Ian Fairlie, consultant indépendant sur la radioactivité dans l’environnement (https://www.ianfairlie.org), présente dans un récent article intitulé « The Hazards of tritium » les caractéristiques singulières de l’hydrogène radioactif ou tritium (3H). En s’appuyant sur les conclusions de nombreuses études, l’auteur explique comment le tritium, sous ses trois formes (tritium gazeux, eau ou vapeur d’eau tritiée, tritium organique), présente des risques sanitaires largement sous-estimés, qui devraient conduire les autorités de la protection radiologique à prendre des mesures de protection plus strictes pour les populations vivant dans la proximité des centrales nucléaires.
Concernant le projet du Japon de rejet à l’océan de plus de 1,25 million de mètres cubes d’eau tritiée (par ailleurs contaminée par d’autres radioéléments), de façon chronique pendant plus de vingt ans, cet article nous alerte indirectement sur les risques de pollution marine irrémédiable à Fukushima, par le TOL (tritium organiquement lié ou encore OBT en anglais).
Micro-organismes, algues, petits poissons et leurs prédateurs, voire amateurs de fruits de mer…
N’est-ce pas au final une menace de contamination de l’ensemble du vivant à travers la chaîne alimentaire, qui menace à Fukushima ?
Le Japon communique régulièrement que la dilution de l’eau tritiée rendra les rejets inoffensifs, « 16 grammes en tout et pour tout soit une cuillère à soupe » dit le METI ! ou encore que le seuil du tritium dilué sera bien inférieur au seuil pour l’eau potable…
Ne soyons pas dupe de ces éléments de communication : la comparaison entre l’eau potable et l’océan ne fait pas sens, tout seuil est arbitraire, la radioactivité s’accumule et pollue.
Quelle sera la nocivité du tritium dans l’océan ? Malformations, raréfaction de certaines ressources halieutiques ? pendant combien de temps ? Aujourd’hui, nul ne peut le dire.
En France, suite aux rejets de l’installation nucléaire de La Hague, l’éventualité d’une bio-accumulation du tritium organique dans certaines espèces est aujourd’hui sous surveillance, tandis que la recherche sur les effets du tritium sur le vivant est en panne et que le Livre blanc du tritium (ASN) * appelle à poursuivre les recherches…
Souhaitons que les voix conjuguées des si nombreux pays fortement opposés à ce projet de pollution massive de l’océan à Fukushima fassent que le Japon y renonce, avant qu’il ne soit trop tard !
Evelyne Genoulaz
* Livre blanc du tritium 2010 (mise à jour février 2022) pp 188-189.
-oOo-
The Hazards of tritium, 13 mars 2020. Dr Ian FAIRLIE. Source : https://www.ianfairlie.org/news/the-hazards-of-tritium/. Traduction en français, surlignement en gras et italiques : Evelyne Genoulaz. Traduction éditée avec l'autorisation de l'auteur.
LES DANGERS DU TRITIUM
Dr Ian FAIRLIE
Résumé
Les installations nucléaires émettent de très grandes quantités de tritium (3H), l'isotope radioactif de l'hydrogène. Preuve est faite, dans un grand nombre d'études portant sur les cellules, les animaux ou encore la théorie de la biologie des rayonnements, que le tritium est plus dangereux que les rayons gamma ainsi que la plupart des rayons X. Cependant, la Commission Internationale de Protection Radiologique (CIPR) continue de sous-estimer le danger du tritium en recommandant un facteur de pondération du rayonnement (wR) de 1 pour les émissions de ses particules bêta. Or, le taux d'échange moléculaire exceptionnellement élevé du tritium avec les atomes d'hydrogène des molécules adjacentes le rend extrêmement mobile dans l'environnement. Si l’on ajoute à cela que la forme la plus courante du tritium c’est l'eau, donc une eau radioactive, cela signifie que, lorsque le tritium est émis par les installations nucléaires, il contamine rapidement tout le biote dans les zones adjacentes. Le tritium se lie aux matières organiques pour former du tritium organiquement lié (TOL) dont le temps de résidence dans les tissus et les organes est long, ce qui le rend plus radiotoxique que l'eau tritiée (HTO). Des études épidémiologiques font état de l'augmentation des cancers et des malformations congénitales à proximité d’installations nucléaires. Il est recommandé que les exploitants et les scientifiques du secteur nucléaire soient correctement informés des dangers du tritium ; que les facteurs de sécurité du tritium soient renforcés ; et qu'un schéma des dangers des radionucléides courants soit établi.
Sommaire
1. Introduction générale
2. Les multiples dangers du tritium
3. L’échange moléculaire
4. Modalités de l’exposition au tritium
5. Le tritium organiquement lié (TOL)
6. Longévité du TOL dans l'environnement
7. Evaluation des risques
8. Épidémiologie
9. L’abus des tests de signification statistique
10. Recommandations
11. Références
1. Introduction générale
Ce rapport se veut un résumé de l’état des connaissances sur les effets biologiques et sanitaires de l’exposition au tritium et commente les risques encourus par les personnes vivant dans la proximité d’installations nucléaires. Il s'appuie principalement sur des travaux antérieurs concernant les installations nucléaires canadiennes, en raison de la disponibilité de données canadiennes. Toutefois, ses conclusions sont largement applicables à l’ensemble des installations nucléaires, car les discussions s’attachent aux concentrations plutôt qu’à des quantités spécifiques.
