Billet invité
Geoffroy Auneau, veilleur de Fukushima, s’intéresse de près au site de Fukushima Daiichi. Il nous informe régulièrement par l’intermédiaire de ses commentaires sur l’état de la centrale. Aujourd’hui, après l’édition d’un rapport de Tepco sur les 8 balises permanentes de surveillance de la radioactivité de la centrale, il nous donne son point de vue sur la décontamination de l’environnement et l’aménagement de ces postes de mesure.
Schéma des emplacements des balises de surveillance de l’environnement à Fukushima Daïchi
Monitoring des balises de Fukushima Daïchi
par Geoffroy AUNEAU
Depuis cet hiver, les valeurs des balises situées autour de l’enceinte du site de Fukushima ont connu des baisses parfois ponctuelles liées à la présence de neige (l’eau fait office d’écran contre la radioactivité). Mais depuis le mois de février, régulièrement, la valeur d’une balise baissait significativement pendant la semaine : toujours entre 8h-12h et 13h-17h, le travail du personnel de la centrale était à l’œuvre pour faire baisser les valeurs d’irradiation.
Par le document du 20 avril 2012 (lien), Tepco a pu donner quelques explications sur ce travail.
Tepco souhaitait avoir une irradiation inférieure à 10 µSv/h sur l’ensemble des balises installées sur le site, excepté les balises temporaires qui ne sont pas concernées : Main Building (255µSv/h), West Gate (9µSv/h) et Main Gate (25 µSv/h). MP1 n’a connu aucuns travaux car sa valeur est de 4µSv/h. Les autres balises MP2 à MP8 ont bien connu une décontamination dans un rayon de 20 à 30 m autour d’elles. Les méthodes utilisées sont : élagage des arbres, enlèvement d’une partie du sol et surtout construction d’un mur d’1,60 m à 2,5 m de haut et d’épaisseur 30 cm autour des balises ayant des valeurs très élevées (MP6, MP7 et MP8).
Aménagement de la balise MP2
Aménagement de la balise MP6
Ce samedi 21 avril 2012, les valeurs des balises sont toutes comprises entre 4 et 10 µSv/h, objectif atteint pour Tepco (mais limite pour MP7 valeur à 10 µSv/h).
Les raisons de cette pseudo « décontamination » ?
- Argument n°1 : opération marketing, Tepco pourra montrer des valeurs d’irradiation assez faibles en périphérie du site, juste un cache misère. Les journalistes et les lecteurs reprendront ces valeurs sans se poser de questions.
- Argument n°2 : selon Tepco, l’abaissement du bruit de fond permet d’améliorer la détection d’un possible relâchement anormale de contamination. Le contre exemple provient de la balise « South of Main Building » qui connait des variations journalières sans équivoque, diminution le matin et montée des valeurs en fin d’après-midi. Les variations sont très bien visibles sur le graphique (lien). Il s’agit ici de relâchement « normal » de radioactivité (fluctuation d’environ 10µSv/h sur la journée).
- Argument n°3 « caisson blindé » : les balises MP6, MP7, MP8 sont maintenant très bien protégées contre les radiations (photos sur le lien : http://www.tepco.co.jp/en/nu/fukushima-np/images/handouts_120420_06-e.pdf). Les valeurs de la radioactivité ont été divisées d’un facteur 5 grâce à ce système, mais le but premier de ces dispositifs n’est il pas de surveiller l’irradiation (par intégration du débit de dose autour de la sonde) ? L’argument n°2 ne tient pas et devient même un gros mensonge : les variations des valeurs des balises MP6 à 8 seront maintenant réduites d’un facteur X suite à ces travaux.
- Argument n°4 surveillance à 2 vitesses : la comparaison entre chaque balise n’est plus possible, certaines sont protégées, à priori par du béton (MP6 à 8), et d’autres sans protection.
Les méthodes employées par Tepco sont-elles vraiment justes ? Que signifient exactement les variations de la balise Main Building ?
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Autres documents fournis par Tepco
Exemples des aménagements pour MP2 et MP8
Balise MP2
Balise MP8
Tableau de relevé des mesures montrant les variations dues aux aménagements
L’Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN) a rendu en janvier un rapport de plus de 500 pages sur les inspections des centrales nucléaires françaises que peu de personne ont lu en entier. Jean-Marc Royer, rédacteur de l’appel « Hiroshima, Tchernobyl, Fukushima : des crimes contre l’humanité », a fait cet important travail de lecture et a réalisé un résumé de ce document, ainsi qu’une analyse très intéressante. Sa synthèse vous est présentée intégralement dans cette page.
Le rapport de l’ASN est consultable en ligne iciou téléchargeable là(6,29 Mo)
Le texte de Jean-Marc Royer est aussi téléchargeable en fichier PDF (285 Ko)
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Synthèse et commentaire des inspections conduites en 2011 par l’ASN
par Jean-Marc ROYER
Suite à l’accident de Fukushima, des inspections et « évaluations complémentaires de sûreté » (ECS) ont été conduites entre le printemps et l’automne 2011 ; elles ont porté sur :
1 - Les dispositions de sûreté : sont-elles conformes aux cahiers des charges en cours aussi appelé « référentiel EDF » ?
2 - Au-delà de cette conformité basique, ces dispositions sont-elles adaptées « aux situations extrêmes » ?
3 - Seraient-elles à même de pallier aux effets cumulatifs qui caractérisent les situations accidentelles ?
4 - Quelles dispositions seraient susceptibles d'améliorer le niveau de sûreté des installations dans ces cas là (13) ?
Les sujets abordés lors de ces inspections concernaient :
- la protection contre les inondations et les séismes ;
- la perte des sources de refroidissement ;
- la perte des alimentations électriques ;
- la gestion des situations d’urgence (15).
J’ai eu à gérer des questions de « sûreté/sécurité industrielle » sur de grandes installations en France et à l’étranger, et j’ai dû connaître le fonctionnement « des autorités indépendantes » et le type de rapports qu’elles produisent à destination du public. Il y aurait beaucoup à dire, sur le fond et sur la forme à la lecture du rapport de l’ASN. C’est pourquoi je me suis tenu très près du texte (la plupart du temps en le citant in extenso) mais en le traduisant en langage compréhensible lorsque cela était nécessaire. Le résumé qui suit, très synthétique, issu de ce rapport de 524 pages, situe toujours la source de ce qui est écrit ou cité par le N° de page (affiché entre parenthèses) auquel il se réfère.
Tout cela concerne la première partie de ce texte. Il n’empêche qu’il faut également savoir repérer les non-dits de cette littérature qui sont aussi importants que ce qui est écrit : c’est un exercice digne de ceux que les soviétologues faisaient au temps de la Pravda, un exercice ingrat mais indispensable dans lequel il faut savoir remettre la technoscience à sa place et surtout n’avoir soi-même rien à vendre, pas même une expertise. Ceci fait l’objet de la seconde partie du texte.
En ce qui concerne les dangers induits par les inondations
La Règle Particulière de Conduite est déclinée avec des retards de plusieurs années, avec des « écarts » et de manière incomplète ou incohérente, en contradiction avec le Plan d’Urgence Interne ou sans convention d’alerte avec Météo France ; certains « retours d’expérience » ne sont pas renseignés, le ruban bleu revenant aux sites de Cruas et du Tricastin qui n’ont toujours pas intégré qu’ils pouvaient être isolés par une inondation et même, pour ce dernier site, en perdre son alimentation électrique.
Les suivis météorologiques ainsi que la détection des seuils d’alerte laissent à désirer, tandis que les exercices annuels de simulation sont bâclés, ce qui augure mal du « lancement des actions appropriées dans les délais » en cas de nécessité. Les moyens de protection - en particulier la Protection Volumétrique, les Moyens Mobiles de Pompage et leur alimentation - ne sont pas correctement entretenus (notamment les joints « waterstop » de la PV) ou surveillés (certaines galeries inter bâtiments ne sont pas étanches et un affaissement de pointe de digue a été constaté lors d’une inspection). Par ailleurs, l’ASN se plaint de ce que les échéances convenues pour effectuer des travaux à la suite de « l’évènement du Blayais » ne soient pas respectées sans qu’aucune mesure compensatoire n’ait été prise (25 à 32).
L’ASN, faisant le constat que des « effets falaise » (effets cumulatifs) peuvent se produire très près des niveaux d’inondation retenus dans le « référentiel EDF », demande à l’exploitant de revoir toutes ses estimations (fournir le détail de la méthodologie et les justifications utilisées pour caractériser le modèle d’inondation retenue), de se prononcer lui-même sur l’adéquation des bâtiments à ces évaluations et lui prescrira de revoir sa copie concernant Belleville et Tricastin, notamment en cas de rupture des digues amont.
Concernant des « effets falaise » possibles suite à une inondation (perte totale de source froide et/ou des alimentations électriques), l’ASN pense que ni les rapports d’Evaluation Complémentaires de Sûreté, ni les compléments présentés par EDF en cours d’instruction, ne sont de nature à les éviter et lui demande de revoir là aussi ses copies (122, 124, 128, 130, 137 et 139).
