Une série de secousses a eu lieu hier dans la région de Fukushima, mais suivant les sites de veille des tremblements de terre, les informations sont plus ou moins précises. D’après un site japonais qui a relevé des secousses proches de la centrale de Fukushima Daiichi, il a été émis l’hypothèse que le corium pourrait être un facteur déclenchant d’explosions de vapeur. N'ayant aucune information sur la localisation et l’état des coriums, il semble prématuré de rendre cette matière magmateuse responsable de séismes sous la centrale. En revanche, les nombreuses secousses qui ont eu lieu hier dans la région sont très inquiétantes, car l’état de la centrale de Fukushima Daiichi est loin d’être satisfaisant, et sa position sur une faille géologique la rend extrêmement vulnérable.
Relevé des secousses près de la centrale
source : http://fukushima-diary.com/2011/09/breaking-news-explosion-underground/
D’après le site Japan Quake Map, l’épicentre du séisme d’hier se situait à 40 km au sud de la centrale, à l’ouest de la ville d’Iwaki.
carte tirée de Japan Quake Map
Cette information est confirmée par le site de relevés des tremblements de terre Emergency Yahoo : 12 secousses ont eu lieu dans la préfecture de Fukushima (Fukushima Hamadori) dans la seule journée d’hier (pour la France, 29 septembre 2011 ; pour le Japon, à cheval sur le 29 et le 30).
Elles sont répertoriées comme suit :
lien |
heure - date |
coordonnées |
profondeur |
magnitude |
Environ 3 heures 42 minutes 30 Septembre 2011 |
37,1N 140,9E |
10 km |
3,5 |
|
Environ 2 heures 51 minutes 30 Septembre 2011 |
37,1N 140,9E |
10 km |
2,8 |
|
Environ 1 heure 54 minutes 30 Septembre, 2011 |
37,1N 140,8E |
peu profond |
4,2 |
|
Aux alentours de minuit le 27 Septembre 30, 2011 |
37,1N 140,9E |
10 km |
2,6 |
|
Environ 22 heures 41 minutes 29 Septembre 2011 |
37,1N 140,8E |
peu profond |
3,3 |
|
Environ 54 minutes 29 Septembre 2011 21:00 |
37,1N 140,8E |
10 km |
2,9 |
|
Environ 29 minutes 29 Septembre 2011 21:00 |
37,1N 140,9E |
10 km |
3,7 |
|
Environ 37 minutes 29 Septembre 2011 20:00 |
37,1N 140,9E |
10 km |
3 |
|
Aux alentours de 3h20 sur le 29 Septembre, 2011 |
37,1N 140,8E |
peu profond |
3,7 |
|
Environ 19 heures 40 minutes 29 Septembre 2011 |
37,1N 140,8E |
10 km |
2,8 |
|
Aux alentours de 13h19 le 29 Septembre, 2011 |
37,1N 140,8E |
10 km |
2,9 |
|
Aux alentours de 8h19 sur le 29 Septembre, 2011 |
37,1N 140,9E |
peu profond |
2 |
Situation des épicentres avec Google Earth : repères A et B
La localisation des épicentres est également à 40 km au sud de la centrale de Fukushima Daiichi, à proximité de la ville d’Iwaki.
Rien à voir donc avec un tremblement de terre qui aurait eu lieu sous la centrale, même si des répliques ont été ressenties près du site nucléaire.
Quoi qu’il en soit, les tremblements de terre de la région de Fukushima sont à hauts risques pour au moins trois raisons :
1) La piscine attenante au réacteur n°4 est pleine à craquer de combustible : pas moins de 264 tonnes (229 tonnes de combustible usé et 35 tonnes de combustible neuf). Or cette piscine est située à 20 m au dessus du niveau du sol, et le bâtiment qui la soutient est en piteux état. En effet, celui-ci a subi plusieurs explosions : le 14 mars, le bâtiment a été méchamment déformé à cause du souffle de l’explosion de l’unité 3, puis le 15 mars, le hall d'opération de l’unité 4 a été victime de deux grosses explosions qui ont causé deux brèches d’environ 8 mètres de large sur l’enceinte extérieure du bâtiment abritant le réacteur et à 9 h 38, une explosion a eu lieu, suivie d’un incendie de la piscine de stockage du combustible.
L'unité 4 : un bâtiment fragilisé.
La piscine menaçant de s’effondrer, Tepco l’a consolidée dans les mois qui ont suivi avec des poutres métalliques supplémentaires et du béton. Mais rien ne dit si elle pourrait supporter un nouveau tremblement de terre de même magnitude que le 11 mars 2011.
Dans le cas où elle s’effondrerait, l’IRSN a estimé que la zone d’évacuation autour de la centrale devrait être d’au moins 60 km de rayon, et que plus personne ne pourrait rester travailler à la centrale à cause de la trop forte radioactivité qui y régnerait : il pourrait en effet y avoir un débit de dose de plusieurs centaines de Gray/h sur 1 km à la ronde (source).