Le tritium est l'isotope radioactif de l’hydrogène, sa demi-vie est de 12,3 ans. Il se désintègre en émettant une particule bêta d'une énergie maximale de 18,7 keV et d'une énergie moyenne de 5,7 keV (Okada, 1993). Le libre parcours de la particule bêta de désintégration du tritium dans les tissus est d'environ 0,6 µm en moyenne, soit le diamètre d'un chromosome humain. On le trouve dans l’environnement principalement sous les formes de tritium gazeux (HT) ou d'eau radioactive (HTO). La demi-vie biologique du HTO chez l'homme est d'environ 10 jours, mais peut être raccourcie par une diurèse forcée. Les demi-vies biologiques du TOL dépendent de l'atome (par exemple C, N ou P) auquel le tritium est lié, et de la longévité de sa molécule organique, par exemple l'ADN et l'ARN sont fortement conservés. Dans les zones éloignées d’installations nucléaires, les niveaux de fond du tritium dans l'eau vont de 2 à 5 becquerels (Bq) par litre, principalement un résidu des essais atomiques dans l’atmosphère, au cours des années 1950 & 1960.
Dans la seconde moitié du XXe siècle, le tritium était souvent considéré comme un nucléide "faible". Cette attitude a changé après la publication du rapport CERRIE sur les émetteurs internes en 2004, le tritium étant l'émetteur interne le plus couramment rencontré. Suite au rapport CERRIE ont été publiés des rapports importants sur le tritium, par les agences de radioprotection du Royaume-Uni (AGIR, 2008), du Canada (CNSC, 2010a ; 2010b) et de la France (ASN, 2010). En outre, l'Institut français de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire a publié six rapports sur le tritium (IRSN, 2010a ; 2010b ; 2010c ; 2010d ; 2010e ; 2010f).
Ces rapports soulignent notamment que les expositions au tritium ont pour effet des doses de rayonnement interne dont les estimations sont difficiles car elles comportent des incertitudes importantes – voire très importantes – susceptibles de les rendre peu fiables.
Le rapport le plus complet sur le tritium a été publié par le Groupe Consultatif supérieur sur les Rayonnements Ionisants, du gouvernement britannique (AGIR, 2008). Ce rapport indiquait sans hésitation qu’il fallait multiplier par deux le danger du tritium (à savoir son « efficacité biologique relative » ou EBR). Un projet de rapport (2006) de l’EPA, l’Agence de Protection de l’Environnement américaine, recommandait que l’on multiplie son EBR par un facteur 2,5. D'autres scientifiques (Fairlie, 2008 ; Fairlie, 2007a ; Fairlie, 2007b ; Melintescu et al, 2007 ; Makhijani et al, 2006) ont présenté des preuves d’une radiotoxicité du tritium encore plus élevée.
2. Ces rapports ont dans leur ensemble attiré l'attention sur les diverses propriétés du tritium qui en font un radionucléide à la dangerosité inhabituelle.
Il s'agit notamment de :
- Une demi-vie relativement longue de 12,3 ans,
- sa mobilité et son cycle sous forme d'eau radioactive dans la biosphère,
- ses multiples voies d'accès à l’homme,
- la capacité à s'échanger instantanément avec les atomes d’Hydrogène dans les substances adjacentes,
- son efficacité biologique relative (EBR) relativement élevée de 2 à 3,
- sa propension à se lier aux constituants cellulaires pour former du tritium organiquement lié (TOL) avec une distribution hétérogène chez l’homme et
- la courte portée de sa particule bêta, ce qui signifie que les dommages causés dépendent avant tout de sa localisation dans les molécules cellulaires, y compris dans l’ADN.
- sous la forme d'oxyde, le tritium n'est généralement pas détecté par les instruments couramment utilisés dans les études (Okada et al, 1993) et
- sous sa forme gazeuse, le tritium se diffuse à travers la plupart des conteneurs, y compris ceux qui sont en acier, en aluminium, en béton ou en plastique.
Voir à ce sujet https://www.ianfairlie.org/news/continued-radioactive-emissions-from-old-closed-nuclear-reactors/
En somme, le tritium présente de nombreux défis à la dosimétrie conventionnelle ou pour l'évaluation des risques sanitaires. Plusieurs rapports très récents attestent néanmoins d’une faible sensibilisation aux problèmes posés par le tritium.
3. L’échange moléculaire
De nombreux rapports font une distinction entre les émissions de tritium gazeux (HT) et celles de vapeur d'eau tritiée (HTO). Mais en définitive, dans l’environnement les atomes de tritium s'échangent rapidement avec les atomes d’hydrogène stables de l’eau ou de vapeur d’eau, par le phénomène de l’échange moléculaire. C’est pourquoi il convient de traiter tous les rejets de tritium comme des HTO. C’est d’ailleurs la pratique couramment décrite dans les rapports de l'industrie (par exemple Davis et al, 1997).
Ce mécanisme de transfert rapide est un indicateur important car la vapeur d’eau tritiée (HTO) est plus radiotoxique que le tritium gazeux. En termes de doses-limite annuelles, la vapeur d’eau tritiée dans l’atmosphère est considérée comme 25 000 fois plus dangereuse que le tritium gazeux (CIPR, 1979) en partie parce que le corps absorbe avidement l'eau mais pas l’hydrogène gazeux.