Pour les dangers liés aux séismes majeurs
Un constat : la règle en vigueur (FS I.3.b) n’est pas respectée, l’instrumentation est insuffisante ou mal positionnée, son entretien et sa maintenance laissent à désirer, de même que sa qualification, son étalonnage et son réglage. De plus, les exercices ne sont pas réalisés et les opérateurs ne savent pas utiliser cette instrumentation sismique ou en interpréter les données en salle de commande ce qui les mettrait dans l’impossibilité de se faire une idée juste sur l’état du réacteur (40). « Les exploitants du site du Tricastin auraient des difficultés à gérer une situation accidentelle consécutive à un séisme majeur, du fait de la perte des alimentations électriques, des moyens de communication, de la supervision de l'installation ou encore du non dimensionnement au séisme de locaux annexes, des locaux de crise ou de repli, et des locaux abritant les moyens et les hommes de la Formation Locale de Sécurité » (67). Sur d’autres sites, les moyens d’alimentation électrique de secours seraient généralement indisponibles en cas de séisme. (79).
Concernant les dangers liés à la perte de la source froide (nommée : H1)
Encore des « écarts au référentiel », des disparités dans le suivi des équipements, des « anomalies de maintenance ou d’essais périodiques » et des relations problématiques entre les services centraux d’EDF et les centrales. Mention spéciale pour La Hague où il est nécessaire d’améliorer la maintenance et de vérifier la tenue dans le temps des équipements de refroidissement (échangeurs, aérothermes, tuyauteries) ou de ventilation naturelle des entreposages des colis compactés de coques et embouts (Areva NC) dont l’efficience semble remise en cause au vu des écarts constatés en inspection (41 à 44 et 71).
De plus, les dispositions proposées par EDF visent essentiellement à permettre des appoints (au circuit secondaire, au circuit primaire, et aux piscines combustible) pour prolonger l’autonomie des réacteurs et des piscines, ce qui permet de retarder la fusion du cœur mais pas nécessairement de l’éviter (181) en quelques heures (175).
L’ASN considère donc qu’EDF doit « conforter ses conclusions quant à la capacité des centrales à gérer une situation dégradée de type H1 sur plusieurs tranches simultanément, y compris lorsqu’une autre tranche connaît un accident grave » (177).
Les dangers liés à la perte des alimentations électriques (H3)
L’ASN a relevé là aussi des écarts sur la conformité, l’entretien (corrosion interne ou externe des tuyauteries et des réservoirs de carburant sur une majorité de sites) et les contrôles périodiques, qui affectent la robustesse des groupes électrogènes de secours.
L’ASN a donc demandé à EDF de revoir sa copie et de :
● Fournir les informations sur la capacité et la durée des batteries ;
● Indiquer combien de temps le site peut faire face à la perte des alimentations électriques externes et des sources d’énergie de secours, sans intervention extérieure, avant qu’un endommagement grave du combustible ne soit inévitable ;
● Préciser quelles actions (extérieures) sont prévues pour prévenir la dégradation du combustible ;
● Identifier les moments où les principaux effets falaise se produisent ;
● Indiquer si des dispositions peuvent être envisagées pour prévenir ces effets falaise ou pour renforcer la robustesse de l’installation (modification de conception, modification des procédures, dispositions organisationnelles, etc.). (46, 152)
De plus, « l’ASN constate que les ECS mettent en évidence des « effets falaise » de court terme, caractérisés par un délai avant découvrement du cœur inférieur au délai prévu pour la mise en œuvre des moyens de la Force d’Action Rapide Nucléaire (160) et recommande de mettre en œuvre sans délai les moyens proposés par EDF pour répondre à ces dangers » (161).
Dans l’attente du déploiement progressif de dispositions qui prendra plusieurs années, l’ASN prescrira la mise en place de dispositions provisoires dès 2012, telles que des groupes électrogènes mobiles (226).
A La Hague, la disponibilité problématique des moyens de secours et la corrosion avancée de certains équipements des groupes électrogènes commandent une action palliative rapide (74), tandis que sur plusieurs « autres sites » (hors centrales) la perte des alimentations électriques conduirait à moyen terme à la perte des moyens de surveillance en salle de commande et à la perte des moyens de communication (75).
Quelle « gestion des accidents graves » ?
Moyens matériels et organisation
EDF indiquant que :
- la disponibilité des moyens matériels nécessaires à la gestion de crise, (Matériels Mobiles de Sûreté, les matériels PUI et les Matériels du Domaine Complémentaire), ne peut être garantie dans les situations extrêmes (187) ;
- l'arrivée des astreintes est impossible pendant les 24 premières heures suivant une situation de grande ampleur touchant tout le site (186), [ce qui correspond au délai maximal de mise en œuvre de la future « Force d’Action Rapide Nucléaire »] ;
- les moyens de communication utilisés lors du gréement de l'organisation peuvent être défaillants (189) ;
- la tenue aux situations extrêmes de l’instrumentation technique et environnementale nécessaire à la gestion de crise n’est pas garantie (p 193),
et l’ASN, considérant que :
- EDF n’a pas achevé l’analyse des points faibles de l’organisation en fonction de l’ampleur de la crise, et n’a pas évalué les conséquences des phénomènes dangereux liés à la dégradation des voies de communication et des canalisations dans les situations extrêmes (190) ;
- une analyse approfondie devra être menée sur les conditions d’intervention spécifiques aux situations accidentelles (difficultés lors de la prise de décision, suffisance des ressources, compétences requises, accessibilité et habitabilité des locaux, stress et fatigue des intervenants, ambiance sonore, calorifique et radiologique, 224),
- et nonobstant l’installation prévue par EDF d’une instrumentation dédiée à la gestion des accidents graves permettant de détecter la percée de la cuve et de détecter la présence d’hydrogène dans l’enceinte,
l’ASN va prescrire à EDF d’intégrer dans le « noyau dur » les éléments indispensables à la gestion de crise, c'est-à-dire :
- Les locaux, les moyens matériels, les moyens de communication et l’instrumentation technique (notamment la détection de l’entrée en AG) et environnementale ;
- Les moyens de dosimétrie opérationnelle, les instruments de mesures pour la radioprotection et les moyens de protection individuelle et collective en quantité suffisante ;
- L’accessibilité, l’opérabilité, l’habitabilité des salles de commande en cas de rejets de substances dangereuses ou radioactives (184), notamment après ouverture du système de filtration U5, lequel pose une série de problèmes non résolus à ce jour. En effet :
. il n’est pas « robuste aux séismes majeurs » ;
. il ne peut être utilisé pendant les premières 24h suivant un AG pour éviter le rejet des aérosols ;
. par la condensation ou la présence d’oxygène dans sa tuyauterie, il induit des risques de déflagration de l’Hydrogène ;
. son ouverture oblige les personnels à évacuer les salles de commande dans les 24h suivantes ;
. son efficacité de filtrage laisse à désirer, surtout s’il est utilisé par deux réacteurs simultanément (184 à 207).
Par ailleurs, l’ASN a prescrit à EDF le renforcement du radier de Fessenheim, avant le 30 juin 2013 (205).
Le cas particulier des piscines
Les centrales de Bugey et Fessenheim présentent un risque particulier d’endommagement de la piscine en cas de chute d’un emballage de transport de combustible (210).
Compte tenu de la difficulté, voire de l’impossibilité, de la mise en place de moyens efficaces de limitation des conséquences d’un dénoyage prolongé des assemblages combustibles (confinement statique et filtration inefficaces), l’ASN imposera à EDF des prescriptions pour renforcer les mesures de prévention et la robustesse de l’installation afin de limiter la possibilité d’un tel accident (213).
La Sous-traitance
« L’ASN considère qu’EDF n’apporte pas la démonstration que les différentes périodes d’arrêt de réacteur qui ont lieu au cours de l’année sur chacun des CNPE engendrent au total des surcroîts saisonniers qui justifieraient le recours à la sous-traitance. Par ailleurs, le recours à la sous-traitance pose la question du maintien des compétences internes au sein de l’organisation de l’exploitant, en particulier dans un contexte de prolongation éventuelle de la durée d’exploitation des installations nucléaires existantes et de renouvellement important des effectifs » (p 216) et « l’ASN considère que la surveillance des sous-traitants exécutant des activités importantes pour la sûreté doit être renforcée, et en particulier que cette surveillance ne peut pas être déléguée » (230).
Conclusions du rapport ASN
L’analyse des rapports d’ECS d’EDF a montré que certains scénarios de perte de la source froide et de perte des alimentations électriques peuvent conduire, en l’absence de toute intervention, « à une fusion du coeur dans un délai de quelques heures pour les cas les plus défavorables » (p 226). Or, « l’accident de Fukushima a montré que la capacité de l’exploitant et, le cas échéant, de ses prestataires à s’organiser pour travailler en cas d’accident grave est un élément essentiel de la maîtrise d’une telle situation », (13) [ce qui ne semble pas être le cas].
Par ailleurs, « l’ASN considère, pour ce qui concerne la gestion de crise, que les exploitants du groupe AREVA ont dressé un état des lieux sommaire et n’ont pas tiré les conclusions pratiques des constats effectués » (342).
« Au premier trimestre de 2012, l’ASN imposera donc aux exploitants un ensemble de dispositions de sûreté relatives à la prévention des risques de séisme et d’inondation, à la prévention des risques liés aux autres activités industrielles, à la surveillance des sous-traitants et au traitement des non conformités. Par la suite, l’ASN s’assurera du respect par les exploitants de la centaine de prescriptions qu’elle aura édictées, ainsi que de la prise en compte des nouveaux référentiels qu’elle aura approuvés » (16).
