaissant à tout le monde dont l’appui moral a soutenu mon état physique.

 

Pour la sauvegarde de l'aide au logement : entretien avec Ken Sakamoto

 

Nelson :

Qu’est-ce qui vous a amené à cette lutte pour protéger les droits  des habitants de Fukushima ?

 

Sakamoto :

Jusqu’à présent, beaucoup de citoyens ainsi que les experts, ont fait remarquer l’insuffisance des  politiques. Ainsi  le gouvernement central et la préfecture de Fukushima se renvoient la responsabilité, ignorent  les nombreuses voix du  peuple tout en menant une  politique d’abandon vis à vis d’une partie de la population, quoique de manière camouflée. En effet, afin de protéger les enfants, il faut continuer leur évacuation, et pour cela, il est indispensable d’assurer leur ’hébergement. Telle est  la raison de mes actions.

 

Nelson :

Si je comprends bien, l’aide au logement pour les déplacés se termine à la fin de l’année fiscale 2016 (au mois de mars 2017) pour les zones dont la radioactivité ambiante est au-dessous de 20mSv/an, et à la fin de l’année fiscale 2017, partout où la radioactivité sera en dessous de  50mSv/an. A la fin de 2018, il n’y aura plus aucune compensation. Qu’est ce que cela signifie  pour les milliers de familles qui ont du reconstruire leur  vie ailleurs et qui devront recommencer une vie nouvelle ?

 

Sakamoto :

Votre commentaire sur la remise à zéro est tout à fait correct. A mon avis, le gouvernement central a constamment déployé des efforts pour minimiser les dommages de l’accident nucléaire tout en exerçant des pressions sur les médias. On peut presque parler ici d’un contrôle de l’information

La préfecture de Fukushima a mis en priorité la sauvegarde du gouvernement local plutôt que la santé et la vie de ses ressortissants. L’ETHOS qui avait été actif dans les coulisses à Tchernobyl est entré en scène sans tarder à Fukushima, et a recommandé de vivre avec la radiation, prétendant qu’ETHOS  était là pour protéger la santé des habitants de Fukushima.

Derrière la série des événements, on aperçoit les figures de l’AIEA, de la CIPR et de l’UNSCEAR. Toutefois, j’ai l’impression que l’éducation après-guerre a fait des Japonais un peuple docile qui suit les autorités et les média aveuglément. Même si la diffusion de l’accès à l’internet empêche le contrôle complet de l’information, le fait est que les personnes n’ayant pas accès à une ’information véridique, ne se rendent même pas compte qu’ils sont dupés. Ceux qui ne sont pas conscients de la manigance du gouvernement se laissent abuser  à cause de leur discrétion, élément  caractéristique du caractère japonais. Parmi ceux qui bénéficient de la ”Compensation” (quoi qu’insuffisante ), beaucoup ne réalisent même pas qu’ils ont été manipulés à ne pas réclamer leurs droits légitimes à cause de leur sentiment de culpabilité vis-à-vis des personnes qui elles sont privées du droit à la “Compensation”. Une partie de sinistrés ont fini par accepter leur situation comme inévitable. C’est dommage.

Toutefois, il existe également des déplacés ayant une forte conscience de leurs  droits qui s’élèvent contre cette  maltraitance injustifiable.

 

Le gouvernement central ainsi que TEPCO, les auteurs, non seulement ne reconnaissent pas leur responsabilité pénale mais ils essaient en plus de s’en tirer sans remplir la responsabilité de la “Compensation”. Cela me met  en rage. A cause de  députés parlementaires sans cœur, à cause du sabotage et de l’absence de prise de décision de la part des administrateurs, les victimes ne peuvent que vivre au  jour le jour, et dans la situation où ils se trouvent, ne voient plus que  l’option de la mort.

 

Les autorités ne jouissent pas de l’adhésion des sinistrés.

Pour la sauvegarde de l'aide au logement : entretien avec Ken Sakamoto

  

Nelson :

Quel est le consensus parmi les membres des familles concernant un tel déplacement? J’ai lu quelque part que 40% ne souhaitent pas rentrer, ce qui est compréhensible. Est ce exact ?

 

Sakamoto :

En ce qui concerne les évacués de la zone d’exclusion où l’ordre d’évacuation a été appliqué, la part de la population souhaitant retourner est d’environ 20%. Ceux qui n’arrivent pas à prendre une  décision définitive et continuent la vie de réfugié représente entre 30 et 40%. Le reste de la population, c’est-à-dire entre 40 et 50%, considère que ce n’est pas possible de rentrer, et souhaite reconstruire leur vie ailleurs rapidement. Au fur et à mesure que la période d’évacuation s’allonge, la part de la population qui considère que ce n’est pas possible de rentrer augmente.

 

Les gouvernements locaux se rendent compte de la situation, mais utilisent le budget uniquement dans l’hypothèse  du retour de la population. Je suppose que c’est inévitable puisqu’ils ne sont intéressés que par leur propre sauvegarde, mais c’est une  politique trop déséquilibrée.

Quant aux auto-évacués (ndt : ceux qui se sont déplacés dans des régions en dehors des zones d’évacuation qui avaient été décidées), la grande majorité souhaite demeurer où ils sont, et ce souhait est de la première importance pour eux. Il existe de plus en plus de personnes qui sont rentrées malgré elles pour des raisons financières ou à cause de conflits au sein de la famille. Généralement, les gens ne comprennent pas la situation des réfugiés. Aussi, il est difficile de dire combien de réfugiés comprennent pleinement la démarche d’arrêt de l’aide de “Compensation” de la préfecture de Fukushima. Dans ce sens, une audition publique est nécessaire, et la préfecture de Fukushima a la responsabilité de s’expliquer.

 

Nelson :

Les autorités locales ont l’air de croire qu’elles ont réussi à décontaminer suffisamment les régions contaminées pour y faire retourner les familles avec leurs enfants. Qu’en pensez-vous ? Y a-t-il suffisamment d’infrastructures sur place pour accueillir un si grand nombre de personnes qui vont rentrer – hôpitaux, supermarchés, écoles ?  

 

Sakamoto :

C’est le planning des bureaucrates, ils essaient de détourner  l’attention du peuple japonais de l’accident de la centrale nucléaire et de l’orienter vers les Jeux Olympiques en suscitant leur enthousiasme. C’est inévitable que la préoccupation du peuple japonais s’estompe au fil de temps. L’autocensure par les médias des informations concernant l’accident nucléaire et ses conséquences, accélère le désintérêt, et le gouvernement met les réfugiés aux abois en arrêtant ses aides et la “Compensation”.

Il semble qu’il essaie de faire disparaître les évacués le plus tôt possible, avant 2020.

 

Quant aux infrastructures, leur mise en place est retardée par le manque de main-d’œuvre dû à la préparation des Jeux Olympiques. Cela freine aussi la construction de logements publics, ce qui rend difficile la levée de l’ordre d’évacuation au mois de mars 2017. Toutefois, les travaux de décontamination, la mise en place des infrastructures pour la reconstruction, et le calendrier de retour sont étroitement liés (même s’il s’agit de la question de format ?). Ils vont donc dire que les infrastructures sont  prêtes pour le retour et ceux qui ne rentrent pas devront reconstruire leur vie avec leurs propres moyens. D’ores et déjà, les gouvernements central et de Fukushima incitent à « l’autonomisation » des évacués.

