« So schön kann ein Albtraum sein… » (Si beau peut être un cauchemar)
Ainsi commence un documentaire télévisé allemand sur Fukushima. Vous savez, ce
genre de documentaire qui manque cruellement en France pour nous informer de ce qui se passe réellement là-bas, au Japon.
En fait, le titre de ce reportage est « Die Folgen von Fukushima »,
c’est-à-dire « Les conséquences de Fukushima ». En Allemagne, on n’a pas peur de la réalité, car on n’a pas d’industrie nucléaire à défendre à tout prix. Alors on informe correctement
la population.
En France, malgré Fukushima, on est resté ce pays sourd et aveugle face à la menace
nucléaire (1).
Il faut que je vous raconte comment l’information arrive en France parfois, c’est fabuleux.
Juste avec cet exemple.
1) La télévision ZDF diffuse un reportage sur Fukushima le 9 août 2011.
2) La vidéo est diffusée sur internet dans des sites allemands.
3) Elle est repérée par des Japonais qui cherchent de l’information sur
Fukushima.
4) Elle est traduite, sous-titrée en japonais et diffusée sur YouTube par un internaute,
obenquaken, le 31 août 2011.
5) Yumiko remarque alors ce reportage, réalise la traduction japonais-français, et me
transmets le tout le 7 septembre 2011.
6) Je réalise cet article aujourd’hui et
le diffuse en France.
Il a fallu un mois complet et deux
traductions pour que ce reportage arrive à nos yeux et nos oreilles. Il a fallu contourner le mur du silence.
D’après Yumiko, au Japon,
« aujourd’hui, les télés et les journaux ne disent plus rien sur l'accident, les
gens ont repris leur vie normale. Ils n'ont pas du tout conscience de la gravité de l'accident et ce qui va nous arriver ».
Merci à elle pour avoir traduit cette
vidéo. Si vous connaissez la langue allemande, pardonnez l’écart qui pourrait exister entre l’audio et le texte français, car il s’agit d’une traduction qui est passée par le japonais. Et merci à
son mari de m’avoir signalé ce document de qualité qui, par sa grande qualité, méritait d’être diffusé.
Une dernière précision : dans le
reportage original, on voit l’explosion du réacteur 3 de la centrale de Fukushima. Cette séquence a été coupée au Japon. Mais ça vaut la peine d’écouter
l’original (juste après l’intro), car il y a le son de l’explosion, rarement diffusé.
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Die Folgen von
Fukushima
ZDF, "Frontal21 - Das Magazin"
Dans ce reportage, on notera plusieurs témoignages ou interviews intéressants de Kazunori
Ohsawa (agriculteur), Takao Haegawa (du CRMS), Ichiro Arakawa (responsable de l’agriculture à la préfecture de Fukushima), Yoshimi Hitosugi (porte-parole Tepco), Goshi Hosono (ministre chargé de la crise nucléaire),
Jan van der Putte (expert nucléaire de Greenpeace), Christopher Busby (membre de la Commission Européenne sur les Risques liés aux Rayonnements).
Ajout du 14/09/11 : Vidéo
sous-titrée en français par Kna60
(Traduction de Yumiko)
Ce beau paysage est une scène de cauchemar.
La terre est très fertile à Fukushima, et les gens de la ville aimaient venir passer leurs
vacances ici.
Mais le sol a été contaminé par l'accident nucléaire.
(0:15 - 0:39)
M. Osawa a 61ans. Il est fermier à Motomiya, à 80 km de la centrale.
Il a apporté des pommes de terre, des aubergines et des poireaux de ses champs au CRMS, au
village d'à côté.
Depuis l'accident, il n'a pas mangé ses légumes parce qu'il a peur de la contamination
radioactive.
(0:40 - 1:00)
« Je ne peux plus faire confiance à l'état japonais.
Depuis le début de la catastrophe, ils ont toujours essayé de minimiser l’accident. Ils
répètent chaque fois qu'il n'y a pas de problème pour la santé "pour l’instant". Ils ne fournissent pas des valeurs fiables de radioactivité, et ils ne mesurent même pas comme il
faut.
Ils nous ont laissés avec ce problème de contamination, ils nous ont
abandonnés. »
(1:00 - 1:09)
M. Osawa a demandé à l'état de faire des mesures de radioactivité de ses légumes juste
après l'accident.
Mais, on lui a refusé en disant : "Vos champs sont bien loin de la zone 20-30km, ce n'est
pas nécessaire de faire des mesures."
(1:14 - 1:30)
Mais au CRMS, ils disent le contraire de ce que dit l'état. Il n'a y aucun légume qui ne soit
pas contaminé.
C’est surtout une catastrophe concernant le Cs-137.
Sur les endroits où l’on obtient les valeurs qui sont si élevées, il faut
évacuer les gens impérativement.
Les pommes de terre de M. Osawa étaient aussi contaminées.
(1:32 - 1:52)
Les champignons de la ville de Date, à 60 km de la centrale, ont eu 7000 bq/kg de
contamination. La norme maximale est 500 bq/kg. Ce n'est plus de la nourriture, ce n'est qu’un déchet radioactif.
(1:54 - 2:09)
Normalement le contrôle de la contamination est du ressort de la préfecture.
Mais, en ce moment ils sont débordés. Ils n’ont pas de méthode de mesure, ni assez de mains, ni
assez de matériel de mesure.
(2:10 - 2:30)
« Malheureusement, on est obligé de refuser les demandes de mesure des particuliers.
Avec les échantillons que nous avons choisis, on réalise des contrôles et on juge avec ces résultats là. Même juste avec ce travail là, on est complètement débordé, si on prenait aussi des
demandes de particuliers, on ne pourrait plus remplir nos autres missions administratives. »
(2:31 - 2:43)
Même les japonais qui sont très patients commencent à s’apercevoir des problèmes de
contamination de nourritures. Des légumes, du the vert, puis la viande de bœuf.....
