28 décembre 2019 6 28 /12 /décembre /2019 22:24

La Commission de réglementation nucléaire du Japon, appelée aussi NRA (Nuclear Regulation Authority), avait annoncé en septembre vouloir reprendre les investigations pour comprendre le déroulement de l’accident à la centrale du Fukushima Daiichi. Grâce au journal Mainichi, nous avons un premier retour de ces nouvelles recherches.

 

Le 26 décembre 2019, ce média a rendu publique une vidéo de l'unité 3 de la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi. Celle-ci a été tournée le 12 décembre 2019 lors d’une investigation menée par 6 membres de la NRA à l'intérieur du bâtiment réacteur n° 3. C'est la première fois qu’une vidéo du troisième étage de cette unité est diffusée depuis l'accident. Les traces des explosions violentes qui ont eu lieu le 14 mars 2011 sont visibles partout, et particulièrement au 3ème étage (niveau 3F).

La vidéo publiée dure environ 15 minutes. Les enquêteurs de la NRA se sont introduits dans l’unité 3 par des escaliers depuis le côté sud-est du premier étage du bâtiment et ont examiné le troisième étage pendant environ six minutes. Selon l'agence de régulation, la dose d'exposition du personnel a pu atteindre 3,72 mSv. D’après le journal, les débits de doses mesurés au troisième étage étaient en de nombreux endroits de 20 à 50 mSv/h mais d’après le minutage de la vidéo, cela devait être beaucoup plus. En effet, chaque fois que le dosimètre, qui mesure la dose cumulée de personnel, mesurait 0,8 mSv, l’alarme se faisait entendre. Selon l’enregistrement diffusé, on distingue deux alarmes différentes, celle du vidéaste ou de son coéquipier et une autre dont le son est plus lointain. Avec les renseignements du journal et l’observation des sons de la vidéo, on peut en déduire que celui qui portait le dosimètre éloigné de la caméra est passé dans des endroits avec un débit de dose allant jusque 115 mSv/h. C’est pour cette raison qu’à un moment donné, un enquêteur s’exclame en demandant de ne pas traîner.

Alarme du dosimètre proche de la caméra

Minutage

0:00

6:09

8:17

10:04

13:45

Durée entre deux alarmes

 

369 s

128 s

107 s

221 s

Dose reçue par les enquêteurs entre deux alarmes selon le Mainichi

 

0,8 mSv

0,8 mSv

0,8 mSv

0,8 mSv

Dose cumulée selon le Mainichi

 

0,8 mSv

1,6 mSv

2,4 mSv

3,2 mSv

Débit de dose moyen entre deux alarmes

 

7,8 mSv/h

22,5 mSv/h

26,9 mSv/h

13,03 mSv/h

 

 

 

 

 

 

Alarme du dosimètre éloigné de la caméra

Minutage

0:00

7 :56

8 :38

9 :03

15 :12

Durée entre deux alarmes

 

476 s

42 s

25 s

369 s

Dose reçue par les enquêteurs entre deux alarmes selon le Mainichi

 

0,8 mSv

0,8 mSv

0,8 mSv

0,8 mSv

Dose cumulée selon le Mainichi

 

0,8 mSv

1,6 mSv

2,4 mSv

3,2 mSv

Débit de dose moyen entre deux alarmes

 

6,05 mSv/h

68,57 mSv/h

115,2 mSv/h

7,8 mSv/h

Cette vidéo est exceptionnelle dans le sens où elle est rare. Tepco est avare en effet de ses informations sensibles. Depuis 2011, l’opérateur n’a diffusé que deux fois ce genre de vidéo qui montre des employés dans des endroits très radioactifs. C’était en 2011. La première vidéo était une visite du bâtiment réacteur 4. Je n’ai pas eu le temps de l’enregistrer (Si un lecteur la possède, je suis preneur !). Elle a très rapidement été supprimée de la toile. Tepco a aussi horreur de montrer des ruines. La seconde était une visite de l’unité 1 le 18 octobre 2011. Vidéo très stressante où les employés font leur investigation le plus rapidement possible sous le son permanent des alarmes de radioactivité. Cette vidéo n'est pas plus visible sur internet. Je l'avais mise sur la chaîne youtube du blog de Fukushima mais elle a été bloquée par TV Asahi Corporation.

 

Concernant la vidéo de ce mois de décembre, il faut observer que ce n’est pas Tepco qui la diffuse mais la NRA, via un journal. C’est un canal inhabituel. Elle montre des informations intéressantes :

- Les enquêteurs ont pris de grands risques en réalisant cette investigation. L’endroit est extrêmement dangereux, parsemé d’embûches : trous béants, objets saillants pouvant couper la combinaison protectrice, radioactivité importante.

- Le débit de dose du troisième étage de l’unité 3 de Fukushima Daiichi est élevé. Plus on s’approche de l’extérieur, plus la radioactivité y est forte. On ne peut y rester qu’entre 10 minutes et une demi-heure selon les endroits sans risquer de dépasser la dose annuelle maximale des travailleurs du nucléaire au Japon, à savoir 20 mSv/an.

- L’état des plafonds de l’étage 3B est critique. L’explosion du 14 mars 2011 au niveau supérieur a poussé les dalles de telle sorte que le béton s’est déformé et a éclaté jusqu’aux armatures métalliques. On voit la lumière du jour par endroits.

- Des tuyaux ont été cassés, pliés, soufflés, et des morceaux de métal et de béton ont été dispersés un peu partout.

Enquête dans l’unité 3 de Fukushima Daiichi

Ceci dit, l’essentiel n’est pas là. Tepco évite de communiquer sur les informations les plus importantes concernant l’unité 3 : l’état de la cuve, l’état de l’enceinte de confinement et l’état des assemblages de la piscine de désactivation. Concernant le premier point, c’est le silence depuis 8 ans, excepté le fait que Tepco a fini par avouer qu'elle était percée. Pour le deuxième, nous avons eu quelques images peu exploitables en 2017. Et pour le 3ème, Tepco a communiqué en grandes pompes au sujet du début du retrait du combustible de la piscine en mai de cette année.

 

Mais depuis juillet, l’opérateur a de gros soucis techniques avec des assemblages rebelles et des débris imprévus. L'été dernier, on savait juste que 28 assemblages neufs avaient été retirés sur 52. On avait commencé par le plus simple. Restait le plus compliqué : les assemblages usés, fortement radioactifs. Et ils sont nombreux : 514 ! En mai, j’avais constaté que l’assemblage montré dans la vidéo présentait, malgré son statut de « combustible neuf », des anomalies : dépôts de gouttes solides, trous dans l’enveloppe de l’assemblage alors qu’ils sont protégés dans des paniers et couleur noire en partie inférieure. Aujourd’hui, les problèmes seraient dus apparemment à des déformations, comme l’a rapporté le site Simply Info. Si les assemblages sont tordus dans les paniers, alors il sera impossible de les sortir un par un. Un panier pouvant contenir 30 assemblages, ce serait une masse de plus de 5 tonnes qu’il faudrait soulever, ainsi qu’un conteneur monstrueux pouvant mouvoir ce panier afin de le déplacer jusqu’à la piscine commune, ce qui n’a pas été vraiment prévu…  On comprend mieux pourquoi Tepco vient d’annoncer qu’il repoussait de 4 à 5 ans le transfert du combustible des piscines des réacteurs 1 et 2. Celui du réacteur 1 ne commencera pas avant 2027 ou 2028, et celui du réacteur 2 pas avant 2024 à 2026. Il est ainsi probable que je ne sois plus de ce monde quand le démantèlement promis initialement par Tepco, avec une échéance de 40 ans, sera terminé. 

 

En ce moment, dans les médias français, au lieu de parler des véritables problèmes et défis techniques liés au démantèlement d’une centrale nucléaire accidentée, on préfère passer la saison 8 de « Ils vont relâcher l’eau contaminée dans le Pacifique !», en ignorant le fait que cette pollution majeure annoncée se déroule en permanence dans le monde grâce aux autorisations légales de rejets radioactifs dans l’environnement. Par exemple, qui a remarqué, mis à part l’ACRO, que le site de La Hague, en 3 mois et demi, rejette dans la Manche autant de tritium que celui contenu dans les eaux stockées de Fukushima (3,4 PBq, soit 3,4 milliards de millions de becquerels) ?

 

Pour terminer, vous pourrez vous rendre compte du désastre du bâtiment réacteur 3 en visionnant la vidéo de la NRA, soit directement sur le site du Mainichi, tant qu’elle est en ligne, soit sur la chaine youtube du blog de Fukushima :

Et pour conserver la mémoire de la vidéo qui risque de disparaître comme celles de 2011, j’ai sélectionné ci-dessous quelques captures d’écran.

 

Pierre Fetet

 

__________________________________

Dernière mise à jour 29/12/2019 15:18

 

 

En savoir plus sur le réacteur n° 3

L’explosion de l’unité 3 de Fukushima Daiichi

 

Enquête dans l’unité 3 de Fukushima Daiichi
Enquête dans l’unité 3 de Fukushima Daiichi
Enquête dans l’unité 3 de Fukushima Daiichi
Enquête dans l’unité 3 de Fukushima Daiichi
Enquête dans l’unité 3 de Fukushima Daiichi
Enquête dans l’unité 3 de Fukushima Daiichi
Enquête dans l’unité 3 de Fukushima Daiichi
Enquête dans l’unité 3 de Fukushima Daiichi
Enquête dans l’unité 3 de Fukushima Daiichi
Enquête dans l’unité 3 de Fukushima Daiichi
Enquête dans l’unité 3 de Fukushima Daiichi
Enquête dans l’unité 3 de Fukushima Daiichi
Enquête dans l’unité 3 de Fukushima Daiichi
Enquête dans l’unité 3 de Fukushima Daiichi
Enquête dans l’unité 3 de Fukushima Daiichi
Enquête dans l’unité 3 de Fukushima Daiichi
Enquête dans l’unité 3 de Fukushima Daiichi
Enquête dans l’unité 3 de Fukushima Daiichi
Enquête dans l’unité 3 de Fukushima Daiichi
Enquête dans l’unité 3 de Fukushima Daiichi
Enquête dans l’unité 3 de Fukushima Daiichi
Enquête dans l’unité 3 de Fukushima Daiichi
Enquête dans l’unité 3 de Fukushima Daiichi
Enquête dans l’unité 3 de Fukushima Daiichi
Enquête dans l’unité 3 de Fukushima Daiichi
Enquête dans l’unité 3 de Fukushima Daiichi
Enquête dans l’unité 3 de Fukushima Daiichi

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17 décembre 2019 2 17 /12 /décembre /2019 11:07
Sédiments ©CécileAsanumaBrice

Un article de Cécile Asanuma-Brice, chercheuse en sociologie urbaine, publié sur le site Japosphère le 25 novembre 2019.

 

Typhons, inondations, séismes : le nucléaire, un mode de production énergétique mal adapté aux catastrophes naturelles

Les conséquences du typhon 19 qui a longé la moitié nord-est de la principale île japonaise sont toujours présentes un mois après l’événement climatique. Les rivières en crue ont été à l’origine de nombreuses inondations mortelles. Les fortes précipitations ont lavé les sols des montagnes de Fukushima pour ramasser les nucléides encore présents, dans les vallées pour partie habitées.

Seule sous le ciel limpide d’automne, ma voiture se laisse guider par la voirie en direction du village d’Iitate. Tardivement évacué après le tremblement de terre de magnitude 9 à l’origine d’un tsunami de 15 à 30 m de hauteur générant l’arrêt du système de refroidissement et la fonte des cœurs de 3 des 6 réacteurs de la centrale nucléaire de Fukushima dai ichi, le village a été rouvert à l’habitat en avril 2017. De hameaux en hameaux, je traverse un paysage de nouveau parsemé de bâches bleues sensées retenir les glissements de terrain suite au passage du typhon n°19.