Pour détailler plus avant, dans la matière tous les atomes engagent des réactions d'échange à différents degrés avec les atomes similaires de molécules adjacentes. C’est ainsi que les atomes de tritium (gaz ou vapeur d’eau) échangent leur position avec des atomes d’hydrogène stables dans l'environnement, dans l'hydrosphère ou dans le biote, y compris chez l’homme. H et T, les plus petits atomes, jouent un rôle prépondérant dans ces réactions d’échange qui sont très rapides, de l’ordre en moyenne de 10-15 secondes.
Comme dans l’environnement la substance la plus courante contenant de l'hydrogène est l'eau elle-même, dans les émissions d’hydrogène gazeux, le tritium se transforme très rapidement en vapeur d’eau tritiée. En pratique, les eaux de surface et le biote se trouvant sous le vent, à savoir toutes les plantes, les animaux et les hommes, subissent un niveau de contamination en tritium équivalant au niveau de la concentration en tritium dans l'atmosphère. Ce serait le cas par exemple, aussi bien des légumes ou des fruits se trouvant sur les étals des marchés que dans les magasins (Inoue, 1993).
4. De quelle façon sommes-nous exposés au tritium ?
Examinons ce qu’il se passe concrètement lorsque du tritium est émis par les installations nucléaires, qu’il s’agisse de vapeur d'eau ou de tritium gazeux. Il emprunte de multiples voies environnementales (panaches de vapeur, rivières, cultures, etc.) pour atteindre l'homme. C’est ainsi que son absorption par l'homme se fait par absorption cutanée, inhalation de vapeur d'eau contaminée, ou par ingestion d'aliments ou d'eau contaminés.
Lorsque le tritium pénètre dans l'organisme, il est facilement absorbé grâce aux mécanismes d'échange, aux réactions métaboliques et à travers la croissance cellulaire. Plus de 60 % des atomes de l'organisme sont des atomes d'hydrogène et chaque jour, 5 % d'entre eux environ sont entraînés dans les réactions métaboliques et la prolifération cellulaire.
Il en résulte qu'une partie du tritium absorbé se fixe aux lipides, aux glucides, aux protéines et aux nucléoprotéines telles que l'ADN et l'ARN. C’est ce qu’on désigne du nom de tritium organiquement lié (TOL) et dont il sera question ci-après.
Ces propriétés inhabituelles donnent à penser que le tritium devrait être considéré comme dangereux par les autorités chargées de la radioprotection. Malheureusement, ce n'est pas le cas. Les propriétés inhabituelles du tritium ne sont pas du tout reconnues par la CIPR et les autorités nationales qui s'inspirent de la CIPR. Et il n'existe actuellement malheureusement aucun indice international de danger pour les radionucléides, bien qu'un indice ait été proposé (Kirchner, 1990).
Une autre controverse porte sur le fait que la CIPR continue de recommander un facteur de pondération radiologique (wR) de 1 pour le tritium, en dépit de nombreuses preuves (Fairlie, 2007a) montrant qu'il faudrait doubler voire tripler ce facteur. Et ce débat dure depuis plus de soixante ans. Or, il faut avoir à l'esprit que la CIPR, nonobstant son titre, n'est pas un organisme officiel mais une association privée. Dans le passé, on a parfois critiqué ses interprétations scientifiques (par exemple Shrader-Frechette, 1985). Et bien qu'elle ait depuis adopté une attitude plus ouverte, néanmoins sur des questions cruciales comme la dose collective, la dosimétrie interne ou l'EBR du tritium, elle reste principalement soucieuse de la protection des intérêts de ses membres plutôt que de ceux du grand public.
Il semble que des considérations non scientifiques jouent un rôle dans les politiques de la CIPR sur le tritium, notamment en ce qui concerne les usines de production d'armes nucléaires dans le passé, les centrales nucléaires à l'heure actuelle et les installations de fusion proposées à l’avenir.
5. Le cas du tritium organiquement lié (TOL)
Le TOL se distribue de manière non uniforme et il est retenu pendant des périodes plus longues que l'eau tritiée. Les modèles dosimétriques de la CIPR pour le tritium supposent le contraire, à savoir que le tritium serait distribué de manière homogène dans les tissus/organes sous forme d'eau tritiée (HTO) et serait rapidement excrété.
Or, le problème c’est que les expositions dues au TOL sont généralement plus élevées que celles dues à l’eau tritiée (HTO). Plus longtemps les personnes seront exposées aux émissions d'eau tritiée, plus leurs niveaux de TOL vont augmenter jusqu'à ce que, dans le cas d'expositions durant des années, des équilibres s'établissent entre les niveaux de HTO et de TOL. Là encore, les modèles dosimétriques de la CIPR partent du principe inverse : seules des expositions uniques sont prises en compte, de sorte que leurs estimations des niveaux de TOL restent faibles.
On peut détecter le Tritium organiquement lié (TOL) dans la plupart des matières organiques tels les plantes, les animaux et les sols à proximité d’installations nucléaires. La forme non échangeable du TOL, c'est-à-dire l’isotope radioactif lié aux atomes de carbone, est principalement produite par la photosynthèse chez les plantes et par les processus métaboliques chez les animaux. Une deuxième forme de TOL, appelée TOL échangeable, est liée de manière plus lâche aux atomes de P, N et S. Pour tout dire, le comportement du TOL dans l’environnement sous ces deux formes n'est pas encore bien compris car il est distribué de manière très hétérogène dans les écosystèmes naturels.