La démarche du gouvernement actuel est de créer une ambiance sociale requérant l’autonomisation des réfugiés, et de créer  une  situation dans laquelle ceux-ci n’auront  d’autres options que de retourner dans leur région  d’origine. Pour ce faire, il arrête les aides et la compensation, en se basant sur la mesure de la radioactivité ambiante comme seul critère pour lever l’ordre d’évacuation, sans faire face à la réalité de la radio-contamination.

 

Nelson:

Selon la CIRP, le public ne devrait pas être exposé à plus de 1mSv/an. Les autorités parlent-elles réellement de 50mSv/an ou moins,  comme la dose sans risque pour faire rentrer les enfants ? Quels sont les arguments fournis par les autorités locales aux évacués afin de les convaincre de rentrer– à part, bien sûr, de leur priver du  statut d’évacué et de  la” Compensation” ?

 

Sakamoto :

Malheureusement, le gouvernement central diffuse des informations erronées  en profitant de l’ignorance du peuple japonais sur la radioprotection, et le mène en  bateau en impliquant les gouvernements locaux.

 

(…)

 

Lire la suite de l’article sur le site « Nos voisins lointains »

 

 

 

Pour la sauvegarde de l'aide au logement : entretien avec Ken Sakamoto

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16 novembre 2015 1 16 /11 /novembre /2015 22:25
Comprendre les dangers réels que nous devons envisager

Yumi Gj est une Japonaise expatriée. Elle a vécu la catastrophe de Fukushima de loin mais en a tout autant été tourmentée. En lien avec la souffrance des mères de Fukushima, elle a écrit une nouvelle en japonais dont elle présente la traduction anglaise à la fin de son témoignage.

J’ai été anéantie par la catastrophe nucléaire de 2011. J’ai tout de suite entamé des recherches sur la situation et essayé de contacter des experts dans ce domaine. Je pensais que le gouvernement japonais diffusait de fausses informations sur ce qui se passait en réalité à Fukushima et aussi sur le reste du Japon. Je voulais comprendre les dangers réels que nous devions envisager.

Suite à mes recherches et aux communications sur twitter pendant les mois qui ont suivi la catastrophe, j’ai pu avoir des contacts avec de nombreuses japonaises qui se sentaient coincées : elles voulaient désespérément quitter l’endroit où elles vivaient afin de protéger leurs familles, surtout leurs enfants. C’était la même chose pour celles qui habitaient à Tokyo, la ville qui se trouve à des centaines de kilomètres de Fukushima.

J’ai mesuré la chance que j’avais de me trouver à l’étranger avec ma famille (mon mari et mon fils qui est adolescent) car en même temps, j’ai compris que le désastre nucléaire provoquait non seulement des risques physiques, mais aussi des problèmes familiaux ; un des deux parents (souvent la mère) désire évacuer ses enfants pour vivre dans un endroit plus sûr, tandis que l’autre, qui croit ce que dit le gouvernement, refuse de partir. Cela peut causer des problèmes sérieux, et détruire la famille.

J’ai parlé avec plusieurs japonaises qui devaient quitter leurs maris et finalement divorcer. Elles se sentaient seules, angoissées. Elles n’avaient personne avec qui parler de leurs peurs. Elles se sentaient menacées tout le temps par les radiations. Elles savaient bien que leurs enfants étaient dans une situation périlleuse, et pourtant elles devaient rester, car il y avait le lien familial et aussi le travail de leurs maris.

Toutes ces communications m’ont poussée à écrire une petite nouvelle, « Strawberries ». C’est l’histoire d’une femme de l’après-Fukushima qui essaie de protéger ses enfants dans une situation menaçante et en même temps cherche à renouer le lien familial.

Vous trouverez cette nouvelle en anglais dans le lien ci-dessous.

Yumi Gj (traduction française Kazumi)

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10 novembre 2015 2 10 /11 /novembre /2015 11:16
Il est temps de se résoudre à un « retrait honorable » du projet Tokyo 2020 vu la situation à Fukushima

Il faut tout annuler : L’ancien ambassadeur du Japon en Suisse, Mitsuhei Murata, a récemment suggéré que le Japon devrait se résoudre à un « retrait honorable » de son projet d’accueillir les Jeux olympiques de 2020, en raison de l’imprévisibilité de la situation à la centrale nucléaire dévastée de Fukushima n°1. (photo ci-contre : KYODO)

 

Il est temps de se résoudre à un « retrait honorable »

du projet Tokyo 2020 vu la situation à Fukushima

 

Brian VICTORIA

  

 

Article paru sous le titre original « Time has come for an ‘honorable retreat’ from Tokyo 2020 over Fukushima » le 4 novembre 2015 sur le site The Japan Times.

 

Traduction française : Odile Girard (Fukushima-is-still-news)

 

 

Lettre adressée à Toshiaki Endo, Ministre chargé des Jeux olympiques et paralympiques de Tokyo

 

Monsieur le Ministre,

 

Permettez-moi de débuter cette lettre en vous présentant mes condoléances les plus sincères. Mais pourquoi, me direz-vous ? Mes condoléances pour la mort de l’idée que des Jeux olympiques se déroulant sans incident à Tokyo en 2020 pourraient servir de vitrine au renouveau économique du Japon.

 

Jusqu’à présent, c’est exactement le contraire qui s’est produit : abandon des plans extrêmement coûteux du Stade national, cafouillage autour du logo olympique avec des accusations de plagiat et les gros titres des journaux prétendant que « les fiascos liés aux Jeux olympiques japonais indiquent un processus de décision dépassé et opaque. » Plus récemment encore, le ministre des Sports japonais, Hakubun Shimomura, a proposé de démissionner suite à l’affaire du stade olympique.

 

Parmi tous ces événements, l’accusation suggérant un « processus de décision dépassé et opaque » est peut-être la plus inquiétante, car elle sous-entend que les deux sérieux problèmes rencontrés jusqu’ici par les Jeux olympiques de 2020 sont de nature systémique, et non pas simplement des phénomènes exceptionnels. Si c’est le cas, il est probable que des problèmes similaires se reproduiront à l’avenir. Or combien de revers les Jeux olympiques de 2020 peuvent-ils affronter ?

 

Il convient peut-être dans ce contexte de se rappeler l’avertissement lancé au 13è siècle par Dogen, le maître Zen : « S’il y a la moindre différence au début, le résultat restera plus éloigné que le ciel de la terre. »

 

L’une des leçons que l’on peut tirer des paroles de Dogen est que pour comprendre l’embarras dans lequel on se trouve à tel ou tel moment, on doit réfléchir à la manière dont on en est arrivé là. Une fois qu’on a fait cela, le « début » devient clair : c’est la déclaration faite en 2013 par le Premier ministre Shinzo Abe au Comité international olympique pour affirmer que la situation à la centrale nucléaire de Fukushima N°1 était « sous contrôle ». Le Premier ministre allait ensuite déclarer à la Diète  « Les conséquences des substances radioactives dans les eaux avoisinantes sont limitées à une superficie de 0,3 kilomètres carrés dans l’enceinte du port de la centrale. »

 

Il suffit de voir les derniers articles décrivant des pluies torrentielles dans la région de Fukushima pour savoir que cette affirmation, si tant est qu’elle ait jamais été justifiée, n’a clairement plus aucun fondement. Tepco lui-même a admis : « Les 9 et 11 septembre, suite au typhon 18 (Etau), de fortes pluies ont provoqué des fuites d’eau du système de drainage dans la mer. » Ne parlons pas de la grande probabilité que des zones récemment décontaminées aient été recontaminées par les fortes pluies qui ramènent dans la plaine les particules radioactives déposées dans les montagnes environnantes. N’oublions pas non plus que nul ne sait où, ni dans quel état, se trouve exactement le combustible fondu des réacteurs 1, 2 et 3.