Quelques commentaires et réflexions philosophiques subséquentes
Il n’y a pas une seule installation qui ne fasse l’objet d’une remarque d’inspection ou d’une recommandation importante. Qu’il s’agisse, en temps normal, ou en situation extrême (ou afin de l’éviter) :
- des estimations et des méthodes qui sont à la base des « référentiels nationaux » de sécurité de l’exploitant,
- de la déclinaison obligatoire des Règles Particulières de Conduites sur les sites ou de la gestion des « écarts » à ces règles,
- des conditions nécessaires à l’efficience de ces règles « en amont et en aval » (prédiction et retour d’expérience),
- du suivi, de l’entretien et de la maintenance des systèmes, des équipements et des matériels, y compris des groupes de secours,
- de la capacité à mettre en place et à utiliser une instrumentation spécifique (séisme, intégrité du confinement et entrée en AG),
- de la capacité du système de filtrage U5 et de ses dangers intrinsèques,
- du danger très particulier porté par les piscines de stockage dans le bâtiment réacteur,
- de l’analyse des situations internes et externes porteuses de dangers,
- de l’analyse des effets cumulatifs de toutes natures propre aux situations extrêmes et des moyens de les éviter,
- de l’organisation humaine ou matérielle locale et nationale, en particulier de l’usage de la sous-traitance,
- des moyens de mobiliser rapidement les personnels d’astreinte,
- de l’accessibilité, de l’opérabilité ou de l’habitabilité des locaux de commande, de crise ou de repli,
- des moyens de mesure et de radioprotection individuelle et collective en quantité suffisante,
- de la pérennité des moyens de communication,
- du respect des engagements de sûreté pris avec l’ASN.
Depuis la conception, l'accident majeur n'a jamais été pris en compte
-1- Qu’est-ce que ce rapport vient démontrer ? A sa lecture, on réalise peu à peu ce qui se lit entre les lignes : les ingénieurs nucléaires, leurs commanditaires industriels, politiques et militaires se refusaient à penser, il y a quarante ans, qu’un accident majeur puisse un jour arriver. Les centrales ont été construites sur ce postulat : la probabilité de survenue d’un accident majeur était considérée comme nulle ou bien trop minime pour justifier des dispositions jugées trop coûteuses au regard de ce qui fût qualifié de « risque résiduel ». Poussé par Tchernobyl et Fukushima, c’est ce à quoi ce rapport se confronte, et à quoi il tente de pallier un peu tard, par des moyens et des méthodes dont on peut se demander ce qu’ils deviendront une fois traduits sur les sites par l’exploitant, étant donné la manière dont les prescriptions en cours sont appliquées.
Le nucléaire français « au bord de la falaise » !
-2- Il n’y a pas un seul des sujets abordés par l'ASN qui ne pose problème, alors que l’exploitant, l’industrie dans son ensemble et les politiques qui les soutiennent nous serinent depuis des lustres que les centrales françaises sont les plus sûres ! Quel démenti cinglant et argumenté en détail ! Ce ne sont plus seulement des manques ou des négligences, mais une suite d’aveux, qui, mis bout à bout constituent justement le lit d’un accident majeur ! Un véritable gouffre, un précipice au bord duquel se trouve effectivement toute l’industrie nucléaire, guettée par « un effet falaise » (les acronymes et les euphémismes sont un des traits majeurs de la novlangue) qui lui est consubstantiel (voir plus bas). Sans pouvoir malheureusement le démontrer dans ce cadre, il est évident qu'il se produira un accident nucléaire majeur en France. Intégrer cela dans le domaine de la pensée pose certes quelques difficultés, mais devient à mon sens plus que nécessaire.
Ce qui suit n'est certes pas une illustration centrale de cette hypothèse, mais elle en illustre l'accroissement de la probabilité (l'invention du MOX est récente).
Silence, on MOX !
-3- Un des silences assourdissant de ce rapport (il aurait été facile de l’introduire dans ces « stress-test ») concerne l’utilisation dans 22 réacteurs, et avec l’accord de l’ASN, du MOX pour « Mixed Oxydes », un composé d’environ 6 à 7 % de dioxyde de plutonium au lieu de l’enrichissement classique à 4,2% d’235U. D’une part il accroît notablement les dangers d’accidents majeurs car :
- la conduite des réacteurs avec MOX est nettement plus délicate ;
- il accélère le processus de vieillissement des réacteurs ;
- il a un processus de fusion plus bas et plus rapide : dans une configuration accidentelle, le risque de criticité, est donc plus important et plus rapidement atteint ;
- il aggrave toute situation accidentelle car l’eau mélangée au bore qui sert à atténuer les effets d’échauffement de la radioactivité en absorbant les neutrons, est d’une efficacité moindre avec le MOX.
D’autre part ce plutonium est issu du retraitement de l’uranium nucléaire usé, ce qui suppose le transport délicat et fréquent de matériaux hautement radioactifs des centrales vers les usines et retour.
Le plutonium fait non seulement partie des éléments présentant une radiotoxicité très élevée, mais tous les isotopes et autres composés issus du plutonium sont également très toxiques et radioactifs. En voie aérienne, on estime qu’une quantité de l’ordre du dixième de milligramme peut provoquer le décès rapide d’une personne.
Une gestion « statistico-probabiliste » du risque bien pratique …
-4- De plus, à faire pour la première fois cet exercice d’imagination, on s’aperçoit que tout l’appareil technico-politique du nucléaire nous donne à voir l’ampleur, non seulement des « écarts » (comme ils disent) avec les préconisations de sécurité de base, mais aussi et surtout :
- l’impossible maîtrise tous azimuts des aléas propres aux « Macro Systèmes Techniques » (1) ;
- l’incapacité de voir (ou d’imaginer) les effets cumulatifs possibles de ces éventualités (baptisées « effets falaise ») tant la dénégation des dangers majeurs a contribué à les refouler depuis des décennies ;
- et de plus, le refus de prendre en compte les hypothèses les plus pessimistes parce que le rapport coût/bénéfice est « économiquement défavorable » et que la probabilité d’occurrence d’un accident majeur est jugée négligeable.
En réalité, ce type de calcul a trouvé son inspiration au cœur de la science physique atomiste, laquelle a amplement légitimé l’extension d’un nouveau mode de mesure - statistique et probabiliste - et non plus strictement déterministe (2). Or, ce type d’évaluation - qui de surcroît repose sur des hypothèses en arborescence et des modélisations ad hoc - présente l’insigne avantage d’être manipulable à l’infini, donc de se prêter à tous les désirs des industriels qui veulent nous faire croire à la soit-distante sûreté de ces manipulations nucléaires.
Les centrales nucléaires : des Macro-Systèmes Techniques intrinsèquement dangereux
-5- Force est de constater une fois de plus les fragilités (et les dangers qui s’en suivent) de tous ces MST constitués d’un entrelacs de techniques, de technologies, de process et d’interfaces multiples dont on veut nous faire croire que leurs complexités inévitables ne sont que le signe de la modernité et de la sûreté technoscientifiques.
La sophistication extrême des matériaux utilisés (bétons et aciers spéciaux …) et le contrôle fin de leurs caractéristiques que cela suppose, la difficulté de leur mise en œuvre étant donné la précision de leurs spécifications, la complexité de la construction des parcs nucléaires et de leurs raccordements, les problèmes dus à l’interdépendance de multiples technologies entre-elles (mécanique, électrotechnique, électronique, pneumatique, hydraulique, informatique …), les questions de conduite opérationnelle ordinaire et extraordinaire, la gestion des urgences et des situations de crise, l’adéquation des interfaces hommes/machines à toutes les situations, la qualification des personnels intervenants, les opérations de maintenance et de réparations (compliquées et parfois dangereuses), la gestion du vieillissement tous azimuts des installations, la qualité de tous les contrôles opérant à tous les niveaux depuis la mise en service nominale jusqu’au démantèlement, la gestion des déchets … Ce listing élémentaire et générique donne une petite idée du nombre de process corrélés entre eux et des répercutions possibles d’un manquement ou d’une simple défaillance, pour peu que ceux-ci soient imprévus et se produisent sur une interface délicate.
-6- En plus de ces fragilités intrinsèques et des dangers dus aux aléas climatiques et géologiques, il en est d’autres qui ont été introduits depuis trente ans par la pression actionnariale et qui conduisent soit à la sous-traitance massive, soit à des malversations dans le but de faire des économies sur l’entretien et la maintenance (Cf. les dossiers publiés concernant Tepco), soit à des politiques de « risques calculés » dont on a pu constater l’inanité à plusieurs reprises au Japon, en France et ailleurs.
De multiples conséquences supportées par les populations du monde entier
-7- Evidemment, la puissance dévastatrice intrinsèque des MST nucléaires (liée à ses fragilités) exige une « sûreté totale », c'est-à-dire un système politique du type « totalitarisme démocratique postmoderne » (3) intériorisé dans les imaginaires des populations du monde entier. Un des multiples aspects de ces penchants, peu étudié, se niche dans le « droit nucléaire international » forgé sur mesure dans les années 60 en dérogation à tous les usages conventionnels (4). Le nucléaire a ceci de particulier qu'il n'a pu se mettre en place qu'en bénéficiant (de la part des Etats) de régimes dérogatoires dans de nombreux domaines. Par contrecoup, ses répercutions se sont fait sentir dans tous les domaines de l'activité humaine, y compris le politique, la philosophie et la morale (5). En voici une petite illustration.