 

Typhon et anthropocène

Car c’est ainsi que nous décomptons les typhons ici. Pas de tensions inutiles sur des prénoms, trop souvent féminins, donnés par des sociétés à tel point anthropocentrées qu’elles avalent l’ensemble des phénomènes atmosphériques en y projetant les relans d’une nouvelle chasse aux sorcières. Non, les typhons ne sont pas nés avec ce que certains nomment « anthropocène » et d’autres « capitalocène », rejetant l’assimilation de tous les humains au même rang dans la responsabilité que nous avons face à la destruction de notre monde. Celui qui a su comprendre que la vie humaine n’était qu’une parmi d’autres vies animales, végétales, minérales voir d’autres encore si l’on en croit de récentes recherches sur l’ADN des plantes ou la mémoire de l’eau[1], celui (aujourd’hui majoritairement composé des «minorités indigènes»: aborigènes, papous, indiens des deux Amériques, pygmées, etc. - sans tomber dans la caricature du «bon sauvage») qui sait que la vie des uns dépend de celle des autres des composants de cet écosystème, ne peut, à moins d’une volonté autodestructrice originelle, fonder le système qui maintient son économie sur la continuité de la destruction des éléments composant l’univers nécessaire à sa vie. Dans cet écosystème, les entités autres qu’humaines, parce qu’elles existent pleinement, avec des fonctionnements qui leur sont propres, n’ont guère besoin que l’homo sapiens capitalis les prénomme, même s’il est nécessaire de les appréhender comme un des composants de cet univers dont nous sommes.

Au Japon, deux saisons de typhons balaient le territoire depuis tous temps, en raison d’un climat subtropical sur les trois-quarts du pays. La première saison connaît son pic en juin et la seconde en septembre. Les données sont minutieusement recensées sur le site japonais de la Meteorological Agency[2]. On y apprend qu’en 1958, 31 typhons sont passés sur l’archipel, record battu en 1967 avec 39 typhons en un an, 36 en 1971, 30 en 1978,… Rien, dans ces données, ne nous permet de conclure à l’accroissement du nombre des intempéries (24 typhons en novembre de cette année). Ce qui est en cause, est donc moins le nombre de typhons que leur intensité, en raison du réchauffement des eaux marines. Ainsi, les typhons se chargent énergétiquement lors de leur passage au dessus des océans. Sur-dynamisés, leur violence s’intensifie générant des dégâts matériels et humains conséquents, ici comme ailleurs.

 

Les dégâts des typhons 15 et 19

Le typhon n°15 avait principalement touché la région de Chiba en raison de vents extrêmement forts, avec une vitesse atteignant 207 km/h le 9 octobre à 4h30 du matin. Les précipitations qui accompagnent les bourrasques finissent d’achever le travail destructeur entamé par le cyclone. Les conséquences furent essentiellement matérielles, soit de nombreux toits envolés, mais les habitants de la presqu’île au sud de Chiba eurent à subir des coupures de courant électrique durant plus d’un mois. Un mois... Ce fut le temps nécessaire pour qu’un nouveau typhon, tout aussi destructeur, s’approche des côtes du Honshu (principale île de l’archipel japonais).

 ©CécileBrice Gerbes de tiges de riz répandues dans les rizières de la ville de Date après le passage du typhon 19

©CécileBrice Gerbes de tiges de riz répandues dans les rizières de la ville de Date après le passage du typhon 19

Le passage du typhon n°19 en octobre dernier, s’est, quant à lui, essentiellement traduit par de très fortes précipitations générant des inondations sans précédent dans les zones construites à proximité de rivières sorties de leur lit. Le rez de chaussée de 87400 habitations[3]a été enseveli sous des masses d’eau boueuse des rivières en crue. Le bilan de 93 morts a été particulièrement rude dans les départements de Kanagawa (16 morts), Miyagi (19 morts) et Fukushima (31 morts). Le nombre total de réfugiés, au 14 octobre était de 2367 personnes selon les données du Cabinet office.

 

Les répercussions du typhon 19 dans la région de Fukushima

Les regards se sont rapidement tournés vers Fukushima, soit la préfecture la plus gravement touchée par cet aléa, certes naturel, mais qui n’aura pas été sans effet sur les pollutions humaines déjà présentes. Ainsi, selon le ministère de l’environnement, pas moins de 91 sacs de terre contaminée ont été emportés par les flots.

©CécileBrice Sacs de terre contaminée entreposés dans le village d’Iitate (Fukushima)

©CécileBrice Sacs de terre contaminée entreposés dans le village d’Iitate (Fukushima)

Alors que les barrages sont encore en état d’alerte plus d’un mois après, les craintes concernant une nouvelle contamination des vallées en raison du lavage des sols par le ruissellement des eaux en provenance des forêts non décontaminées des montagnes se confirment. Le Dr Shinzô KIMURA, professeur à l’université médicale de Dokkyo et spécialiste des radiations, appelle à la prise de mesures particulières contre la contamination de la population suite à la nouvelle répartition des nucléïdes engendrée par les eaux de pluies. Ainsi, la mesure de sable charrié par les précipitations dans les vallées habitées de la ville de Minami Sôma (arrondissement de Kodaka) révèle des taux de 3000 à 5000 Bq[4]de césium/kg[5]. Dans le même arrondissement, un habitant, M. Shirahige (69 ans) a mesuré du sable en provenance de l’éboulement de la falaise qui jouxte son domicile. Les résultats dépassent les 11 000Bq/kg, taux nettement supérieur à la norme des déchets radioactifs fixée à 8000 Bq/kg après l’accident de Fukushima.

Par ailleurs, les travaux de remblayage et de digues construites après le passage du tsunami pour parer la population d’autres inondations éventuelles, ayant engendré de nouvelles zones d’érosion sont mis en cause. Bien qu’ils aient permis aux entrepreneurs de reconstruire sur des zones qui avaient été submergées par le tsunami, les points fragilisés par le détournement des rivières ont cédé sous la pression des eaux. Ainsi, les habitants du département d’Iwate (ville de Yamada) ont vu leurs habitations « neuves », reconstruites après le séisme de 2011, de nouveau ensevelies sous les flots.

©News.IBC.CO.JP

©News.IBC.CO.JP

Huit ans et demi après la catastrophe de mars 2011, les conséquences environnementales sont toujours bien présentes.

 

Et si la France était exposée ?

Les deux tremblements de terre de la semaine passée, au moment où le gouvernement français venait de commander à EDF un rapport sur la production énergétique, ont rappelé que la France n’était pas étrangère à la possibilité de séismes sur son territoire. Si le séisme de Strasbourg, plus réduit, semble avoir été déclenché par des forages géothermiques en profondeur (qui peuvent être arrêtés ?), la réplique qui a suivi le séisme de la Drôme, nettement plus conséquent (magnitude 5.4), tend à prouver qu’il s’agit bien là des conséquences des forces de la nature. L’arrêt de la centrale de Cruas, durant une quinzaine de jours a été nécessaire afin d’en vérifier sa sécurité. Si certains semblent effrontément assurés de la robustesse des centrales nucléaires face aux séismes, l’augmentation des inondations de plus en plus nombreuses et importantes, notamment dans le sud de la France, conséquentes du réchauffement climatique et des aménagements urbains inappropriés (augmentation des surfaces bitumées, enterrement des cours d’eau, barrages, etc.), nécessitent néanmoins que l’on s’interroge de façon responsable sur ce mode de production énergétique obsolète tant du point de vue de son niveau de sécurité que de sa balance économique, douloureusement déficitaire.

 


[1] Voir à ce sujet les travaux de Luc Montagnier : lien

[2] Voir ce lien

[3] Voir se lien

[4] Le becquerel est l’unité utilisée pour mesurer l’activité d’une certaine quantité de matière radioactive.

[5] Voir ce lien

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5 octobre 2019 6 05 /10 /octobre /2019 19:39

Au procès de Tepco au Tribunal régional de Tokyo, une habitante de la ville de Date a fait ce témoignage poignant. On sait depuis le 19 septembre que les trois anciens dirigeants de Tepco, Tsunéhisa Katsumata, Ichirô Takékuro et Sakae Mutô, n’ont pas été reconnus coupables de négligences ayant entraîné la mort et des blessures. Les procureurs désignés ont fait appel.

 

Auteure : anonyme

Traduction française : Anne Uemura

Nettoyage d'une école dans la ville de Date (Préfecture de Fukushima)

Nettoyage d'une école dans la ville de Date (Préfecture de Fukushima)

Déclaration d'opinion d'une habitante de la ville de Date, présentée au Tribunal régional de Tokyo

"Nous avions le désir d'élever nos enfants dans un environnement proche de la nature et enrichissant. C'est pourquoi nous avons déménagé de la ville de Fukushima pour acheter un terrain dans la ville de Date, là où nous vivons actuellement, pour y construire une maison.
Les remboursements des prêts étaient lourds et nous vivions simplement, mais nous étions heureux.


Huit ans après la construction de notre maison, le 11 mars 2011, l'accident de la centrale s'est produit, et notre vie de famille a été bouleversée. Mon mari et moi avions 42 ans, mon fils était en CM2 et ma fille en CE2.


A cette époque, je n'avais aucune connaissance sur le nucléaire ou sur les substances radioactives. Si j’avais eu quelques notions dans ce domaine, en nous sauvant, nous aurions sans doute pu éviter d’être irradiés. Je suis étreinte par ce regret.


Sans aucune marge financière, je ne pouvais, en pensant à mes enfants qui souffrent de maladie et à mes parents qui sont ici, me résoudre à m'éloigner de chez moi.
Dès le 11 mars, nous n'avions ni eau, ni électricité, ni gaz et je devais me rendre jusqu'aux stations d'eau où j'emmenais les enfants ; pour trouver de quoi manger, nous marchions dehors parfois trempés par la pluie.


Après plusieurs jours, comme nous n’avions toujours pas d’eau, nous avons dû aller jusqu'à la mairie pour utiliser les toilettes. C'est à ce moment-là que j'ai vu un groupe de personnes vêtues de combinaisons de protections blanches entrer dans la mairie. Nous avons pensé qu'ils venaient sans doute aider les victimes du tsunami. Mais maintenant, je comprends que la pollution radioactive était telle que des protections étaient nécessaires, et nous, sans nous douter de rien, nous étions exposés.


Peu après, au moment des cérémonies de remises de diplômes, nous nous sommes rendus à pied à l'école primaire. Je pense que les informations qu'on nous donnait étaient fausses et qu'à cause de cela nous avons été irradiés. A l'époque, j'étais persuadée que, si nous encourions réellement un danger, l'État nous avertirait. 


J'ai appris plus tard que les doses de radioactivité de l'air après l'accident étaient de 27 à 32 microsieverts par heure. Il n'y a eu aucune consigne sur la restriction des sorties en extérieur et c'est extrêmement grave. En juin 2011, je me suis rendue aux funérailles de la grand-mère de mon mari dans sa famille. J'ai emmené mes enfants avec moi. Sur le trajet nous avons remarqué que le taux de radiations était très élevé et dans la voiture le dosimètre affichait à certains endroits 1,5 microsievert par heure. Les représentants de cette zone, avaient demandé aux riverains de ne pas faire de vagues même si la radioactivité était élevée. D'après ce que j'ai entendu, il fallait que les véhicules de reconstruction puissent continuer à emprunter cette route. De même que le Shinkansen (TGV) et l'autoroute du Tohoku devaient à tout prix fonctionner comme si de rien n’était, pour ces mêmes raisons.


En dépit d'un niveau dépassant les limites de doses admissibles, au lieu de nous alerter sur les dangers, on nous assurait être en sécurité. Le risque de cette exposition ne nous a pas été communiqué. En juin 2011, mon fils a été pris de saignements de nez abondants, au point que ses draps étaient tout rouge. Les enfants présentant les mêmes symptômes étaient si nombreux, que nous avons reçu une notice par la "Lettre de santé" de l'école avec des recommandations. Au cours d'un examen médical de l'école, on a découvert une anomalie cardiaque à mon fils et il a dû être surveillé par holter. Mon fils, qui avait 12 ans au moment de l'accident, souffrait alors de dermatite atopique. Après, les symptômes ont empirés au point de devoir être hospitalisé pendant les vacances de printemps en seconde. Aujourd’hui on n'arrive toujours pas à identifier les symptômes qui le font souffrir.
 

Un an après l'accident, ma fille s'est plainte de douleurs à la jambe droite. A l'hôpital, un ostéome extra-osseux a été diagnostiqué et elle a dû subir une excision osseuse l’année suivante. En première année de collège à partir de l'hiver elle n'arrivait plus à se lever le matin. Elle était atteinte d’un dysfonctionnement orthostatique. En accord avec elle, nous avons décidé de la scolariser 3 fois par semaine dans un système à horaires modulables.
 

Le passe-temps favori de mon mari était la pêche, mais depuis l'accident nucléaire, il n'est plus question d’aller à la mer ou à la rivière. Avant l'accident, dans le jardin, nous faisions pousser des fleurs et nous avions un potager. L'été, nous y faisions des barbecues en famille et nous mettions une tente pour que les enfants puissent dormir dehors. Maintenant c’est absolument impossible.