 

Malheureusement, le maître Zen Dogen n’a pas expliqué que faire quand on se trouve dans un endroit déjà très éloigné de la Terre, ou en l’occurrence, de la vérité. Par chance, l’ancien ambassadeur du Japon en Suisse, Mitsuhei Murata, a récemment proposé une solution éminemment raisonnable : Il est temps, dit-il,  d’organiser un « retrait honorable » du projet d’accueillir les Jeux olympiques de 2020, tant qu’il est encore possible de sélectionner et de préparer un site alternatif. 

 

Dans un article du Gekkan Nippon de septembre, M. Murata a étayé sa proposition en signalant un autre élément erroné dans la déclaration de M. Abe au CIO, à savoir « [Fukushima] n’a jamais causé et ne causera jamais de dégâts à Tokyo. » dans sa réponse, M. Murata énumère plusieurs incidents qui montrent que Tokyo a été affecté par les retombées radioactives de Fukushima, notamment la découverte le 23 mars 2011 que l’eau de la station d’épuration du district de Kanemachi à Tokyo contenait plus de 200 becquerels par litre d’iode radioactif, soit deux fois la limite stipulée pour les jeunes enfants dans la Loi sur la sécurité sanitaire des aliments.

 

Cependant, ce n’est pas le passé qui inquiétait surtout M. Murata, mais le présent et l’avenir. Il faisait ainsi remarquer le danger que continuent à poser les grandes quantités de barres de combustible usé suspendues dans les piscines de désactivation des réacteurs 1, 2 et 3. Contrairement aux barres de combustible du bâtiment réacteur 4 qui ont été retirées avec succès à la fin de 2014, les barres restantes ne peuvent être retirées des bâtiments réacteurs endommagés, en raison des taux de radioactivité élevés à proximité de ces réacteurs dont les cœurs ont tous subi une fusion.

 

La plus grande inquiétude de M. Murata vient d’un certain nombre de signes troublants d’une criticité récurrente dans l’un ou l’autre réacteur à Fukushima N°1. Il rappelle ainsi qu’en décembre 2014, la présence d’iode 131 et de tellurium 132 aurait été détectée dans la ville de Takasaki, dans la préfecture de Gunma. Étant donné la brièveté de la demi-vie de ces particules radioactives, leur présence ne pouvait pas s’expliquer par les fusions ayant eu lieu initialement à Fukushima.

 

M. Murata n’est pas contre les Jeux olympiques en soi, mais il les considère comme une excuse majeure pour éviter de faire ce qui devrait être fait immédiatement, c’est-à-dire faire appel aux plus grands esprits et aux meilleurs experts du monde entier et, avec le soutien inconditionnel du gouvernement japonais, faire tout ce qui est humainement possible pour s’assurer que la situation à Fukushima soit véritablement « sous contrôle ». Ceci contribuerait à garantir que l’Océan pacifique ne serve plus d’égout à ciel ouvert à la radioactivité émanant de Fukushima, et soulagerait également la souffrance et la détresse permanentes des résidents de Fukushima et de ses environs.

 

Comme le notait M. Murata dans la conclusion de son article, « le ciel et la terre ne vont pas tolérer longtemps les conduites immorales. » Compte tenu de tout ceci, Monsieur le Ministre, accepterez-vous de vous joindre à l’appel pour un « retrait honorable » ?

 

BRIAN VICTORIA
Kyoto

 

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4 novembre 2015 3 04 /11 /novembre /2015 16:16
Les petits bénévoles innocents qui nettoient la route radioactive

Les petits bénévoles innocents qui nettoient la route radioactive

 

Par Fonzy (5ème témoignage)

 

 La catastrophe de Fukushima a contaminé et contamine toujours, entre autres, ceux qui habitent dans les régions de Tohoku et de Kanto ; le rejet quotidien des eaux hautement radioactives dans le Pacifique, la diffusion constante de radionucléides à partir de la centrale Daiichi, les aliments qui contiennent césium, strontium ou plutonium... Oui, ici nous sommes exposés tous les jours à la radiation, et nous ne pouvons rien faire. Toutefois ce n’est pas une raison pour faire exprès de contaminer les gens, surtout les enfants !

 

  J’ai été stupéfaite quand j’ai lu l’article daté du 18 octobre 2015 qui parle du nettoyage de la route nationale 6 auquel avaient participé 1400 collégiens et lycéens de Fukushima. La route 6, qui était fermée à cause d’une forte contamination, a ouvert seulement en septembre 2014 ! Le niveau de radiation reste évidemment toujours très élevé ; par exemple plus de 0,25 microSv/h et 19 0000 Bq/m2 dans la ville de Soma située à 40 km de la centrale, selon l’article.

 

Yumiko Nishimoto, la présidente de l’Association sans but lucratif (ASBL) « Happy Road Net » qui organise ce bénévolat, dit que le nettoyage de la route 6 est l’activité que les enfants faisaient avant le séisme de 2011 et qu’il n’y a aucun danger maintenant de le reprendre. Elle désire encourager les enfants tout en faisant le nettoyage ensemble pour qu’ils puissent reconstruire leur pays natal. Elle va même plus loin en disant que nous devons soutenir les enfants de Fukushima de sorte que les radioactivités disparaissent. Ce qu’elle dit est vraiment incompréhensible. Ce n’est pas nos soutiens psychologiques qui font disparaître le césium ou le strontium.

 

Dans l’article, il y a un interview d’un lycéen qui dit : « Je participe au nettoyage, parce que je voudrais faire une petite contribution à mon pays. Je pense qu’il n’y a pas de risque. Je suis sûr que les adultes ne nous font pas travailler dans un endroit dangereux. »

 

 Voilà un des exemples qui vous montrent bien que les autorités japonaises profitent de la bonne volonté des jeunes pour convaincre les gens que Fukushima n’est plus radioactif. Je suis en colère. C’est absolument inadmissible de laisser irradier les jeunes enfants.

Les zones rouges 1-8 ont été nettoyées par les enfants

Les zones rouges 1-8 ont été nettoyées par les enfants

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31 octobre 2015 6 31 /10 /octobre /2015 07:00
Manifestations au Japon

Texte de de HORI Yasuo

du 5 octobre 2015

traduit de l'espéranto

par Ginette MARTIN

avec l'aide de Paul SIGNORET

.

(source illustration : AFP PHOTO / KAZUHIRO NOGI)

Des manifestations se déroulent en divers endroits au Japon

Tanaka Shōzō
    Le 3 octobre, des membres de la Société Esperanto dont moi-même avons visité la ville de Tatebayashi dans mon département de Gunma. Là nous avons visité le petit musée fondé à la la mémoire de la lutte des agriculteurs.

