7 juin 2017 3 07 /06 /juin /2017 23:38

Fonzy nous envoie son septième témoignage. Plus de 6 ans après la catastrophe nucléaire, on ne parle plus guère de Fukushima au Japon. L’accident est voulu par le pays comme un évènement du passé dont les conséquences seraient négligeables. Pourtant, il est encore bien présent pour les personnes évacuées à qui l’on supprime les indemnités et pour les enfants qui subissent les effets de la radioactivité dans la préfecture de Fukushima. Les derniers chiffres officiels annoncent 152 personnes atteintes d’un cancer de la thyroïde, ce qui est bien plus que le nombre attendu dans la population en temps normal. Loin des problèmes locaux de Fukushima, Fonzy nous parle de son ressenti et remarque certains changements dans son environnement.

Fleur de bambou à Yokohama en juin 2017 (photo publiée dans le quotidien Asahi)

Fleur de bambou à Yokohama en juin 2017 (photo publiée dans le quotidien Asahi)

Coucou c’est Fonzy qui habite toujours à 280 km de la centrale Fukushima Daiichi. Ici, tout va bien, enfin tout paraît normal comme avant. Moi je m’attendais, peut-être comme la plupart d’entre vous, plutôt à de grands changements au niveau de la population à cause de la radioactivité : beaucoup de personnes souffrant de cancers, de morts brutales par crise cardiaque ou de la leucémie. Mais pour l’instant, ce n’est pas le cas, au moins ici dans mon entourage.

 

Toutefois tout n’est pas pareil. Je dirais qu’il y a de petites choses, très subtiles, pas dramatiques, mais nouvelles que l’on rencontre de plus en plus souvent. Par exemple, la grippe n’est plus quelque chose que l’on attrape seulement en hiver. Même maintenant, au début d’été, ce n’est pas rare de rencontrer quelqu’un, un adulte, qui vous dit qu’il était souffrant plusieurs jours à cause de la grippe. Je connais aussi des étudiants qui étaient absents à cause de la pneumonie, ou de la méningite, ou une maladie dont j’ignore le nom. Ce n’est pas fréquent, mais cela arrive au moins une ou deux fois par an. Avant 2011 c’était beaucoup plus rare.

 

Il y a aussi plus de personnes qui s’énervent plus facilement, y compris moi d’ailleurs. Quand il y a quelqu’un qui me bouscule dans le train et qui ne s’excuse pas, je sens la colère qui monte facilement malgré moi. J’entends aussi depuis un ou deux ans des retards du train à cause des querelles entre voyageurs, ce qui était quasiment nul avant. Récemment je me suis fait engueuler dans le train alors que je bavardais avec un étudiant. Nous n’avions pas parlé fort, mais le monsieur qui dormait pas loin nous a dit « Taisez-vous, surtout, toi, le gars, tu comprends ! » C’était un monsieur d’une soixante d’années avec une veste et une cravate, qui avait l’air correct. Effectivement la vie urbaine, surtout dans les transports en commun à Tokyo, est hyper stressante, mais avant nous étions plus polis et plus courtois. J’ajoute aussi que nous avons toujours des personnes qui ont des malaises dans le train et qui perturbent les transports. Cela est maintenant devenu un incident quotidien.

Photo prise par Kasai (@makotokasai) le 18 mai 2017 à Ibaraki

Photo prise par Kasai (@makotokasai) le 18 mai 2017 à Ibaraki

Le changement ne se trouve pas seulement chez les humains. On constate des arbres qui meurent petit à petit surtout au bord de la route. C’est Kasai (@makotokasai) qui remarque et tweete régulièrement que meurent dans la région de Kanto de nombreux arbres. C’est effrayant de voir ses photos qui montrent que toutes sortes d’arbres, ginkgos, cerisiers, camphriers, azalées… sont en train de mourir car ils perdent leurs branches et leurs feuilles. On parle également depuis deux ou trois ans de la fleur des bambous qui ne fleurissent qu’une fois tous les cent ou deux cents ans. C’est un phénomène très très rare, et on dit que la floraison est le signe que donnent certaines espèces de bambou avant qu’ils ne meurent. Pourtant cette année on voit un peu partout des fleurs de bambou ; Tokyo, Yokohama, Karuizawa, Shizuoka, Hyogo (plus de 600 km de Fukushima Daiichi), Yamagata (en juin 2014), Kyoto (en avril 2015)…. On n’en connaît pas la cause, mais nos ancêtres disaient que c’est un mauvais signe. Nous espérons qu’il n’arrivera pas de nouveaux grands tremblements de terre.  Eh oui, ici les séismes nous font plus peur que la radioactivité… 

 

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25 mai 2017 4 25 /05 /mai /2017 21:53

Dans la préfecture de Fukushima, une terre où peu de gens retournent.

 

Les ordres d’évacuation ont été levés dans la majeure partie du village d’Iitate, mais où sont donc les villageois ..?

 

Un article de David McNeill et Chie Matsumoto – Iitate, Préfecture de Fukushima

 

Article original publié le 13 mai 2017 sous le titre: «In Fukushima, a land where few return. The evacuation orders for most of the village of Iitate have been lifted. But where are the people? » sur le site Japan Times

 

Traduction et mise en page : Evelyne Genoulaz

 

Source : Japan Times. http://www.japantimes.co.jp/news/2017/05/13/national/social-issues/fukushima-land-return ou copie ici : http://www.fukushima-is-still-news.com/2017/05/fukushima-where-are-the-people.html

Les amoncellements de sacs de déchets contaminés transforment jour après jour le paysage de Iitate dans la préfecture de Fukushima. (KYODO)

Les amoncellements de sacs de déchets contaminés transforment jour après jour le paysage de Iitate dans la préfecture de Fukushima. (KYODO)

Le jour où j’aurai achevé ma quête, je reviendrai chez moi un de ces jours, là où verdoient les montagnes, au cher pays de mon enfance, là où les eaux sont cristallines, ce cher pays de mon enfance.

« Furusato », Tatsuyuki Takano

            Un cerisier fleurit au soleil printanier juste devant la maison de Masaaki Sakai, mais pas une âme n’est là pour en faire cas. La maison est abandonnée et ses ouvertures condamnées. Des herbes folles trouent le sol. Tout autour on peut apercevoir les traces du passage de sangliers sauvages, descendus des montagnes pour fourrager les champs et y creuser leurs bauges. Et sous peu la ferme bâtie il y a soixante années de cela, où Sakai a vécu en compagnie de sa mère et de sa grand-mère, sera démolie. « Ce qui ne me chagrine pas plus que ça, nous confie Sakai. Nous avons refait notre vie ailleurs. Je peux encore revenir voir – mais pas y vivre ».

 

          Quelques centaines de mètres plus loin la route est fermée et un dosimètre crépite furieusement sur le terrain empreint d’une quiétude bucolique. On y relève un débit de dose dépassant légèrement 1 microsievert par heure – une fraction du débit craché au moment où la famille de Sakai déserta les lieux en 2011.

Un poste de mesure de la radioactivité installé dans le village de Iitate le 27 mars (2017) peu avant la levée des ordres d’évacuation dans la majeure partie du village. On peut lire : « Bon retour à la maison » (KYODO)

Un poste de mesure de la radioactivité installé dans le village de Iitate le 27 mars (2017) peu avant la levée des ordres d’évacuation dans la majeure partie du village. On peut lire : « Bon retour à la maison » (KYODO)

                Sakai explique que la radioactivité décrit des hauts et des bas, selon le temps qu’il fait. On la trouve partout, dans les rigoles et les fissures de la chaussée et jusque dans les arbres. Depuis que l’homme a déserté ces lieux les singes, habitants des forêts, ont gagné en audace et se figent sur place, les yeux braqués sur telle étrange automobile en approche, au lieu de s’égailler dans toutes les directions comme ils le faisaient autrefois.

 

            Iitate, c’est un chapelet d’une vingtaine de hameaux minuscules disséminés sur plus de 230 kilomètres carrés, un territoire réduit à néant suite à un caprice de la météo, dans les jours qui suivirent la catastrophe nucléaire en mars 2011. Le vent s’était chargé en particules radioactives en provenance de la centrale nucléaire N°1 de Fukushima, à 45 km de là, que la pluie et la neige rabattirent au sol dans la nuit du 15 mars 2011.

            Au bout de plus d’un mois de tergiversations – au cours duquel les villageois ont baigné dans l’un des plus hauts niveaux de radioactivité jamais enregistré tout au long de cette catastrophe (le niveau de dose relevé près de la mairie dans la soirée du 15 mars a atteint la valeur ahurissante de 44,7 microsieverts par heure !(1)) – le gouvernement leur a donné l’ordre d’évacuer.