Il est néanmoins reconnu qu’il est plus pertinent de s’intéresser au TOL plutôt qu’à l'eau tritiée si l’on veut comprendre le comportement du tritium (Kim et al., 2013), en partie parce que les mesures du TOL donnent une représentation plus précise du tritium dans l'environnement en raison de son temps de rétention plus long que celui de l’eau tritiée (Kim et Roche, 2012).
Le TOL peut s’incorporer dans tous les composés biochimiques, y compris les acides aminés, les sucres, les amidons, les lipides et les éléments qui structurent la cellule.
Il présente de fait un temps de rétention plus long que l'eau tritiée, dont la demi-vie biologique n'est que d'environ 10 jours chez l’adulte, tandis que certaines biomolécules ont une durée de vie très longue, par exemple les phospholipides des cellules nerveuses ou les macromolécules d'ADN et d'ARN qui peuvent durer toute la vie. Ces temps de rétention plus longs font que le TOL est plus radiotoxique que l'eau tritiée.
La CIPR a défini un coefficient d'exposition par ingestion pour le TOL 2,3 fois supérieur à celui de l'HTO. (Les coefficients de dose de la CIPR pour les adultes sont de 1,8 x 10-11 Sv/Bq pour l'eau tritiée et de 4,2 x 10-11 Sv/Bq pour le TOL).
Cependant, des données suggèrent à l’évidence qu'il devrait être au moins 5 fois supérieur (Fairlie, 2008).
Après une seule absorption d’eau tritiée, le modèle actuel de la CIPR suppose que 3 % de tritium est lié sous forme de TOL et que c’est négligeable.
Mais Trivedi et al. (1997) ont estimé que jusqu'à 9 % du tritium se retrouve lié sous forme de TOL chez l’homme…
Les études sur les animaux indiquent également que les niveaux de TOL doivent être pris en compte, puisqu’il est éliminé de l'organisme beaucoup plus lentement que l’eau tritiée (HTO). Commerford et al. (1982) ont constaté, après une exposition transitoire de souris au HTO, que le tritium restait lié à l'ADN et à l'histone jusqu'à huit semaines plus tard. Ils en ont conclu que les doses de TOL dépasseraient globalement les doses de HTO, même avec une seule absorption.
Il en va de même pour les doses chroniques d’eau tritiée. Commerford, Carsten et Cronkite (1977) ont constaté que la majeure partie de la dose de tritium provenait du TOL deux à trois jours après l'arrêt de l'administration chronique d’eau tritiée à des souris. De même, Rogers (1992) a conclu que le TOL était le principal déterminant des doses de tritium présentées par des souris ayant subi une exposition chronique à l’eau tritiée. Plus récemment, Kim et al. (2013a) ont examiné la contribution du TOL aux expositions au tritium dues aux rejets chroniques de tritium dans l'air. Ils ont comparé onze études, selon lesquelles la contribution moyenne du TOL aux expositions totales au tritium était de 21 %.
En d'autres termes, les estimations des expositions à l’eau tritiée dues aux émissions des installations nucléaires devraient être augmentées d'un facteur de 1,25.
6. La longévité du TOL dans l’environnement
Eyrolle-Boyer et al. (2014) ont suggéré que des niveaux élevés de tritium organiquement lié peuvent persister dans l'environnement plusieurs décennies après les rejets d’eau tritiée.
Ils ont constaté que les bassins de biomasse terrestre qui avaient été contaminés par les retombées atmosphériques mondiales de tritium provenant des essais d’armes nucléaires des années 1950 et 1960 constituent une source retardée importante de TOL, ce qui a entraîné une augmentation certaine des niveaux de tritium organiquement lié par rapport aux niveaux d’eau tritiée.
Ce constat explique les rapports TOL/HTO supérieurs à 1 observés dans des zones non touchées par des rejets radioactifs.
Il corrobore également les conclusions d'Ichimasa (1995) sur les niveaux de TOL élevés à long terme près de la centrale nucléaire de Chalk River au Canada, en raison de rejets chroniques de tritium.
Thompson et al. (2015) ont déclaré que, le sol agissant comme un dépôt pour la matière organique en décomposition, les concentrations de TOL dans le sol représentent des réservoirs à long terme des rejets de tritium passés. Ils ajoutaient : "Nos données appuient les preuves croissantes suggérant que certains paramètres utilisés dans les modèles de transfert dans l'environnement approuvés pour les évaluations réglementaires devraient être réexaminés afin de mieux prendre en compte le comportement du HTO et du TOL dans l'environnement et de s'assurer que les estimations modélisées (par exemple le TOL des plantes) sont suffisamment prudentes." Malheureusement, dans la plupart des pays, ce conseil ne semble pas avoir été entendu.
