Un des grands axes de la feuille de route de Tokyo Electric Power Company pour
contenir l’accident nucléaire est la prévention de la contamination de l'eau de mer. Pour cela, l’exploitant de la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi prévoit de construire un mur en acier
pour empêcher l'eau radioactive de s'écouler dans l’océan.
Actuellement, selon la firme nipponne, plus de 110 000 tonnes d'eau hautement radioactive sont
actuellement stockées dans les caves des bâtiments de la centrale. L’entreprise compte utiliser entre 600 et 700 palplanches en acier pour créer un mur de 800 mètres longeant la côte. Chaque
élément, de 22 mètres de long et un mètre de large, sera enfoncé profondément dans le sol sous le niveau du fond de la mer pour arrêter l'écoulement des eaux souterraines.
Cet ouvrage, prévu pour une durée de 30 ans, sera complété par un système de captage des eaux contaminées, à l’intérieur d’une importante chape de béton qui sera coulée dans l’espace entre la
digue existante et la barrière en acier. Tepco estime qu’il faudra se préparer à une hausse des niveaux d'eau souterraine autour de l'usine quand le mur aura été construit. Une surveillance
étroite des niveaux, le pompage des eaux souterraines et leur décontamination seront ainsi nécessaires afin d’éviter tout débordement vers l’océan.
Tepco reconnaît donc implicitement que l’eau contaminée des sous-sols est actuellement en train
de s’écouler dans la mer, ce qui est en concordance avec les conclusions de l’analyse géologique du terrain : les couches aquifères en correspondance avec le plateau d’Abukuma ont un
pendage dirigé vers la mer. Même si la vitesse de déplacement des eaux souterraines est lente ‒ de l’ordre de quelques mètres par semaine ‒ il faut être conscient que de l’eau radioactive va
continuer à se déverser régulièrement dans la mer durant au moins deux ans, date à laquelle la construction du barrage est sensée être terminée.
Plan de situation du barrage
Selon un schéma représentant la future construction en plan et en coupe, ce barrage sera établi
dans le bassin de décharge des eaux de refroidissement de la centrale et au-delà, au nord et au sud, jusqu’aux quais longeant la centrale.
D’après la coupe fournie par Tepco, le barrage traversera 3 couches géologiques et le début
d’une quatrième. Celles-ci font partie de la couche géologique de Tomioka, datant du Miocène Supérieur. Nous avons donc ici la confirmation que des couches aquifères se situent juste sous la
centrale.
Coupe du barrage
Toutefois, même si l’effort de l’entreprise semble louable, il restera un coup d’épée dans
l’eau, et ce pour plusieurs raisons :
- La première est que l’ensemble des couches sédimentaires sur lesquelles a été construite la
centrale a une profondeur d’au moins 1000 mètres. Les tremblements de terre réguliers de la région font qu’il est illusoire de compter sur l’imperméabilité de ces roches. En effet, même si un
grès fortement argileux a une porosité médiocre, sa friabilité le rend perméable. On peut se demander pourquoi Tepco a choisi une profondeur de 22 mètres. Peut-être tout simplement à cause d’une
limite technique. C’est peut-être un indice aussi sur la localisation éventuelle des coriums ? En tout état de cause, la profondeur de ce barrage ne garantira en rien le confinement de l’eau contaminée car son passage dans les couches inférieures, même ralenti,
sera toujours possible par les fissures intrinsèques à ce genre de terrain.
- La deuxième est que ce barrage va être construit sur une faille. Tepco évite de communiquer
sur le sujet mais il est clair que le terrain ne se prête à aucune construction, que ce soit un réacteur ou un barrage. Cette faille est clairement visible sur un document de la NSC (autorité de sûreté nucléaire du Japon), et il est
vraisemblable que durant le tremblement de terre du 11 mars, celle-ci soit redevenue active, vus les dégâts causés aux dalles en béton en bordure de mer. Etant donné l’existence de cette faille à
200 mètres sous le niveau du sol, il est probable que la future construction ne sera pas épargnée par les mouvements de terrain causés par celle-ci. D’où de légitimes doutes sur la pérennité de
l’étanchéité de la structure
Faille de Fukushima
- La troisième est que le barrage n’est pas fermé. Si l’eau ne peut pas passer directement vers
la mer, elle va simplement contourner la barrière, en passant au nord ou au sud.
Ce barrage est donc seulement un nouvel élément dans la communication de Tepco :
l’entreprise fait tout pour paraître maîtriser la situation. Elle décontamine l’eau de refroidissement des réacteurs et des piscines, elle crée de nouvelles enceintes autours des réacteurs
détruits pour éviter la propagation de la radioactivité aérienne, et enfin elle construit un barrage pour épargner la mer.
Mais malheureusement l’avenir dira que tout ceci est vain : le plus gros de la
contamination aérienne a été répandu sur le Japon en mars. Trop tard pour revenir en arrière. Les coriums sont sans doute quelque part dans le sous-sol. Trop tard pour les retenir. La nappe phréatique est contaminée. Trop tard pour la préserver. Le barrage souterrain est ouvert et
ne sera jamais assez profond. Trop tard, l’océan pacifique va connaître une source de pollution radioactive continue qui va contaminer l’ensemble des mers de la planète durant des dizaines
d'années...
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Sources
Vidéo de NHK World présentant le barrage
Communiqué de NHK World
Communiqué du Mainichi Daily News
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En savoir plus
La commission gouvernementale Japonaise sur l'énergie atomique évoque pour la première fois une
éventualité de contamination des eaux souterraines à Fukushima Daiichi (Gen4)
Dispersion de la radioactivité dans les océans
Mise à jour février 2012 : des précisions de Tepco :