            Aujourd’hui, le gouvernement prétend qu’on ne court aucun risque à retourner à Iitate. Et c’est en liesse que fut réouvert le 31 mars dernier l’ensemble du village, exception faite de Nagadoro, dans le Sud de Iitate, toujours extrêmement contaminé.

 

            Cette réouverture correspond à un engagement pris par son Maire Norio Kanno ; celle d’Iitate fut de fait la première autorité dans la Préfecture de Fukushima, à annoncer dès 2012, par anticipation, une date de levée de l’ordre d’évacuation : son maire promit alors de « revitaliser le village avant cinq ans ». Ce village dispose désormais d’un terrain de sport neuf, d’une épicerie et d’un restaurant de nouilles Udon. Un dispensaire peut y recevoir des patients deux fois par semaine.

 

Il ny manque rien, si ce n’est les gens.

 

            Tandis que nous patientons dans les locaux municipaux de Iitate en attendant d’être reçus par Kanno, nos yeux tombent sur un livre en exposition à la réception : « Les Plus Beaux Villages du Japon ». En douzième position, voilà une délicieuse mosaïque ondoyante de forêts, collines et prairies administrées par le maire depuis plus de deux décennies – 6 300 résidents, un village réputé pour ses cultures potagères en terrasse et ses rizières, soigneusement délimitées, pour ses cultivateurs biologiques industrieux, ses champignons sauvages et ses « bœufs wagyu » à robe noire dont le nom provient de la région.

 

            Mais le spectacle qui s’offre à nous au-dehors dément cette description idyllique. Les  prairies sont quasiment nues, on a rasé la végétation dans une entreprise prométhéenne de décontamination de la radioactivité qui s’est déposée voilà six années (3). Pas une vache, pas un fermier à l’horizon. Des tracteurs stationnent, silencieux, dans les champs. Les écoles du village sont désertes. Quant à la population, le seul endroit du village qui semble animé, c’est la maison de retraite située de l’autre côté de la rue, en face du bureau de Kanno.

Une école abandonnée à Iitate, Préfecture de Fukushima, en avril. (David Mc Neill)

Une école abandonnée à Iitate, Préfecture de Fukushima, en avril. (David Mc Neill)

            « Notre village ne sera plus jamais celui d’avant la catastrophe mais il peut se développer d’une autre façon. La reconstruction est en marche » déclare le maire, non sans se demander si les rapatriés vont pouvoir rebâtir un village à leur goût. « Qui sait ? un jour peut-être, cela pourrait inciter les évacués au retour, voire attirer de nouveaux-venus. On ne change pas la vie en adoptant un point de vue pessimiste ». Il ajoute que « même en pensant à ceux qui sont partis définitivement, ce n’est pas pour autant que le pays de leur enfance doive – juste disparaître.

 

            « Cet attachement au furusato (le pays natal) est particulièrement prégnant au Japon » nous explique Tom Gill, un anthropologue britannique qui a beaucoup écrit sur Iitate. Ce sentiment de nostalgie « se retrouve dans d’innombrables ballades sentimentales, poursuit-il. Une chanson en particulier, tout simplement intitulée Furusato (cf. partition en bas de page), est chantée par tous les écoliers du Japon depuis 1914. » Selon Gill, cet appel a persisté en dépit – ou à cause – du fait que le déséquilibre entre les zones urbaines et les zones rurales est au Japon plus accentué que dans aucune autre nation moderne ; 10 % seulement de la population japonaise vit en zone rurale. Ce qui peut en partie expliquer cet acharnement démesuré à ramener à la vie les terres, dans l’Est de la Préfecture de Fukushima. Selon une étude, on a consacré plus de 2,34 billions de yens (20 milliards d’euros) à décontaminer un territoire dont la superficie équivaut à la moitié environ de Rhode Island.

 

            Les autorités n’ont jamais envisagé l’abandon des lieux. Mieux, la moindre suggestion dans ce sens a soulevé une controverse : lorsque le Ministre de l’industrie Yoshio Hachiro qualifia en septembre 2011 les communautés abandonnées de « villes de mort », ses paroles soulevèrent un concert de protestations qui le contraignirent à la démission en moins d’une semaine.

 

            A l’opposé, la région fut divisée en trois zones dont les dénominations affichent de subtils euphémismes, pour suggérer précisément l’inverse : les communautés au niveau de radioactivité annuel allant jusqu’à 20 millisieverts (la dose maximale pour les travailleurs du nucléaire) sont dites « en préparation de levée de l’ordre d’évacuation », les districts de 20 à 50 milliSieverts par an, des « zones où résider n’est pas autorisé » et les endroits le plus fortement contaminés, à partir de 50 millisieverts année et au-delà, telle Nagadoro, sont zones « où les résidents ne pourront pas retourner avant longtemps ».

 

            En septembre 2015 Naraha, située à 15 km au sud de la centrale nucléaire N°1 de Fukushima, devint la première ville dans la préfecture à lever en totalité l’ordre d’évacuation imposé après la triple fusion. Naraha dispose d’une rue commerçante aménagée sur fonds publics, une fabrique de batteries au lithium flambant neuve, un jardin d’enfants ainsi qu’une école secondaire.

 

            On a envoyé dans chaque maison une équipe d’ouvriers pour la décontamination – dans certains cas à plusieurs reprises. Des 7 400 résidants d’avant la catastrophe, 1 500 environ sont revenus, pour la plupart des personnes âgées, selon les chiffres du gouvernement local, qui ont vraisemblablement été gonflés.

 

            A Iitate, le coût de la décontamination s’élève à plus de 1 million 600 mille euros (200 millions de yens) par foyer. Ces travaux et l’effet du temps ont rapidement fait baisser la radioactivité au-dessous de 20 millisieverts-année en beaucoup d’endroits.

 

            Cependant, nous apprend Kanno, les travaux de décontamination ne vont pas au-delà d’une distance à 20 mètres des maisons et les trois-quarts du village consistent en massifs forestiers. Par temps venteux, les particules radioactives se redéposent dans les champs et sur les maisons. « Tant d’argent pour quoi ? » s’interroge Nobuyoshi Itoh, un fermier critique à l’égard du maire. « Vous emmèneriez des enfants ici en les laissant  gambader à travers champs ou dans la forêt ? »

Nobuyoshi Itoh dans une forêt près de sa propriété à Iitate, Préfecture de Fukushima (David Mcneill)

Nobuyoshi Itoh dans une forêt près de sa propriété à Iitate, Préfecture de Fukushima (David Mcneill)

            Après que tous eurent évacué, Itoh, lui, a fait le choix de rester vivre dans l’un des endroits le plus hautement toxique du village et nous confie qu’il n’a remarqué semble-t-il aucun affect sur sa santé, mais qu’il a constaté un affaiblissement de son système immunitaire.

 

            L’une des particularités qui rendaient la vie si agréable à Iitate avant la crise nucléaire, quand il y songe, tient dans un système de troc bien à elle. « Les gens pour la plupart d’entre eux n’ont jamais acheté un seul légume, ils en cultivaient, dit-il. J’apportais mes patates et on me donnait des oeufs. C’est fini, tout ça ».

 

            Une petite centaine de personnes tout au plus sont de retour – mais il s’agit invariablement de gens assez âgés ou de retraités. « Ils ne pourront pas, à eux seuls, faire renaître le village » rétorque Itoh. « Et qui pourra les accompagner en voiture dans les alentours ou encore prendre soin d’eux s’ils tombent malades ? »

 

            Quand on eut pris la mesure de l’immensité de la catastrophe qui venait de s’abattre sur Iitate, les gens du cru ont fini par se quereller les uns les autres. Certains vivotaient à grand-peine et voulurent partir, quoiqu’il fût toujours difficile de parler ouvertement de cette intention d’abandonner la terre natale. Beaucoup se sont solidarisés à travers les procès qu’on intenta au gouvernement.

 

            Bien avant la catastrophe, déjà, le village avait perdu un tiers de ses résidants depuis 1970 car les populations de jeunes s’étaient déplacées dans les villes, ce miroir de la désertification des zones rurales qu’on peut observer dans l’ensemble du pays. Quelques-uns parlèrent de déplacer plus loin le village tout entier, mais Kanno n’a jamais voulu en entendre parler.