7. Comment évaluons-nous les risques liés au tritium ?
Dans l'évaluation des risques liés aux rejets de tritium, les émissions aériennes sont plus représentatives que les rejets liquides pour deux raisons. Premièrement, le paramètre clé de l'estimation des doses de rayonnement reçues par les populations locales est la concentration de nucléides dans les matériaux environnementaux. Contrairement à ce que beaucoup pensent, les émissions aériennes entraînent des concentrations environnementales plus élevées que les rejets dans l'eau. La raison en est la dilution : un mètre cube d'eau contient un million de grammes, ce qui dilue les contaminants radioactifs bien plus efficacement qu'un mètre cube d'air dont la teneur en eau est de ~10 grammes (Davis et al., 1996), c'est-à-dire > 100 000 fois plus. Il ne s'agit pas d'accepter que la dilution soit une solution à la pollution. Elle reflète simplement les méthodes existantes (peu judicieuses) d'élimination des déchets nucléaires. Deuxièmement, les doses individuelles et collectives provenant des émissions atmosphériques sont beaucoup plus importantes que celles provenant des rejets dans l'eau. C'est pourquoi ce rapport traite principalement des émissions atmosphériques.
Pour évaluer les risques, l'approche officielle consiste à estimer les doses de rayonnement du tritium exprimées en unités Sv, mais la dosimétrie du tritium pose de gros problèmes - (Fairlie, 2007a,b,c ; Fairlie, 2008). Les estimations des doses internes et des risques découlant des expositions à des émetteurs internes tels que le tritium sont considérées comme peu fiables - voir les conclusions du rapport CERRIE (2004).
Or, concernant l'évaluation des risques, on considère qu'il est préférable d'utiliser la radioactivité plutôt que le rayonnement, en d’autres termes, nous devrions utiliser les émissions, les absorptions et les concentrations du tritium en Bq plutôt que les doses en Sv. Car au moins, la radioactivité peut être mesurée physiquement alors que les doses de rayonnement sont des estimations. L'approche de la radioactivité a été utilisée par d'autres scientifiques (par exemple Osborne, 2002).
Les concentrations de tritium dans l'air varient considérablement dans le temps, car des pics d'émissions de tritium se produisent régulièrement. Or, les émissions « pulsées » de tritium sont susceptibles d’entraîner un marquage important des cellules en formation dans les embryons et les fœtus des femmes enceintes se trouvant à proximité à ce moment précis. Cette crainte a été exprimée par le professeur Edward Radford dans son témoignage de 1979 devant le comité spécial du gouvernement de l'Ontario sur les affaires hydroélectriques de l'Ontario : Hearings on The Safety of Ontario's Nuclear Reactors, 10 juillet 1979 [Voir http://www.ccnr.org/tritium_2.html#scoha]. Ceci représente le mécanisme de base d’une hypothèse pour expliquer les fortes augmentations de leucémie chez les enfants qui étaient nés près des réacteurs nucléaires (Fairlie, 2014).
Modalités d’exposition des populations locales au tritium
- en buvant des liquides tritiés et en ingérant des denrées alimentaires contaminées par de la vapeur d'eau tritiée, par exemple sur les marchés locaux et les étals de fruits.
- par l’inhalation de gaz de tritium et de vapeur d'eau tritiée, et l'absorption par la peau de vapeur d'eau tritiée.
En fait, les populations locales pourraient présenter une forte absorption de tritium, de sorte que dans l’idéal les concentrations en tritium devraient être mesurées en pratiquant des analyses d'urine pour l'HTO et des tests biologiques non invasifs, comme les coupures d'ongles ou de cheveux, pour le TOL. Malheureusement, s’agissant du public, cela n'est presque jamais fait.
Normes en vigueur pour le tritium dans l'eau potable
Pour utiliser la radioactivité (mesurée en Bq) comme mesure du risque, nous avons besoin d'un étalon pour les niveaux de sécurité dans l'eau potable, qui est construit comme suit.
Un risque annuel de cancer mortel de 1 sur un million (106) est considéré comme acceptable (HSE, 1988). [cf. commentaire à la fin de l’article]
En utilisant ce niveau de risque, le Conseil consultatif ontarien sur l'eau potable du gouvernement de l'Ontario (ODWAC, 2009) a recommandé une concentration maximale de 20 Bq/L pour le tritium dans l'eau potable. Si l'on multiplie cette concentration par la consommation annuelle moyenne d'eau de 550 litres pour les adultes selon Santé Canada, on obtient ~10 000 Bq d'eau tritiée par an ou 30 Bq par jour pour les adultes, à un chiffre significatif près. Ce chiffre peut être utilisé comme une mesure approximative d'une dose annuelle acceptable de tritium pour les adultes.
Noter que cet étalon dépend beaucoup de la valeur choisie pour la limite de l'eau potable, et il existe différents points de vue à ce sujet : le tableau 1 présente différentes limites en jeu. Il est raisonnable d'utiliser la limite officielle recommandée par l'ODWAC du gouvernement de l'Ontario, à savoir 20 Bq/L.
Tableau 1 - Limites de concentration de tritium dans l'eau potable
ORGANISME |
DATE |
LIMITE DE TRITIUM EN BQ PAR LITRE |
Comité consultatif sur les normes environnementales du gouvernement de l’Ontario |
1994 |
20* |
CE (Commission européenne) |
1998 |
100 |
Colorado |
objectif 2008 |
18 |
Californie |
objectif 2008 |
15 |
Ontario (ODWAC) |
2009 |
20* |
Guide de conception de la CCSN pour les eaux souterraines |
2011 |
100 |
*après une période initiale de 100 Bq/L.
8. Les preuves épidémiologiques des risques
En raison de leurs limites méthodologiques, les études épidémiologiques sont un outil peu efficace pour découvrir si des effets néfastes résultent de l'exposition aux rayonnements.