Dans les années 1890, un problème de poison s'est avéré sérieux, il venait de la mine de cuivre du département de Tochigi, voisin de notre département. Une eau toxique sortant de la mine avait pénétré dans la rivière Watarase et avait pollué les champs, occasionnant un grand dommage pour les agriculteurs. Le gouvernement a négligé leurs plaintes, parce que, en ce temps-là, le cuivre jouait un grand rôle dans l'économie japonaise comme produit d'exportation majeur.

Manifestations au Japon

Le député Tanaka Shōzō a pris la tête des agriculteurs et s'est battu. Finalement, le gouvernement n'a pas pu négliger complètement ce mouvement et a «résolu» le problème en faisant un grand lac sur le site du village de Yanaka, pour que le poison ne coule plus vers la vallée et que les inondations ne puissent plus se produire, mais dans cette affaire, les habitants de Yanaka ont perdu leur domicile en 1909. Apparemment, le problème a été résolu, mais encore maintenant on gratte la terre toxique des champs et on plante des arbres dans les monts chauves autour des anciennes usines.

Manifestations au Japon
Manifestations au Japon

Le texte est le suivant:
Si l'on ne prévoit pas que l'Etat peut disparaître, c'est la fin de l'Etat.
Si l'on tue des citoyens, c'est la mise à mort de l'Etat.
Si l'on méprise les lois, c'est l'Etat qu'on méprise.

   A la lecture de ces phrases, j'ai été très ému, car les politiciens de ce temps-là ressemblent beaucoup à l'actuel Premier ministre Abe. Nous sommes dans la même situation que Tanaka et les agriculteurs.

Abe a approuvé avec beaucoup de légèreté la remise en fonctionnement des centrales nucléaires qui pourront causer la mort de l'Etat. Il a approuvé les lois permettant aux compagnies de faire travailler des travailleurs à très bas salaire selon leur bon plaisir. Il prévoit d'augmenter l'impôt sur la consommation et de détériorer la vie de la population. Il a ignoré la constitution japonaise et approuvé la "législation militaire", qui va mettre en péril la vie des Japonais. Depuis l'époque de Tanaka Shōzō, la politique japonaise continue de servir les capitalistes et opprime toujours la vie des populations.

     Abe maintenant dirige le Japon comme un dictateur et apparemment il est très fort, mais dans tout le pays les mécontentements et les colères explosent, ce qui donne lieu à des manifestations et luttes d'opposition.

 

Manifestations contre la nouvelle base militaire d'Okinawa
   L'île d'Okinawa est située dans la mer du sud, loin de l'île de Kyūshū.  Avant l'année 1609, lorsque le fief de Satsuma (l'actuel département de Kagoshima) s'est agrandi en envahissant l'île, celle-ci était le royaume indépendant de Ryūkyū.

 

À la fin de la Seconde Guerre mondiale, le gouvernement sacrifia Okinawa  afin de prolonger le régime impérial. Une cruelle bataille a eu lieu dans cette petite île entre les armées japonaises et américaines, impliquant les habitants. Le nombre de morts a été celui-ci:

 

Soldats japonais ne venant pas d'Okinawa     65 908

Habitants d'Okinawa                                      122 228

Soldats des Etats-Unis                                   14 006

Manifestations au Japon

Après la guerre, Okinawa a été occupée par les États-Unis jusqu'en 1972. Elle était elle-même une importante base militaire des États-Unis pour les guerres en Corée et au Vietnam. Plus tard, elle a été redonnée au Japon, mais elle continue d'abriter des bases militaires américaines. C'est une très petite île, occupant seulement 0,6% de la superficie totale du Japon, mais elle contient 73,8% des bases militaires américaines se trouvant sur le sol nippon. Les États-Unis sont comme un occupant d'Okinawa, il s'ensuit de terribles accidents et  crimes.

Manifestations au Japon

    Au milieu de la ville de Ginowan se trouve la base militaire de Futenma, qui est très dangereuse, car beaucoup de gens vivent alentour.  Le gouvernement qui va fermer cette base dangereuse, a commencé à en construire une nouvelle sur le rivage de Henoko et il affirme que remplacer celle de Futenma par celle d'Henoko est le seul moyen de protéger la vie des habitants. Toutefois, en fait, celle qui va être construite sera complètement nouvelle, équipée d'installations les plus modernes. Si elle est construite, Okinawa deviendra pour l'éternité une base militaire des États-Unis. 

    Les habitants d'Okinawa ne veulent plus être dans cette situation misérable. La plupart d'entre eux n'acceptent pas le plan du gouvernement. Au cours de la dernière élection générale, tous les candidats du Parti libéral-démocrate d'Okinawa, qui soutiennent le plan et Abe, ont été battus, et l'actuel préfet Onaga, qui s'oppose fortement au projet du gouvernement, a été élu. Il déclare qu'il fera tout pour le faire échouer. Le 21 septembre, lors de la réunion du Comité des droits de l'Homme des Nations Unies, il a dit : "Comment un pays qui ne peut pas garantir la liberté, l'égalité et la démocratie à son propre peuple, peut-il agir en concertation avec les pays démocratiques dans le monde?"

    Les habitants d'Okinawa le soutiennent, et beaucoup de gens dans d'autres départements soutiennent la lutte des Okinawaïens. Des manifestations ont lieu devant le Parlement à Tokyo et à Okinawa. Je suis sûr qu'Onaga et Okinawa vont gagner.

 

Manifestations contre la remise en route de la centrale nucléaire de Sendai
      Le réacteur n°1 de la centrale nucléaire de Sendai dans l'île de Kyūshū au sud, déjà vieux de 32 ans et le plus dangereux selon un chercheur, a été remis en fonctionnement par la compagnie Kyūshū. Au Japon, depuis septembre 2013, aucun réacteur ne fonctionnait, puis, au bout de 2 ans et demi, les Japonais ont eu à nouveau de l'électricité produite par le nucléaire.

Après l'accident nucléaire de Fukushima en 2011, le nouveau comité qui s'appelle Autorité de Régulation Nucléaire a été fondé pour examiner plus sévèrement les réacteurs. Ce comité a constaté que le réacteur n°1 de Sendai répondait à la nouvelle norme, mais son président n'a jamais dit qu'il n'offrait aucun risque. Le Premier ministre Abe a  détourné de son sens le résultat de l'examen du comité et a déclaré: "Le comité a constaté que le réacteur de Sendai est sûr selon la norme la plus stricte dans le monde, de sorte que le gouvernement approuve sa remise en fonctionnement".

Cependant, la norme n'est pas la plus sévère, ni ce réacteur tout à fait sûr. Diverses personnes expliquent de différentes façons les dangers du réacteur. En voilà les deux principaux :

   1. Possibles  éruptions très importantes sur l'île de Kyūshū
    La plupart des sismologues et vulcanologues avertissent d'une possibilité d'énorme éruption aux alentours du réacteur, et tous disent qu'il est impossible d'en prévoir la survenue, mais la compagnie d'électricité répète que c'est possible et qu'au moment venu elle transportera les matériaux nucléaires quelque part.