-8- Un accident nucléaire majeur rend obsolètes et dérisoires tous les plans et les mesures de sécurité (on se souviendra longtemps des tuyaux d’arrosage à l’eau de mer dérisoirement inadaptés à refroidir des cœurs de réacteurs en fusion partielle à Fukushima, 60% de l’eau étant dissipée en évaporation et 20% ratant sa cible). Les possibilités d’un Etat (et du secteur privé plus encore) ne seront jamais à la mesure de la catastrophe ; c’est ce que la limitation des responsabilités de l’industrie nucléaire, actée dès ses débuts par diverses lois et conventions confirme de manière éclatante (6). De ce point de vue, le droit prenait en compte, noir sur blanc, les gigantesques dangers consubstantiels au nucléaire que les pouvoirs s’efforçaient, en même temps qu’ils négociaient ces conventions, de nier devant les opinions mondiales. Sans ce report des responsabilités sur le corps social, aucun investisseur, aucun industriel au monde n’aurait investi un seul centime dans cette industrie.
Déconstruire le nucléaire, décoloniser l'imaginaire occidental
-9- L’énergie nucléaire n’est que secondairement une technologie ; elle est avant tout « la fille aînée de la science ». Aucune technique n’aurait jamais permis une telle intrusion dans la composition de la matière. Autrement dit, « l’énergie nucléaire », n’en déplaise à beaucoup, n’est qu’une conséquence du mode de connaissance scientifique spécifique de l’Occident et du rapport à la nature (à l’écosphère) que cela sous-tend. D’un seul coup, en 1945, cette « création scientifique » a rendu totalement obsolètes toutes les critiques philosophiques qui s’en tenaient à celle des techniques, comme si d’ailleurs les techniques n’étaient pas un attribut inévitable de toute vie en société depuis la nuit des temps.
-10- Tous ces Macro Systèmes Techniques ont en commun la volonté de défier et de maîtriser au-delà des « lois de la Nature » (que la science a par ailleurs encensées à une certaine époque pour s’affirmer face aux croyances religieuses dominantes), ce qui s’apparente de facto à une activité fondamentalement transgressive que l’on baptise Progrès pour en faire oublier le caractère prométhéen. Mais il ne faut pas oublier que ces Macro Systèmes Techniques ont un but : faire de l’homme moderne un homme appareillé dont il suffira un jour de le débrancher pour mettre fin à son existence.
Les trous du rapport de l’ASN
Outre l’utilisation du MOX qui réduit les marges de sécurité et dont l’ASN avalise ainsi de facto l’usage, il est toujours utile de se poser les questions suivantes : qu’est-ce que le document passe sous silence, ou omet de rapporter publiquement ? Car il y a toujours deux versions de ce type de rapport, bien évidemment : une version professionnelle et une pour « le grand public ». Par ailleurs, ces inspecteurs, que n’ont-ils pas vus, pu voir, ou pas voulu voir ou écrire ?
- Tout d’abord, la chose le plus surprenante dans la conception des centrales, ce qui est certainement un héritage des « trente béates » nucléaires, c’est que les salles de contrôle-commande, non seulement ne sont pas doublées, mais qu’elles ne sont pas suffisamment isolées, protégées ou autonomes en cas d’accident majeur très radioactif. Rien n’est dit à ce propos dans le rapport de l’ASN. (7)
- En 2011, Arnie Gundersen avait attiré l’attention sur le fait que les batteries de dernier secours prévues pour durer 8h à Fukushima, n’ont pas tenu tout ce temps, et il avait recommandé que cette autonomie (de 4h aux Etats-Unis) soit augmentée en urgence. Or la disponibilité des batteries est très dépendante de leur entretien et de leur maintenance dont on a vu dans le rapport de l’ASN comment ils étaient assurés en France dans certains sites. Or rien ne filtre sur cette question du secours en CC dans le rapport de l’ASN, ce qui est fort curieux. (8)
- « Notons, et c’est important, que le radier, c'est-à-dire la chape de béton sur laquelle repose l’enceinte de confinement de la cuve, a une épaisseur de trois mètres, alors que, sur les REP du parc français, l’épaisseur correspondante n’est que d’un mètre. » (9) Ainsi s’exprime JL Basdevant, …….. Mise à part la recommandation concernant le radier de Fessenheim, rien n’est dit non plus à ce sujet dans le rapport de l’ASN.
- Pourquoi les « ECS » qui envisagent un accident grave sont-ils muets sur leurs conséquences alors que « en France, l’ASN coordonne depuis 2005 une réflexion sur la gestion des suites d’un accident nucléaire (10) » et que « nous travaillons sur le post-accident, avec l’idée de se préparer aux conséquences pour la population et l’environnement, une fois que les émissions radioactives ont cessé (sic) (11) » ? Il faut bien lire cette phrase, tous les mots ont leur importance pour bien comprendre dans quelle direction l’ASN travaille. Est-ce pour cela que cette réflexion n’est pas publique ?
- Pourquoi n’est-il rien dit sur les effluents émis quotidiennement par les centrales ? Et pourquoi, alors que la transparence est devenue un crédo largement partagé, l’ASN ne propose-t-elle pas l’installation de balises de surveillance des émissions radioactives des 58 réacteurs (12) dont les mesures seraient visibles H24 sur internet par tout un chacun : cela ne serait-il pas une aide à la protection des populations en cas d’accident majeur, puisque l’ASN doit savoir maintenant, après Tchernobyl et Fukushima, que les tous premiers jours sont décisifs de ce point de vue ?
Jean-Marc Royer version 2 en juillet 2012.
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(1) Concept clé du philosophe Alain Gras, « Que sais-je », 1997. Voir point 5.
(2) On appréciera d’autant plus ce type de raisonnement que l’on connaît la « ligne de défense » de l’industrie nucléaire et de l’OMS : ils demandent aux victimes de prouver un rapport déterministe entre les effets des radiations (notamment les contaminations aux faibles doses) et les maladies induites.
(3) Le film Food Inc en est une bonne illustration : l’auteur y montre comment, de manière totalement « démocratique » des lois sont votées dans certains états des Etats-Unis qui empêchent toute critique publique des industries agroalimentaires et des trusts de fast-food afin de protéger leur chiffre d’affaires. Il s’agit là, pour résumer, de l’utilisation des moyens démocratiques contre la démocratie, ce qui tend à devenir systématique en Occident. Une autre forme en est la dénégation des votes populaires rejetant les différents traités européens ou pire, les « ajustements » législatifs et constitutionnels des pouvoirs exécutifs afin de se soustraire aux poursuites judiciaires encourues à la suite d’agissements délictueux ou criminels ou, plus récemment, la nomination de banquiers à la tête de responsabilités gouvernementales en dehors de tout processus démocratique.
(4) http://www.oecd-nea.org/law/isnl/10th/isnl-10th-anniversary-f.pdf
(5) Lire le philosophe Günther Anders à ce sujet.
(6) Conventions de Paris (juillet 1960) et Bruxelles (janvier 1963), amendées par les Protocoles de janvier 1964, novembre 1982 et février 2004. Loi d’octobre 1968 modifiée par celle du 16 juin 1990 …
(7) Mais c’est une des décisions annoncées lors de sa conférence de presse du 28 juin par l’ASN !
(8) Là aussi l’ASN a pris des décisions annoncées le 28 juin 2012 !
(9) JL Basdevant, Maitriser le nucléaire. Sortir du nucléaire après Fukushima, Eyrolles, 2012, p162-3.
(10) Délibération ASN N° 2011-DL-0021 du 21 mars 2011 sur l’accident de Fukushima et ses suites.
(11) Comme le disait un membre de l’ASN dans le monde du 2 avril 2011.
(12) Un réseau existe déjà, mais outre qu’il ne dit rien des émissions quotidiennes des centrales, il est incomplet du point de vue des analyses effectuées. Voir les remarques de la CRIIRAD à ce sujet.
(mise à jour du 22 juillet 2012)
Mardi 10 avril 2012. Encore un incendie dans une centrale nucléaire française. Encore une pompe sur le circuit de refroidissement, mais cette fois-ci sur le circuit secondaire. Les pompes des centrales nucléaires françaises sont-elles vraiment sûres ? Pourquoi brûlent-elles ? Mystère.
EDF considère cet évènement comme un « incident mineur », mais en fait, aucune panne dans une centrale nucléaire ne doit être considérée de la sorte. Une centrale nucléaire doit être exemplaire en sécurité. Car un enchaînement d’évènements mineurs peut déclencher une catastrophe.
Les mots restent des mots, rien ne vaut une bonne carte.
Comme « il faut accepter de se préparer à des situations complètement inimaginables. Car la menace existe » (dixit M. Jacques Repussard, directeur général de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire), il faut accepter de regarder une carte de contamination radioactive post-accidentelle française, telle qu’elle apparaîtra sur nos écrans de télévision quand la catastrophe aura eu lieu.