Masaaki Sakai devant sa maison à Iitate, Préfecture de Fukushima. (David 					McNeill)

Masaaki Sakai devant sa maison à Iitate, Préfecture de Fukushima. (David McNeill)

            Le régime d’indemnisation a pu être un facteur déterminant dans le choix. En sus d’une indemnité mensuelle de 802 euros (cent mille yens) en dédommagement du « stress mental » ou de la mise à mal de leur vie précédente, les propriétaires d’une maison ou d’une ferme ont bénéficié d’un bonus : une indemnité forfaitaire de 48 mille euros environ  (6 millions de yens) par personne pour cinq ans – et le double pour les résidents de Nagadoro . Un chercheur a évalué à 401 mille euros environ (cinquante millions de yens) l’indemnité moyenne par famille, un montant qui a pu sembler suffisant pour tourner la page d’une résidence à Iitate qui devenait insatisfaisante et problématique, et préférer faire l’acquisition d’une maison à quelques kilomètres de là, pas trop loin, de façon à pouvoir revenir travailler ou encore profiter de la douceur des étés.

 

            Ils sont beaucoup à avoir déjà choisi cette option. Sans disposer de chiffres officiels, on dit ici que la moitié sans doute des villageois seraient partis définitivement. Des enquêtes avancent un chiffre de 30 % de candidats au retour, et moins encore dans le cas de Nagadoro.

 

 

            A en croire Yoshitomo Shihigara, qui gouverne le hameau de Nagadoro, de nombreuses familles ont pris leur décision voilà un bon bout de temps. Il ajoute qu’on ne devrait pas imposer à ses petits-enfants de vivre dans un tel endroit : « Notre devoir, c’est de les protéger ». Il habite dans la ville de Fukushima mais revient à Iitate tous les dix jours environ pour inspecter la maison et désherber son terrain. Et même avec cette débauche d’argent, Shihigara doute que cela suffise pour pousser au retour ses amis ou ses connaissances. Agé lui-même de soixante-dix ans, il n’est pour autant pas certain de vouloir revenir. « Parfois, j’en ai assez de toute cette histoire, car c’est impossible d’en parler avec quiconque à Fukushima, même pas avec ma famille, parce qu’on finit souvent par se quereller. Les gens essaient de deviner si les autres reçoivent des avantages, quels avantages ou le montant de leur indemnité. C’est très stressant de discuter avec les gens à Iitate. Je commence à m’en vouloir parce que je finis par mal me comporter à leur égard en raison de ma frustration. »

 

            Kanno a remporté six élections depuis 1996 et il a supervisé chaque étape de la douloureuse réhabilitation de Iitate, pris en porte-à-faux entre la colère et le désespoir de ses électeurs et la réponse officielle apportée sur la catastrophe, de la part du Gouvernement et de TEPCO, l’exploitant de la centrale nucléaire dévastée.            

Des membres des Forces terrestres d’autodéfense japonaises (GSDF) décontaminent le sol à Iitate, Préfecture de Fukushima, en décembre 2011. (Kyodo)

Des membres des Forces terrestres d’autodéfense japonaises (GSDF) décontaminent le sol à Iitate, Préfecture de Fukushima, en décembre 2011. (Kyodo)

            Il a demandé des moyens supplémentaires pour mener à terme les travaux de décontamination (le gouvernement prétend que tout est achevé (2)) et pour remettre en état les routes et les infrastructures. Selon lui, les rapatriés ont besoin d’être soutenus financièrement. Il pense néanmoins qu’il est temps de mettre fin à l’indemnité mensuelle car il estime qu’elle entretient la dépendance. « Si les gens continuent à dire que la vie est dure, ils seront incapables de réagir. Mais ils ont besoin d’une aide pour leur subsistance. »

 

            Une nouvelle mesure a été instaurée, c’est un capital de départ à destination de  personnes volontaires pour revenir et ouvrir un commerce ou se lancer dans l’agriculture. « Il ne s’agit pas de faire croire que nous cherchions à influencer le choix des gens ou les forcions au retour » explique le maire, en invoquant la notion de « kokoro ni fumikomu » qui signifie littéralement : « entrer dans les cœurs ».

 

            En vérité dans un an, les milliers de personnes ayant évacué le village de Iitate n’auront pas le choix :

 

elles devront choisir le retour, à savoir renoncer aux aides allouées depuis six ans pour vivre ailleurs, car l’évacuation des zones jusqu’à 20 milliSieverts/an sera alors caractérisée de « volontaire », au regard du régime officiel d’indemnisation. Un dilemme résumé le mois dernier par une petite phrase abrupte et inouïe, dans la bouche du Ministre en charge de la reconstruction du Tohoku, Masahiro Imamura, limogé depuis. Pressé de s’expliquer sur la question par un journaliste indépendant, Imamura a rétorqué dans un mouvement d’humeur que le choix du retour – ou non – relevait de la responsabilité des évacués eux-mêmes, « de leur responsabilité à titre personnel, de leur propre choix ». Ce commentaire a touché un point névralgique.

            D’aucuns disent que le gouvernement s’efforce de contraindre les gens au retour, en usant d’une sorte de chantage économique ou pire – kimin seisaku – en les abandonnant à leur sort.

            « La réinstallation » soulève en Itoh de la colère. Selon lui, les politiciens poursuivent l’objectif d’effacer la catastrophe au plus vite. Il rétorque que « c’est inhumain de pousser les gens à revenir dans un tel environnement. Tout comme les effets de la radioactivité sur le corps, les effets psychologiques sont, de même, invisibles :

 

un grand nombre de personnes souffrent en silence ».

 

            Itoh est convaincu que le gouvernement cherche à montrer qu’on peut venir à bout des problèmes liés à l’énergie nucléaire, dans l’objectif de redémarrer les réacteurs nucléaires, aujourd’hui à l’arrêt dans tout le pays. Il n’y en a que 4 en production tandis que le sort réservé aux 42 autres est suspendu aux conclusions d’un imbroglio politico-juridique. Mais l’opinion publique, elle, demeure opposée à leur redémarrage (4).

 

 

            A IItate, au début, les gens ont cru voir renaître une formidable espérance mais au fil du temps, ils ont fini par ne plus faire confiance au gouvernement du village, déclare Kenichi Hasegawa, un fermier qui a écrit un livre en 2012 intitulé : « Genpatsu ni Furusato o Ubawarete » (Les Vies Volées de Fukushima). Dès les premiers jours, accuse-t-il, le maire a tout tenté pour cacher les niveaux de radioactivité choquants qu’on pouvait relever juste devant son bureau. Puis les gens ont fini par ne plus s’y intéresser. Quand le maire convoque ses administrés, bien peu se rendent aux réunions. « Peu importe, ils font quand même des réunions ! juste pour dire qu’ils en ont fait ».

 

            Mais Kanno ne veut pas s’avouer vaincu. Une boutique de souvenirs doit ouvrir en août et cela va faire venir des touristes, dit-il. On voit des villageois paver les accès menant à leur maison, grâce à la manne du budget ouvert pour la reconstruction. Quant aux effets de la radioactivité, il dit qu’« on a tous une opinion différente sur la question ». La levée de l’évacuation, ce n’est qu’un début.

 

            Itoh quant à lui, déclare qu’il lui est arrivé autrefois de faire confiance aux autorités publiques mais que ça, c’était dans une autre vie. Et il conclut :

 

« En s’évertuant à vouloir sauver le village, le maire en vérité le mène à sa perte ».

 

Dans un champ du village de Iitate, des sacs remplis de déchets contaminés, en mars 2016. (KYODO)

Dans un champ du village de Iitate, des sacs remplis de déchets contaminés, en mars 2016. (KYODO)

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Notes de la traductrice

 

1 - 44,7 microsievert/h = 391 millisieverts/an !

 

2 - Selon le Ministère de l'Environnement, la décontamination serait achevée depuis fin janvier 2017 dans neuf des onze municipalités de la préfecture de Fukushima (sauf à Minami-Soma et Namie), qu’on désigne dorénavant du nom de "special decontamination areas" (zones de décontamination spéciale). Ne sont pas concernées par cette dénomination les zones « où les résidents ne pourront pas revenir avant longtemps » (source : JAIF, 15 mars 2017)

 

3 - A l’irradiation initiale « voilà six années » suite aux fusions, qui a contaminé la région (dépôts en taches de léopard sur faune, flore, sédiments des lacs et des rivières, habitations et leurs habitants…), il convient d’ajouter les rejets, suite aux fuites ou aux travaux à la centrale, par exemple. Noter que les zones forestières ou montagneuses sont « indécontaminables » et que la radioactivité présente à jamais, s’accumule ici, là se déplace au gré des intempéries …

 

4 - Ont redémarré : Ikata 3 (août 2016) + Sendai 1 & 2 + Takahama 4 (mai 2017) - Takahama 3 vient d’être rechargé…

 

 

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En savoir plus sur Iitate

 

Fukushima : 6 ans après, pas de retour à la normale (Greenpeace)

 

Partition et paroles du chant Furusato

 

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Mise à jour : 27/05/17

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29 avril 2017 6 29 /04 /avril /2017 09:22

Pourquoi, 18 mois après la catastrophe nucléaire de Fukushima, les Japonais ont-ils mis au pouvoir Shinzo Abe, pronucléaire notable ? Sans doute grâce au mensonge politique, mais aussi à cause de la complexité du monde. En France, c’est le même problème, les Français sont majoritairement pour la sortie du nucléaire mais ils vont élire un ou une pronucléaire. Avec une industrie atomique en faillite, une sécurité des installations au rabais et une probabilité d’accident nucléaire qui augmente, l’avenir paraît bien sombre. Au Japon, le mensonge organisé permet à présent au gouvernement de demander à la population évacuée en 2011 de revenir vivre dans des terres contaminées. Les articles du site Nos Voisins Lointains 3.11 rapportent le travail d’une association qui édite des cartes de mesures de la radioactivité. Le constat est alarmant. Ce ne sera pas différent pour les prochains pays qui auront à subir une catastrophe nucléaire.