(2:45 - 3:10)
Quelle est la réaction de Tepco qui est propriétaire de la centrale?
C'est toujours la même chose, pas de commentaire, et c'est hors de leur
juridiction.
« Notre travail est dans la centrale. Le travail de mesure est du ressort de l’état
japonais et de chaque préfecture. Nous ne pouvons que les aider. Donc, je ne peux faire aucun commentaire sur ce problème là. »
(3:11 - 3:49)
Lors de la conférence de TEPCO avec l’état, quand nous avons posé des questions sur le fermier
que nous avions interviewé, le ministre chargé de la catastrophe ne pouvait rien répondre.
Tout les fonctionnaires qui étaient là ont cherché et vérifié tous leurs documents, et
finalement, le ministre a reconnu qu'ils n'ont pas fait leur travail correctement.
« Les contrôles devaient être parfaits. Mais avec le problème du bœuf contaminé qui a été
vendus aux marchés, on est obligé de forcer sur les contrôles. Et maintenant, il ne faut plus jamais mettre en circulation de la nourriture contaminée. »
(3:50 - 4:24)
Greenpeace a sorti ses propres résultats de mesures.
« Les poissons sont toujours aussi fortement contaminés par le Césium.
La moitié des poissons qui ont été mesurés dépassent de 500 bq/kg la norme jusqu’à 55 km
de la centrale.
Ca veut dont dire que la zone contaminée est d’une grande superficie. »
(4:25 - 5:05)
L'aliment de base chez les Japonais, le riz, est aussi contaminé comme les autres
aliments.
M. Osawa a donné 2 fois de la terre de ses champs au laboratoire de l'état.
« Au premier contrôle, c’est passé (en dessous de la norme), mais au deuxième contrôle,
l'état ne voulait pas fournir le résultat.
Je voulais savoir si je pouvais récolter le riz cette année ou pas.
Donc, avec mon argent, j'ai demandé à faire des mesures au laboratoire
indépendant.
Ils ont obtenu un résultat de 35 000 bq/kg de Césium 137.
C'est 7 fois supérieur à la norme.
J'ai abandonné ma récolte de riz. »
(5:06 - 5:28)
A Fukushima City, la plupart des gens n'ont pas été informés de ce genre de valeur de
contamination.
Il y a la fête d'été comme les autres années, ils mangent tout ce qui est à la
vente.
Depuis que la radioactivité dans l'air a baissé, les gens ont repris leur vie
normale.
Ils ont l'air d’avoir oubliée la colère qu'ils ont eue quand la norme avait été augmentée
jusqu'a 20 mSv/an même pour les enfants,.
(5:29 - 6:00)
L’expert Christopher Busby dit que justement le danger est là.
« L’irresponsabilité de l'état japonais est criminelle. Les enfants sont forcément
contaminés, mais ce n’est pas un problème pour eux.
Ils ont augmenté la norme à court terme comme ça parce que ça les arrange. Cette décision qui a
été prise va entraîner sans doute la mort de beaucoup d'enfants.
Ce n'est pas imaginable que le pays aussi annonce ce qu’ils sont en train de
faire. »
(6:01 - 6:19)
Mais, justement c'est le pays du "village du nucléaire".
Ce sont les compagnies d'électricité, les hommes politiques, les fonctionnaires des ministères
qui ont un grand pouvoir.
Ils cachent tous les scandales sur le nucléaire, ils ont toujours minimisé les choses. Pour
protéger leur business de milliards de Yen, ils utilisent la même façon pour minimiser cet accident, comme les autres fois.
(6:20 - 6:49)
M. Osawa a éprouvé ca avec son expérience qu'il a eu avec l'état.
« Je voulais mesurer mon taux de contamination dans mon corps.
Mais, l'université de Fukushima m'a refusé en disant qu'ils ne font pas de mesure de
citoyen.
Un de mes amis a demandé à l'hôpital de la préfecture d'à côté (en dehors de Fukushima), mais
le préfet de Fukushima a interdit de prendre les gens de Fukushima pour les consulter.
Mais, l'état dit qu'ils n'ont jamais donné de tels ordres aux hôpitaux. »
(6:50 - 7:08)
M. Osawa est obligé de jeter son travail de fermier, il a eu 90 microSv/h chez
lui.
Il a atteint en 9 jours la norme des personnels des centrales en Allemagne.
Dans un endroit qui est à 80 km de centrale.
(7:09 - )
« C'est la catastrophe que les humains ne peuvent même pas imaginer.
C'était évident depuis le début de l'accident que la situation n'était pas
contrôlable.
Maintenant, Personne ne sait ce qu'il faut faire, personne n'a de réponse simple.
Je pense que c'est la plus grande catastrophe de l’histoire de l’humanité. »
Les gens ont planté des tournesols partout à Fukushima.
Ils absorbent la radioactivité de la terre.
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(1) Arte, il faut le reconnaître, a tout de même consacré 2 min 45 à Fukushima le 31 août
2011
Japon : les éleveurs de
Fukushima
A voir également !
« Près de 6 mois après l'accident du réacteur nucléaire de Fukushima, les
agriculteurs de la région ont vu leur activité réduite à néant. Et pour cause, certains troupeaux de vaches de la région ont été contaminés et même si aujourd'hui, l'interdiction de vente du
bétail a été levée, la suspicion des consommateurs demeure.
Aviva Fried a rencontré un couple qui vit toujours dans la zone d'exclusion autour de la
centrale. Ils prennent soin de leur troupeau, leur seul bien, en espérant un avenir meilleur. Mais ils ne se font pas trop d'illusions. »