Pour comparer avec des catastrophes nucléaires connues, j’ai reporté sur la carte de l’Europe les surfaces des territoires les plus contaminés par Tchernobyl et Fukushima, à la même échelle, en prenant comme source fictive de la pollution la centrale nucléaire du Tricastin. Evidemment, si un accident arrivait, la pollution se répandrait d’une autre manière, à cause d’autres conditions météorologiques et d’autres reliefs. C’est juste pour se donner une idée. Juste pour se préparer psychologiquement.
Si Tricastin provoquait la pollution radioactive de Fukushima…
… Avignon, Lyon et Castres seraient des villes contaminées. Selon la direction du vent, il est probable qu’Aix, Marseille et Toulon soient également touchées. En effet, la carte des retombées de Fukushima se limite à la superficie de l’île, mais elles ont été considérables aussi à l’est, côté pacifique.
Si Tricastin provoquait la pollution radioactive de Tchernobyl…
… une grande partie de la vallée du Rhône devrait être évacuée. Avignon, Lyon, Valence, Saint-Etienne, Chalon-sur-Saône seraient des villes contaminées. Annecy et Chambéry seraient sans doute à évacuer. Mais d’autres pays que la France seraient aussi touchés, en particulier la Suisse : Genève serait à évacuer. La pollution s’étendrait jusqu’à l’Italie et l’Autriche. Paradoxalement, ces trois derniers pays subiraient les effets d’une catastrophe nucléaire alors qu’ils ont décidé de sortir du nucléaire. En effet, la France impose le risque nucléaire à ses propres habitants, mais aussi à l'ensemble des Européens.
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En savoir plus sur la centrale du Tricastin
Dépêche du Dauphiné sur cet incendie
Un autre incendie a déjà eu lieu à la centrale de Tricastin au mois de juillet 2011
http://tempsreel.nouvelobs.com/societe/20110702.OBS6326/incendie-a-la-centrale-edf-de-tricastin.html
Evènement de 2008 au Tricastin
http://groupes.sortirdunucleaire.org/2008-Tricastin-fuite-d-uranium
Pourquoi il faut arrêter le Tricastin ?
http://www.amisdelaterre.org/IMG/pdf/labaleine167.pdf
D'autres infos concernant Tricastin et la vallée Rhône-Durance
http://www.coordination-antinucleaire-sudest.org/
.
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Photo d'entête de Patrick Roux (DL).
Ouf ! On respire, ce n’était qu’un « incident » !
5 avril 2012. Deux départs de feu à la centrale nucléaire de Penly et une fuite d’eau radioactive de 2,3 m3 par heure, classé niveau 1 sur l’échelle INES.
La panne d’une pompe servant au refroidissement du réacteur : grave ou pas grave ?
« Niveau 1 » signifie « anomalie ». Donc pas grave a priori, selon l’ASN.
La fuite ne peut évidemment pas être considérée comme grave par cet organisme étant donné que des fuites sont déjà tolérées par la même agence de sureté nucléaire (lien). D’autant plus qu’on autorise cette centrale à relâcher 72.000.000.000.000 Bq par an dans la Manche, juste pour le tritium (cf. autorisation pour 2008).
Une fuite connue en 2010 à la centrale nucléaire de Penly
(Source : Médiapart, 25 juin 2011)
Juste une anomalie donc.
Pourtant, si une autre pompe n’avait pas pris le relai, le cœur aurait fondu rapidement.
Comme à Three Mile Island. Comme à Fukushima.
On remarque en passant que cet incendie, qui a quand même nécessité l’intervention de 29 personnes, n’a pas eu besoin d’un tremblement de terre ou d’un tsunami pour se produire.
C’est pourquoi il est utile de rappeler ‒ ou d’apprendre ? ‒ à la population ce qui se passerait en cas d’accident majeur : contamination des sols pour des décennies, voire des siècles, et évacuations définitives pour les zones les plus touchées.
Les mots restent des mots, rien ne vaut une bonne carte.
Comme « il faut accepter de se préparer à des situations complètement inimaginables. Car la menace existe » (dixit M. Jacques Repussard, directeur général de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire), il faut accepter de regarder une carte de contamination radioactive post-accidentelle française, telle qu’elle apparaîtra sur nos écrans de télévision quand la catastrophe aura eu lieu.
Pour comparer avec des catastrophes nucléaires connues, j’ai reporté sur la carte de l’Europe les surfaces des territoires les plus contaminés par Tchernobyl et Fukushima, à la même échelle, en prenant comme source fictive de la pollution la centrale nucléaire de Penly. Evidemment, si un accident arrivait, la pollution se répandrait d’une autre manière, à cause d’autres conditions météorologiques et d’autres reliefs. C’est juste pour se donner une idée. Juste pour se préparer psychologiquement.
Si Penly avait provoqué la pollution radioactive de Fukushima…
… Le Havre, Rouen, seraient des villes contaminées. Les côtes anglaises et la Manche seraient également touchées. La carte des retombées de Fukushima, à cause de l’impossibilité de les relever dans l’océan Pacifique, ne montre pas la pollution à l'est. Selon les vents dominants, il faudrait aussi très probablement évacuer les villes suivantes : Amiens, Lille, Saint-Quentin, Calais, Dunkerque, et la plupart du territoire belge serait contaminé (zone grisée) à cause de la pollution radioactive aérienne qui serait générée par une catastrophe nucléaire à Penly.
Si Penly avait provoqué la pollution radioactive de Tchernobyl…
… Le Havre, Rouen, Orléans, Calais, Dunkerque seraient des villes contaminées. Mais d’autres pays que la France seraient touchés : l’Angleterre, la Belgique (faudrait-il évacuer Bruges ?), les Pays-Bas et l’Allemagne. Il faudrait aussi sans doute interdire la pêche dans la Manche étant donné que l’essentiel des retombées y seraient localisées.
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En savoir plus sur l’évènement de Penly
Analyse de Bruno Chareyron (Criirad)
http://www.criirad.org/actualites/dossier2012/penly/penly.html
Analyse de Bernard Frau
Article du Monde
Communiqué de l’IRSN
http://www.irsn.fr/FR/Actualites_presse/Actualites/Pages/20120406_incident-penly.aspx
Communiqués de l’ASN
http://www.asn.fr/index.php/S-informer/Actualites
Un forum scientifique et citoyen sur la radioprotection intitulé « De Tchernobyl à Fukushima » se tiendra les 12 et 13 mai 2012 à Genève. Organisé par IndependentWHO, un mouvement citoyen initié par un collectif d’associations et d’individus, il rassemblera de nombreuses personnalités engagées dans le monde entier : Bélarus, Belgique, Russie, France, Italie, Japon, Royaume-Uni, Suisse.
Les vraies conséquences sanitaires de Tchernobyl ont été dissimulées. Et cette dissimulation se répète avec Fukushima. L’Organisation Mondiale de la Santé étant subordonnée depuis 1959 à l’Agence Internationale de l’Energie Atomique, dont le but est le développement de l’énergie atomique, participe directement à ces dissimulations.
Le « label » santé de l’OMS ne pouvant plus être une garantie, il revient à la société civile de se prendre en charge. Aussi IndependentWHO a pris la décision d’inviter des scientifiques indépendants de tout conflit d’intérêts pour qu’une véritable information soit donnée en matière de radioprotection des populations exposées à des rayonnements ionisants.
Ce forum sera aussi un moment de partage d’expériences entre citoyens, vigies d’Independent WHO, élus, journalistes et professionnels de la santé, pour réfléchir à ce que nous pouvons faire ensemble pour que la santé des populations soit prise en compte en cas d’exposition à une pollution radioactive.
Appel aux dons
Le soutien à la réalisation de ce colloque entièrement indépendant est primordial.
Si vous souhaitez aider financièrement cette action, cliquez ici :
http://independentwho.org/fr/2012/04/01/forum-radioprotection-dons/
LIEUX ET PROGRAMME
Samedi 12 Mai : Centre OEcuménique des Églises 150 Route de Ferney 1211 GENEVE 2 Suisse .
Salle de conférences (avec traduction simultanée anglais, français, japonais et russe)
Dimanche 13 Mai : Salle Gandhi, Maison des associations 15 rue des Savoises, Genève.
L'entrée est libre dans la limite des places disponibles.
Pour des raisons d'organisation, il est préférable de s'inscrire à l'avance en envoyant un mail à
Hébergement
“Voir les possibilités d’hébergement à Genève et dans les environs”
PROGRAMME DU SAMEDI 12 MAI
Samedi 12 mai 2012 – de 8h30 à 12h45 -
8h30 Accueil
9h00 Présentation du Forum – Modérateur : Marc MOLITOR
Ouverture du Forum par Rémy PAGANI (Suisse) Conseiller
administratif de la Ville de Genève.
Introduction du Forum
Paul ROULLAUD (France) Représentant IndependentWHO
Pourquoi ce forum scientifique et citoyen.
Roland DESBORDES (France) Président de la CRIIRAD
Prise en charge citoyenne de l'information.
Paul LANNOYE (Belgique) Docteur es Sciences, Député
Européen Honoraire : Pourquoi les risques de la radioactivité
ont-ils toujours été sous-estimés ?