 

    2. Les plans d'évacuation ne sont pas suffisants
    L'Autorité de Régulation Nucléaire n'examine pas les  plans d'évacuation. Les villes et villages en sont responsables. Autour de la centrale vivent beaucoup de gens, de sorte qu'il sera très difficile pour tous les habitants d'être évacués rapidement sans problèmes.
    Le gouvernement et les compagnies électriques, profitant de la remise en route du réacteur de Sendai, désirent accélérer celle d'autres réacteurs. Maintenant, plus de 60% de la population s'oppose à cette politique du gouvernement, alors des manifestations  ont lieu à divers endroits.

Manifestations au Japon

Eruption du mont Aso le 14 septembre 2015

Actuellement les volcans japonais sont très actifs. Dans l'île de  Kuchinoerabu-jima près de l'île de Kyūshū, en raison de l'éruption les habitants se sont réfugiés ailleurs. Dans Kyūshū, le mont Sakurajima entre en éruption presque tous les jours et, dernièrement, le mont Aso dans la même île a fait de même. Sur l'île principale de Honshū, nous entendons aussi parler de nouvelles éruptions. Maintenant les volcans japonais nous avertissent des dangers des centrales nucléaires, mais le gouvernement n'a pas d'oreilles pour entendre. Vraiment "si nous ne prévoyons pas l'éventualité d'une disparition de l'Etat, c'est la fin de l'Etat".

Manifestations au Japon

Les Jeux Olympiques en 2020 vont-ils être une réussite?
    Le Japon a réussi à obtenir que les Jeux Olympiques de 2020 aient lieu à Tokyo . L'argument décisif de la réussite a été un mensonge du Premier ministre Abe. A cette époque, de nombreux membres du comité olympique CIO craignaient que Tokyo ne soit toujours pas un lieu sûr en raison de l'accident nucléaire de Fukushima. Pour balayer cette crainte, Abe a menti en disant que l'accident nucléaire était sous contrôle. Pourtant, même maintenant sortent chaque jour des réacteurs de Fukushima des substances radioactives qui se mélangent à l'air et de l'eau contaminée qui se jette dans la mer. Nous ne savons toujours pas dans quel état est le combustible nucléaire dans les enceintes des réacteurs. Beaucoup d'habitants de Fukushima ont dû être évacués dans des endroits étrangers et ils sont sans espoir de revenir à leur domicile et à leur ancienne vie.

   Après le mensonge d'Abe, s'est posé le problème du stade olympique. Le comité avait choisi le projet d'une femme, l'architecte Zaha HADID (photo), mais par la suite, il s'est avéré que le coût serait de 250 milliards de yens (environ 2 milliards d'euros). Beaucoup de gens se sont mis en colère, parce que les stades des Jeux Olympiques précédents avaient coûté moins cher :

 

2008 Pékin                  52, 5 milliards de yens

2012 Londres               58,3 milliards de yens

2016 Rio                      44 milliards de yens

 

2020 Tokyo           250 milliards de yens

 

    La colère des gens était si grande, qu'Abe a eu peur qu'elle ne se retourne contre lui et qu'elle ne prenne ensuite pour cible la législation militaire proposée. Il a déclaré soudain qu'il allait reconsidérer le plan, et le gouvernement a décidé de construire le stade avec un coût de 155 milliards de yens. Récemment, il a promis au président du CIO que le nouveau stade serait prêt en janvier 2020, trois mois avant la date prévue sur le plan. Est-ce que les Japonais approuveront ce plan encore très onéreux? Est-ce que le stade sera construit dans les délais promis par Abe?

Manifestations au Japon

Ensuite est arrivé le problème de l'emblème. Pour les Jeux Olympiques, on a besoin d'un logo. Le comité a choisi un logo conçu par M. Sano Kenjirō (Photo), mais ensuite on a trouvé un dessin similaire sur Internet. Le problème englobait d'autres problèmes et finalement le comité a décidé qu'il allait choisir un nouveau logo.

 

Les Jeux Olympiques de Tokyo ont commencé avec le mensonge d'Abe. Rien de bon ni d'idéal ne peut naître d'un mensonge. Lorsque le Japon a réussi à obtenir l'organisation des Jeux, beaucoup ont accueilli la nouvelle avec enthousiasme et ont applaudi Abe, mais un tel enthousiasme a aujourd'hui disparu. Au contraire, à cause de la construction à Tokyo, la main-d'oeuvre fait défaut et les matériaux renchérissent, donc la reconstruction des villes endommagées par la catastrophe de 2011 est maintenant difficile. Le thème principal des Jeux Olympiques de Tokyo était "Jeux Olympiques pour la reconstruction,", mais maintenant nous constatons que ce slogan est aussi un mensonge.

 

   Le Premier ministre Abe est assiégé de divers problèmes: introduction d'un impôt de 10% à la consommation, TPP (Traité du Trans-Pacifique) entre les pays sur le pourtour de l'océan Pacifique qui peut détruire l'agriculture japonaise, réductions des versements des assurances aux personnes âgées, etc. Réussira-t-il à résoudre ces problèmes? Je désire vraiment sa défaite.

 

Manifestations au Japon (2) en espéranto

Manifestations au Japon (1) en français

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26 octobre 2015 1 26 /10 /octobre /2015 17:14
Le Japon et les centrales nucléaires

Raphaël Hauptmann, lecteur tokyoïte du blog de Fukushima, nous fait part d’informations sur le nucléaire, en particulier de la sortie récente d’un documentaire réalisé par Hiroyuki Kawai, juriste militant pour la fermeture de toutes les centrales nucléaires du Japon.

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Centrale de Takahama, fermée en 2015 (source : AFP / Kazuhiro Nogi)

 

Selon une étude menée par l’équipe d’épidémiologistes de l’université d’Okayama dont les résultats ont été rendus publics début octobre, quatre ans après les fuites radioactives de la centrale de Fukushima, le taux d’apparition de cancers de la thyroïde chez les enfants du département de Fukushima est 50 fois plus élevé que la moyenne nationale.

 

Le lendemain du tsunami du 11 mars, les autorités décident l’évacuation dans un rayon de 10 km autour de la centrale. Les recherches de survivants dans la zone sont suspendues à ce moment, empêchant de sauver des dizaines de vies humaines.

 

Les équipes de la centrale de Fukushima ont été proches de l’abandon complet de la centrale. Le premier ministre de l’époque, M. Kan, était personnellement intervenu pour demander aux équipes d’éviter le scénario catastrophe qui aurait provoqué la chute du pays.

 

Le scénario catastrophe est une explosion de la totalité des réacteurs de Fukushima s’ils sont laissés à l’abandon, et une contamination radioactive entraînant la nécessité d’évacuation dans un périmètre de 250 km autour de la centrale, ce qui représente une population de 60 millions de personnes à évacuer, incluant la ville de Tokyo.

 

Prévision de l’évacuation de Tokyo en 2011 par le gouvernement japonais (source : Asahi Shimbun : http://ajw.asahi.com/article/0311disaster/fukushima/AJ201201070039)

Prévision de l’évacuation de Tokyo en 2011 par le gouvernement japonais (source : Asahi Shimbun : http://ajw.asahi.com/article/0311disaster/fukushima/AJ201201070039)

Au Japon, une association de 300 avocats lutte pour l’arrêt des centrales nucleaires sur tout le territoire japonais. Leur leader, M. Hiroyuki Kawai, a mené cette lutte pendant 30 ans. Leur argument : la sécurité des centrales n’est pas assurée, en considérant les risques de tremblements de terre, d’éruptions volcaniques, et la menace terroriste ou militaire. Ils ne bénéficient que d’une très faible exposition médiatique malgré la validité de leurs arguments et leur engagement altruiste, et utilisent Twitter, internet et séances de projection régionales comme vecteurs d’information. Les médias traditionnels japonais sont aujourd’hui fortement contrôlés par le gouvernement en place, la principale chaîne de télévision d’information NHK est sous la direction d’un proche du parti du premier ministre Abe. Les présentateurs trop critiques de la politique du gouvernement sont écartés sans bruits des plateaux de télévision.

