Texte de de HORI Yasuo des 6 et 7 octobre 2015 traduit de l'espéranto par Paul SIGNORET et Ginette MARTIN
Visite de la région côtière de Fukushima
Les 6 et 7 octobre, je me suis rendu dans la région côtière de Fukushima avec une vingtaine d'ex-enseignants, membres de la Société des enseignants retraités du département de Gunma. Tous étaient de loyaux syndicalistes, qui s'étaient battus et se battent pour la paix et les droits de l'homme, et nous avons donc voyagé ensemble très amicalement. Notre but était de soutenir les gens de Fukushima, victimes d'une quadruple infortune : le séisme, le tsunami, l'accident nucléaire et le discrédit que la pollution a jeté sur le nom de leur région.
La gare de Tatsuta
Nous sommes partis à huit heures de la ville de Maebashi, dans le département de Gunma et nous avons d'abord atteint la gare de Tatsuta, dans la ville de Naraha. Elle est pour l'heure la gare la plus au nord sur la ligne Jōban, qui relierait Tokyo à Sendai, si le séisme et le tsunami ne s'étaient pas produits. Plus au nord, il y a encore des rails mais aucun train n'y circule.
Un employé était de service à l'intérieur de la gare devant laquelle stationnait un taxi, mais aucun magasin n'était ouvert. À l'intérieur, un radiamètre indiquait 0,161 microsievert/h et à l'extérieur, un autre indiquait 0,209. Selon la loi, les lieux pollués à plus de 0,23 microsievert/h doivent être dépollués. Peut-être y avait-il alentour des endroits plus pollués.
Cette gare est située dans la ville de Nahara, dans laquelle les habitants peuvent maintenant revenir loger, car on a en achevé la dépollution depuis déjà le 5 septembre 2015, mais seulement 450 des 8 000 habitants sont revenus. Quatre ans déjà se sont écoulés depuis l'accident et beaucoup de gens se sont installés ailleurs. Des parents refusent que leurs enfants vivent dans un lieu radioactif. Des enfants qui, du fait de leur situation de réfugiés ont dû changer maintes fois d'école, ne veulent plus que cela se reproduise.
Dans les pages du site internet de la ville, le maire a écrit ceci :
Un mois déjà s'est écoulé depuis que nous avons le droit de loger à nouveau dans notre ville, et c'est pour moi comme si une horloge arrêtée se remettait en marche. Cent cinquante familles déjà sont revenues. Çà et là s'ouvrent des chantiers de réparation de maisons. Pour des raisons de sécurité nous avons installé des caméras de surveillance dans les principales artères de la ville afin que les habitants puissent vivre tranquilles.
Dans toutes les villes sinistrées du département de Fukushima, de nombreux voleurs sont apparus. De plus, beaucoup d'hommes venus de l'extérieur y travaillent à présent, si bien que les gens, les femmes en particulier, ont peur de revenir y loger. Devant la gare est affichée une belle image de l'avenir de la cité, mais quand donc se réalisera-t-il ?
La gare de Tomioka
C'est une gare relativement grande, où arrivaient des trains rapides, or à présent il n'y a plus que des quais, car tout le reste a été détruit par le tsunami.
Rien n'a changé dans le paysage qu'on voit devant la gare. Dans une maison se trouve une camionnette, que la vague du tsunami a transportée là, et le long des rues s'alignent les ruines de boutiques et d'habitations détruites. En raison de la forte radioactivité, on n'a pu les démolir. Ou bien peut-être certains ont-ils encore la volonté de revenir ici réparer leur maison ?
Entre la mer et les quais s'élève à présent un grand bâtiment blanc entouré de sacs de plastique noir contenant de la terre polluée. Dans cet entrepôt, on en réduit le stock par combustion ou par dessication. Le résidu sera conservé dans le dépôt.
Du rivage nous pouvons apercevoir la centrale nucléaire n°2 de Fukushima. Elle contient quatre réacteurs. Quand s'est produit le tsunami, ces réacteurs étaient, eux aussi, en situation critique, car ils avaient perdu deux de leur trois sources de courant électrique et cette unique source restée en fonction a sauvé le Japon. Si les trois sources avaient fait défaut, le Japon n'existerait plus.
Dans la centrale nucléaire n°1 se trouvent quatre réacteurs détruits et deux restés intacts, dont la compagnie TEPCO a décidé qu'ils seraient tous mis au rebut, mais elle ne promet pas le rejet des quatre réacteurs de la centrale n°2, quoique le département de Fukushima et la totalité de ses villes et villages le réclament avec force. Il est certain que la compagnie - et le gouvernement - ont l'intention de réutiliser ces réacteurs. Ils attendent que les gens aient oublié l'accident.
Je dois avouer que c'est la première fois que je voyais une centrale nucléaire au Japon. En France, j'ai vu plusieurs fois des réacteurs, car beaucoup se trouvent le long de rivières, mais chez nous toutes les centrales nucléaires sont installées au bord de la mer, car on se sert de l'eau comme refroidisseur. Cette implantation est très périlleuse pour la défense du pays. Si des ennemis veulent détruire des réacteurs, rien de plus facile. S'ils nous menacent en attaquant nos réacteurs nucléaires, nous n'aurons aucune autre possibilité que de capituler. Le Japon ne peut faire la guerre. De toutes façons, de par notre constitution nous devons éviter la guerre.
La ville de Namie
Dans la ville de Namie, nous avons d'abord visité l'école élémentaire de Ukedo. Ukedo était un magnifique village de pêcheurs avec 1800 habitants, mais en raison du tsunami tout a été perdu. Cent cinquante personnes ont péri, mais heureusement, aucun élève n'est mort, car tous ont pu se réfugier sur la colline distante de 2 km.