PF

 

1. Namie: retour de la population dans la zone non-contrôlée de radioactivité

2. Dernière carte concernant la ville de Minamisoma

3. Discours de Taro Yamamoto : « Retournez, habitez, vivez, reconstruisez, c’est quoi cette histoire ! »

 

-oOo-

 

 

1. Namie: retour de la population dans la zone non-contrôlée de radioactivité

 

(A partir de l'article publié par Nos Voisins Lointains 3.11 le 23/4/2017)

 

Le 31 mars de cette année, les ordres d’évacuation des territoires les plus habités du bourg de Namie, du département de Fukushima, ont été levés.

 

Le groupe de mesure citoyen, « Le Projet de mesure de la radioactivité environnementale autour de Fukuichi (la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi) » a publié les cartes de débit de dose de la radioactivité ambiante, et de la contamination du sol. Les résultats sont incroyables. La radio contamination des territoires de Namie est bien pire que celle habituellement relevée en « zone contrôlée de radioactivité ». En effet, une zone est classée comme « zone contrôlée de radioactivité » si le total de la dose effective due à la radiation externe et celle due aux substances radioactives dans l’air risque de dépasser 1,3 mSv par trimestre, ou si la densité de contamination de surface dépasse 40 000 Bq/m². Dans une « zone contrôlée de radioactivité », il est interdit de manger et de boire, et bien sûr d’y passer la nuit. Seuls les adultes y sont autorisés, et il ne leur est pas permis d’y demeurer plus de 10 heures. En quittant la zone, ils doivent se soumettre à un dépistage strict de radioactivité.

 

Les relevés effectués à Namie figurés dans les cartes vont bien au-delà de ces chiffres de référence utilisés pour définir les « zones contrôlées de radiation ». C'est pourtant sur un tel territoire que l'on fait revenir la population !

 

Voici la carte de la contamination du sol téléchargée sur leur page Facebook le 15 avril.

Elle a dû être légendée par 7 échelles car la contamination est si élevée que les échelles habituellement utilisées n'y suffisaient pas ! C'est une violation des droits de l'homme que d'autoriser les gens à vivre sur de tels sols !

Retour de la population dans la radioactivité

Voici la publication du groupe « Le Projet de mesure de la radioactivité environnementale autour de Fukuichi » sur leur page facebook du 20 avril 2017.

« Nous avons téléchargé la carte des relevés de radioactivité, le résultat de la 38ème action de surveillance, en nous appuyant sur le GyoroGeiger, dosimètre fonctionnant avec Android. Les mesures ont été effectuées à 1 mètre du sol. Les points où le débit de dose est supérieur à 1 µSv/h, pour 56 relevés sur 100 effectués, sont indiqués en rouge. Mesure maximale à 3,71 µSv/h soit l'équivalent de 32 mSv/an. Est-il concevable de faire revenir les personnes évacuées, dans de pareils lieux ? »

Retour de la population dans la radioactivité

 

2. Dernière carte concernant la ville de Minamisoma

 

L'article entier concernant cette carte :

Les niveaux impressionnants de radio-contamination à Odaka, Minamisoma

 

Retour de la population dans la radioactivité

3. Discours de Taro Yamamoto

« Retournez, habitez, vivez, reconstruisez, c’est quoi cette histoire ! »

 

(Reprise de l’article de Nos Voisins Lointains du 12/12/16)

 

Taro YAMAMOTO, du parti libéral, est membre de la Chambre des conseillers. Il est un des rares membres parlementaires qui défendent les droits des victimes de l’accident de la centrale nucléaire de TEPCO Fukushima Daiichi.

 

L’association Nos Voisins Lointains 3-11 a traduit les questions de Taro YAMAMOTO à la Commission spéciale de reconstruction de la Chambre des députés au 18 novembre 2016*. Le contenu de ses questions révèle la situation inhumaine à laquelle sont confrontées les victimes dans le cadre de la politique de retour du gouvernement japonais.

  • Taro YAMAMOTO

Je vous remercie. Je suis Taro YAMAMOTO du parti libéral. Je voudrais poser des questions en tant que représentant d’un groupe parlementaire.

 

Décrété le 11 mars 2011, l’état d’urgence nucléaire n’est pas encore levé à ce jour, 5 ans et 8 mois depuis l’accident à la centrale nucléaire de TEPCO Fukushima Daiichi. Aujourd’hui, je vais aborder un sujet connu parfaitement par Mesdames et Messieurs les Députés ici présents.

 

Je vais commencer par le sujet de la zone contrôlée de radioactivité. Il s’agit de la zone délimitée fréquentée par des travailleurs possédant la connaissance professionnelle, exposés aux risques liés aux rayonnements ionisants, telle que une salle de radiographie, un laboratoire de recherche, une centrale nucléaire, etc.

 

Voici ma question. Il y a des règles qui s’appliquent aux zones contrôlées de radioactivité, n’est ce pas. Peut-on y manger et boire ?

 

  • Expert du gouvernement (Seiji TANAKA)

Voici la réponse. Suivant l’ordonnance sur la prévention des risques liés aux rayonnements ionisants**, il est interdit de manger et boire sur les lieux de travail où existe le risque d’assimiler des substances radioactives par voie orale.

 

  • Taro YAMAMOTO

Bien entendu, il est interdit d’y boire ou manger. Donc, il est évident que ce n’est pas possible d’y passer la nuit, n’est ce pas ? Même pour les adultes, il n’est pas permis d’y demeurer plus de 10 heures.

 

Vous connaissez bien l’existence de l’ordonnance. Il s’agit d’une règle à respecter afin de protéger les travailleurs exposés aux risques liés aux rayonnements ionisants dans des établissements tels que les hôpitaux, les laboratoires de recherche et les centrales nucléaires, n’est ce pas ?

 

On y trouve la définition de la zone contrôlée de radioactivité. Il s’agit de l’article N°3 de l’ordonnance dans le dossier N°1. On peut y lire que si la situation correspond soit à la définition décrite dans l’article 3/1 soit à celle précisée dans 3/2, la zone est considérée comme zone contrôlée, et qu’il faut y poster un panneau de signalisation. Je vais lire les parties 1 et 2 de cet article.

 

1 : la zone dans laquelle le total de la dose effective due à la radiation externe et celle due aux substances radioactives dans l’air risque de dépasser 1,3mSv par trimestre – sur une durée de trois mois ! On appelle la zone « la zone contrôlée de radioactivité » lorsque la dose atteint 1,3mSv sur une durée de trois mois.

 

Dans la partie 3/2, on se réfère à la densité à la surface dans le tableau attaché.

Voici le dossier N°2. Quelle sera-t-elle si on fait la conversion de la densité à la surface par m2 ?

 

  • Expert du gouvernement (Seiji TANAKA)

La conversion donne 40 000Bq/ m2.

 

  • Taro YAMAMOTO

Ainsi, avec 40 000Bq/ m2, la zone est classée comme « zone contrôlée de radioactivité ». Il faut donc bien surveiller non seulement la radioactivité dans l’air mais aussi la contamination de surface, c’est-à-dire la dose au sol des substances radioactives, autrement dit les autres éléments existant dans l’environnement, et gérer la zone délimitée afin de protéger les travailleurs des risques liés aux rayonnements, n’est ce pas ?

 

La zone contrôlée de radioactivité est définie à la fois par le débit de dose de la radioactivité ambiante et par la densité à surface des substances radioactives. Le point est que le risque dans une situation où les substances radioactives sont dispersées est tout à fait autre que celui dans la situation où les sources de rayonnement sont bien identifiées et gérées.

 

Or, actuellement l’ordre d’évacuation appliqué aux zones d’évacuation suite à l’accident de la centrale nucléaire est levé lorsque le débit de dose de radioactivité ambiante devient inférieur à 20mSv/an.

 

Voici ma question. Concernant la contamination, en dehors du débit de dose de radioactivité ambiante, y a-t-il des conditions à tenir compte pour lever l’ordre d’évacuation ? Veuillez répondre par un oui ou un non.