Dans cet environnement gravement contaminé aujourd’hui, l'ADN des cellules serait gravement endommagé. Il faut ajouter que les séquelles liées à l'exposition que nous avons déjà subie sont indélébiles, même si nous déménagions maintenant.


Quand je songe que les enfants sont particulièrement vulnérables à l’irradiation, mon cœur se déchire. En tant que parent, en tant qu'adulte, c'est déchirant et insupportable. Je suis également préoccupée par la situation actuelle de la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi.


Ma routine quotidienne consiste à guetter les catastrophes naturelles telles que les tremblements de terre et à vérifier l'état de la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi. Parce qu'aujourd'hui je n'hésiterai pas à évacuer. J'ai changé de travail pour être en mesure de me rendre rapidement auprès de mes enfants s’il le faut. 
J'ai dû abandonner un travail à plein temps et c'est financièrement difficile, mais la priorité est de pouvoir partir vite à tout moment. Car après avoir vérifié toutes sortes d’informations, j'ai compris que les annonces du gouvernement divergeaient de la réalité.


Vivre dans un environnement radioactif vous oblige à être vigilant sans relâche, que ce soit pour vos courses, pour manger, ou pour boire de l'eau, et à évaluer vous-même la situation pour faire des choix. Nous avons dû nous résoudre à accepter un mode de vie anormal pour arriver à continuer à vivre au jour le jour. 


Quoi que je fasse, tout plaisir a disparu de ma vie. 


J'ai découvert qu’il y avait à côté de chez moi sur le chemin de l'école de mes enfants des spots de plus de 10 microsieverts par heure. Je l'ai signalé à la mairie, mais ils n'ont rien fait. La raison invoquée est qu'il n'y a pas de stockage temporaire pour entreposer les déchets. J'ai dû retirer moi-même la terre contaminée et je l'ai stockée dans mon jardin.


La ville de Date a décidé de sa propre politique de décontamination et a instauré également fin 2011, une norme de 5 mSv / an. En ce qui me concerne, je voulais réduire la pollution radioactive le plus tôt possible et j’ai décontaminé mon jardin moi-même. La ville encourageait les gens à décontaminer par leurs propres moyens. Je l’ai fait aussi. Et cela représentait 144 sacs. L'année suivante j'ai recommencé. Les sacs de débris radioactifs résultant de la décontamination jusqu'en mars 2014 sont restés entreposés dans mon jardin pendant 2 ans, et ont ensuite été emmenés dans une zone de stockage temporaire enfin mise en place. Mais depuis, les autres sacs de nettoyage n'ont pas été accepté et sont toujours dans mon jardin. A cause de cela nous n’y mettons plus les pieds. 


La contamination de notre abri de voiture s’élevait à 520 000 becquerels il y a 5 ans, avec 5 microsieverts par heure, mais elle n’entrait pas dans les critères requis pour être nettoyée. La « décontamination officielle » n'inclut que le terrain de résidence, mais ni le toit, ni les gouttières ne sont pris en charge. De ce fait nous ne pouvons plus laisser nos velux ouverts.
 

La ville de Daté, prétendant se soucier de la santé des habitants, a fourni à tous les résidents des dosimètres. Nous avons ensuite été invités à subir des examens, pendant lesquels nos données ont été collectées. Sans l'autorisation des résidents, ces données ont été confiées à des chercheurs externes qui ont rédigé des rapports. Ces rapports ont été élaborés sur la base d'informations personnelles obtenues illégalement, et de surcroit une falsification des données est suspectée. Sur la base de données inexactes, le rapport a conclu que même à des doses de 0,6 à 1 microsievert par heure dans l'air, la dose individuelle reçue serait inférieure à 1 millisievert par an et que, par conséquent, il n'était pas utile de décontaminer. Il s'agit d'une sous-estimation de l'exposition, et clairement d'une violation des droits de l'homme à l'encontre de la population. Cette affaire est toujours en cours.


Dans cette même région, on voit apparaitre des leucémies et des cancers rares des voies biliaires. Je ne peux m'empêcher de penser qu'avant l'accident cela n'existait pas. Aujourd'hui encore, alors que l'état d'urgence nucléaire est toujours officiel, cette situation anormale est devenue notre quotidien. 


Je crains que la "reconstruction" prônée par l'État ne bafoue les droits fondamentaux des résidents et que cette vie inacceptable ne soit désormais considérée comme normale. Nos vies sont au point mort.


Cette souffrance va continuer.

 

Mon désir le plus profond est qu'à travers ce procès, la responsabilité de l’État et de Tepco qui a causé l'accident soit reconnue."

 

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6 août 2019 2 06 /08 /août /2019 14:45

Sans des organisations indépendantes du lobby nucléaire, nous ne saurions pas grand-chose de la pollution radioactive. L’une d’elles, la Criirad, se mobilise depuis 1986 pour fournir des relevés fiables et informer la population des risques. Coup de projecteur sur 4 vidéos incontournables qui font le résumé de ce que l’on doit savoir sur les retombées.

« Les catastrophes nucléaires comme celles de Tchernobyl et de Fukushima entrainent des rejets massifs de substances radioactives dans l’environnement et une contamination durable de vastes territoires. Elles s’accompagnent des mensonges sur la gravité des contaminations et sur l’ampleur des risques sanitaires. Les manipulations sont d’autant plus aisées que la radioactivité ne se voit pas. Compte tenu de son parc nucléaire vieillissant, la France est particulièrement concernée par les risques nucléaires. Produit par l’association CRIIRAD (Commission de Recherche et d’Information Indépendantes sur la RADioactivité) et réalisé par Cris Ubermann, le film « Invisibles Retombées » s’appuie sur les missions conduites par le laboratoire de la CRIIRAD au Japon, pour rendre palpable cette radioactivité invisible et les conséquences pour les populations touchées par les retombées. Il rend compte des rencontres avec les habitants des zones contaminées et des mesures des niveaux de radiation effectuées à leur côté.

Dans sa version sur Youtube, le film est découpé en 4 séquences d’une dizaine de minutes :

Séquence 1 : « Des citoyens face aux mensonges » La CRIIRAD a été créée en 1986, en réaction aux mensonges du gouvernement français sur l’intensité des retombées radioactives sur le territoire français. Les travaux de son laboratoire ont permis d’établir les véritables cartes des retombées radioactives. En mars 2011, au moment de la catastrophe de Fukushima, la CRIIRAD est sollicitée par des citoyens japonais qui souhaitent se doter de radiamètres pour mesurer la radioactivité ambiante.

Séquence 2 : « Mission en territoire contaminé » En mai 2011, la CRIIRAD se rend au Japon et apporte des appareils qui permettent de contrôler la radioactivité des aliments. Quelques semaines après les retombées, le césium radioactif s’est infiltré jusqu’à une dizaine de centimètres de profondeur dans le sol.

Séquence 3 : « L’irradiation permanente » Les rayonnements gamma émis par les substances radioactives déposées sur les surfaces traversent les murs et irradient les habitants même lorsqu’ils sont à l’intérieur des bâtiments. Les habitants sont confrontés à des choix dramatiques : rester sur un territoire contaminé ou prendre la décision de le quitter.

Séquence 4 : « L’impossible décontamination » La décontamination totale n’est pas possible. Les populations vont donc être exposées pendant des décennies. En cohérence avec les recommandations internationales prises sous l’impulsion du lobby nucléaire français, les autorités Japonaises ont multiplié par 20 les normes de radioactivité acceptables en cas de retombées radioactives. Pour Naoto Kan, premier ministre du Japon au moment de la catastrophe de Fukushima, il faut tout mettre en œuvre pour sortir du nucléaire. »

(Source : chaîne Youtube de la CRIIRAD)

 

 

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Pour en savoir plus sur la Criirad

http://www.criirad.org/

 

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27 mai 2019 1 27 /05 /mai /2019 18:33

Quand le bâtiment réacteur n°3 de Fukushima Daiichi a explosé le 14 mars 2011, il y avait 566 assemblages dans la piscine de refroidissement : 514 de combustible usé et 52 de combustible neuf. Depuis, ces 100 tonnes de combustible sont restées une menace dans un bâtiment déstructuré, malgré l’habillage récent, sans enceinte de confinement. Avec quelques années de retard par rapport aux prévisions, Tepco vient de commencer à retirer ces assemblages pour les transférer dans la piscine commune du site.

 

Or, malgré tous ses efforts de communication, Tepco n’a jamais expliqué la succession d’explosions qui ont eu lieu en 2011 dans ce bâtiment réacteur n°3 en provoquant l’émoi du monde entier. L’opérateur n’a pas plus montré l’état des combustibles de la piscine de refroidissement, sinon par de rares photos prises à quelques endroits de la piscine. C’est pourquoi il est intéressant de suivre l’évolution de ce transfert d’assemblages, opération qui est programmée pour durer deux ans.

 

PF

 

Ecorché du réacteur 3 (capture vidéo + légendes)

Ecorché du réacteur 3 (capture vidéo + légendes)

Comme pour le réacteur 4, Tepco a reconstruit une toiture sur le bâtiment détruit en 2011 et a installé de nouveaux équipements permettant le transfert : une machine de chargement de combustible qui transfère les assemblages et une grue sur pont roulant qui transporte les conteneurs du niveau 5 au niveau du sol.

 

Un crochet au bout d’un long bras permet de sortir chaque assemblage de son logement dans les paniers. Sept assemblages de combustible neuf ont été gérés du 15 au 23 avril 2019 ; ils ont été placés un à un dans un conteneur de transport à l'aide de la machine de chargement de combustible. Ce conteneur est un grand fût cylindrique blindé de plomb. Une fois chargé, il est fermé, sorti de la piscine et chargé sur un camion qui le mène à la piscine commune. Là, il est plongé dans l’eau, ouvert, et les assemblages sont placés dans un panier.

 

Ce transfert va prendre beaucoup de temps car le bâtiment réacteur 3 est encore fortement radioactif et tout se fait à distance avec des grues radiocommandées. Or ces manipulations nécessitent une très grande attention car tout se joue au millimètre ; il faut éviter tout choc ou précipitation. Voici une série de captures d’écran tirées d’une vidéo de Tepco montrant les différentes phases.

 

Vue aérienne du réacteur 3 côté est (capture vidéo)

Vue aérienne du réacteur 3 côté est (capture vidéo)

Le bâtiment réacteur 3 vu du sol (capture vidéo Tepco)

Le bâtiment réacteur 3 vu du sol (capture vidéo Tepco)

Les opérateurs travaillent à 500 m de distance de la piscine (capture vidéo Tepco). Il faut dire qu’il ne fait pas bon rester trop longtemps au bord de cette piscine où l’on enregistre toujours, malgré le nettoyage et la protection de l‘eau, une dose de plus de 700 µSv/h.

Les opérateurs travaillent à 500 m de distance de la piscine (capture vidéo Tepco). Il faut dire qu’il ne fait pas bon rester trop longtemps au bord de cette piscine où l’on enregistre toujours, malgré le nettoyage et la protection de l‘eau, une dose de plus de 700 µSv/h.

Prise de mesure au bord de la piscine du BR3 (capture vidéo Tepco)

Prise de mesure au bord de la piscine du BR3 (capture vidéo Tepco)

Matériel de chargement de combustible et de transfert de conteneur (capture vidéo Tepco)

Matériel de chargement de combustible et de transfert de conteneur (capture vidéo Tepco)

Vue 1 de la piscine de combustible (capture vidéo Tepco)

Vue 1 de la piscine de combustible (capture vidéo Tepco)

Vue 2 de la piscine de combustible (capture vidéo Tepco)

Vue 2 de la piscine de combustible (capture vidéo Tepco)

Vue 3 de la piscine de combustible (capture vidéo Tepco)

Vue 3 de la piscine de combustible (capture vidéo Tepco)

Vue 4 de la piscine de combustible (capture vidéo Tepco)

Vue 4 de la piscine de combustible (capture vidéo Tepco)

Un assemblage de combustible neuf est sorti de son panier (capture vidéo Tepco)

Un assemblage de combustible neuf est sorti de son panier (capture vidéo Tepco)

On remarque qu’il existe des dépôts solides clairs en forme de gouttes collés sur les parois extérieures du panier dont la taille varie entre 2 et 8 cm. Le site Simply Info estime qu’il s’agit de la même substance dont on a constaté visuellement la présence dans l’enceinte de confinement sous la cuve du réacteur en 2015. Simply Info explique qu’il pourrait s’agir d’éclaboussures de matière ressemblant à de la pierre ponce qui aurait pu se former avec la fonte du béton du fond de l’enceinte de confinement lors du melt-through. Cette hypothèse de formation de rhyolithe est intéressante ; toutefois, on imagine mal quel trajet auraient pu prendre ces éclaboussures entre le fond de l’enceinte de confinement et la piscine de combustible, alors que l’on a constaté que les dalles antimissiles surmontant de puits de cuve étaient restées en place.