 

Des rumeurs circulent sur la volonté des groupes d’extrême droite et de la droite militariste, avec à sa tête M. Abe, de maintenir la production d’énergie nucléaire pour faciliter un armement nucléaire dans le futur. Le gouvernement est en train de faire sortir de force le pays de la voie pacifique empruntée depuis l’Après Guerre et pourrait dans un futur proche renier les principes anti-bombe atomique hérités de Nagasaki et Hiroshima.

 

M. Kawai a réalisé un film documentaire, Nihon to Genpatsu (le Japon et les centrales nucléaires), diffusé du 10 octobre au 30 octobre 2015 dans une salle de cinéma du quartier de Shibuya à Tokyo. Ce malgré la qualité du documentaire qui mériterait une diffusion nationale et d’être vu par tous, apportant une vision claire des évènements de Fukushima et du fonctionnement du village nucléaire Japonais, qui a ses ramifications dans 60% des organes et administrations du pays et achète le silence des collectivités locales via des subventions.

 

Ayant expérimenté au Japon en 2011 la terreur liée aux radiations de Fukushima, je souhaite la fermeture des centrales nucléaires mondialement, pour tirer un trait sur le cauchemard éveillé qu’est le nucléaire, et faire progresser notre société. C’est notre mission d’éviter les catastrophes qui peuvent menacer l’espèce humaine d’extinction.

 

 

Le 14 avril 2015, un jugement de tribunal est rendu et donne victoire à Kawai-sensei pour la fermeture de la centrale nucléaire de Takahama, qui permet de protéger du risque nucléaire la région du lac Biwa, de Kyoto et Nara. C’est la première fois dans l’histoire du Japon qu’une centrale est arrêtée par décision juridique.

 

M. Kawai n’a pas peur et poursuit son combat de toutes ses forces, parce que sa lutte est juste. Il sait que la résistance de ses ennemis est un combat perdu d’avance et son objectif actuel est de retarder la remise en route des centrales japonaises jusqu’au moment où le transfert vers les energies renouvelables sera devenu une évidence. L’ancien premier ministre Koizumi est engagé à ses côtés pour la sortie du nucléaire et le transfert vers les énergies renouvelables.

 

Tokyo, Octobre 2015

Raphaël Hauptmann

 

Le Japon et les centrales nucléaires

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En savoir plus

Hiroyuki Kawai est né en 1944 dans l'ancienne colonie japonaise de la Mandchourie au nord-est de la Chine. Après des études à l’Université de Tokyo, il a commencé à pratiquer le droit en 1970 comme avocat. Aujourd'hui, il est président de Sakura Kyodo Law Offices à Tokyo. Après l'accident nucléaire de Tchernobyl, M. Kawai fit connaissance avec Jinzaburo Takagi, qui est l'un des fondateurs du Centre d'information citoyen sur le nucléaire (CNIC), et a acquis la conviction que les centrales nucléaires sont le plus grand destructeur de l'environnement. En coopération avec un ami avocat Yuichi Kaido, expert de premier plan dans les poursuites contre les centrales nucléaires, M. Kawai a commencé à se battre pour fermer les centrales nucléaires par les tribunaux en s’impliquant personnellement dans des poursuites contre la centrale nucléaire d’Hamaoka dans la préfecture de Shizuoka et contre le projet de la centrale nucléaire d’Ohma dans la préfecture d'Aomori.
Après le 11 mars 2011, M. Kawai est devenu encore plus actif dans les activités anti-nucléaires. Persuadé que le Japon doit s’orienter vers une société indépendante de la production d'énergie nucléaire, il a créé le Réseau national des conseillers juridiques dans les affaires contre les centrales nucléaires, qui a intenté des poursuites contre presque toutes les centrales nucléaires au Japon. Il conduit également le groupe de conseil pour les actionnaires de Tokyo Electric Power Company (TEPCO), qui réclament réparation de 5500 milliards de yens, la plus grande demande d'indemnisation dans l'histoire japonaise. Il est également l’avocat représentant un groupe de 14 716 plaignants qui poursuit en pénal les présumés contrevenants, dont les dirigeants de TEPCO, concernant la catastrophe nucléaire de Fukushima et les dommages qui en résultent.

Son adversaire actuel est le village nucléaire japonais. Il le définit comme une structure informelle gigantesque à but lucratif occupant 60% à 70% de l'économie japonaise, qui comprend non seulement les compagnies d'électricité, mais aussi des entreprises générales de construction, des banques, des entreprises commerciales, des fabricants, des entreprises de communication de masse, des chercheurs et des politiciens. (source : CNIC)

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Raphaël Hauptmann, Français expatrié de 36 ans, vit au Japon depuis novembre 2007 et travaille dans des filiales de groupes industriels. Il souhaite contribuer au débat libre sur le sujet du nucléaire et apporter un point de vue local sur la perception de la situation au Japon.

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19 octobre 2015 1 19 /10 /octobre /2015 13:26
Fukushima, bilan d’une situation sanitaire inquiétante

Avec ce nouvel article, la chercheuse Cécile Asanuma-Brice fait le point sur la dernière enquête épidémiologique concernant l’exposition à de faibles doses de radioactivité et sur les recherches médicales menées à Fukushima après l’explosion de la centrale en mars 2011. Sans surprise – ce n'est la première étude sur le sujet – il est confirmé que les faibles doses de radioactivité augmentent le risque de mort par leucémie. On apprend également qu'une étude scientifique japonaise confirme un taux des cancers de la thyroïde de 20 à 50 fois plus élevé à Fukushima que dans le reste du pays. Par ailleurs, l'article indique 64 décès d'ouvriers ayant travaillé à la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi depuis 2011, alors que Tepco n’en dénombre que 14 officiellement. Malgré les évidences, les autorités et l'opérateur continuent de nier les effets sanitaires désastreux de la catastrophe de Fukushima et de l'utilisation de l'énergie nucléaire en général.

PF

 

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Fukushima, bilan d’une situation sanitaire inquiétante

 

Cécile Asanuma-Brice

 

 

Source : http://blogs.mediapart.fr/blog/cecile-asanuma-brice/191015/fukushima-bilan-d-une-situation-sanitaire-inquietante

 

 

Tant est grand l’irrationnel en cet affaire et par-delà les contradictions qui dépassent l’entendement, simultanément à l’annonce des résultats du groupe de recherche INWORKS (Ionising radiation and risk of death from leukemia and lymphoma in radiation-monitored workers) selon lesquels le risque de mortalité par leucémie ou myélome multiple des travailleurs de centrales nucléaires après exposition à des faibles doses est désormais avéré [1], le gouvernement japonais, avec l’aval de l’AIEA [2], a relevé les doses acceptables pour les travailleurs du nucléaire de 100msv/an à 250 msv/an en cas d’urgence [3].