Ces limites sont les suivantes :
- la sous-estimation (des personnes s'éloignent ou des cas ne sont pas répertoriés).
- les exigences sur les données : idéalement, les données épidémiologiques doivent permettre une bonne identification des cas, avec un enregistrement uniforme, des critères de diagnostic clairs et une collecte uniforme. Or ces exigences sont souvent difficiles à satisfaire car elles mobilisent beaucoup de temps et de ressources.
- des facteurs de confusion : les véritables causes de morbidité ou de mortalité peuvent être incertaines en raison de facteurs de confusion tels que le statut socio-économique et les causes concurrentes de décès.
- les biais : le tabagisme et l'alcool entraînent une augmentation importante de la mortalité et de la morbidité globales, ainsi que du cancer et des maladies cardiovasculaires. Il faut donc traiter les données brutes avec soin pour éviter les biais.
- un mauvais rapport signal/bruit : seules les grandes études épidémiologiques, coûteuses et longues, sont capables de révéler des effets où le signal (cancers ajoutés) est faible et le bruit (grand nombre de cancers spontanés) est fort.
- des doses incertaines : pour établir la causalité, il faut souvent estimer les doses afin de montrer une relation dose-effet. Cependant, il existe souvent de grandes incertitudes dans l'estimation des doses, en particulier pour les rayonnements internes, ainsi ceux du tritium.
- de larges intervalles de confiance : généralement, les résultats (par exemple, les risques ou les rapports de cotes) sont exprimés avec des intervalles de confiance à 95 %, c'est-à-dire la plage de valeurs dans laquelle se situe la valeur réelle dans 95 % des cas. Mais souvent, cette fourchette peut être très large simplement en raison du faible nombre de cas. Cela peut limiter considérablement les conclusions que l'on peut tirer des résultats.
- De nombreuses études épidémiologiques sont des études écologiques, c'est-à-dire des études rapides et peu coûteuses qui examinent les statistiques de santé dans des tableaux et notent les données individuelles. Leurs résultats sont généralement considérés comme indicatifs, mais non concluants. Si leurs résultats suggèrent un effet indésirable, ils doivent être approfondis par des études de cohorte ou des études cas-témoins plus détaillées. Ces dernières associent des "cas" (c'est-à-dire ceux qui ont un effet néfaste sur la santé) à des individus similaires choisis au hasard et n'ayant pas d'effet néfaste, afin de minimiser la sous-estimation. Cependant, peu de ces études sont effectivement réalisées en raison de leur coût et de leur longue durée. Parfois, elles ne sont pas réalisées pour des raisons politiques, car les résultats d'une augmentation des cancers ne sont pas les bienvenus.
Il est déconcertant de constater qu'un nombre important d'études épidémiologiques menées à proximité des centrales nucléaires concluent à l'absence de problèmes de santé, alors que des augmentations ont en réalité été observées. En d'autres termes, les chercheurs n'ont pas été en mesure d'accepter les preuves de leurs propres travaux. Il est difficile de se prononcer sur cette dissonance cognitive (il semble qu’il y ait peu d’études sur ce phénomène) mais elle est vraisemblablement souvent due à des préjugés non verbalisés ou à une croyance communément admise en l'impossibilité de l’existence d’effets néfastes pour la santé à proximité des installations nucléaires.
Dans leurs conclusions, ces auteurs ont écarté leurs résultats en invoquant diverses raisons, dont les suivantes :
- un trop large éventail dans les résultats.
- un trop grand nombre de comparaisons, certaines sont dues au seul hasard.
- absence de résultats cohérents (par exemple, certains types de cancer sont observés à l’exclusion d’autres).
- absence d'une tendance montrant que les risques augmentent avec les doses.
- absence d'une tendance à l’éloignement.
- absence de signification statistique pour l’accroissement des risques observés (cf. ci-après).
Cela pose cependant un sérieux problème.
Si des effets sanitaires accrus similaires avaient été observés à proximité, par exemple, d'une fonderie de plomb ou d'une mine d'amiante, seraient-ils écartés en invoquant ces arguments ? J'en doute fort. En d'autres termes, ce qu’il se passe ici, c'est que des préjugés non-dits en faveur de l'énergie nucléaire sont en jeu. À mon avis, de tels conflits de parti pris devraient être déclarés dès le départ, tout comme le sont aujourd'hui les conflits d’intérêts.
9. L’abus des tests de signification statistique
De nombreuses études épidémiologiques sur les cancers près des centrales nucléaires ont révélé des risques accrus, mais les ont rejetés comme n'étant pas "statistiquement significatifs". Cette formulation induit souvent le lecteur profane en erreur en lui faisant croire qu'une augmentation signalée est sans importance ou non pertinente.
Or, en statistique, l'adjectif "significatif" est un terme spécialisé utilisé pour exprimer une signification bien précise, à savoir que la probabilité qu'une observation soit un hasard est inférieure à 5 % (dans le cas par exemple d’un test p = 5 %). Il ne signifie pas « important » ou « pertinent ».
De plus, cette expression est généralement employée sans expliquer que le niveau de signification choisi est tout à fait arbitraire. Il n'y a aucune justification scientifique à l'utilisation d'un niveau de 5 % ou de tout autre niveau de test : il s'agit simplement d'une question de commodité. En d'autres termes, il est tout à fait possible que des résultats qui ne sont "pas significatifs" lorsqu'un test de 5% est appliqué, deviennent "significatifs" lorsqu'un test de 10% ou d’un autre niveau est utilisé.