 

Assemblage placé dans le conteneur de transfert dans la piscine de combustible du réacteur 3 (capture vidéo Tepco)

Assemblage placé dans le conteneur de transfert dans la piscine de combustible du réacteur 3 (capture vidéo Tepco)

On remarque deux choses sur cette image de l’assemblage : 1. Sa base a une couleur noire puis une couleur grise différente de la couleur générale de l’enveloppe. Ces différences de couleur sont également visibles sur une autre image au moment de la sortie du conteneur d’un autre assemblage. Une hypothèse est que ce niveau noir corresponde à un niveau de vase en fond de piscine qui pourrait provenir de résidus qui sont tombés dans la piscine le jour de l’explosion ; on se souvient que le nuage provoqué par l’explosion principale était très sombre et que beaucoup de choses avaient atterri dans la piscine, dont la machine de chargement de combustible.

 

2. L’assemblage a subi une corrosion : on remarque deux trous. Etant donné qu’il s’agit d’assemblages de combustible neuf, on peut se demander de quelle manière ils ont pu être détériorés. Tepco nous donnera peut-être un jour une explication.

 

Le conteneur est visible au fond de la piscine ; le bras porte un assemblage (capture vidéo Tepco).

Le conteneur est visible au fond de la piscine ; le bras porte un assemblage (capture vidéo Tepco).

La grue sort le conteneur de la piscine du réacteur 3 (capture vidéo Tepco).

La grue sort le conteneur de la piscine du réacteur 3 (capture vidéo Tepco).

Le conteneur est transféré à l’extérieur (capture vidéo Tepco).

Le conteneur est transféré à l’extérieur (capture vidéo Tepco).

Le camion portant le conteneur s’approche de la piscine commune (capture vidéo aérienne Kyodo news).

Le camion portant le conteneur s’approche de la piscine commune (capture vidéo aérienne Kyodo news).

Le conteneur est placé dans la piscine commune (capture vidéo Tepco).

Le conteneur est placé dans la piscine commune (capture vidéo Tepco).

Machine de chargement de la piscine commune (capture vidéo Tepco).

Machine de chargement de la piscine commune (capture vidéo Tepco).

Piscine commune  et bras de la machine de chargement (capture vidéo Tepco).

Piscine commune et bras de la machine de chargement (capture vidéo Tepco).

Assemblage retiré du conteneur de transfert dans la piscine commune (capture vidéo Tepco)

Assemblage retiré du conteneur de transfert dans la piscine commune (capture vidéo Tepco)

Le septième assemblage est rangé dans un panier de la piscine commune (capture vidéo Tepco).

Le septième assemblage est rangé dans un panier de la piscine commune (capture vidéo Tepco).

Vue de la piscine commune (capture vidéo Tepco).

Vue de la piscine commune (capture vidéo Tepco).

Sources :

Kyodo news

Vidéos Tepco

Acro

 

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12 mai 2019 7 12 /05 /mai /2019 08:40

Lors d’un débat après le film « Fukushima, le couvercle du soleil », une personne n’a pas voulu me croire quand j’affirmais que j’avais eu connaissance que des lycéens avaient visité la centrale de Fukushima Daiichi et étaient passés en bus devant les réacteurs. J’ai été surpris par cette réaction de déni à laquelle je ne m’attendais pas ; c’est pourquoi j’écris cet article : pour répondre à cet homme incrédule. Peut-être vous non plus, vous ne m’auriez pas cru ? Heureusement, j’avais été tellement choqué en voyant cette vidéo que je l’avais enregistrée. Je suis donc à même de vous le prouver.

Voici donc une vidéo montrant un voyage d’étude de lycéens de différents pays, dont la France. Ce reportage a été diffusé le 16 août 2018 par la chaîne japonaise TBS News. À 5:15, après que le bus des lycéens soit passé devant le réacteur n°4, un guide parle en japonais. Une traductrice poursuit : « Maintenant, c’est 10 microsieverts » ; « et ça va augmenter très vite » ; cela veut dire : on va passer devant le réacteur n° 3…  Fait et dit : « maintenant, c’est 70 ».

On voit bien la manipulation : aucun jeune dans le bus ne semble montrer la moindre inquiétude. Pourtant, 70 µSv/h, ce n’est pas anodin. Pourquoi imposer ça à des enfants ? Pourquoi leur faire croire qu’ils ne risquent rien ? Sinon pour aller répandre la bonne parole rassurante aux quatre coins de la planète ? Fukushima, on maîtrise, ce n’est plus dangereux, on peut même y faire du tourisme nucléaire et ne prendre qu’une dose de 0,01 mSv. La propagande pour des JO propres est bien en cours, sur tous les fronts. « La façon la plus simple de partager cette expérience, c’est tout simplement de la raconter, d’expliquer ce que nous, on a vu, que ce soit à nos amis, à nos parents », explique Adèle, du lycée Notre-Dame de Boulogne-Billancourt, à la fin du reportage.

 

Au Japon, on utilise également les enfants pour faire croire à la population que la pollution radioactive n’est pas un problème sanitaire : il n’est pas rare, toujours dans un intérêt collectif, de faire participer des élèves à la décontamination, comme ces collégiens et lycéens qui avaient participé en 2015 au nettoyage de la route nationale 6 en t-shirt alors que cette route était interdite jusque-là pour cause de forte contamination radioactive.

 

En 1978, quand l’Amoco Cadiz s’était échoué sur les côtes de Bretagne, on m’avait proposé de participer à un voyage pour démazouter les plages. J’avais tout de suite dit oui. Quand on est adolescent, on ne réfléchit pas beaucoup. Sauf si on est informé. Je n’ai jamais été informé des risques que représentait l’inhalation de gaz toxiques émis par le pétrole brut. J’y suis allé car je voulais aider, et puis l’idée d’un voyage en Bretagne était plaisante également. Les nausées, les maux de tête, c’était normal, on le supportait. Et puis de toute manière, on avait des gants, des bottes et des cirés, on était protégé. Du moins on le croyait. Je pense que pour ces jeunes lycéens que l’on emmène à la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi, c’est encore pire. Car les adultes qui les encadrent, les proviseurs qui organisent, les parents qui autorisent n’ont aucune excuse. Ils savent tous que la radioactivité est dangereuse et que la poussière est porteuse de microparticules radioactives. Alors pourquoi emmènent-ils des enfants dans des zones contaminées, au plus près du monstre qui a créé cette catastrophe ? Je ne comprends pas.

 

Que des journalistes prennent le risque de visiter la centrale, pourquoi pas ? Ils sont adultes et ont les capacités de connaître les dangers. Pour des enfants, c'est différent. Ils sont embarqués dans un parcours scolaire dont ils ne maîtrisent pas encore le contenu. Ils ne peuvent donc pas consentir à se faire irradier et inhaler des particules radioactives en connaissance de cause car ils sont trop jeunes et leur formation à la radioprotection est limitée au discours officiel franco-japonais. En effet, ces voyages font partie d’une formation à la radioprotection qui comprend ce questionnement : « Quels sont les effets des rayonnements ionisants sur la santé et comment évalue-t-on le risque aux faibles doses ? » Le message est donc clair : les faibles doses, ce n’est pas dangereux ; la preuve, on peut vous faire visiter une centrale nucléaire fraichement accidentée…

 

Pourtant, plusieurs études scientifiques ont déjà démontré que les faibles doses étaient dangereuses, et spécialement pour les enfants. Alors j’écris cet article également pour ces adolescents, j’espère qu’il parviendra jusqu’à eux. J’espère qu’ils liront les conclusions des études qui ne seront pas diffusées durant leur formation. J’espère que leurs parents les liront aussi et qu’ils prendront connaissance des témoignages d’autres parents.

 

Pierre Fetet

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Formation à la radioprotection :

Les faibles doses radioactives sont dangereuses

Quelques études scientifiques qui le montrent

Alice M. Stewart, Effets sur la santé de l'irradiation par des doses faibles, septembre 1982

 

Collectif IndependentWHO, Actes du Forum Scientifique et Citoyen de la Radioprotection : de Tchernobyl à Fukushima, Genève, mai 2012

 

Hisako Sakiyama, Évaluation du risque des faibles doses de radioactivité au Japon, mars 2013

 

Joseph Mangano, Janette Sherman, Christopher Busby, “Changes in confirmed plus borderline cases of congenital hypothyroidism in California as a function of environmental fallout from the Fukushima nuclear meltdown”, Open Journal of Pediatrics, 3, 370-376, décembre 2013

 

Elias Flockerzi, Stefanie Schanz, Claudia E. Rübelow, “Even low doses of radiation lead to DNA damage accumulation in lung tissue according to the genetically-defined DNA repair capacity”, Radiotherapy & Oncology, vol. 111, issue 2, 212-218, mai 2014

 

Klervi Leuraud, David B Richardson, Prof Elisabeth Cardis, Robert D Daniels, Michael Gillies, Jacqueline A O'Hagan, et al., “Ionising radiation and risk of death from leukaemia and lymphoma in radiation-monitored workers (INWORKS): an international cohort study”, The Lancet, Vol. 2, Issue 7,  juillet 2015

 

 

Formation aux parents :

Protégez vos enfants

Témoignages de parents japonais

- témoignages de mères de Fukushima

- témoignage de Aya Marumori

- témoignage de Yoko Shimosawa

- témoignage de Ruiko Muto

 

 

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Établissements français impliqués dans la formation à la radioprotection :

- Lycée Notre-Dame (Boulogne-Billancourt)

- Lycée Nelson Mandela (Audincourt)

- Lycée Bois d'amour (Poitiers)

- Lycée Louis de Broglie (Marly-le-Roi)

- Lycée Paul Vincensini (Bastia)

- Lycée Aliénor d'Aquitaine (Poitiers)

- Lycée Simone Weil (Dijon)

- Lycée Clémenceau (Nantes)

- Lycée Europe (Dunkerque)

- Lycée Giocante de Casabianca (Bastia)

- Lycée Carnot (Dijon)

- Lycée Thomas Hélye (Cherbourg)

- Lycée Métiers Nature (Coutances)

- Institut Saint-Lô (Agneaux)

 

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MàJ 18/05/19

 

Les rencontres internationales de lycéens pour visiter le site Fukushima-Daiichi sont encouragées par l’association CEPN (CEA, EDF, AREVA-ORANO et IRSN) pour rendre acceptable des accidents majeurs nucléaires. Dans la vidéo, dans l'autocar qui emmène les lycéens, on aperçoit Ryogo Hayano, professeur de physique à l’université de Tokyo.

 

En savoir plus en lisant d'autres articles sur le sujet :

http://www.fukushima-is-still-news.com/article-school-trips-to-fukushima-122341341.html

http://www.fukushima-is-still-news.com/2016/04/objective-and-scientific.html

http://www.fukushima-is-still-news.com/2016/11/fukushima-students-visit-plant.html

https://www.forbes.com/sites/prossermarc/2016/04/15/how-200-japanese-high-school-students-became-fukushima-fallout-scientists/#2b9ae9fa2332

https://www3.nhk.or.jp/nhkworld/en/news/editors/3/exchangetourinfukushima/index.html

https://twitter.com/TEPCO_English/status/986507156395409408

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23 avril 2019 2 23 /04 /avril /2019 21:45

 

Traduction : Évelyne Genoulaz, à partir de la version anglaise du discours en japonais de Yoko Shimosawa, prononcé en novembre 2018 à l’occasion d’un "rallye contre l'énergie nucléaire et le cycle du combustible", organisé par les opposants du réacteur de Monju.

 

Concernant la détérioration de la condition physique en relation avec la catastrophe de Fukushima dont parle Yoko Shimosawa, les gens l'ont constatée depuis 2013 et de façon de plus en plus évidente à partir de 2015 si bien que le Dr Shigaru MITA a commencé à analyser les hormones hypophysaires de patients, comme cela est expliqué dans cet article.

-oOo-

 

« Aujourd’hui, je me présente devant vous au nom de toutes les personnes évacuées en raison de l’accident nucléaire du nord-est du Japon.