Piscine de l’unité 4 : consolidations (photo Tepco)
A partir de ce moment, plus rien ne serait contrôlable, et il faudrait probablement évacuer le nord et le centre du Japon de toute urgence, car les évènements dramatiques s’enchaîneraient les uns après les autres : les autres piscines ne pourraient plus être refroidies puisque les hommes auraient déserté le site. Ce ne serait alors plus une mais 7 piscines qui seraient en perdition. Les 6 autres piscines perdraient leur eau par évaporation au bout de quelques jours ou quelques semaines et les 1700 tonnes de combustible qu’elles contiennent commenceraient à brûler ‒ à ciel ouvert pour 3 d’entre elles. C’est alors l’hémisphère nord entier qui serait touché durablement par un panache hautement radioactif.
Etant donné les conséquences planétaires qu’entrainerait l’effondrement de cette piscine, il serait souhaitable que des experts internationaux indépendants viennent s’assurer directement sur site que cette piscine a fait l’objet de travaux de consolidation suffisants.
2) Le fait que la centrale de Fukushima Daiichi soit construite sur une faille est très inquiétant également. En effet, celle-ci, même ancienne, peut très bien être de nouveau active, vu l’intensité et le nombre de répliques constatées dans la région depuis le 11 mars. Le plus gros danger, après ceux connus pour les 4 réacteurs en perdition, vient de la piscine commune qui contient à elle seule 1097 tonnes de combustible usé. Elle a fait l’objet d’une grosse attention dans les études géologiques car la solidité de son socle devrait être sans faille, c’est vraiment le cas de le dire. Le moindre mouvement de terrain pourrait lui être fatal ‒ la piscine a une longueur de 29 mètres ‒ car une fuite massive d’eau par l’intermédiaire d’une fissure entrainerait le réchauffement immédiat des combustibles qui ont besoin continuellement d’être refroidis.
Faille de Fukushima
Connaissant au moins depuis 2009 l’existence de cette faille, l’entreprise et les autorités de surveillance nucléaire ont pourtant choisi de l’ignorer. Aujourd’hui, il semble vraiment dangereux de vouloir continuer à entreposer le combustible usé sur le site de Fukushima Daiichi. Il serait raisonnable de prévoir à moyen terme de transférer ces tonnes de combustible vers un site de stockage plus sûr.
3) Un tsunami est toujours possible, et s’il arrivait qu’il s’en produise un de nouveau, les installations provisoires pour contenir le danger sur le site seraient rapidement mises hors service (toile qui est sensée stopper la radioactivité du réacteur 1, usine de retraitement de l’eau de refroidissement des piscines et des réacteurs). La construction d’une digue sur la côte devrait donc être aussi une priorité.
On comprend ainsi les inquiétudes et le stress des Japonais qui vivent au quotidien avec cette menace permanente, en plus de la contamination radioactive à gérer. De nouvelles cartes des terres contaminées viennent de paraître, et l’on constate en les observant que plus on réalise de mesures, plus l’étendue de la pollution radioactive est grande : certains points chauds sont situés à plus de 100 km de la centrale… Malgré cela, à partir d’aujourd’hui 30 septembre 2011, le gouvernement japonais demande aux évacués de la zone 20-30 km de retourner vivre chez eux. En prenant cette décision, l’Etat nippon décide donc de ne plus protéger une partie de sa population qui va participer de facto à une expérimentation sur les effets de la radioactivité à faible dose sur la santé humaine.
Laurent Mabesoone, résidant au Japon et créateur du mouvement du ruban jaune, 脱原発アピールの黄色いリボン Yellow ribbon against nuclear power, a réagi en envoyant un courriel de protestation au ministère de l’environnement :
"La décision de votre ministère de ne pas décontaminer les sols a proximité de la centrale de Fukushima 1, là où les radiations ne dépassent pas 5 millisieverts par an, est une décision insensée. La norme internationale est de 1 millisievert par an. Encore une fois, votre politique fait en sorte de laisser vivre les habitants de Fukushima dans la discrimination. Ceci s'oppose même à la Constitution de ce pays, qui garantit l'égalité des citoyens. Pire : vous prétextez d'un "manque de moyens financiers" ! C'en est trop. Vous savez certainement que M Shimizu, ancien PDG de la Tepco s'apprête à recevoir une prime de départ a la retraite de 500 millions de yens (environ 5 millions d'euros). Eh bien, que cet homme reverse tout son argent a la décontamination de ladite zone ! Maintenant, la première priorité dans ce pays, c'est la protection de la vie des citoyens de Fukushima. Si vous prétendez que le Japon est un Etat de droit, respectez la norme de 1 millisievert par an ! Respectez le droit a l'égalité des habitants de Fukushima !"