L'existence de cette pratique a des parallèles historiques.
Dans les années 1950, des dizaines d'études sanitaires financées par les compagnies de tabac ont semé le doute sur les effets du tabagisme sur la santé pendant de nombreuses années. L'utilisation de la signification statistique était un stratagème courant dans ces études. Comme décrit dans des livres américains, voir ici et ici. De même, il a été démontré que les entreprises pharmaceutiques organisaient des essais sur leurs propres médicaments afin de minimiser leurs effets secondaires. Là encore, l'absence de signification statistique a été utilisée comme un stratagème dans ces essais. Cependant, ces mauvaises pratiques pourraient bientôt devoir cesser.
En mars 2019, la revue Nature a publié un éditorial important : « Il est temps de parler de l'abandon de la signification statistique » qui plaide contre l'utilisation de tests statistiques dans les études de santé.
La même édition contenait un commentaire "Scientists rise up against statistical significance" signé par 853 scientifiques du monde entier, dont environ 80 au Royaume-Uni. Il appelait à mettre fin, entre autres, à "l'élimination d'effets potentiellement cruciaux" dans les études de santé par l'utilisation inappropriée de tests statistiques. Aux États-Unis, elle signale que l'American Statistical Association (ASA) a publié un article scientifique ayant le même objectif. Voir ici.
L'éditorial de Nature indique que les tests statistiques continueront d'être nécessaires dans certaines applications industrielles où une décision oui/non est requise, mais surtout pas dans la recherche sur la santé, c'est-à-dire les études épidémiologiques et les essais cliniques. Pourquoi ? Parce que leur utilisation dans les études de santé peut être biaisée en raison d'arrière-pensées ou être insuffisamment nuancée.
L'article de Nature explique que, par le passé, de nombreux chercheurs en santé ont "jeté leurs résultats dans une poubelle marquée "non significatif" sans y réfléchir davantage". Au lieu de cela, les chercheurs auraient dû se pencher sur des questions telles que "les données de base, la conception de l'étude, la qualité des données et la compréhension des mécanismes sous-jacents, car ces éléments sont souvent plus importants que les valeurs p ou les intervalles de confiance".
En particulier, ils auraient dû discuter des implications sanitaires de leurs résultats non statistiquement significatifs.
L'utilisation abusive de la signification statistique est une question importante pour quatre raisons.
Premièrement, parce que l'utilisation de tests de signification statistique a souvent conduit à un résultat erroné, en particulier dans les essais cliniques, et, selon mon expérience, il en va de même dans les études épidémiologiques. Plusieurs auteurs ont signalé que le rejet de résultats pour des raisons de signification peut souvent cacher des risques réels (Axelson, 2004 ; Whitley et Ball, 2002).
Deuxièmement, comme l'indique Nature, "l'accent rigide mis sur la signification statistique encourage les chercheurs à choisir des données et des méthodes qui ... produisent une non-signification statistique pour un résultat non souhaité, tel que les effets secondaires potentiels des médicaments, invalidant ainsi les conclusions". Ce verdict accablant s'applique avec la même force au résultat non désiré que constitue l'augmentation observée des effets sur la santé dans une étude épidémiologique. Pendant des décennies, certains scientifiques, dont malheureusement ceux employés par les agences gouvernementales britanniques, ont rejeté les résultats des études épidémiologiques sur les risques à proximité des installations nucléaires en concluant qu'elles ne montraient pas de risques accrus "significatifs" ou que les risques excessifs n'étaient "pas significatifs", ou des phrases similaires.
Une troisième raison, également mentionnée dans l'article de Nature, est que nous devons réexaminer les études passées qui ont utilisé le manque de signification statistique pour rejeter les augmentations observées, car ces conclusions ne sont plus fiables. Ce verdict s'applique, par exemple, aux études passées du Comité sur les aspects médicaux de la radioactivité dans l’environnement (COMARE) du gouvernement britannique, qui a observé des augmentations de leucémie près des installations nucléaires britanniques, mais les a rejetées parce qu'elles n'étaient pas statistiquement significatives. Il s'agit par exemple de :
COMARE (2011) Quatorzième rapport. Examen complémentaire de l'incidence de la leucémie infantile autour des centrales nucléaires en Grande-Bretagne, HMSO : Londres.
COMARE (2016) Dix-septième rapport. Examen complémentaire de l'incidence des cancers autour des installations nucléaires de Sellafield et de Dounreay, HMSO : Londres.
La quatrième raison dans toute étude épidémiologique, c’est l’élément déterminant de la taille, c’est-à-dire le nombre de cas observés d'effets sanitaires dans une population ; parce que la probabilité (c'est-à-dire la valeur p) qu'un effet observé soit dû au hasard ou non, est affectée à la fois par l'ampleur de l'effet et par la taille de l'étude (Whitely et Ball 2002 ; Sterne et Smith, 2001). Si la taille de l'étude est mineure, ses résultats ne seront souvent pas statistiquement significatifs, indépendamment de la présence de l'effet indésirable (Everett et al., 1998).