Ce fut une expérience abominable et ce qui me fait le plus mal, à moi, c’est que l’accident nucléaire a signifié, pour moi, voir ma fille si pleine de vie perdre jour après jour la santé jusqu’à finir par demeurer allongée dans son lit.
J’ai élevé mes enfants à Tokyo, que certains ont crue épargnée par les effets nocifs de la radioactivité, mais pour moi, ça sonne faux.
J’ai constaté le contraire car chaque fois que j'ai emmené ma fille hors de Tokyo, elle a miraculeusement recouvré la santé. Tandis que chaque fois que nous revenions vivre à Tokyo, elle recommençait à souffrir de la même maladie.
Ma fille me répétait toujours la même chose : « je me sens tellement mal, je me sens si faible, j'ai mal aux jambes et aux mains. » Tous ces symptômes ont été permanents lors de nos derniers jours à Tokyo. Mais écoutez-moi bien : elle n’avait ni cancer de la thyroïde, ni leucémie.
Un médecin nous a conseillé de quitter définitivement Tokyo. J'ai suivi ses conseils et nous avons déménagé pour Kobe, dans le Kansaï. A partir de ce moment, elle a recouvré une belle santé.

Huit années se sont écoulées depuis l'accident et, à ce jour, nous qui fûmes tout particulièrement victimes des radiations émises dans la partie centrale de l'Est du Japon, qu’est-ce qu’il se passe dans nos corps ?...
Sommes-nous conscients du nombre de personnes atteintes de cancers à cause des radiations ? Qui peut dire le nombre considérable de personnes qui sont en train de mourir à cause de la radioactivité ? Est-ce qu’on sait quoi que ce soit à ce sujet ?


On entend aujourd’hui de plus en plus de gens dire "je ne me sens pas bien".
Des personnes qui perdent leurs facultés intellectuelles, qui se sentent extrêmement épuisées ou qui ont beaucoup de mal à se relever d'une maladie. Ces symptômes se font sentir cinq ans après l'accident.
Il y a une maladie qu’on appelle “Buraburabyo primaire” dont les symptômes sont très similaires à ceux d’une maladie que le docteur Shigeru Mita a appelé la "maladie du déclin des capacités". Elle s’attaque au cerveau suite à une contamination interne par de faibles doses de radioactivité.

Le gouvernement actuel fait tout, avec tous les moyens dont il dispose, pour persuader le peuple du Japon qu'il n'existe pas de “problème de radiations” aujourd'hui.
Même dans les programmes éducatifs, on tend à inculquer aux élèves que la radioactivité ne présenterait aucun danger. Or, il est fondamental de transmettre des informations justes, sinon, c’est l'intimidation et la discrimination entre étudiants qui deviennent la règle. Tout dernièrement, ma fille a reçu de son école une brochure sur la radioactivité dont les informations étaient insensées.

Pour nous protéger de l'exposition interne aux radiations, il faudrait rassembler en un lieu unique toutes les substances contaminées. Car il faut les tenir loin des hommes.
Mais ce n'est pas ce qui se passe car le gouvernement n'a aucun intérêt à les éloigner puisqu’il préfère répéter avec insistance qu’il n’y a pas de contamination causée par la radioactivité.
Notre gouvernement répète inlassablement les mêmes opérations - enlèvement, décontamination, dilution, réduction du volume et traitement - toujours la même chose encore et encore, mais tout ça ne permet pas de résoudre le problème de la contamination par la radioactivité. Le gouvernement refuse de nous permettre d'échapper aux radiations ; en fait, ça nous pousse même à rester !

C’est un fait que les accidents nucléaires sont causés par des catastrophes naturelles mais là, il s’agit d’autre chose parce qu’on parle de violence humaine en définitive. Avec cet accident nucléaire au Japon, que pensez-vous qu’il puisse y avoir de pire..?! En fait, il s’agit d’êtres humains qui ne protègent pas d’autres êtres humains.
Pourquoi selon vous sommes-nous confrontés à ces événements terribles?
C’est parce que notre gouvernement ne reconnaît pas la gravité des dommages que l’accident peut causer, en particulier à la santé. Le gouvernement estime que c’est une excellente idée de ré-exploiter les centrales nucléaires. « Réussissons notre politique nucléaire », a déclaré le gouvernement.
Maintenant, je vais vous demander si vous êtes d'accord avec ça ?...
Pourquoi n’y a-t-il personne pour manifester son opposition à ce plan du gouvernement ? C'est comme si une proie jetée en cage, au lieu de se débattre pour s'échapper, préférait se soumettre à son ravisseur.


Seuls les criminels créent des armes nucléaires et en font la promotion.
Nous sommes tous sous la domination du nucléaire. Tous les japonais sont des victimes, même les membres de la compagnie d'électricité et du gouvernement, nous sommes tous exposés à la radioactivité et nous sommes tous concernés.
Si nous pouvions chercher à connaître la vérité, nous pourrions espérer avoir une vie merveilleuse et il serait évident pour nous qu’il n’y a aucun intérêt à redémarrer les centrales nucléaires.
Une fois que l'environnement est pollué par la radioactivité des centrales, il est très difficile de faire marche arrière. Nous surtout, les habitants du nord-est du Japon, nous serons toujours exposés aux radiations.
Mes enfants et moi-même, nous continuons à faire des analyses de sang et à faire face à ce problème, parce que nous devons nous résigner à admettre ce fait que nous ne pourrons jamais complètement nous en remettre.


Est-ce que nous, les Japonais, nous faisons face à cette réalité tragique avec sérieux?
Nous ne pouvons pas changer le passé, mais pouvons changer l’avenir !
Même si nous continuons à vivre dans ce pays où s’est produit l’accident, je veux croire que nous pouvons être résilients et ne pas perdre une fois de plus ce que nous avons perdu un jour, à condition de tirer les leçons du passé, et de redoubler d’efforts pour travailler main dans la main, afin de nous protéger le plus possible les uns les autres.


Je suis toujours très attachée à partager mon expérience et ce qu’elle m’a appris, dans l'espoir que mon histoire puisse éclairer les gens. J'ai toujours cru à la force des individus et je suis convaincue qu’en rassemblant nos forces, nous pourrons sans aucun doute changer l’avenir.

C’est un honneur de pouvoir prendre la parole ici et de partager cette histoire avec vous tous aujourd’hui. Je vous remercie de votre attention. »

 

 

Discours de Yoko Shimosawa, évacuée de Tokyo

Texte original

 

私はひとりの避難者です。
私にとって原発事故とは、元気いっぱいの我が子が、少しずつ健康を失っていきぐったりと横たわる、そんなことでした。
私は、東京で子育てをしていました。
放射能の影響などないと言われている場所です。
でも、その東京から、原発による放射能汚染のない土地へ動かすと、どうにもならなかった娘の体調が奇跡のように蘇る、でも戻るとまたぐったりとなってしまう、ということを何度も体験しました。あるお医者さんの助言を得たのです。
その後、関西神戸の方へ引っ越し、娘の健康は見事な復活をとげました。事故から3年後のことでした。
みなさん、娘は、よく言われているような、甲状腺癌になったわけでも白血病になったわけでもないです。
「気持ち悪い、力が出ない、足が痛い、手が痛い!」
娘が東京での最後の日々苦しめられていたのはそんな症状でした。
事故からもうすぐ8年、今、私達に、とくに放射能の降り注いだ東日本を中心とした日本の人たちの体に一体何が起きているんでしょうか。
今、周りのガンの数の多さ、立て続くような若い人の突然死。意識されてるでしょうか?
でも、実は、もっともっと多くの人に、一般的に起きていることがあります。それは、
「体調が悪い」
と言うことなのです。
思考力や記憶力が落ちる、疲れて頑張れない、病気がうまく治っていかない、そんな変化が事故後5年位から深刻になってきているとのことです。
それは、原爆ぶらぶら病にとてもよく似ている症状です。三田茂先生は、「能力減退症」と名付けています。それは、被ばくの、脳、への影響の、1つの表れといいます。
今、行政は放射能の影響についてははっきりと、影響は無い、と宣言するようになりました。放射線は安全、それを周知徹底させるために、国を挙げて取り組んでいるようです。
そして、教育においても放射線は安全、を叩き込もうとしてます。
正しく学びましょう、放射線は怖くはないんですよ、いや、それはいじめや差別につながりますよ
娘が最近学校からもらってきた放射線副読本の冊子の内容は本当に本当に、ひどいものでした。
内部被曝から、人が人を守ることはできます。
それば単純なことです。放射能汚染は出来る限りひとつところにまとめ、人間から離す、ということです。
今、私たちの国はそれをしません。
今されている事は、その真逆です。
そんな事は必要ないんだ、て、なぜなら放射線は安全だから、て。
除去、除染、希釈、減容、処理、まるで放射能はアンダーコントロールであるかのような言葉とともに、汚染は私たちの環境にひたすら拡散されて行きます。
そして反対に、人は決して逃がしません。避難は、させないのです。
原発事故は、震災が引き起こしたのかもしれません、でも、今起きてるこれは、この被曝という暴力は、人がやっていることです。
原発事故のあとの日本で起きている、今もっとも恐ろしい事は、なんだと思われますか。
それは、人間が人間を守らない、ということです。
なぜ、こんな狂ったことが、まかり通るんでしょう。
「この事故はたいした事故ではなかった、放射能は健康影響を引き起こさない、だからほら大丈夫、これからも原発の再稼働をすすめて、原発政策を推進して行きましょう」
て、こういうことでしょ?て、本当は誰だって少し考えればわかります。
でもなぜでしょう、このあべこべにNOを突きつける声は、この国では少しも大きくなりません。
それはまるで囚われの身となった被害者が犯人の下で犯人の言うことだけを聞いて生きていくしかないと信じているかのごとく、です。
犯人、とは、核兵器を開発し、原子力を推進する人間たちのことです。
とらわれの身、となっているのは私たち日本人みんなです。みな当事者です。
日本人は今、核の支配の下に生きています。
それは、電力会社や行政の人間であっても、皆当事者なのです。みんな被曝をしています。
一人一人がそのことに気づき、奪われているその大切なものに気づいたとき、原発はどうしたって動くわけがないのです。
起きてしまった事故、汚されてしまった環境は、取り返しがつきません。私達は被ばくをしてしまいました。特に、東日本に住んでいた人、住んでいる人、はヒバクシャ、です。
私は親子で血液検査などを続けながら、そのことを突き付けられています。
世の中にはどうしても取り返しのつかない、償うことのできないことがあります。
私達日本人はこの悲しい現実に、向き合っているでしょうか。
過去は変えられない、でも、未来は違います。
失われたものを、最大限に取り戻すことができるよう、過去に学びもう二度と決して奪われることがないように、そして守るために、私達は努力できる、事故を起こした国に生きる大人は手をつなぎ、精一杯努めていくことが、できるはず、と信じます。
私は、自分の経験と、知りえたことを伝えたい、といつも願っているのです。
なぜなら、私は一人ひとりの人間を信じたい、そしてその一人一人が手をつなげばきっと現実は、未来は変えていけると信じます。
今日は伝える1つの機会をいただき本当にありがとうございました。

-oOo-

 

English Translation of Yoko-san’s November 2018 speech

 

Today, I stand here in front of you on behalf of all the evacuees of the nuclear accident from the North East of Japan.

It was a very catastrophic experience and what hurts the most is that, for me, the nuclear accident meant having to see my active daughter eventually lose her health until the only thing she’s left to do was to lie in bed.
I was raising my children in Tokyo, a city where some people believe has no effects of the harmful radiation, but this doesn’t ring true to me.
My experience shows the opposite because whenever I bring my daughter outside Tokyo she miraculously regains her health. But every time we moved back there, she starts to suffer from her illness again.
My daughter would always tell me “I feel so bad, I feel so weak, my legs and my hands hurt.” All these symptoms surfaced during our last days in Tokyo. But listen carefully; she did not suffer from thyroid cancer or leukemia.
One doctor advised us to permanently move out from Tokyo. I followed his advice and transferred to Kansai Kobe. After that, she completely recovered her health.

Eight years have passed since the accident, and right now, especially for us, who were affected by the radiation emitted in the central part of Eastern Japan, what happened to our bodies?
Are we aware of the number of people suffering from cancer because of radiation? What about the huge number of people dying consecutively still because of radiation? Do we know about it?
These days, more and more people say; “I feel sick”.
They lose the ability to think, they become extremely exhausted and their bodies find it hard to recover from illnesses. These symptoms are felt five years after the accident.
There is a disease called Primary Buraburabyo, its symptom is very similar to a disease which Doctor Shigeru Mita named as the "Ability Decline Disease". This affects the brain when one takes in LOW DOSES of radioactive material by internal radiation exposure.