9h50 Panorama des contaminations au Japon et des
conséquences sanitaires à Tchernobyl
- Modérateur : André LARIVIÈRE
Alexei YABLOKOV (Russie) Docteur ès Sciences biologiques
Conseiller de l'Académie des Sciences de Russie : Diversité des
conséquences biomédicales de la catastrophe de Tchernobyl.
Dr ShinzoKIMURA (Japon) Enseignant à l' Université de
Hokkaido. Expert en radioprotection.
Étendue des contaminations. Premiers symptômes cliniques
après Fukushima.
Dr EisukeMATSUI (Japon) Spécialiste pathologie respiratoire
Directeur de l'Institut médical de l'environnement de Gifu
Actions de citoyens et de scientifiques japonais concernés par l'exposition
aux faibles doses de rayonnement ionisant interne au Japon.
11h25 La radioprotection contre la contamination interne élevée
- Modérateur : Wladimir TCHERTKOFF
DrGalina BANDAJEVSKAIA (Bélarus) Pédiatre, cardiologue
Etat de santé des enfants du Bélarus après l'accident de
Tchernobyl.
Alexei NESTERENKO(Bélarus) Directeur de l'Institut Belrad
Le concept de radioprotection des habitants au niveau local.
L' ATLAS radio-écologique. L'homme et les rayonnements ionisants
Vladimir BABENKO (Bélarus) Directeur-Adjoint de Belrad
De Tchernobyl à Fukushima... Guide pratique de radioprotection
Samedi 12 mai 2012 – de 14h00 à 18h00 -
14h00 Gestion de la catastrophe par les autorités et ses effets sur la
société. - Modérateur : Eric PEYTREMANN
Dr Sophie FAUCONNIER (France) Médecin, auteure d'études sur
l'impact sanitaire de Tchernobyl en Corse
Impact sanitaire de l'accident de Tchernobyl en Corse : une étude
épidémiologique indépendante enfin mise en place.
Paul JOBIN (France) Sociologue, spécialiste du Japon, chercheur
associé au Centre de recherche sur les enjeux contemporains en santé
Publique (INSERM-EHESS)
Fukushima : Radioprotection ou « radio-gestion » par les autorités ?
Kolin KOBAYASHI (Japon) Journaliste, correspondant 'Days Japan'
Le nucléaire au Japon, de Hiroshima à Fukushima, et le mouvement
antinucléaire.
15h20 La société civile : Après Tchernobyl et Fukushima, des ONG,
citoyens, élus, médecins, scientifiques et journalistes s' activent.
- Modérateur : Marc MOLITOR
Dr Youri BANDAJEVSKY (Bélarus) Anatomopathologiste,
Président du Centre d'Analyse et de Coordination "Ecologie et Santé"
Du syndrome d'incorporation chronique des radionucléides à période
longue (SLIR) à la construction de programmes et politiques de radio -
protection des populations : - un exemple de modèle intégré.
Aya MARUMORI et Wataru IWATA (Japon) du laboratoire
indépendant japonais CRMS : Initiatives et actions indépendantes
après Fukushima.
Michèle RIVASI (France) Députée européenne , cofondatrice de la
CRIIRAD.
Que fait l'Europe en matière de radioprotection ?
Miwa CHIWAKI (Japon) Représentante de l'association des mères
de Fukushima : Notre lutte pour la survie continue.
Chris BUSBY (Royaume-Uni) Chimiste, Physicien, Secrétaire du CERI
Epidémiologie citoyenne du cancer dans les petites localités : quelques
approches.
Dr Michel FERNEX (Suisse) Professeur émérite de la Faculté de
Médecine de Bâle, ex-consultant de l'OMS.
Le temps perdu à Fukushima.
Conclusion de la journée
PROGRAMME DU DIMANCHE 13 MAI
de 8h30 à 15h :
RENCONTRE-DÉBAT entre scientifiques, élus, professionnels de la santé, vigies, journalistes, citoyens :
QUE POUVONS-NOUS FAIRE ENSEMBLE ?
Salle Gandhi, Maison des Associations, 15 rue des Savoises, Genève.
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En savoir plus sur l’évènement
Présentation du forum
Document à télécharger (16 Ko)
Communiqué de presse
Document à télécharger (41 Ko)
Programme et présentation en format PDF
Document à télécharger (163 Ko) VERSION FRANCAISE
Document à télécharger (210 Ko) ENGLISH VERSION
Site du Collectif Independent WHO
http://www.independentwho.org/
La preuve de cette entourloupe a été donnée par un journaliste courageux, Takashi Uesugi, qui est venu sur place pour faire la mesure. Près de la borne M-7, il relève 100 µSv/h alors que le capteur protégé n’indique que 9,3 µSv/h
Exemple 2 : après avoir remarqué que ses propres mesures au compteur Geiger étaient nettement plus faibles que celles présentées par les postes de contrôle des radiations du MEXT, un citoyen de Fukushima a prouvé qu'un poste de surveillance des rayonnements est décontaminé secrètement pour réduire les niveaux de rayonnement enregistrés.
23) Arrêter les enquêtes épidémiologiques
Quand une étude scientifique peut compromettre le message officiel sur la situation sanitaire vis-à-vis de la radioactivité, il faut faire arrêter l’étude en prétextant que cela pourrait amener des interrogations de la population.
Le 14 juin 2012, on a appris que le Professeur Shinji Tokonami de l'Université d'Hirosaki avait été sommé par les autorités de Fukushima de stopper prématurément une étude lancée en avril 2011 et qui prévoyait d'étudier l'exposition à la radioactivité d'une centaine d'habitants de la région de Fukushima.
Sur les 62 cas étudiés incomplètement, de l'iode-131 avait été détecté au niveau de la glande thyroïde sur 50 personnes.
24) Arrêter de compter les décès
S’il y a trop de décès dans une région contaminée, le mieux est de supprimer la rubrique nécrologique. Ca risquerait d’alerter l’opinion.
Iori Mochizuki nous informe par son blog Fukushima Diary du 17 juin 2012 qu’un journal local de Fukushima a interrompu sa rubrique nécrologique depuis une semaine (10 juin 2012).
Le Fukushima Minpo est le plus grand des journaux locaux de Fukushima, il mettait à jour sa rubrique nécrologique tous les jours, il avait attiré l'attention par l'ampleur de ses avis de décès pour une population comme celle de Fukushima. Il y avait entre 40 et 60 morts listés, de tous âges. Aucune explication n'est donnée sur cette interruption.
25) Faire taire les journalistes
Si un journaliste fait une enquête trop poussée révélant des collusions ou des disfonctionnements, il faut lui faire un procès exemplaire qui servira de leçon à ceux qui seraient tentés de faire la même chose. Le village nucléaire ne doit pas être dérangé dans ses petites affaires.
Depuis mai 2012, le journaliste freelance Minoru Tanaka est ainsi accusé de diffamation par le président d’une entreprise de systèmes de sécurité pour centrale nucléaire, suite à ses enquêtes sur les coulisses de la gestion de l’incident nucléaire à la centrale de Fukushima-Daiichi.
http://fr.rsf.org/japon-fukushima-acharnement-judiciaire-10-07-2012,42990.html
26) Trafiquer les dosimètres
On a vu plus haut (n° 19) qu’on pouvait donner l’illusion d’une centrale accidentée qui ne polluerait quasiment plus en protégeant les capteurs. On peut faire la même chose avec les travailleurs : on peut donner l’illusion que la centrale n’est pas dangereuse pour faire travailler les ouvriers plus longtemps. Il suffit pour cela de leur demander de glisser leur dosimètre individuel dans un petit boîtier en plomb. Et hop, ni vu ni connu, la radiation est effacée des registres !
Surtout il faut rester discret. Si la chose est rendue publique, il faut vite trouver un bouc émissaire pour lui faire porter le chapeau d’une pratique courante mais interdite. Ainsi, c’est BUILD-UP, filiale de TOKYO Energy Systems, filiale de TEPCO qui s’est fait prendre. Tant pis pour elle !
http://fukushima-is-still-news.over-blog.com/article-one-way-to-shield-radiation-108381425.html
27) Truquer les photos
Pour minimiser l’état lamentable des structures après une explosion due à l’énergie nucléaire, utiliser un logiciel de retouche de photo pour arranger la vision des bâtiments réacteurs.
Un bon exemple, le bâtiment du réacteur 4 qui comporte une piscine très dangereuse en suspens à 30 mètres de hauteur doit être soutenu avec des murs impeccables. S’il y a des ouvertures gênantes, il suffit de mettre du blanc et hop, le mur est réparé !
http://gen4.fr/2012/09/tepco-camouflage.html
28) Supprimer l’accès aux documents
C’est bien de paraître transparent dans un premier temps, c’est l’image officielle de l’industrie nucléaire qu’il faut préserver. Mais attention, au bout d’un certain temps, il faut supprimer l’accès aux informations d’origine car des chercheurs un peu trop zélés pourraient faire des recherches trop poussées. Supprimer l’accès libre à des documents sources est donc un principe de base.