Conclusion
J'ai soutenu que l’on a fait un usage inapproprié des tests de signification statistique dans les études épidémiologiques sur les cancers à proximité des installations nucléaires. Dans le passé, ces études ont souvent conclu que de tels effets n’advenaient pas ou ont minimisé les effets qui sont advenus. De fait, il existe de nombreuses preuves dans le monde entier – plus de 60 études – de l'augmentation des niveaux de cancer à proximité des centrales nucléaires. Ceci est discuté dans mon article scientifique de 2014 sur une hypothèse propre à expliquer les cancers à proximité des centrales nucléaires. La plupart de ces études ‒ plus de 75% ‒ ont constaté une augmentation des cancers, mais comme elles étaient de petite taille, leurs résultats ont souvent été rejetés comme n'étant pas statistiquement significatifs. En d'autres termes, elles ont été jetées dans la poubelle marquée "non significatif », sans autre considération.
En conclusion, je demande aux scientifiques et aux observateurs à l'esprit ouvert de reconsidérer leur point de vue sur ces soixante études (de même que sur les rapports trompeurs du COMARE) qui indiquent une augmentation des taux de cancer à proximité des centrales nucléaires. Tout comme les gens ont été trompés sur le tabagisme au cours des décennies précédentes, peut-être sommes-nous trompés aujourd'hui sur le sujet des cancers à proximité des centrales nucléaires.
10. Recommandations
Il est recommandé :
1. de fixer une limite de 20 becquerels par litre (Bq/L) pour l'eau potable,
2. de proposer des analyses d'urine et des tests biologiques non invasifs aux personnes volontaires vivant à proximité de centrales afin de déterminer leur niveau de contamination en HTO/TOL,
3. de conseiller aux résidents locaux d'éviter de consommer les aliments cultivés localement et l'eau des puits locaux,
4. de conseiller aux femmes vivant à proximité des centrales nucléaires, ayant l'intention de fonder une famille, ainsi qu’aux familles avec des bébés et de jeunes enfants, d’envisager de déménager au loin. Il est reconnu que cette recommandation peut susciter des inquiétudes, mais il vaut mieux être conscient des risques pour les bébés et les jeunes enfants que de les ignorer,
5. d’informer les employé.e.s et leur conjoint.e, en particulier les jeunes travailleurs, des dangers du tritium,
6. de ne pas user arbitrairement de la « signification statistique » des résultats d'une étude épidémiologique pour rejeter des résultats positifs,
7. d'établir un indice de dangerosité des radionucléides.
11. Références bibliographiques : se reporter à l’article original.
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NDLR : commentaire sur les Normes en vigueur pour le tritium dans l'eau potable
1) Noter que ce chiffre du risque de cancers vaut pour l’Ontario au Canada.
2) Pour les pays de l’UE, la référence de potabilité ou « valeur-guide de protection » de l’OMS à 10 000Bq/L ainsi que « le seuil de contrôle » de l’eau potable à 100 Bq/L ont été critiqués scientifiquement par la CRIIRAD. Ses conclusions ont mis en évidence un risque cancérologique beaucoup plus élevé qu’affiché par l’OMS (5,5 cancers pour un million). La CRIIRAD a par conséquent recommandé d’abaisser de façon drastique les seuils réglementaires, à 60 voire à 10 Bq/L pour la référence de potabilité et à 10 Bq/L pour le seuil de contrôle. A ce jour, elle n’a pas été entendue…
Source : criirad.org, dossier Eau potable,2019.
Consulter le volet 1 : Analyse critique du seuil de 10 000 Bq/L défini par l’OMS pour le tritium dans l’eau potable
Consulter le volet 2 : Contamination de l’eau potable par le tritium - La révision à la baisse de la référence de “qualité” de 100 Bq/L
3) Concernant le Japon, TEPCO, et l’AIEA annoncent que l’eau tritiée qui sera rejetée à l’océan sera préalablement « diluée de façon à présenter une radioactivité en tritium de 1 500 Bq/L » et que ce seuil est inférieur à la valeur-guide de 10 000 Bq/L admise par l’OMS ; qu’il y aura des contrôles de qualité des eaux dans l’océan à différents points situés dans l’environnement du rejet.
Mais on aura vu dans cet article que l’eau tritiée et le tritium organique induisent des effets sans comparaison possible.
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Vidéo de 17min46
The Dangers of Tritium by Dr. Ian Fairlie, avec surtitrage en Japonais, réalisée par : Manhattan Project for a Nuclear-Free World, pour l’événement en ligne « No Radioactive Dump in the Pacific » (non au rejet radioactif dans le Pacifique) du 03/11/2021, dans le cadre général de la CoP26.
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Autre article du blog de Fukushima sur le tritium :
La Hague et Fukushima : la question des quantités de tritium dans l’eau contaminée
(Philippe Looze, avril 2021)
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Autre article de Ian Fairlie paru dans le blog de Fukushima :
Leucémies infantiles près des centrales nucléaires
(traduction de Philippe Looze, août 2014)
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Màj 31/03/22 : dans le paragraphe 4, remplacement de "volontaire" par "une association privée"
Màj 02/04/22 : dans le paragraphe 1, remplacement de un [isotope] par l'[isotope]
Màj 05/04/22 : ajout de la référence sur les leucémies infantiles
Màj 03/05/22 : dans l'article, remplacement de "Critère de mesure du tritium dans l'eau potable" par "Normes en vigueur pour le tritium dans l'eau potable" ; dans le tableau, remplacement de "agences" par "organismes"