The current government, with all its efforts, insists and convinces the Japanese people that there are no radiation problems today.
Even when it comes to formal education, the school seems to inculcate in the minds of the students that radiation is safe. The need to study with the right information is very important because doing the opposite will resort bullying and discrimination among students.
Just recently, my daughter received a brochure from school about radiation and its content was very terrible.

Now, in order for us to rid ourselves with the internal radiation exposure we have to see to it that we segregate to one place all substances contaminated by radiation. We have to keep them away from humans.
But such case is not happening because the government doesn’t like to put away these substances because of their insistence that there is no radiation contamination.
Our government keeps on doing the same drill-Removal, Decontamination, Dilution, Volume reduction and Processing, the same thing over and over but all these do not lead to solving the problem of radiation contamination.
The government refuses to allow us to escape from radiation; in fact, it even urges us to stay.

It is true that nuclear accidents are caused by natural disasters but in the present situation, it is not so, because it is a result of human’s violence.
After the nuclear accident in Japan, What do you think can be worse than that incident?
It is that human beings do not protect human beings.
Why do you think we face these awful happenings?
It is because our government doesn’t acknowledge the severity of harm the accident can cause especially for the health. The government believes that it is best to re-operate nuclear power plants. “Let’s achieve our nuclear policy,” the government said.
Now, I will ask you. Do you agree with this?
Why is there no one voicing out their opposition to this plan of the government?
It is like a victim who is captured, that instead of fighting to escape he becomes submissive to his abductor.
Only criminals create nuclear weapons and promote them.
We are all under the rule of the nuclear power. All of us Japanese people are victims, even the ones in the electrical power company and those in the government, we are all exposed to radiation, and we all concerned parties.
If we could find out the truth, we will be able to have a precious life and we will realize that it is needless to operate again the nuclear power plant.
Once the environment is polluted due to the nuclear radiation it would be very hard to regain its previous state. We, especially the residents from the North East part of Japan will always be exposed to radiation.
I, including my children continue to take blood test and face this problem because in this world we have to accept that there are just things that we can never entirely recover from.
Do we Japanese, face this tragic reality seriously?
We cannot change the past, but can change our future.
Even if we continue to live in this country where the accident happened; I believe we can retrieve and not to lose again the things we once lost if we try to learn from the past and double our efforts to work hand in hand in protecting each other as much as possible.
I am always eager to share my experiences and knowledge, hoping that I will be able to influence others through my stories. I have always believed in the potential of every single person and that if we work together as one, then we will surely be able to change the reality of our future.

It is an honor to be able to stand here and share this story to all of you today.
Thank you for listening.

 

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Photos : Yoko Shimosawa

 

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9 avril 2019 2 09 /04 /avril /2019 19:30

 

Cet article de Cécile Asanuma-Brice, chercheuse en sociologie urbaine, a été publié le 11/03/2019 sur le site Géoconfluences, excepté le dernier paragraphe.

-oOo-

Après la catastrophe de Fukushima, le gouvernement japonais a fermé tous les réacteurs du pays en urgence. Aujourd'hui, le Japon poursuit la réouverture progressive de ses réacteurs, tout en envisageant un recours croissant à d'autres sources d'énergie, parmi lesquelles les énergies renouvelables, secteur dans lequel le pays accuse, comme la France, un retard important.

 

Une part réduite de nucléaire pour toujours plus d’énergie renouvelable

 

2018 fut une année clef dans le domaine de la politique énergétique au Japon. Le 3 juillet 2018, le premier ministre japonais a rendu publique le 5e plan sur l’énergie du pays, exposant les options retenues à l’horizon de 2030. La part du nucléaire sera baissée à 22 % soit une chute de 8 points comparativement à la part présente avant l’accident de Fukushima, qui était de 30 %.

Cette part du nucléaire dans le mix énergétique est actuellement beaucoup plus basse, suite à l’arrêt de la totalité des 54 réacteurs présents sur le territoire conséquemment à la catastrophe de Fukushima. Le Japon a depuis redémarré neuf d’entre eux, et planifie le redémarrage de huit autres supplémentaires, comprenant la construction de trois nouveaux réacteurs qui viendront remplacer ceux devant être fermés en raison de leur ancienneté.

Source originale : http://www.japc.co.jp/atom/atom_1-7.html

Source originale : http://www.japc.co.jp/atom/atom_1-7.html

Revenir à une part du nucléaire à 22 % implique le redémarrage de 30 réacteurs, et la construction de réacteurs neufs qui auraient pour objectif de remplacer ceux qui ne pourront être relancés en raison de leur vieillissement. Il semble bien pourtant qu’à terme, le Japon tende vers une diminution graduelle de la part de nucléaire.

Le gouvernement s’attend néanmoins à rencontrer des difficultés dans l’ouverture ou la réouverture de réacteurs, notamment pour l’obtention des accords locaux, d’autant que certaines centrales sont localisées à proximité de failles sismiques actives. Il sait qu’il devra faire face à une opposition forte de la part des citoyens et se préservait déjà de toutes remarques en spécifiant que les chiffres donnés n’étaient qu’une image de la direction vers laquelle le pays allait s’orienter (source : Asahi Shimbun, 4 juillet 2018).

Le premier ministre Abe spécifiait alors qu’il s’agissait là d’une politique de relance économique destinée à l’exportation plus que de l’ouverture d’un marché national. Mais les principaux investisseurs japonais, Hitachi et Mitsubishi, se retirent peu à peu du secteur. Dernièrement, c’est en Angleterre et en Turquie que leur participation à la construction de nouvelles centrales a été abandonnée. Les évolutions de coopérations avec la France sont également remises en cause.

Par ailleurs, la volonté de développer des possibilités de recyclage du combustible reste au point mort. La perspective de pouvoir construire une structure de recyclage des déchets usagés dans le village de Rokkasho n’a pas abouti. Le pays s’est pourtant fait rappeler à l’ordre par les États-Unis qui ont demandé au Japon de réduire sa part de plutonium, celle-ci ayant dépassé la limite critique des 47 tonnes, soit de quoi réaliser 6000 bombes atomiques du calibre de celle lancée à Nagasaki le 9 août 1945. (Yusuke Ogawa, Asahi Shimbun, 6 juillet 2018),

 

Seul le nucléaire verra son coût d’électricité augmenter

 

Madame Mika Obayashi, directrice de l’institut des énergies renouvelables, estimait lors d’une conférence à la délégation de l’Union Européenne à Tokyo en juin 2018, que désormais le développement du photovoltaïque concentre les intérêts. Le photovoltaïque représente une production de 400 GW à l’échelle de la planète. Au niveau mondial, on note la place prépondérante de la Chine (53 GW), ainsi que les progrès prometteurs du Japon qui occupe une place non négligeable, au 3e rang après la Chine et les États-Unis. La France, quant à elle, occupe la 8e place, soit l’avant dernière des dix principaux pays producteurs. L’éolien produit désormais 539,6 GW et là encore, la Chine remporte la première place, loin devant les autres pays avec une production de 188 GW, alors que les États-Unis sont au 2e rang, avec une production de 89 GW. La France est au 7e rang avec 13,8 GW et le Japon se trouve en dernière place avec 3,4 GW.

Mme Obayashi souligne que l’une des difficultés propre au Japon, pour un meilleur développement des énergies nouvelles, est liée aux problèmes de grid, d’interconnexion entre les différentes compagnies chargées de produire de l’électricité dans le pays, au nombre de dix, ainsi qu’à l’accès aux réseaux intelligents (ou smart grid, réseaux qui permettent d’ajuster les flux d’électricité aux demandes des consommateurs en temps réel) existants.

La croissance de la production des énergies renouvelables entraîne une baisse du coût des installations, par économies d’échelle. Cette baisse du coût des installations engendre, à son tour, une baisse du coût de l’électricité ainsi produite qui devrait atteindre les - 60 % en 10 ans. Une comparaison du niveau de coût de l’électricité par source de production met en évidence une chute importante du prix de l’électricité produite par le PV (Utility-scale PV, Mega-solar), dont la déflation atteindrait - 89 % en 2025. Pour les autres modes de production, la chute des prix serait de : - 67 % pour l’éolien, - 27 % pour les gaz combinés, - 8 % pour le charbon. Seul le nucléaire verra son coût d’électricité augmenter de 20 % en raison des coûts trop importants des installations, du renouvellement des mesures de sécurité suite à Fukushima, de la mise aux normes nécessaire, cumulée à l’ensemble des difficultés de gestion des déchets produits.

Au Japon, le nucléaire, déjà minoritaire avant l'accident, a été remplacé par le recours aux énergies fossiles et plus spécifiquement le gaz. La France se distingue des autres pays par la primauté donnée au nucléaire engendrant un retard notable dans le développement des énergies renouvelables.

Au Japon, le nucléaire, déjà minoritaire avant l'accident, a été remplacé par le recours aux énergies fossiles et plus spécifiquement le gaz. La France se distingue des autres pays par la primauté donnée au nucléaire engendrant un retard notable dans le développement des énergies renouvelables.

Le Japon planifie néanmoins d'agrandir son parc de centrales thermiques au charbon, détenues par les mêmes industriels que les centrales nucléaires dont les directives ne sont pas définies en fonction de priorités écologiques. Avec 46 nouvelles centrales prévues, pour un total de 20,8 GW, 14 sont en construction. Si les regards et analyses se portent sur les types de production d'énergie, un marché très lucratif, il est à noter que le problème de la consommation d'énergie ne semble pas mobiliser les esprits. C'est pourtant là que se trouve le coeur du problème : il ne peut y avoir de mode de production durable et approprié à notre niveau de consommation énergétique actuel. Les smart cities basées sur le tout électrique ne viendront qu'accroître une situation déjà criante.

 

Une France isolée dans ses choix énergétiques

 

Suite à l’accord de Paris, les différents pays engagés dans la course à l’énergie prévoient, dans leur ensemble, une réduction de la part du charbon dans la production énergétique. Le Japon est à contre-courant sur ce choix, prévoyant d’augmenter sa production. Une seule exception en la matière, la France, qui elle opte pour la fermeture de la totalité des centrales à charbon tout en minimisant le développement des autres énergies renouvelables et continue à miser sur le tout nucléaire, un mode de production qui occupe encore la très grande majorité de sa production électrique alors que l’ensemble des autres pays planifie une décroissance de leur part de nucléaire, déjà moindre. Si les risques de tsunami sont certainement limités en France, il n’en reste pas moins que les situations d’inondations dues à la montée des eaux marines en raison de la fonte des glaces, aux fortes précipitations dues au réchauffement climatique et à la sur urbanisation et la multiplication des couches bitumées excessives accroît considérablement les risques de submersion des centrales nucléaires françaises. La France est désormais le seul pays au monde qui, loin de suivre l’engouement pour les énergies renouvelables, continue à développer le nucléaire et décide la recapitalisation d’Orano, groupe qui a succédé à Areva dont la dette légendaire n’aura jamais été épanchée. En pleine période de tensions sociales, le gouvernement français fait néanmoins le choix d’aggraver son déficit public de 2,5 milliards d’euros, coût de la recapitalisation d’Orano.

 

Cécile Asanuma-Brice
Chercheuse en sociologie urbaine, Maison franco-japonaise Tokyo UMIFRE 19-CNRS / Laboratoire CLERSE, Université Lille 1

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11 mars 2019 1 11 /03 /mars /2019 05:00

Le 13 février 2019, les techniciens de Tepco ont continué à explorer l’espace situé sous la cuve du réacteur n°2 de la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi. Pour cela, ils ont utilisé un nouveau robot de 30 cm de long, développé par Toshiba, qui possède à lui seul une lampe, une caméra, un dosimètre, un thermomètre et une pince articulée à deux doigts crantés. Il est relié par un câble de 4 mètres qui lui permet d’être alimenté en énergie, d’être contrôlé, de rapatrier en direct les informations relevées et de se déplacer dans l’enceinte de confinement en étant poussé ou tiré.