A l'école il reste les bâtiments. La photo ci-dessus est celle de la salle de gym. Sur le podium est accrochée l'affiche "Félicitations ! Cérémonie de fin d'année ". Peut-être la cérémonie en question a-t-elle eu lieu le 11 mars 2011, ou bien devait-elle avoir lieu le 12 ?
Ensuite, nous avons visité la gare de Namie. Ici aussi, rien n'a changé. En face de la gare se tenaient deux petits autobus à l'usage des habitants.
Dans le kiosque de presse, il restait des liasses de journaux publiés les 11 et 12 mars 2011 qui n'avaient jamais été distribués aux abonnés. Les commerces adjacents ne tenaient plus droit en raison de la catastrophe. Magasins et maisons se dressaient comme des fantômes, mais on ne voyait d'hommes nulle part.
Le radiamètre affichait 0,585 microsievert/h et sur un sac plastique contenant de la terre polluée le chiffre était de 0,61. Radioactivité deux fois, trois fois plus forte que la norme. Les gens ne peuvent vivre dans un tel endroit. Comme est grande la colère des anciens habitants !
Habitants abandonnés de Namie
Les habitants de Namie ont été pour ainsi dire abandonnés par le gouvernement pendant la catastrophe. Lorsque la situation de la centrale nucléaire de Fukushima n°1 est devenue dangereuse, ils ont fui vers les hauteurs du district de Tsushima dans la même ville, et ils y sont restés 3 jours, pensant que là ils étaient en sécurité. Cependant, il s'est avéré par la suite que ce district était le plus fortement radioactif de cette région. Le gouvernement connaissait ce fait grâce aux informations fournies par Speedi, un système qui peut prévoir la propagation de la radioactivité, mais il a caché la chose aux villes concernées, prétextant que cela éviterait une panique chez les habitants. Le maire était en colère à cause de cela, et ensuite, lorsqu'il a donné des conférences dans divers endroits, il n'a pas manqué d'ajouter que les responsables de TEPCO et le gouvernement devraient aller en prison.
Pour les habitants de Tsushima, c'était le deuxième abandon de la part du gouvernement. Avant la Seconde Guerre mondiale, ils avaient émigré en Mandchourie au nord-est de la Chine, à l'instigation du gouvernement, mais, à la fin de la guerre, ils ont été laissés face aux soldats des troupes russes, sans aucune aide du gouvernement ni de l'armée. Beaucoup sont morts pendant l'exode, et 380 familles survivantes issues du département de Fukushima ont emménagé dans ce district de Tsushima. Après un long labeur dans les collines sauvages, ils ont réussi à vivre en paix, mais une nouvelle tragédie les a frappés et cette fois, non seulement le gouvernement ne les a pas aidés, mais il les a sciemment exposés à la radioactivité.
Toutefois, certains habitants de Namie ont été trois fois abandonnés par le gouvernement. Quelques-uns des exilés de Mandchourie avaient émigré dans le domaine sauvage de Sanrizuka dans le département de Chiba. Lorsque leur vie a commencé à se stabiliser dans les années 60, le gouvernement a décidé d'utiliser le district pour le nouvel aéroport international de Narita. Les habitants s'y sont fortement opposés, mais en vain. Ils ont tous été expulsés de leur foyer bien-aimé. Une de ces familles rejetées est celle de M. Joshizawa, qui s'occupe maintenant de vaches radioactives dans la ville de Namie malgré l'ordre du gouvernement qui est de tuer ces vaches.
Autoroute et radioactivité
Nous avons roulé le long de l'autoroute Jōban-dō qui, entre les villes de Naraha et Namie, est incluse dans le district inhabitable, ce qui signifie qu'il est fortement radioactif. Toutefois, le gouvernement l'a réouverte, car la Jōban-dō est importante pour l'économie et la reconstruction de Fukushima. Dans une aire de stationnement on trouvait les explications suivantes:
- L'exposition présumée aux radiations pour les conducteurs est de 0,37 microsievert pendant un passage. C'est un cent-soixantième des rayons X reçus pendant un examen de santé.
- La radioactivité déposée sur un camion et sa charge lors de la traversée de ce district était si faible que nous n'avons pu la mesurer.
S'il arrive un accident et qu'on doit rester longtemps dans ce district, que va-t-il arriver? Certes, ceux qui auront un accident sont coupables. Ils doivent répondre d'eux-mêmes. Mais qu'en est-il de la police et des infirmiers d'ambulance? Ils doivent travailler puisqu'ils sont payés pour cela. Les travailleurs de la centrale peuvent être soumis à 50 microsieverts par an. 0,37 signifie que si une personne stationne là pendant une heure, elle est exposée à cette même quantité de radioactivité, donc cela n'est pas grave pour sa santé.
Nous transportons la terre polluée au dépôt. Cela est essentiel pour la reconstruction de Fukushima.
1. Nous transportons la terre polluée dans des sacs en plastique, et nous couvrons le tout avec une toile.
2. Nous informons les chauffeurs et les ouvriers de l'importance de ce travail et du moyen de traiter la terre polluée.
3. Nous nettoierons les camions après avoir quitté le dépôt.
4. Dans les parkings, nous garons les camions dans un espace isolé.
À la fin du voyage, nous nous sommes rendus au temple bouddhiste de Shiramizu-Amida-dō et nous avons prié pour les victimes de la catastrophe et pour le rétablissement rapide des malades.
L'article original en espéranto