Pour rappel, cette même norme qui était à 20 mSv/an avant l’explosion de la centrale de Tepco - Fukushima Dai ichi a été réhaussée à 100 mSv/an après l’accident (pour les travailleurs du nucléaire) et à 20 mSv/an pour la population civile. Suite au réhaussement de la norme, lors du seul mois d’août 2015, on compte trois décès parmi les travailleurs de la centrale nucléaire de Fukushima Dai ichi, ce qui porte à 64, selon les chiffres officiels [4], le nombre de travailleurs décédés des conséquences de leur travail.

 

Devant la vivacité des prises de position concernant les conséquences sanitaires du nucléaire, nous avons jugé nécessaire de refaire un bref bilan sur le sujet, afin de poser une question des plus candides : le nucléaire est-il dangereux pour l’homme ? Où en sont les enquêtes épidémiologiques sur le sujet ? Qu’avons-nous appris des diverses recherches médicales menées à Fukushima après l’explosion de la centrale en mars 2011 ?

 

 

Les effets épidémiologiques du nucléaire : Even INWORKS [5] doesn’t work…

 

Cette étude, menée par 13 chercheurs en épidémiologie provenant tous de laboratoires distincts, a été rendue publique en juin 2015. Son financement provient du centre de prévention et contrôle des maladies, du Ministère de la santé, du travail et du bien-être du Japon, de l’Institut de Radioprotection et de Sûreté nucléaire (IRSN), d’AREVA, d’électricité de France, de l’institut national pour la sécurité et la santé (USA), du département de l’énergie américain, du service sanitaire et humanitaire des Etats-Unis, de l’université de Caroline du Nord, du ministère de la santé publique anglais. Les financements de cette recherche relèvent donc principalement d’acteurs impliqués directement dans les intérêts du microcosme nucléaire. Néanmoins, les auteurs de cette recherche précisent que les financeurs ne sont à aucun moment intervenus dans la recherche ou dans la rédaction du rapport, leur rôle s’étant limité à l’autorisation d'accès aux données. Cette étude a consisté à suivre non moins de 308 297 travailleurs employés dans un équipement nucléaire depuis au moins un an, pour la France : par la Commission d’Energie Atomique (CEA), AREVA Nuclear Cycle, ou l’entreprise nationale d’électricité (EDF) ; les départements de l’énergie et de la défense pour les USA ; et pour l’Angleterre, les employés de l’industrie nucléaire inscrits au registre national des travailleurs de la radioactivité [6]. La méthode utilisée pour suivre l’état de santé des travailleurs a été la régression de Poisson, ou modèle linéaire de fonctions logarithmiques, qui permet de quantifier les associations entre la dose absorbée par la moelle épinière, et le taux de mortalité par leucémie, lymphoma (tumeurs qui se développent sur les cellules lymphatiques) ou myélome multiple. Jusqu’à présent les données dont nous disposions provenaient essentiellement de la radiothérapie. On avait par exemple démontré que l’exposition annuelle à des doses de radiations ionisantes était passée de 0,5 mGy par personne en 1982 à 3,0 mGy par personne en 2006 aux Etats-Unis. Ce phénomène a été observé dans la plupart des pays à revenus élevés. D’autres données avaient été accumulées via le suivi épidémiologique des survivants des deux bombes atomiques larguées par les Etats-Unis à Hiroshima et Nagasaki en août 1945. Leur analyse a permis de démontrer le lien de cause à effet entre l’exposition à des radiations ionisantes et le développement de leucémie. Mais ces résultats ne concernaient que l’exposition à des niveaux élevés de radiation. Les auteurs n’évoquent pas les bases de données effectuées et analysées après Tchernobyl. L’étude menée par l’équipe de chercheurs de INWORKS quant à elle, prouve la corrélation entre le risque de mort par leucémie et l’exposition à de faibles doses de radiation, via un suivi des individus concernés sur une période de 60 ans.

 

Risque relatif de leucémie – à l'exclusion de la leucémie lymphoïde chronique – associée à 2 ans de dose cumulée pour la moelle osseuse rouge (source : http://www.thelancet.com/journals/lanhae/article/PIIS2352-3026%2815%2900094-0/fulltext)

Risque relatif de leucémie – à l'exclusion de la leucémie lymphoïde chronique – associée à 2 ans de dose cumulée pour la moelle osseuse rouge (source : http://www.thelancet.com/journals/lanhae/article/PIIS2352-3026%2815%2900094-0/fulltext)

La raison au service du devoir de soumission

 

Mais puisque rien n’arrête ceux qui vont se servir à la boucherie ALARA (As Low As Reasonably Achievable – aussi bas que raisonnablement possible) [7], c’est moins d’évidences épidémiologiques que de « raison » dont nos vies dépendraient. Ainsi, la démagogie en la matière aurait depuis peu remplacé le terme de victime par celui de « personnes affectées » dans ses documents. Ce changement de terminologie, notamment dans les rapports de l’ICRP [8] n’est pas sans conséquence car l’affect, est, en psychologie, ce qui est opposé à l’intellect, et en cela, induirait des comportements qui ne seraient pas rationnellement fondés. En psychologie, l’affectivité est opposée à la cognition, soit aux capacités d’un raisonnement rationnel bien que cette approche dichotomique tende à se nuancer au cours du temps. En outre, l’utilisation du terme d’affect ici renvoie au discours d’une peur irrationnelle d’un danger mal connu (le nucléaire) qui serait à l’origine d’une radio-phobie. Récemment, l’ICRP s’accorde à dire que ce terme de « radio-phobie » dont elle était l’auteur, est déplacé. Il serait, selon leur nouveau discours, normal que les personnes aient peur car elles seraient dans la méconnaissance. Il s’agirait donc de mettre en place un système d’éducation afin de remédier à l’ignorance régnante. Cette logique est néanmoins en contradiction avec celle développée par les mêmes personnes pour appliquer le principe ALARA, soit : « nous ne savons pas, scientifiquement, quels effets sanitaires ont les faibles niveaux de radioactivité, donc on ne peut que faire avec sur place ». Le tout sera donc de trouver la voie pour enseigner ce que l’on ne sait pas… Cela en dit long sur le poids donné à la simple communication en la matière. Par ailleurs, l’étude Inworks a désormais démontré les conséquences sanitaires concrètes des faibles doses. Ainsi, on peut se demander si la communication mise en place par l’ICRP ne relève pas de l’endoctrinement publicitaire plus que de l’information scientifiquement fondée.

 

 « Faire aussi bas que raisonnablement possible » (ALARA) signifie également, selon Jacques Lochard, que « Le droit au refuge ne peut être une des règles de la radio-protection. Nous devons accepter la situation et faire avec. » [9]. Deborah Oughton (CERAD) complète ces termes prononcés lors du symposium sur l’éthique en radio-protection par « nous devons éduquer les gens aux risques, afin de rendre ce risque plus acceptable ». Le tout est de savoir par qui ce risque devrait être accepté et pourquoi. Ces quelques extraits d’intervention choisis parmi d’autres, nous ont amené à nous interroger sur ce qui est très certainement l’une des préoccupations majeures de nos sociétés aujourd’hui, soit le fait que ceux qui effectuent la prise de risque sont rarement ceux qui reçoivent les bénéfices de cette prise de risque. En cela la situation devient inacceptable pour ceux qui en sont victimes. Cela se reflète concrètement par la détérioration de leur état psychologique et se traduit par un taux de suicide qui augmente de façon exponentielle.