Envoi du robot vers la plateforme sous la cuve du réacteur 2 (Capture d’écran vidéo Tepco)

Envoi du robot vers la plateforme sous la cuve du réacteur 2 (Capture d’écran vidéo Tepco)

Dans un premier temps, Tepco a fourni une série de photos prises par l’engin, mais ces photos sont plus spectaculaires qu’autre chose. Elles sont d’abord diffusées pour montrer que Tepco travaille. Aucun prélèvement n'a été effectué, on n’a pas diffusé les chiffres de la radioactivité, mais on en parle, c’est l’essentiel. Une fois que ces informations lacunaires ont été diffusées en masse, avec une technique bien rôdée, Tepco a fourni ensuite des informations plus intéressantes mais de manière plus confidentielle ; comme on ne va pas parler de Fukushima tous les jours, les médias ne les reprennent pas, peut-être pour ne pas lasser les lecteurs.

 

Quelques grains de corium saisis par les pinces du robot (Capture d’écran vidéo Tepco)

Quelques grains de corium saisis par les pinces du robot (Capture d’écran vidéo Tepco)

Ainsi, Tepco a diffusé 15 jours plus tard une vidéo en japonais. On y apprend, grâce à un technicien pédagogue qui explique l’investigation dans le détail, que le robot est passé dans un trou (fait par le passage du corium ?) de la plateforme d’accès aux barres de contrôle pour visiter le fond du piédestal, ce support en béton qui supporte la cuve. L’engin a mesuré la radioactivité à différentes hauteurs (mais on ne connaît pas la distance par rapport au fond de la cuve), de 6,4 à 7,8 Gy/h. Eh oui, Tepco utilise maintenant le Gray (Gy), alors qu’elle avait toujours utilisé le Sievert (Sv). Ce sont des unités quasi équivalentes sauf que le Sievert prend en compte l'absorption moyenne par le corps humain… Hum, pas très clair tout ça pour le commun des mortels. Changer d’unité est une vieille technique de l’industrie nucléaire pour égarer les curieux. On ne conseillera jamais assez aux novices de s’informer sur ce sujet en lisant le vademecum sur le nucléaire de Georges Magnier. Mais revenons aux mesures ; on remarquera que Tepco a pris soin de ne pas donner une mesure trop proche du corium, à la base de l’enceinte. Il ne s’agirait pas de refaire la même erreur qu’en février 2017 où la mesure effrayante de 530 Sieverts avait été divulguée pour ce même réacteur...

 

Mesures de radioactivité dans l’enceinte de confinement du réacteur 2 (Capture d’écran vidéo Tepco)

Mesures de radioactivité dans l’enceinte de confinement du réacteur 2 (Capture d’écran vidéo Tepco)

Par ailleurs, Tepco fournit également des températures aux mêmes points, fluctuant autour de 23 °C (contre 21°C un an plus tôt, sans doute à cause d’un débit d’eau de refroidissement moins élevé aujourd’hui).

 

La vidéo montre aussi une animation sur le meltdown, vous savez, cet évènement tant redouté qui signifie la fonte du combustible et la formation du corium. A ce propos, on a appris récemment que les trois meltdowns de Fukushima Daiichi avaient produit en tout une masse de corium d’environ 880 tonnes.

 

Le meltdown selon Tepco (Capture d’écran vidéo Tepco)

Le meltdown selon Tepco (Capture d’écran vidéo Tepco)

Quand on sait qu’il aura fallu attendre 8 ans après le début de la catastrophe pour ne déplacer que quelques grammes de cette matière, on peut imaginer que les 40 années données par Tepco pour récupérer les 880 tonnes qui se sont répandues dans les sous-sols de la centrale ne suffiront pas… Il faudra plutôt plusieurs siècles avant de régler le problème, si on peut le régler un jour.

 

On n’en saura pas plus pour le moment. Anniversaire oblige, gloire aux robots et surtout, pas de vague avant les JO ! Mais si, avant de se préoccuper de 2020, on prenait soin des enfants qui vivent en territoire contaminé ?

 

Pour finir, place aux images, aux captures d’écran pour les pressés et aux vidéos en bas de page pour ceux qui ont plus le temps !

 

Pierre Fetet

 

Trou dans la plateforme par lequel le robot est passé (Capture d’écran vidéo Tepco)

Trou dans la plateforme par lequel le robot est passé (Capture d’écran vidéo Tepco)

Emplacement prospecté par le robot au fond de l’enceinte de confinement (Capture d’écran vidéo Tepco)

Emplacement prospecté par le robot au fond de l’enceinte de confinement (Capture d’écran vidéo Tepco)

Descente du robot dans le fond de l'enceinte (Photo Tepco)

Descente du robot dans le fond de l'enceinte (Photo Tepco)

Matériel brûlé dans l’enceinte de confinement (Capture d’écran vidéo Tepco)

Matériel brûlé dans l’enceinte de confinement (Capture d’écran vidéo Tepco)

Mer de corium figé sous le réacteur 2 (Capture d’écran vidéo Tepco)

Mer de corium figé sous le réacteur 2 (Capture d’écran vidéo Tepco)

Grain de corium (Capture d’écran vidéo Tepco)

Grain de corium (Capture d’écran vidéo Tepco)

Poteau métallique soutenant la plateforme sous le réacteur 2 (Capture d’écran vidéo Tepco)

Poteau métallique soutenant la plateforme sous le réacteur 2 (Capture d’écran vidéo Tepco)

Vue du dessous du réacteur 2 (Capture d’écran vidéo Tepco)

Vue du dessous du réacteur 2 (Capture d’écran vidéo Tepco)

Techniciens de Tepco observant les données du robot à distance (Capture d’écran vidéo Tepco)

Techniciens de Tepco observant les données du robot à distance (Capture d’écran vidéo Tepco)

Techniciens de Tepco gérant le robot en milieu radioactif (Photo Tepco)

Techniciens de Tepco gérant le robot en milieu radioactif (Photo Tepco)

Techniciens de Tepco dans le bâtiment réacteur 2 manipulant le cable du robot (Photo Tepco)

Techniciens de Tepco dans le bâtiment réacteur 2 manipulant le cable du robot (Photo Tepco)

Extrait du rapport d'opération de Tepco : situation du robot dans l'enceinte et prises de vue

Extrait du rapport d'opération de Tepco : situation du robot dans l'enceinte et prises de vue

Extrait du rapport d'opération de Tepco : situation des ouvriers et du robot

Extrait du rapport d'opération de Tepco : situation des ouvriers et du robot

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Vidéos de Tepco

 

 

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8 mars 2019 5 08 /03 /mars /2019 19:08

Fukushima huit ans après

Un article du Dr Alex Rosen, président de l'IPPNW*, paru sous le titre original 15-faches Risiko für Schilddrüsenkrebs, 8 Jahre Fukushima, traduit par Yveline Girard et diffusé avec l'autorisation de l'auteur.

 

Ce mois de mars marque le huitième anniversaire de la catastrophe de Fukushima. Les enfants nés l’année de la fusion des réacteurs fréquentent aujourd’hui l’école primaire, tandis que de nombreux enfants et adolescents qui, à cette époque, ont ingéré de l’iode radioactif en respirant ou dans leur alimentation, ont atteint l’âge adulte. Beaucoup de temps a passé depuis les images bouleversantes des explosions dans les réacteurs de Fukushima Dai-ichi en mars 2011. Le sujet a à peu près disparu de la conscience publique, et au Japon, de plus en plus de gens voudraient étouffer les événements de cette époque et leurs conséquences. Et pourtant la catastrophe se poursuit.

Légende de la photo ci-dessus : la mère de Ayoto rassemble tous les documents concernant les examens de son fils et son irradiation (Photo de Ian Thomas Ash)

Jour après jour, de l’eau contaminée en provenance des bâtiments ayant abrité les réacteurs endommagés est déversée dans l’océan et dans les nappes phréatiques. Encore récemment, l’exploitant Tepco a été contraint d’admettre avoir trompé le gouvernement et l’opinion publique sur l’état réel de l’eau contaminée stockée sur le terrain des centrales et ce, des années durant. Contrairement aux allégations de l’entreprise selon lesquelles cette eau n’aurait plus contenu que du Tritium, les autorités japonaises ont constaté que 750 000 tonnes d’eau sur les 890 000 dépassent de cent fois le seuil maximal autorisé par l’État et qu’elles contiennent aussi une forte concentration d’isotopes radioactifs comme le strontium-90. Dans certains échantillons analysés par les autorités, la concentration de strontium-90 était 20 000 fois supérieure au maximum autorisé. Or, peu de temps auparavant, TEPCO avait fait part de son projet de déverser l’eau contaminée dans le Pacifique. Pour l’instant, ces nouvelles révélations ont mis un terme à ce plan.

Pendant ce temps, depuis la catastrophe, des villages entiers et des quartiers de zones urbanisées ont été nettoyés des retombées radioactives au prix d’un difficile travail de fourmi. Cependant, les régions boisées et montagneuses du nord-est du Japon, largement inaccessibles, représentent un réservoir incontrôlable de particules radioactives. Chaque tempête, chaque inondation, chaque incendie de forêt et chaque envol de pollens peut recouvrir de Césium 137 des territoires déjà décontaminés. C’est ainsi que de nombreuses localités, qui selon le gouvernement japonais pro-nucléaire devraient être repeuplées depuis longtemps, présentent des niveaux de radiation accrus. Et par voie de conséquence, les gens n’y retournent pas. Plus de 50 000 personnes sur les 200 000 déplacées initialement vivent aujourd’hui encore, huit ans après le début de la catastrophe, dans des foyers de réfugiés ou dans des hébergements de fortune. Et l’état prévoit de leur couper les aides. Ainsi le gouvernement pense-t-il les contraindre à retourner rapidement à l’endroit où ils vivaient. La commission des droits de l’homme de l’ONU s’est vue dans l’obligation d’examiner la situation de ces déplacés.

 

166 cas de cancers avérés, 38 enfants en attente d’opération

Que les radiations provoquent des problèmes de santé n’est nulle part aussi évident que dans l’augmentation des cas de cancers de la thyroïde. Depuis 2011, on examine tous les deux ans la thyroïde des personnes qui avaient moins de 18 ans au moment de la fusion des réacteurs nucléaires. La première série de dépistages a eu lieu de 2011 à 2014, la deuxième de 2014 à 2016, la troisième de 2016 à 2018, la quatrième, en cours, à partir de 2018. Tandis que l’exploitation des données de la première série est terminée, celle des deuxième, troisième, et quatrième surtout est encore incomplète. Néanmoins il est déjà possible de tirer des conclusions à partir des résultats disponibles. Alors que ces examens avaient été effectués à l’origine pour rassurer les populations sur les conséquences de l’accident, ils ont en fait mis en évidence des résultats inquiétants.

Selon les données du Registre du Cancer Japonais, le taux d’incidence (le nombre de nouveaux cas par an) des cancers thyroïdiens chez l’enfant avant la catastrophe était d’environ 0,35 pour 100 000 enfants. Avec une population de 360 000 enfants dans la préfecture de Fukushima le nombre attendu de nouveaux cas serait donc de 1 seulement par an, c'est-à-dire 8 depuis le début de l’accident à la centrale, en mars 2011.

Or, dans cet intervalle de temps, des biopsies de la thyroïde à l’aiguille fine ont révélé des cellules cancéreuses chez 205 enfants. 167 de ces enfants ont dû être opérés entretemps en raison du développement extrêmement rapide de la tumeur, de la présence de métastases ou de la menace sur des organes vitaux. Dans 166 cas, le diagnostic histologique de carcinome thyroïdien a été confirmé, un seul cas de tumeur bénigne a été constaté. Trente-huit enfants sont encore en attente d’opération. Ces chiffres s’appuient sur les dernières publications de l’Université de Médecine de Fukushima (FMU) en date du 27 décembre 2018, qui prennent en compte tous les résultats d’examen disponibles à la fin septembre 2018.

La FMU a également déclaré dans sa dernière publication que parmi les 217 513 enfants ayant subi des tests complets (soit 64,6% des 336 669 enfants concernés), 141 275 (soit 65%) présentaient des nodules ou des kystes sur la thyroïde. Ce qui est particulièrement préoccupant, c’est le nombre de pathologies détectées chez des enfants qui lors des examens précédents ne présentaient encore aucun symptôme inquiétant : chez 22 108 enfants (10%°), on a détecté dans la troisième série de dépistages des kystes et des nodules qui n’existaient pas lors de la deuxième série. Chez 135 d’entre eux, la taille des nodules dépassait 5 mm, et les kystes 20 mm, si bien que des examens complémentaires ont été nécessaires.

Par ailleurs, chez 577 enfants présentant des kystes ou des nodules de petite taille lors du deuxième dépistage, leur croissance a été telle que des examens plus poussés ont été nécessaires également.