Il faut prendre exemple sur l’ancienne autorité de sûreté nucléaire japonaise qui avait une bibliothèque avec 40 000 documents en libre accès. Cette librairie a été fermée. L’astuce a été de profiter du changement de structure pour arrêter ce service.
http://www.acro.eu.org/chronoFukushima.html (2 octobre 2012)
29) Dénigrer les informations non officielles
Dans les pays où l’Internet ne peut pas être bridé, il est nécessaire d’avoir un réseau de journalistes scientifiques qui désamorcent les informations trop sensibles qui apparaissent dans des blogs ou des journaux trop informés. Pour cela, quand une info fait le buzz et que cela entache la réputation de l’industrie nucléaire, il faut créer un article pour la contrer. Cet article doit insister fortement sur le manque de professionnalisme de l'auteur ou remettre en question des sources non fondées. C’est assez facile, on met le coup de projecteur sur une erreur insignifiante qui n’a pas forcément de rapport avec le fond de l’article. De ce fait, l’attention est détournée et le journal ou l’auteur sont décrédibilisés. Le lecteur doit surtout retenir que la véritable info doit être officielle, et que le reste est de la désinformation. Comme ça, on met tous les sites alternatifs dans le même sac et le tour est joué.
Cette technique est régulièrement et brillamment utilisée par Sylvestre Huet dans son blog Sciences², en particulier avec l’article « Fukushima : désinformation sur la piscine 4 ». Dans son billet, le journaliste n’hésite pas à descendre un collègue du Nouvel Observateur en s’attachant à une simple bâche plastique et à une erreur de situation de la piscine.
http://sciences.blogs.liberation.fr/home/2012/09/fukushima-la-d%C3%A9sinformation-continue.html
Il y a un mois, j’ai adressé à chaque candidat républicain un questionnaire concernant Fukushima. Voici les réponses de ceux qui ont accepté de participer à cette tribune. Pour permettre à tous les candidats de s’exprimer, cette page sera mise à jour régulièrement jusqu’au jour de l’élection présidentielle.
(Précision : l’ordre des candidats est celui qui a été déterminé par le Conseil Constitutionnel)
Mme Eva Joly (Europe Ecologie Les Verts)
1. Quelle a été votre première pensée quand vous avez appris qu’une centrale nucléaire avait explosé au Japon ?
L’effroi d’abord. Ensuite, une inquiétude tenace, à laquelle il était impossible d’apporter une réponse. Elle a été longue et elle n’a pas disparu aujourd’hui encore. Car on ne savait pas ce qui se passait vraiment, donc il était difficile de comprendre les conséquences avérées ou potentielles.
2. Que pensez-vous de l’annonce de l’arrêt à froid des réacteurs de la centrale nucléaire de Fukushima en décembre dernier par le gouvernement japonais ?
Que c’est une belle tentative de manipulation. L’arrêt à froid est un terme qui s’applique pour un réacteur dans un état normal. En l’occurrence, cela ne signifie rien. C’est plutôt un slogan qui cherche à masquer la réalité puisque personne ne sait exactement l’état de la situation : où est le corium ? pourquoi la température a réaugmenté temporairement dans le réacteur numéro 2 ? pourquoi n’y a-t-il que 60 cm d’eau dans le réacteur 2 quand on en attendait plusieurs mètres ?...
La réalité est que nous ne savons pas l’essentiel. Cela vaut pour les réacteurs, mais aussi pour les piscines, notamment celle du réacteur 4. J’ai appris récemment, avec effroi, que si la piscine du réacteur 4 est restée remplie d’eau, cela est le pur fruit de la chance. En effet, il y avait une fuite, totalement fortuite, avec un autre bassin surélevé. Cette fuite au niveau de la porte de séparation des deux bassins n’aurait pas dû exister. C’est elle qui a permis d’éviter le scénario catastrophe d’un embrasement des barres de combustible. Mais la question de la piscine du réacteur 4 est loin d’être résolue : il y a des raisons importantes de rester inquiets, tant sa fragilité est grande.
Il nous faudra des décennies pour déconstruire la centrale. Alors seulement, on pourra dire que la catastrophe est finie.
3. Que pensez-vous de l’idée de la création d’une commission d’experts internationaux qui prendrait en charge le suivi du site de Fukushima ?
Je suis favorable au développement d’une expertise internationale, pour Fukushima, et pour le nucléaire en général. Il faut multiplier les sources d’expertises, avec différents types d’indépendances (vis-à-vis du politique, vis-à-vis des puissances économiques, vis-à-vis des fiertés nationales…) et avec de la transparence. C’est le seul moyen de créer des débats d’experts contradictoires seuls à même de renforcer la sûreté.
Aujourd’hui, en France, on se gargarise d’une expertise « indépendante », mais elle n’est ni plurielle, ni contradictoire, ni transparente, ni indépendante en de nombreux points (pressions économiques d’entreprises publiques, porosité avec l’industrie nucléaire, prédominance des grands corps d’Etat…).
4. Pensez-vous que les femmes de Fukushima ont raison de se mobiliser pour avoir les moyens d’évacuer leurs enfants des zones contaminées ?
Evidemment. J’ai rencontré certaines de ces femmes, quand je me suis déplacée à Fukushima. Cela m’a bouleversé. L’ennemi invisible de la radioactivité change votre regard sur le monde : comment se protéger et protéger les êtres qu’on aime le plus au monde ? comment y échapper ? comment être sûr que l’on y échappe ? Ce sont des questions très concrètes, qui amènent des familles à se séparer ou à quitter définitivement leur vie passée. C’est humainement dramatique.
Le discours, largement relayé en France, selon lequel la radioactivité diffuse du type de celle rencontrée autour de Fukushima n’aurait pas d’impact sur la santé m’est insupportable. Certains affirment même que les impacts sanitaires sont liés au stress, une sorte d’effet placebo ! C’est mépriser ces populations victimes, qui n’ont rien demandé, et qui paient un prix élevé. Et c’est mépriser les sciences et des centaines ou milliers d’études, de multiples origines disciplinaires, qui montrent le contraire. Les parangons du nucléaire sont la caricature du positivisme productiviste qui refuse de croire à la faillibilité de l’homme : une dose d’humilité leur ferait beaucoup de bien.
5. Suite à la catastrophe nucléaire, des Japonais ont quitté leur pays car ils ne s’y sentent plus en sécurité. Seriez-vous favorable à la création d’un statut international de réfugié environnemental ?
Oui. Cela s’appliquerait pour le cas du nucléaire, mais également pour les réfugiés climatiques. Ou bien ceux victimes de l’exploitation des ressources naturelles.
C’est dramatique d’en être arrivé à un tel impératif…
6. Lors de la catastrophe, le gouvernement japonais a fait évacuer une zone de 20 puis de 30 km en utilisant des cercles concentriques autour du site nucléaire. En France, en cas d’accident nucléaire, les Plans Particuliers d’Intervention prévoient l’évacuation d’une zone de 2 km, et le confinement de la population dans un rayon de 10 km. Pensez-vous que ces mesures de sécurité soient suffisantes ?
Evidemment non. Nous demandons un renforcement drastique des procédures (en particulier des PPI), une amélioration de la transparence et des pouvoirs des Commissions Locales d’Information.
La sûreté et la sécurité doivent être drastiquement renforcées à court terme, bien au-delà des recommandations de l’ASN. Mais la seule véritable solution pour supprimer le risque est de sortir du nucléaire.
7. La catastrophe de Fukushima vous a-t-elle fait évoluer sur l’idée que vous vous faisiez de la sûreté nucléaire ?
Non, pas fondamentalement. Je suis confortée dans mes idées, et dans la conviction qu’il y a urgence à agir. Je ne cesse de me battre pour cela.
8. Selon vous, pourquoi n’a-t-on jamais demandé aux Français quelle énergie ils voulaient utiliser en priorité ? Seriez-vous favorable à l’organisation en France d’un débat national sur l’énergie suivi d’un référendum afin que la population choisisse en connaissance de cause les risques qu’elle est prête à assumer ?
Car le nucléaire a d’abord été une entreprise militaire, et que le nucléaire civil s’est imposé en conséquence, à la fois à des fins de justification des moyens nécessaires au nucléaire militaire et pour prouver que le nucléaire allait dans le « sens du progrès ».
De plus, la France est largement dirigée par une administration composée par les « Grands corps d’Etat » (corps des Mines, corps des Ponts notamment). Je pense que ces serviteurs de l’Etat sont persuadés d’agir pour le bien commun. Ils sont aussi persuadés que les enjeux complexes dépassent les capacités des citoyens. Ce qui est évidemment dangereux et absurde.
La France n’a jamais eu de débat réel sur l’énergie. Jusqu’à peu encore (peut être est-ce encore le cas ?), nos dirigeants sont persuadés qu’énergie est synonyme d’électricité, donc de nucléaire. Ils ont découvert, sans tout comprendre d’ailleurs (souvenez-vous du débat entre M. Sarkozy et Mme Royal il y a cinq ans), que le nucléaire ce n’est que 17% de l’énergie finale en France, et 2,2% de l’énergie finale dans le monde.
Nous avons besoin de faire de l’enjeu énergétique une question de société, dans lequel la question nucléaire fait partie, mais ne s’y résume pas. Nous pourrons montrer comment les énergies renouvelables et surtout les réductions de consommations par l’efficacité et la sobriété sont autrement plus puissantes que le nucléaire. Nous pourrons montrer que la lutte pour la protection du climat et la réponse à la raréfaction des ressources fossiles n’ont pas besoin du nucléaire. Nous pourrons montrer, bien au contraire, que le nucléaire porte un risque insupportable pour un bénéfice négligeable et qu’il bloque les alternatives.