 

 

Les effets psychologiques du nucléaire : un retour impossible

 

Nous avions établi un premier bilan en décembre 2014 du nombre de victimes de cette gestion aussi désastreuse que le désastre lui-même, comptabilisant 1170 décès relatifs à l’explosion de la centrale nucléaire de Tepco [10]. Les résultats d’une enquête récente menée auprès de 16 000 personnes réfugiées par l’équipe du professeur Takuya TSUJIUCHI, directeur de l’institut d’anthropologie médicale sur la reconstruction des désastres de l’université de Waseda [11], montre que plus de 40% d’entre elles sont atteintes de troubles de stress post-traumatique (PTSD). Le professeur Tsujiuchi, interviewé par la NHK le 27 mai 2015, précise que contraindre ces personnes au retour à la vie sur le lieu générateur du désordre psychologique alors même que cet environnement reste instable en raison du taux de contamination et de l’état de la centrale nucléaire en déliquescence, aurait des conséquences dramatiques. Celui-ci précise qu’à la différence des résultats des tests post-traumatiques effectués après des tremblements de terre, il ressort de cette enquête que les victimes ne sont pas confrontées à un simple stress dans la gestion de leur vie quotidienne, mais ressentent une véritable angoisse de mort face à la menace nucléaire. Selon le professeur Tsujiuchi : « aujourd’hui on fait comme si la catastrophe avait pris fin, alors que ça n’est pas le cas. On coupe l’aide au logement, puis, l’indemnité pour préjudice nerveux, puis les compensations financières pour perte de bien… il n’y aura bientôt plus d’aides au refuge. La situation est très dangereuse. »

 

Carte de la Préfecture de Fukushima et des aires de dépistage de nodules thyroïdiens de 2011 à 2013 (source : http://www.ourplanet-tv.org/files/Thyroid_Cancer_Detection_by_Ultrasound_Among.99115.pdf)

Carte de la Préfecture de Fukushima et des aires de dépistage de nodules thyroïdiens de 2011 à 2013 (source : http://www.ourplanet-tv.org/files/Thyroid_Cancer_Detection_by_Ultrasound_Among.99115.pdf)

Les enquêtes épidémiologiques à Fukushima : Il est toujours trop tôt à moins qu’il ne soit déjà trop tard…

 

Le 8 octobre 2015, lors d’une conférence de presse à Tôkyô au club des correspondants étrangers du Japon, le Professeur Toshihide TSUDA, épidémiologiste de l’université d’Okayama, spécialiste des retombées sanitaires des pollutions environnementales, exprime son désarroi quant à la manière dont les enquêtes épidémiologiques sont actuellement menées à Fukushima. L’université médicale de Fukushima ainsi que la Préfecture elle-même, deux acteurs à la tête des investigations menées depuis 2011, estiment encore aujourd’hui, qu’il est trop tôt pour tirer des conséquences sérieuses des résultats obtenus.

 

Quels sont ces résultats ?

 

Le professeur Tsuda et son équipe ont repris la totalité des données rassemblées d’octobre 2011 jusqu’en juin 2015. Soit, l’échographie de la thyroïde d’un échantillon de 370 000 personnes âgées de moins de 18 ans au moment des faits. Ils ont mené une étude comparative prenant en compte la moyenne connue de développement de cancer de la thyroïde sur l’ensemble du Japon par classe d’âge par année afin de quantifier le rapport de causes à effets entre la pollution engendrée par les isotopes qui se sont répandus dans l’atmosphère après l’explosion de la centrale et l’accroissement du nombre de cancer de la thyroïde chez les enfants de moins de 18 ans dans la région.

 

« Si l’on fait une comparaison avec la moyenne nationalement connue, on en déduit, que le taux de cancer de la thyroïde des moins de 18 ans a été multiplié par 50. Dans les endroits où le taux est naturellement faible, on trouve une multiplication par 20 fois du nombre de cancer de la thyroïde. Dans les localités (au plan national) où le taux était le plus faible, nous n’avons pas encore détecté de cas de développement de cancer de la thyroïde. »

 

Le professeur Tsuda se porte en faux face au rapport de l’organisation mondiale de la santé de 2013 qui sous-estime considérablement les conséquences sanitaires de l’explosion de la centrale de Fukushima. Selon lui, il sera bientôt trop tard pour prendre les mesures qui s’imposent face à une multiplication importante des cancers (il s’agit en particulier de cancers de la thyroïde,  de leucémies et de cancers du sein) dans les régions contaminées qui n’ont toujours pas toutes été évacuées, et dans lesquels, bien au contraire, on rappelle les familles réfugiées dites "volontaires" à revenir habiter. Le professeur Toshihide TSUDA a publié le 5 octobre 2015 les résultats de ses recherches dans la revue internationale Epydemiology [12] et les exposera à l’Institut des systèmes complexes (CNRS) à Paris le 9 novembre prochain.

 

 


[1] Ionising radiation and risk of death from leukemia and lymphoma in radiation-monitored workers (INWORKS) : an International cohort study, Klervi Leuraud, David B Richardson, Elisabeth Cardis, Robert D Daniels, Michael Gillies, Jacqueline A O’Hagan, Ghassan B Hamra, Richard Haylock, Dominique Laurier, Monika Moissonnier, Mary K Schubauer-Berigan, Isabelle Thierry-Chef, Ausrele Kesminiene, 22 juin 2015.

 

[2] Agence Internationale à l’Energie Atomique

 

[3] NHK News, 25 Juillet 2015. 緊急時の被ばく線量 上限引き上げ案を審

Nikkei, 15 août 2015, 原発作業員の被曝限度上げ、緊急時250ミリシーベルトに 規制

http://www.nikkei.com/article/DGXLASDG08H1Q_Y5A700C1CR0000/

 

[4] Journal Nikkan Gendai du 26 août 2015 :

http://www.nikkan-gendai.com/articles/view/news/163113

 

[5] Ionising radiation and risk of death from leukemia and lymphoma in radiation-monitored workers

 

[6] dixit : National Registry for Radiation Workers in the UK.

 

[7] Principe de précaution en matière de radio-protection lorsqu’il y a incertitude sur la relation dose-effet.

 

[8] Commission internationale de Protection Radiologique. Symposium 2-3 juin 2015 à l’Université Médicale de Fukushima : workshop sur les questions d’éthique dans le domaine de la radio-protection, organisé par l’université médicale de Fukushima et l’ICRP

 

[9] Prononcé en anglais : « The right of refuge could not be one of radio-protection rules. We have to accept situation and deal with ». Ibid.

 

[10] Cécile Asanuma-Brice (2014) : Beyond reality: The management of migratory flows in a nuclear catastrophe by a pro-nuclear State, Japan Focus, nov. (en anglais)

 

[11] Waseda Institute of Medical Anthropology on Disaster Reconstruction

 

[12]http://journals.lww.com/epidem/Abstract/publishahead/Thyroid_Cancer_Detection_by_Ultrasound_Among.99115.aspx

 

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Source illustration d’entête : Daily News (Santana/AP)

 

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