 

  • Expert du gouvernement (Takeo HOSHINO)

Voici la réponse.

Concernant les conditions nécessaires pour la levée de l’ordre d’évacuation, quant aux mesures de radioactivité, il n’y a que la certitude que le cumul annuel de débit de dose de radioactivité ambiante soit inférieur à 20mSv.

 

  • Taro YAMAMOTO

Vous n’avez pas compris. Je vous ai demandé de répondre par un oui ou un non. Y a-t-il d’autres conditions que le débit de dose de la radioactivité ambiante ? Pour lever l’ordre d’évacuation en dessous de 20mSv/an, quelles sont les conditions concernant la contamination?

 

Le fait est que concernant la contamination, il n’y a pas d’autres conditions que le débit de dose de la radioactivité dans l’air. C’est anormal. Vous, qui appartenez à cette Commission comprenez certainement à quelle mesure cette situation est anormale. Dans la définition de la zone contrôlée de radioactivité, en dehors de débit de dose de radioactivité dans l’air, on tien compte des substances dispersées puis déposées, c’est-à-dire de la contamination dans le sol etc., ce qui fait que le critère de 40 000Bq/m2 est établi pour la contamination à surface. Cependant, dans le cadre de la politique de retour pour faire revenir les populations aux territoires où le débit de dose cumulé annuel est inférieur à 20mSv/an, la condition de contamination de sol n’est pas considérée comme nécessaire. Cette dernière ne constitue pas un critère d’évaluation, le seul critère étant le débit de dose de la radioactivité ambiante. Les politiciens et les fonctionnaires qui considèrent cette situation régulière ne méritent pas de recevoir les salaires payés à partir des recettes des impôts. Notre travail est de protéger la vie et la propriété du peuple. Or, vous allégez les conditions. Vous créez à votre gré une règle moins rigoureuse que celle appliquée aux travailleurs possédant la connaissance professionnelle de la radioactivité. Que faites vous !

 

Suite à l’accident de Tchernobyl, des lois ont été établies en Russie, en Biélorussie et en Ukraine, et on y mesure à la fois le débit de dose de radioactivité dans l’air et la contamination du sol. Pourquoi ? Cela va sans dire. C’est parce que c’est difficile de saisir la quantité d’irradiation subie par la population seulement avec les mesures de la radioactivité ambiante. En Ukraine, avec 5mSv/an, mesure correspondant à celle de la zone contrôlée de radioactivité, la population est évacuée, et même avec 1mSv/an qui correspond à la limite du débit de dose moyen pour le public, les habitants ont le droit d’évacuer. Cette loi dite loi Tchernobyl est encore en vigueur.

 

En revanche, quelle est la situation au Japon ? Selon la décision du Cabinet du mois de juin 2015, l’ordre d’évacuation est levé si le débit de dose dans l’air est inférieur à 20mSv/an. Il n’y a pas de problème ! A titre d’exemple, si on demeure 24h dans une zone contrôlée de radiation, on est exposé à la dose de 5,2mSv/an. Or, le critère de la levée de l’ordre et du retour de la population est de 20mSv/an ou moins. Le zonage est déterminé par la dose 4 fois supérieure à celle de la zone contrôlée de radioactivité. Retournez, habitez, vivez, reconstruisez, c’est quoi cette histoire ! Je ne peux trouver d’autre expression que « complètement tordu». Peut on encore appeler ça l’État ? Je pense qu’il vaut mieux l’appeler la mafia. C’est tellement inhumain !

 

Le gouvernement semble avoir adopté les limites de dose de 20 à 100mSv suivant la recommandation de la CIPR*** sur les limites d’exposition aux rayonnements après un accident. Cependant, quand on pense aux effets sanitaires sur la population, le plus raisonnable serait d’adopter 1mSv, les mesures de dose les plus faibles pour les limites de radiation pour la santé publique, selon le consensus mondial. Le droit d’évacuer doit être accordé à la population jusqu’à ce que le débit de doses descende en dessous de 1mSv/an. Le droit de décider le moment de retour appartient aux victimes. Pourquoi aménagez vous le zonage à votre gré ? L’État doit faire le maximum d’efforts afin de diminuer la dose le plus près possible de 1mSv/an, dose maximale en situation normale. Puis l’État, l’administration devraient avertir les populations, et les laisser prendre leurs propres décisions. Cela serait la façon la plus juste. L’État devrait se comporter ainsi.

 

Qui est responsable de cet accident ? C’est la TEPCO. Qui l’a soutenue ? C’est l’État. On voit clairement qui sont les auteurs du crime. Et pourtant, on ne fait que soulager les charges des criminels. Si il est admis d’aménager le zonage et les droits associés comme cela convient aux criminels, ce monde est un enfer.

 

Dans la ville de Minamisoma située dans la région côtière de la préfecture de Fukushima, trois types de zone d’évacuation ont été établis après le séisme. Au mois de juillet 2016, l’ordre d’évacuation a été levé de la « zone de préparation de levée de l’ordre d’évacuation » et de celle « de restriction d’habitation ». Il n’y a qu’un seul foyer avec deux personnes qui reste dans la « zone où le retour est difficile ». Selon l’État, 90% des territoires de Minamisoma sont sans risque. Or, il existe un groupe qui s’appelle « Le Projet de mesure de la radioactivité environnementale autour de Fukuichi (la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi) ****» composé principalement de résidents de Minamisoma. Depuis 2012, les membres prennent les mesures de la contamination du sol aux alentours des voisinages des membres et dans des zones d’habitation. Ils ont fourni les informations. Veuillez regarder le dossier N°3. Vous y voyez une carte colorée (NDT : voir la carte dans la page du lien en cliquant ici.)

 

Il s’agit de la carte de mesures de sols, collectés et mesurés, dans les territoires où les travaux de décontamination sont achevés. Les couleurs montrent les niveaux de contamination. L’endroit coloré en bleu indique le lieu où les mesures de contamination sont en dessous de 40 000Bq/m2, c’est-à-dire inférieures à celles de la zone contrôlée de radioactivité. Il n’y en a qu’un seul, à droite en bas. A part celui-là, à tous les autres lieux, les couleurs montrent des mesures supérieures à celle de la zone contrôlée de radioactivité. Il existe même un lieu coloré en gris où les mesures dépassent 1 000 000Bq/ m2. Il y a des gens qui y habitent !

 

Comparé aux débits extraordinaires observés tout de suite après l’accident, le débit de dose de radioactivité dans l’air a beaucoup baissé. Ce n’est pas le même ordre de grandeur. Toutefois, selon les habitants, même avec 0,1µSv/h de débit de dose de radioactivité ambiante, les mesures de sol peuvent se révéler équivalentes à celles de la zone contrôlée de radioactivité.

 

C’est insensé que seul le débit de dose de la radioactivité ambiante soit pris en compte comme condition pour lever l’ordre d’évacuation. C’est tellement irresponsable et négligeant. C’est exactement à l’opposé de protéger la vie et la propriété du peuple. Les gens ne vivent pas flottant en l’air à 1 mètre du sol*****. Ils s’assoient, s’allongent par terre, ils s’arrêtent pour bavarder, debout ou assis. Les enfants ne jouent pas que sur les voies asphaltées. Ils peuvent s’aventurer dans les buissons. Les enfants jouent librement. Il y en a qui mettent de boues dans la bouche. Rappelez vous comment vous étiez quand vous étiez petit. Les gouttières où la contamination est concentrée fournissent un des terrains de jeux favoris aux enfants.

 

M. Masuchika Kono qui fait partie du groupe du projet mentionné ci-dessus, qui était du département d’Ingénierie de l’université de Kyoto, spécialisé dans génie nucléaire, diplômé pour la manipulation du rayonnement, a collecté de la terre au bord de la route de Minamisoma Michi-no-eki (aire de services et de stationnement), et passé au tamis d’environ 100 micron. Les mesures ont montré le résultat de 11 410Bq/kg de Cs. Ces poussières se lèvent avec les vents et aux passages des véhicules. Dans la vie quotidienne, on aspire les poussières. Vous ne tenez pas compte de la radiation interne, n’est ce pas ? Vous calculez la quantité de la radiation interne en appliquant quelconque coefficient, mais ne tenez pas compte de la radiation interne dans la vie réelle.