Chez 54 des enfants présentant des résultats anormaux, des biopsies à l’aiguille fine ont été effectuées. Dans 18 cas, un cancer a été suspecté. Treize enfants ont été opérés depuis et le diagnostic de carcinome thyroïdien a été confirmé.

Ainsi, depuis l’an passé, dans le troisième dépistage, 5 cas confirmés de cancers et 6 suspicions de cancer se sont ajoutés aux cas précédents. Trente-cinq pour cent des données de ce troisième dépistage n’ont pas encore été exploitées, si bien qu’on ne peut pas encore en tirer de conclusions définitives.

 

Un effet de dépistage ?

Du côté du lobby nucléaire, on essaie toujours de rapporter le nombre élevé de cancers de la thyroïde à Fukushima à ce qu’on appelle l’effet de dépistage. Cet argument aurait encore pu passer pour les 101 cas de cancers de la première série de dépistages, mais il ne vaut plus pour la deuxième ni la troisième série. Les cas qui ont été détectés alors sont forcément nouveaux. Si l’on considère exclusivement les cas de cancers de la thyroïde qui ont été détectés lors de la deuxième et de la troisième série de dépistages, on en arrive au nombre total de 65 nouveaux cas (52 pour la deuxième série et 13 pour la troisième). Pour une population étudiée de 270 000 enfants et un intervalle de 4,5  années (d’avril 2014 à septembre 2018), cela représente une incidence d’environ 5,3 nouveaux cas de cancers de la thyroïde pour 100 000 personnes qui avaient moins de 18 ans au moment de la fusion des réacteurs. Comme cela a déjà été expliqué plus haut, le taux habituel de ce cancer est de 0,35% pour 100 000 au Japon. Dans la préfecture de Fukushima le taux de nouveaux cas de cancer est par conséquent plus de quinze fois supérieur à la moyenne du Japon. Autrement dit : les personnes qui étaient enfants à Fukushima lorsque l’explosion a eu lieu ont un risque 15 fois plus élevé que les autres de développer un cancer de la thyroïde. Ce résultat est extrêmement significatif et ne peut en aucun cas être expliqué ou relativisé par l’effet de dépistage.

Il faut de surcroît considérer qu’en même temps, plus de 87 000 enfants de la population ayant fait l’objet des examens à l’origine sont sortis de l’étude, qu’un tiers des données de la troisième série de dépistages n’est pas encore connu et que tous les cas de cancers qui sont décelés et traités en dehors des hôpitaux officiels ne sont pas pris en compte dans les statistiques, si bien que le nombre réel de cas est certainement bien plus élevé.

 

Le cancer de la thyroïde : une affection banale ?

Au vu de cette évolution préoccupante, il est bon de rappeler que le cancer de la thyroïde, en dépit de perspectives thérapeutiques relativement bonnes, n’est pas une maladie anodine, quoi qu’en dise le lobby nucléaire. Il peut entraîner d’importantes conséquences pour la qualité de vie des malades et leur état de santé. Une opération de la thyroïde comporte des risques importants, les patients et les patientes doivent prendre des médicaments à vie, se soumettre régulièrement à des analyses de sang, et vivent constamment dans l’angoisse de la récidive. Selon une étude de la fondation japonaise pour le soutien aux enfants malades du cancer de la thyroïde, 10% des patients et patientes opérés ont déjà connu une récidive, c'est-à-dire qu’ils ont développé de nouvelles tumeurs cancéreuses, qui ont dû être de nouveau opérées. Dans la préfecture de Fukushima, le cancer a récidivé au bout de peu d’années chez 8 des 84 enfants soignés pour cancer.

 

Répartition géographique des cas de cancer de la thyroïde

L’an dernier déjà nous avions indiqué que la répartition géographique des cas de cancers de la thyroïde chez les enfants coïncidait avec le degré de contamination à l’iode radioactif-131 dans les différentes régions de la préfecture : www.ippnw.de/commonFiles/pdfs/Atomenergie/Fukushima/SD_Artikel_Fukushima_Maerz_2018.pdf

Le taux le plus bas relevé, 7,7 suspicions de cancer après biopsie pour 100 000 enfants par an, se retrouvait dans la région de Aizu, la moins contaminée par les particules radioactives. Avec 9,9 cas pour 100 000 on trouvait ensuite la partie de Hamadori, également peu contaminée par les radiations. Le taux était plus élevé (13,4 cas pour 100 000 par an) à Nakadori qui fut plus contaminé, le taux le plus élevé étant constaté dans les 13 localités les plus contaminées tout autour de la centrale (21,4 cas pour 100 000 par an). Les incidences de cette étude ne concernent pas seulement des cas avérés après opération, mais aussi les suspicions de cancer après biopsie, raison pour laquelle ils sont supérieurs aux chiffres cités plus haut.

 

Des tentatives pour vider l’étude de tout sens

Ces données semblent gêner les responsables de la FMU. Il est vrai qu’elles contredisent la thèse soutenue depuis le début de la catastrophe nucléaire selon laquelle les multiples fusions des cœurs n’auraient provoqué aucune augmentation des cancers. Depuis le début, la FMU subit de fortes pressions de la part d’un gouvernement central pro-nucléaire et de la puissante industrie nucléaire du pays. La FMU reçoit aussi des soutiens financiers et logistiques du lobby international de l’atome, en l’occurrence l’AIEA. Tout ceci remet en cause l’indépendance scientifique de la FMU.

Déjà l’an dernier, nous avions attiré l’attention sur le fait que la FMU elle-même faisait tout pour faire capoter les études sur les affections de la thyroïde. C’est ainsi que contrairement à ce qui était prévu initialement et qui avait été annoncé, à partir de l’âge de 25 ans, les examens n’auront plus lieu tous les deux ans mais seulement tous les cinq ans. Par ailleurs, on a appris que des collaborateurs de la FMU passaient dans les écoles pour informer les enfants de leur droit à refuser les examens et de leur droit à l’ignorance. Depuis peu est apparue sur les formulaires l’option « Opt-out », c'est-à-dire la possibilité de sortir de l’étude. C’est tout à fait remarquable, dans la mesure où la participation a toujours été volontaire et que, d’ores et déjà, 20 à 30% des enfants ne font pas partie des cohortes se soumettant aux examens. Les critiques soulignent aussi qu’à partir de 18 ans, les frais d’examen ne seront pas assumés par les pouvoirs publics mais supportés par les patients et leurs familles. On peut supposer que les efforts de la FMU visent à diminuer le taux de participation aux examens et, à long terme, de faire perdre toute valeur à l’étude en déformant les résultats des tests, un résultat qui ne serait pas pour déplaire à l’industrie nucléaire du Japon.

Il faut également souligner de nouveau que les chiffres de la FMU ne représentent qu’une partie des maladies survenues en réalité. Celle-ci ne prend pas en compte les autres affections liées aux radiations hormis les cancers de la thyroïde, pas plus qu’elle ne s’intéresse aux affections atteignant les personnes âgées de plus de 18 ans au moment de la fusion des cœurs, celles qui n’étaient pas enregistrés dans la préfecture de Fukushima à ce moment-là, celles qui ont déménagé depuis ou qui pour des raisons personnelles n’ont pas pris part aux dépistages. Un autre fait qui montre comment les statistiques officielles sont manipulées, c’est le refus de prendre en considération les cas de cancers de la thyroïde diagnostiqués en dehors des hôpitaux appartenant à la FMU. Au début 2017, la famille d’un enfant victime d’un cancer de la thyroïde a dénoncé publiquement que le cas de son enfant n’était pas inclus dans les données officielles de la FMU. Les responsables de l’étude ont soutenu que le diagnostic de l’enfant n’avait pas été posé par eux, mais par une clinique partenaire à laquelle le jeune garçon avait été adressé pour confirmer le diagnostic et suivre le traitement. Le fait que le garçon ait vécu à Fukushima au moment de l’accident nucléaire, qu’il ait pris part au dépistage de la FMU et qu’il ait dû être opéré suite à un cancer de la thyroïde nouvellement diagnostiqué, tout cela n’a pas été considéré comme pertinent par les responsables de l’étude.

Fin décembre, un autre cas de cancer thyroïdien, qui ne figurait pas parmi les statistiques officielles de la FMU, a été signalé. Le patient vivait certes dans la préfecture de Fukushima au moment de la fusion des cœurs et il avait participé au premier dépistage de l’Université ; mais comme il avait été évacué de sa ville natale, Koriyama, le diagnostic de cancer de la thyroïde et l’opération ont eu lieu en-dehors de la préfecture et, de ce fait, n’ont pas été inclus dans les statistiques officielles.

Combien d’autres cas de cancers thyroïdiens touchant des enfants n’ont pas été signalés, combien de cas se sont déclarés en-dehors de la préfecture ou chez des personnes qui au moment de l’accident avaient déjà plus de 18 ans, tout cela n’a jamais fait l’objet de la moindre recherche scientifique et on peut présumer qu’on ne le saura jamais.

 

Le droit à la santé

Nous observons à Fukushima une hausse significative des taux de nouveaux cas de cancer de la thyroïde chez les enfants et en même temps, en raison de la dépendance particulière des responsables de l’étude vis-à-vis du lobby nucléaire et du biais restrictif de l’étude, ces chiffres sont vraisemblablement systématiquement sous-estimés.

En outre, on peut s’attendre à une augmentation d’autres sortes de cancer et d’autres maladies provoquées ou aggravées par les radiations ionisantes. Les tests de la FMU sur la thyroïde constituent les seuls tests en série à même de donner des résultats pertinents sur les conséquences sanitaires de la catastrophe nucléaire de Fukushima. Et ils risquent en l’état actuel des choses d’être manipulés par les partisans de l’énergie nucléaire.

Les habitants de Fukushima et les Japonais ont un droit inaliénable à la santé et à une vie dans un environnement sain. Dans ce contexte, les tests thyroïdiens chez les enfants ne bénéficient pas seulement aux patients dont les cancers sont détectés de manière précoce et qui peuvent ainsi être soignés, mais à toute la population qui a subi les effets des radiations libérées lors de l‘accident. La poursuite des tests thyroïdiens dans le respect des règles et leur suivi scientifique sont donc d’intérêt général et ne doivent en aucun cas être entravés par des motifs politiques ou économiques.
 

Dr. Alex Rosen,  président de l'IPPNW

 

Sources : Proceedings of the 33rd Prefectural Oversight Committee Meeting for Fukushima Health Management Survey, December 27th, 2018
https://www.pref.fukushima.lg.jp/site/portal/kenkocyosa-kentoiinkai-33.html
NHK: Thyroid cancer relapses in some Fukushima children. 01.03.2018.
https://www3.nhk.or.jp/nhkworld/en/news/20180301_24
Sheldrick A, Tsukimori O. "Fukushima nuclear plant owner apologizes for still-radioactive water".
Reuters, 11.10.2018.
https://www.reuters.com/article/us-japan-disaster-nuclear-water/fukushima-nuclear-plant-owner-apologizes-for-still-radioactive-water-idUSKCN1ML15N

* L’Association internationale des médecins pour la prévention de la guerre nucléaire (en anglais : International Physicians for the Prevention of Nuclear War, IPPNW), est une organisation internationale pacifiste de médecins qui s’engagent pour le désarmement nucléaire. Créée en 1980, l’organisation obtient le prix Unesco de l’éducation pour la paix en 1984 et le prix Nobel de la Paix en 1985 pour son « important et compétent travail d’information », qui améliora la conscience mondiale sur les conséquences d’une guerre nucléaire et le syndrome d’irradiation aiguë.
L’organisation regroupe près de 150 000 membres dans plus de 50 pays.
Le site de l’IPPNW Europe : http://www.ippnw.eu/fr/accueil.html

Celui de l’IPPNW Allemagne : https://www.ippnw.de/

________________________

En savoir plus

 

Article d’Akio Matsumura du site « Finding the missing link » (2019)

Huit ans plus tard, Fukushima pose encore des problèmes sanitaires pour les enfants

 

Article du blog Vivre après Fukushima (2018)

Fukushima, 7 ans après : 159 cas de cancer thyroïdien confirmés et 35 enfants en attente d’une opération

 

Dossier IPPNW (2016)

Vivre 5 ans avec Fukushima : résumé des effets sanitaires de la catastrophe nucléaire

 

Vidéo de Kna (2013)

Enfants de Fukushima et problèmes de thyroïde

 

Article du blog de Fukushima (2012)

Problèmes de thyroïde à Fukushima : une population cobaye

 

Article du blog de Fukushima (2011)

Les effets de la catastrophe de Fukushima sur la santé

 

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