Nous pensons qu’un référendum risquerait de simplifier à outrance la question de la transition énergétique et qu’une grande loi d’orientation permettrait davantage de garantir et de concrétiser la sortie du nucléaire et la réduction des émissions de gaz à effet de serre.
9. Souhaitez-vous ajouter autre chose sur le sujet de la catastrophe de Fukushima ?
Les conséquences de cette catastrophe, je les ai vues de mes yeux. Je les garde en mémoire et elles font partie de ces souvenirs révoltants qui me donnent le courage de continuer à me battre.
M. Nicolas Sarkozy (Union pour un Mouvement Populaire)
Réponse non communiquée
M. Jean-Luc Mélenchon (Front de Gauche)
Réponse non communiquée
M. Philippe Poutou (Nouveau Parti Anticapitaliste)
1. Quelle a été votre première pensée quand vous avez appris qu’une centrale nucléaire avait explosé au Japon ?
Que l’horreur absolue était en train d’arriver
2. Que pensez-vous de l’annonce de l’arrêt à froid des réacteurs de la centrale nucléaire de Fukushima en décembre dernier par le gouvernement japonais ?
C'est une annonce politique à la tonalité rassurante qui ne correspond pas à la réalité et confine à la désinformation. Dans le cas des trois réacteurs de Fukushima, l’arrêt à froid signifie que l’eau est en-dessous de 100°C et que le risque d’une reprise de la réaction de fission est écarté. Cependant beaucoup d’inconnues demeurent sur l’état des réacteurs : leur combustible a fondu et a formé un corium qui est tombé au fond de la cuve, puis l'a probablement traversée.. Personne ne sait aujourd'hui où se trouve exactement ce corium et nul ne peut présager de ce qui va se produire dans les semaines, mois ou années à venir.
3. Que pensez-vous de l’idée de la création d’une commission d’experts internationaux qui prendrait en charge le suivi du site de Fukushima ?
Nous n’avons pas confiance dans les « experts » internationaux qui sont pour la plupart inféodés au lobby nucléaire et en particulier les « experts » français. Si une telle commission devait être créée, elle devrait comprendre pour moitié au moins, des scientifiques militants dans les groupes d’opposition au nucléaire. Ce ne sera jamais le cas. Les japonais ne doivent compter que sur leur mobilisation et sur notre solidarité pour pousser les autorités à dire la vérité qui est connue des opérateurs.
4. Pensez-vous que les femmes de Fukushima ont raison de se mobiliser pour avoir les moyens d’évacuer leurs enfants des zones contaminées ?
Bien entendu !
5. Suite à la catastrophe nucléaire, des Japonais ont quitté leur pays car ils ne s’y sentent plus en sécurité. Seriez-vous favorable à la création d’un statut international de réfugié environnemental ?
Absolument
6. Lors de la catastrophe, le gouvernement japonais a fait évacuer une zone de 20 puis de 30 km en utilisant des cercles concentriques autour du site nucléaire. En France, en cas d’accident nucléaire, les Plans Particuliers d’Intervention prévoient l’évacuation d’une zone de 2 km, et le confinement de la population dans un rayon de 10 km. Pensez-vous que ces mesures de sécurité soient suffisantes ?
Elles sont tout simplement ridicules. Le gouvernement français a toujours fait preuve d’une inconséquence dramatique et potentiellement meurtrière en la matière.
7. La catastrophe de Fukushima vous a-t-elle fait évoluer sur l’idée que vous vous faisiez de la sûreté nucléaire ?
Non, nous étions déjà profondément antinucléaires et ne nous faisions aucune illusion sur la sûreté. Hélas nous avions raison.
8. Selon vous, pourquoi n’a-t-on jamais demandé aux Français quelle énergie ils voulaient utiliser en priorité ? Seriez-vous favorable à l’organisation en France d’un débat national sur l’énergie suivi d’un référendum afin que la population choisisse en connaissance de cause les risques qu’elle est prête à assumer ?
En réponse à la 1ère question, la raison est simple : nous évoluons dans une fausse démocratie dirigée en fait par le marché, les grands groupes et la classe politique à leur service. Les gens sont réduits à de simples électeurs pour ceux qui dirigent et décident et ne sauraient être considérés en tant qu'acteurs.
Sur le 2ème point : imaginer un vrai débat public national où toutes les positions auraient la même liberté de s'exprimer est d'une grande naïveté : aujourd'hui le pouvoir est totalement inféodé à Aréva et aux multinationales dont l'intérêt est de vendre des centrales nucléaires coûte que coûte. Les drames que le nucléaire provoque ne sont pour ces gens-là que des dégâts collatéraux nécessaires. Dans ce contexte, l'organisation d'un référendum est une mascarade de démocratie. Non seulement c'est un leurre de penser que les gens pourraient décider en connaissance de cause tant la propagande menée par les classes dirigeantes est puissante, mais ça devient un mensonge de laisser croire que ces mêmes classes dirigeantes respecteraient le résultat du vote si celui-ci leur était défavorable. (cf. le traité constitutionnel européen).
Pour nous, en France (comme dans le monde entier d’ailleurs) nous devons imposer la sortie du nucléaire par nos mobilisations qui devront être encore plus massives que vient de l'être la chaîne humaine du 11 mars. Pour nous y aider, les partis politiques devraient faire des propositions crédibles pour sortir du nucléaire et montrer que c’est techniquement et socialement possible. C’est ce que fait le NPA en popularisant un plan de sortie en 10 ans argumenté et chiffré.
Au NPA, nous ne nous retranchons pas comme certains derrière une proposition de référendum pour masquer notre absence de position sur la question.
9. Souhaitez-vous ajouter autre chose sur le sujet de la catastrophe de Fukushima ?
Oui, après la catastrophe de Fukushima où rien n'est définitivement sous contrôle, et malgré les efforts des travailleurs japonais qui tentent au péril de leur vie, d'empêcher un désastre encore plus grand, l'humanité est toujours sous la menace du pire. Cette tragédie a révélé au monde de façon encore plus évidente l'urgence absolue à se mettre à l'abri des méfaits du nucléaire. Accidents aux conséquences gravissimes, effets de la radioactivité sur la santé, production de déchets hautement nocifs et ingérables, énormes difficultés pour le démantèlement des centrales, pollution des rivières indispensables au refroidissement des réacteurs, production d'armes nucléaires..., les raisons de sortir du nucléaire sont multiples.
Il faut une voix pour le crier et dire qu'il est tout à fait possible de sortir rapidement du nucléaire. Hélas, à l'exception de quelques associations, le NPA est bien seul dans le monde politique pour faire des propositions en ce sens. Nous continuerons néanmoins et invitons tous ceux qui le souhaitent à prendre connaissance de notre scénario de sortie en 10 ans à cette adresse : http://www.npa2009.org/content/8-pages-npa-comment-sortir-du-nucl%C3%A9airepdf
Mme Nathalie Arthaud (Lutte Ouvrière)
Réponse non communiquée
M. Jacques Cheminade (Solidarité & Progrès)
Réponse non communiquée
M. François Bayrou (Mouvement Démocrate)
Réponse non communiquée
M. Nicolas Dupont-Aignan (Debout la République)
Réponse non communiquée
M. François Hollande (Parti Socialiste)
Réponse non communiquée
Soutien au blog de Fukushima
Chaîne vidéo du blog de Fukushima
BD : Fukushima-Chronique d'un accident sans fin (Bertrand Galic, Roger Vidal)
Présentation de la BD par l'éditeur
Dossier documentaire 10 pages sur Fukushima (Pierre Fetet)
Dossier sur le rejet des eaux contaminées dans le Pacifique
« Fukushima - Rejets dans le Pacifique : clarification et mise en perspective »
Une analyse critique des données concernant les rejets des eaux radioactives de la centrale de Fukushima Daiichi initiés en août 2023, dossier réalisé par la CRIIRAD qui tente de répondre à ces questions : Quels sont les principaux défis auquel est confronté l’exploitant de la centrale ? Quels sont les éléments radioactifs rejetés dans le Pacifique ? Les produits issus de la pêche sont-ils contaminés ? Est-il légitime de banaliser le rejet d’éléments radioactifs, notamment du tritium, dans le milieu aquatique ? Qu’en est-t-il en France ?
Spectacle
Le spectacle d'Audrey Vernon "Fukushima, work in progress" est disponible en ligne à cette adresse :
https://www.imagotv.fr/spectacles/fukushima_work_in_progress
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« Sans le web, mémoire vive de notre monde, sans ces citoyens qui n’attendent pas des anniversaires, de tristes anniversaires, pour se préoccuper du sort des réfugiés de Fukushima, eh bien le message poignant de Monsieur Idogawa (maire de Futuba) n’aurait strictement aucun écho. » (Guy Birenbaum, Europe 1, 1er mars 2013)
Les Éditions de Fukushima : des livres à télécharger et à diffuser librement
Le dernier livre de Jean-Marc Royer
Le dernier numéro d'Atomes crochus
Frankushima : un essai graphique sur la catastrophe de Fukushima et le risque nucléaire en France. Site dédié : frankushima.com
Un livre essentiel sur les conséquences de Tchernobyl
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