 

Certaines personnes ont auto-évacué des régions situées en dehors des zones sous ordre d’évacuer, car elles considèrent que les politiques de l’État ne protègent pas les enfants, leurs vies. Auprès de ces personnes, dans le cadre de la loi sur le secours en cas de désastre et d'assistance aux sinistrés******, les logements – habitations « considérées comme logements temporaires******* » - ont été mis à la disposition. Cependant, au mois de mars l’année prochaine, la mise à disposition à titre gracieux sera suspendue. Vous leur dites « il n’y a plus de problème ; pourquoi continuez vous à rester évacués ? » C’est ainsi, n’est ce pas ? Ces déplacés en provenance des territoires situés en dehors des zones d’évacuation sous ordre d’évacuer, ont fuit parce que leur domicile ainsi que l’environnement de vie sont contaminés suite à l’accident nucléaire de TEPCO. Toutefois, comme leur domicile est situé à une certaine distance de la centrale nucléaire, il n’a pas été inclus dans les zones d’évacuation que l’État a établies unilatéralement. Par conséquent, ces déplacés ne bénéficient d’aucune aide publique sauf la mise à disposition de logements à titre gracieux. Et même cette aide va s’arrêter au mois de mars prochain. C’est invraisemblable d’arrêter l’aide. De plus, que signifie-t-il de l’arrêter au mois de mars ? C’est la saison où la mobilité est la plus élevée dans l’année. Vous les expulsez, les forcez à se reloger à la saison où les loyers et les frais deviennent les plus coûteux ! Vous n’avez aucune compassion. Vous êtes impitoyable !

 

 

Voici quelques témoignages.

 

« J’ai peur des enquêteurs de la préfecture métropolitaine de Tokyo faisant la visite de porte à porte. Je me cache sous la couverture de peur d’entendre la sonnerie à la porte. Quand j’ai ouvert la porte, l’enquêteur a coincé la porte avec son pied pour que je ne puisse pas la fermer. Avec une voix forte que touts les voisins pouvaient entendre, il m’a crié « vous savez très bien que vous ne pouvez habiter ici que jusqu’au mois de mars ». Je sais, mais je ne peux pas déménager. »

 

La personne suivante. « La préfecture métropolitaine de Tokyo exige le déménagement de manière acharnée et hautaine. Nous avons dû quitter notre domicile à cause de l’accident de la centrale nucléaire. Je ne comprends pas pourquoi ils nous chassent ainsi de nouveau. J’ai cédé à la pression, et je me suis inscrite à la demande de logement de la préfecture métropolitaine de Tokyo (NDT : payant), mais c’est contre mon gré. Psychologiquement, je n’arrive pas accepter le fait, et cela me cause de la peine. Ils me forcent à emménager dans un logement de préfecture où personne de mon pays ne vit. C’est comme abandonner les personnes âgées dans une montagne. »

 

Le témoignage suivant. Il s’agit d’un foyer composé de la mère et les enfants. Les autres membres de la famille sont restés à Fukushima. Ils mènent la vie à double foyer. « S’il n’y a pas de logement à titre gracieux, on a pas de ressource pour payer le loyer. Le seul rêve qui est resté à mon enfant est la leçon de piano. Ne lui enlevez pas ce rêve. »

 

La personne suivante. « La date limite n’est pas arrivée… » (NDT : YAMAMOTO ne peut plus contenir les larmes) Qui fait une chose pareille ? Je vous demande pardon. Qui ordonne une chose pareille ? On peut à la limite admettre que l’État sollicite les gouvernements locaux pour que ces derniers mènent les négociations polies auprès les déplacés. Non, ce n’est autre chose qu’expulsion. L’État n’a-t-il pas l’intention d’arrêter une pareille situation ? Je ne vous permets pas de dire que vous n’étiez pas au courant. Vous voyez le problème sous vos yeux, maintenant !

 

« Les appels téléphoniques insistants, les visites sans préavis, et ils me crient en me demandant quelle est mon intention. Ils envoient des dossiers, et laissent les avis de passage dans la boîte aux lettres. Je suis complètement épuisée, physiquement et psychologiquement. » C’est compréhensible. Ils continuent à vivre ainsi depuis les explosions de la centrale nucléaire, et 5 ans et 8 mois après, ils sont traqués dans une situation pareille. Jusqu’à quel point souhaitez vous déchirer le cœur des victimes ? Il suffit que l’État prenne la décision. Cette personne dit que la préfecture métropolitaine de Tokyo lui a demandé de quitter le logement, car la préfecture doit rendre le logement de fonctionnaires d’État au mois de mars. C’est monstrueux que l’État demande à la préfecture métropolitaine de Tokyo d’expulser les évacués et de lui rendre le logement en état propre. Les déplacés n’ont pas pu choisir le logement. Ce n’est pas leur faute.

C’étaient des témoignages de déplacés.

 

Selon ma recherche, à ce jour, il existe 9327 pièces vides parmi les logements de fonctionnaires d’État dans la région de Kanto incluant la préfecture métropolitaine de Tokyo et 6 autres préfectures. Si l’État prend la décision, il peut résoudre le problème, tout au moins partiellement. Pourquoi doit-on expulser les habitants ? Est-ce parce que, s’il y a des occupants, on ne peut pas vendre l’immeuble lors des bulles financières des Jeux Olympiques ? C’est trop cruel.

 

Le 4 avril l’année dernière, selon le journal Mainichi shinbun, l’État ne demande pas le remboursement auprès de TEPCO pour les loyers des logements « considérés comme logements temporaires ». Le Membre de la commission, Iwabuchi, a mentionné tout à l’heure en me répondant : le gouvernement obligera TEPCO à payer les frais des travaux de décontamination. Pourquoi vous ne demandez pas à TEPCO de payer les loyers ? Ces gens-là sont les victimes !

 

Enfin, je voudrais demander au M. le ministre. Je voudrais que vous répondiez à deux questions.

 

1ère : Vous avez dit que c’est ce que souhaite la préfecture de Fukushima. Cependant, vous êtes en situation de faire cette suggestion à la préfecture de Fukushima. Veuillez la consulter à nouveau. Cette situation est vraiment irrégulière.

 

2ème : Je vous prie d’écouter les voix des déplacés. Je pense que vous n’avez presque aucune occasion d’entendre les voix des auto-évacués en provenance des territoires situés en dehors des zones d’évacuation. Jusque là, vous étiez trop occupé. Peut-être les personnes autour de vous ont pris la connaissance de leurs témoignages. Veuillez les écouter vous-même. Aujourd’hui aussi, ils sont là. Il y a une pause après. Vous serait-il possible de leur accorder 5 minutes. Si vous nous accordez juste 5 minutes aujourd’hui pendant la pause, vous pourrez converser avec les auto-évacués.

 

Je vous prie de bien vouloir répondre à ces deux questions.

 

  • Secrétaire d’État (Masahiro IMAMURA)

Ainsi que je vous ai déjà répondu, je veux bien consulter la préfecture de Fukushima, et j’aimerais faire en sorte que les personnes concernées ne seront pas peinées. Je veillerais à son bon déroulement.

 

Vous avez dit que les personnes auto-évacuées sont là. Moi aussi j’ai une séance plénière après et je n’ai pas de temps, mais je les écouterai.

 

  • Président (Mitsuru SAKURAI)

M. Yamamoto, vous avez épuisé votre temps.

 

  • Taro YAMAMOTO

Je vous remercie.

Je vous prie de bien vouloir garder votre promesse tout à l’heure. Merci beaucoup.

 

_____

 

Nous remercions Hervé Courtois de Fukushima 311 Watchdogs pour sa relecture.

_____

 

* Source : Site web de Taro YAMAMOTO

** Ordinance on Prevention of Ionizing Radiation Hazards, Ministry of Labour Ordinance No. 41 of September 30, 1972, Latest Amendments: Ministry of Health, Labour and Welfare Ordinance No. 172 of July 16, 2001 (dernier amendement : le ministère de la Santé, du Travail et de la Protection sociale, N°172, du 16 juillet, 2001)

*** Commission internationale de protection radiologique

**** Fukuichi shûhen kankyôhôshasen monitoring project

***** Les mesures de la radioactivité ambiante sont prises à 1m du sol.

****** Saigai kyûjohô, Loi d'assistance en cas de désastre, lois N°118 du 18 octobre 1947

******* Minashi kasetsu jyûtaku. Logements de location gérés par des agences privées habités par les évacués dont le loyer est pris en charge par le gouvernement central ou les gouvernements locaux.

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13 avril 2017 4 13 /04 /avril /2017 14:52

La vigie de Genève a 10 ans. Depuis 2007, l’action d’IndependentWHO consiste, chaque jour ouvrable, à se tenir debout devant l’OMS pour dénoncer la non-assistance de l’institution onusienne aux populations touchées par des catastrophes nucléaires, de Tchernobyl à Fukushima, et la non reconnaissance des dangers des faibles doses. A l’occasion de ce dixième anniversaire de cette lutte citoyenne remarquable, l’association appelle à manifester devant l’OMS le 26 avril prochain.

 

 

 

Communiqué d’IndependentWHO :

 

Toutes et tous à Genève devant l'OMS, le 26 avril 2017, pour les 10 ans et l’arrêt de la Vigie d'IndependentWHO - Santé et Nucléaire


La Santé est le bien le plus précieux de l’humanité. Nous souhaitons le transmettre aux générations futures. Or les rayonnements ionisants provenant de l’industrie nucléaire civile et militaire continuent d’irradier et de contaminer les populations, surtout les enfants, sur plusieurs générations, engendrant en particulier des dommages génétiques irréversibles.

La « communauté internationale », avec le label de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), ne veut pas reconnaître ou minimise ces conséquences sanitaires.
Depuis le 26 avril 2007, tous les jours de la semaine, par tous les temps, de 8 à 18 heures, les Vigies d’IndependentWHO - Santé et Nucléaire ont demandé à l’OMS de revenir sur ce mensonge criminel et de dire la vérité sur les effets sanitaires de ces rayonnements, notamment sur les victimes des retombées des essais nucléaires militaires et celles des catastrophes civiles de Tchernobyl et de Fukushima.

Après 10 ans de protestation silencieuse les Vigies d’IndependentWHO - Santé et Nucléaire constatent que le déni officiel reste entier, en dépit des témoignages des victimes et des publications scientifiques indépendantes qui le prouvent. Cependant, de plus en plus de citoyens et une partie du monde scientifique soupçonnent que toute la vérité n’a pas été dite.

Après Fukushima, réplique de Tchernobyl, il est maintenant reconnu officiellement, que d’autres catastrophes sont possibles. Il devient alors important pour les autorités de nous faire croire que l’on peut s’adapter à vivre en milieu contaminé.

Par conséquent, les Vigies d’IndependentWHO - Santé et Nucléaire, vu l’urgence, ont décidé de continuer leur combat sous d’autres formes, notamment en transmettant l'expérience et les acquis de ces 10 ans de lutte à celles et ceux qui considèrent que ce combat pour la vérité et la santé est indispensable. Pour marquer les 10 ans de la Vigie d’IndependentWHO-Santé et Nucléaire, des actions sont programmées le mercredi 26 avril 2017 à Genève, au carrefour des Morillons, face à l’OMS (terminus bus n°8).

12h à 15h30 : Grande Vigie

15h45 : Inauguration de la stèle érigée pour les victimes du nucléaire et discours de personalités : Rémy Pagani (Conseil administratif de la de ville de Genève), Jean Ziegler (sociologue et vice-président du comité consultatif du conseil des droits de l'homme de l'ONU), Annie Thébaud-Mony (sociologue, directrice de recherches honoraire à l’INSERM, porte-parole de réseaux citoyens en lutte pour la santé au travail), Roland Desbordes (président de la Criirad), Anne-Cécile Reimann (Présidente de Contratom), Paul Roullaud (Initiateur de la vigie d'IndependentWHO)

17h : Remise à l'OMS du livre de Wladimir Tchertkoff : “The Crime of Chernobyl - the Nuclear Gulag" et messages à l’attention des directions actuelle et futures de l'Organisation Mondiale de la Santé

18h : A partir de la Place des Nations, participation à la manifestation organisée par Contratom, groupe antinucléaire genevois

Retenez cette date et rejoignez-nous.
Contact(a)independentwho.org
www.independentwho.org

En savoir plus

Dans un article publié dans le quotidien genevois «Le Courrier», Alison Katz, membre d’IndenpendentWHO – Santé et Nucléaire, pointe l’invocation de la «radiophobie» pour expliquer les problèmes sanitaires des victimes d’accidents nucléaires, le recyclage douteux du «modèle Hiroshima» et le déni des effets de la radio-contamination à faible dose.

Lire l'article ici : http://independentwho.org/fr/2017/04/10/dogme-hiroshima/

 

 

Mise à jour 29/04/17

Retour sur la dernière vigie devant l'OMS

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25 mars 2017 6 25 /03 /mars /2017 11:13

La pollution radioactive à l’iode 131 en Europe au début de l’année 2017 a permis de mettre en lumière l’activité d’un réacteur inconnu du grand public, le réacteur de recherche de Halden en Norvège. Bien qu’il ne puisse être tenu responsable du nuage radioactif qui s’est étendu de l’Espagne à la Norvège en janvier-février, on a appris grâce à l’ONG norvégienne Bellona que ce réacteur avait connu un « incident » en octobre dernier. La lecture d’un rapport de l’agence de sûreté nucléaire norvégienne daté du 13 février 2017 permet de se rendre compte du danger que font courir aux Européens les utilisateurs de ce réacteur. On s’éloigne un peu de Fukushima mais pas tant que ça car la problématique est la même : panne de refroidissement du réacteur, risque d’explosion d’hydrogène, rejet d’iode 131 et autres radionucléides cancérigènes, MOX, … ça ne vous rappelle rien ?

Pierre Fetet

Mise en service officielle du réacteur de recherche de Halden le 10 octobre 1959 (Source: Institute for Energy Technology)

Mise en service officielle du réacteur de recherche de Halden le 10 octobre 1959 (Source: Institute for Energy Technology)

SOMMAIRE

 

1. Un des plus vieux réacteurs au monde encore en activité

2. Les partenaires du « Halden Reactor Project »

3. L’« Incident » du 24 octobre 2016

4. Expérimentation de nouveaux combustibles

5. Quelle était la nature des nuages radioactifs ?

6. Pour un arrêt définitif du réacteur de Halden

7. L’IFE a besoin d’argent public pour traiter ses déchets

8. Pourquoi on ne sait quasiment rien sur cet évènement d'octobre 2016 ?

9. Exiger des éclaircissements

10. Annexes

 

-oOo-

 

AVERTISSEMENT

Cet article, comme tous les autres articles que j’ai écrits dans ce blog depuis 6 ans, représente le résultat de mes recherches et l’avis d’un simple citoyen européen qui s’inquiète de l’air qu’il respire. Il n’est absolument pas l’expression de la CRIIRAD, comme un site norvégien l’a rapporté hier. J’ai fait une erreur d’appréciation concernant l’appellation « accident » de l’échelle INES dans la première version de cet article. J’ai corrigé cette erreur rapidement et prie mes lecteurs de bien vouloir m’en excuser. Toutefois, l’évènement qui a eu lieu à Halden est pour moi bel et bien un accident qui a eu des effets négatifs sur l’environnement, mais on ne doit pas l’appeler « accident nucléaire » car des rejets radioactifs importants sont autorisés par nos sociétés nucléarisées et les faibles doses ne sont pas reconnues comme dangereuses par les organismes de sûreté nucléaire, alors qu’il est prouvé qu’elles sont responsables de mutations génétiques et de maladies. Je ne veux affoler personne, ce n’est pas mon but. Je veux simplement informer et alerter sur les dangers du nucléaire et sur les pollutions atmosphériques que nous subissons tous, à notre insu. Je persiste et signe, quoi qu’on en dise, le réacteur de Halden est dangereux, comme tous les autres réacteurs nucléaires du monde. C’est mon avis, basé sur des sources que tout le monde peut consulter. PF (mise à jour 28/03/17)

 

 

1. Un des plus vieux réacteurs au monde encore en activité

 

Le réacteur de Halden a été inauguré et activé en 1959. Oui, vous avez bien lu : 1959 ! Il se situe à Halden, une ville côtière au sud-est de la Norvège, près de la frontière avec la Suède, à 1200 km de la France. D’une puissance de 25 MW maximum, ce presque sexagénaire a été créé pour la recherche.

Ce réacteur à eau bouillante (REB) n’est pas visible de l’extérieur. Il est situé à 100 mètres à l’intérieur d’une colline sous une couverture rocheuse de 30 à 50 mètres. Le hall du réacteur a 10 mètres de large, 30 mètres de long et 26 mètres de haut. La salle du réacteur contient également des fosses à combustible pour le stockage temporaire du combustible utilisé. L’ensemble souterrain a un volume de 4500 m3. Les circuits de refroidissement sont situés à l'intérieur de la salle du réacteur et dans le tunnel d'entrée du réacteur. La salle de contrôle et les installations de service sont placées à l'extérieur de l'excavation. Les bâtiments de service contiennent des bureaux, des ateliers et des laboratoires.

Le réacteur de Halden est situé dans un complexe de 7000 m², au bord de la rivière Tista (Capture Google Earth).

Le réacteur de Halden est situé dans un complexe de 7000 m², au bord de la rivière Tista (Capture Google Earth).

L'énergie produite est livrée sous forme de vapeur à travers des échangeurs de chaleur et des conduites à Norske Skog Saugbrugsforeningen qui l’utilise pour la production de papier.

Réacteur de recherche de Halden : vues extérieures (source IFE et HRP)
Réacteur de recherche de Halden : vues extérieures (source IFE et HRP)
Réacteur de recherche de Halden : vues extérieures (source IFE et HRP)
Réacteur de recherche de Halden : vues extérieures (source IFE et HRP)
Réacteur de recherche de Halden : vues extérieures (source IFE et HRP)
Réacteur de recherche de Halden : vues extérieures (source IFE et HRP)

Réacteur de recherche de Halden : vues extérieures (source IFE et HRP)

La principale fonction du réacteur de Halden est de tester des combustibles et des composants de réacteurs nucléaires. Une charge de carburant est constituée d’une combinaison de carburants d'essai provenant d'organisations des pays partenaires et d'assemblages de combustible qui fournissent une base de réactivité pour le fonctionnement du réacteur. Le cœur se compose d'environ 110 à 120 assemblages de combustible, y compris le combustible d'essai, dans un réseau hexagonal ouvert.

Plan du cœur du réacteur de Halden (Source AIEA)

Plan du cœur du réacteur de Halden (Source AIEA)

A Halden, les codes, les règles et les recommandations acceptés au niveau international ne sont utilisés que de manière consultative, ce qui signifie que les expérimentateurs sont au courant des normes internationales de sécurité mais peuvent ne pas en tenir compte si bon leur semble. Pourtant, selon le CEA, les essais de matériaux et les analyses effectuées indiquent que le réacteur peut fonctionner en toute sécurité bien au-delà de l'an 2020.

Photos du hall du réacteur (source IFE)
Photos du hall du réacteur (source IFE)
Photos du hall du réacteur (source IFE)
Photos du hall du réacteur (source IFE)
Photos du hall du réacteur (source IFE)
Photos du hall du réacteur (source IFE)
Photos du hall du réacteur (source IFE)
Photos du hall du réacteur (source IFE)

Photos du hall du réacteur (source IFE)

2. Les partenaires du « Halden Reactor Project »

 

Géré par l’Institut norvégien de technologie énergétique (IFE), il est le plus important des projets communs de l’AEN (Agence pour l'Energie Nucléaire, organe de l’OCDE) : plus de 130 organismes scientifiques, institutionnels et industriels issus de 21 pays sont ou ont été impliqués dans le projet du réacteur de Halden.

 

Les pays partenaires de ce projet atomique sont l’Allemagne (Société pour la sécurité des centrales et des réacteurs - GRS), la Belgique (Centre de recherche nucléaire - SCK CEN), la République tchèque (ÚJV Řež), la Corée (Institut coréen de recherche sur l'énergie atomique - KAERI), le Danemark (Université technique du Danemark - DTU), les Émirats arabes unis (Autorité pour la réglementation nucléaire - FANR), l’Espagne (Centre de recherche pour l'énergie, l'environnement et la technologie - CIEMAT)), les États-Unis (Commission américaine de réglementation nucléaire - USNRC), la Fédération de Russie (Compagnie de carburant de ROSATOM - JSC TVEL), la Finlande (Ministère de l'emploi et de l'économie - TVÖ), la France (Electricité de France - EDF ; IRSN), la Hongrie (Centre de recherche sur l'énergie, Académie hongroise des sciences - MTA), l’Italie (Agence nationale pour les nouvelles technologies, l'énergie et le développement économique durable - ENEA), le Japon (Autorité japonaise de réglementation nucléaire - NRA), le Kazakhstan (Usine métallurgique Ulba - UMP JSC), la Norvège (Institut technologique de l’énergie - IFE), les Pays-Bas (Compagnie NRG), la République slovaque (VÚJE Trnava), le Royaume-Uni (Laboratoire nucléaire national - NNL), la Suède (Autorité suédoise de sûreté radiologique - SSM) et la Suisse (Inspection fédérale de la sûreté nucléaire - ENSI). Il s’agit donc là d’une plaque tournante du village nucléaire mondial.

 

3. L’« incident » du 24 octobre 2016

 

Voici le texte laconique du communiqué de presse de l’IFE : « Le lundi 24 octobre à 13 h 45, une libération non intentionnelle d'iode radioactif a eu lieu en relation avec la manutention d’un carburant d'essai dans la salle du réacteur de Halden. Le rejet ne représente aucune menace pour les employés d'IFE ou l'environnement. »

 

C’est tellement succinct que la NPRA, l’agence de sûreté nucléaire norvégienne équivalent de l’ASN en France, a tenu à réaliser une inspection pour contrôler l’installation et connaître le détail de cet évènement.

 

Grâce au site European News Weekly qui a édité la traduction anglaise du rapport norvégien de la NPRA, nous connaissons le contenu de ce document que nous avons traduit en français. Vous pouvez lire l’intégralité de ce rapport en annexe en bas de cette page ou en le téléchargeant au format pdf par le lien ci-dessous.

Documents techniques du réacteur de Halden (Sources : neimagazine.com - HRP - IFE)
Documents techniques du réacteur de Halden (Sources : neimagazine.com - HRP - IFE)
Documents techniques du réacteur de Halden (Sources : neimagazine.com - HRP - IFE)
Documents techniques du réacteur de Halden (Sources : neimagazine.com - HRP - IFE)
Documents techniques du réacteur de Halden (Sources : neimagazine.com - HRP - IFE)
Documents techniques du réacteur de Halden (Sources : neimagazine.com - HRP - IFE)

Documents techniques du réacteur de Halden (Sources : neimagazine.com - HRP - IFE)

Pour résumer, alors que le réacteur était à l’arrêt – officiellement pour maintenance depuis le 8 octobre 2016 – une erreur de manutention, le lundi 24 octobre 2016 à 13h45, d’un combustible endommagé a conduit à la création soudaine d’un nuage radioactif qui a envahi le hall du réacteur et ses alentours. Vu le danger encouru, le personnel du site a immédiatement été évacué.

 

L’IFE (Institut technologique de l’énergie, chargé de l’exploitation du réacteur) n’a alerté l’autorité de sûreté nucléaire norvégienne, la NRPA, que le lendemain matin ; puis, après avoir arrêté le système de ventilation de la salle du réacteur (ce qui a stoppé le rejet dans l'environnement), l’IFE a informé la NRPA le mardi soir (25 octobre) que la situation était sous contrôle. Vu la gestion étrange de l’incident par l’exploitant, la NRPA a procédé à une inspection surprise au siège de l’IFE à Kjeller. Et là, grosse surprise : l’évènement était encore en cours ! De ce fait, la NRPA a engagé immédiatement une inspection renforcée de l’IFE qui lui a permis de superviser, en partie sur site, la gestion de l’« incident » jusqu’au 2 décembre.


 

Vues de l'intérieur du réacteur de recherche de Halden (source IFE)
Vues de l'intérieur du réacteur de recherche de Halden (source IFE)
Vues de l'intérieur du réacteur de recherche de Halden (source IFE)

Vues de l'intérieur du réacteur de recherche de Halden (source IFE)

Le 1er novembre, après que la NRPA ait demandé une plus grande transparence, l’IFE a communiqué que le réacteur était "dans un état très spécial". Qu’est-ce qu’un réacteur « dans un état très spécial » alors qu’il était à l’arrêt depuis plus de trois semaines ? Eh bien, cela se traduit par « des fluctuations de température dans la cuve du réacteur, l'indication d'une augmentation du flux neutronique dans le cœur du réacteur et le danger de formation d'hydrogène ». Rien moins que ça. Normalement, quand un réacteur est arrêté, la réaction en chaîne est stoppée intégralement. Dans ce cas précis, ça n’avait pas l’air d’être le cas car une augmentation du flux neutronique indique une reprise de l’activité, signée d’ailleurs par une production d’iode qui est un produit de fission. Par ailleurs, l’augmentation de la chaleur dans le cœur du réacteur, sans circuit de refroidissement, peut conduire à la dégradation des gaines de zirconium qui entourent le combustible. Or, à partir d’une certaine température, le zirconium s’oxyde au contact de l’eau et produit de l’hydrogène, gaz hautement explosif. Ce phénomène a produit au moins trois explosions violentes à Fukushima en 2011.

 

Pour sortir de cette crise, la NRPA a autorisé la réouverture de la ventilation du hall du réacteur le 1er novembre. Il y a donc eu deux rejets atmosphériques : le premier les 24-25 octobre 2016 quand l’évènement s’est produit jusquà ce que l’on ferme la ventilation et le second le 1er novembre.

 

Suite à cet évènement, la NRPA a révoqué la licence d’exploitation du réacteur. Pourtant, l’IFE compte bien sur la NRPA pour obtenir à nouveau les autorisations nécessaires afin de poursuivre les expériences. En effet, le directeur de recherche de Halden, Atle Valseth, assure que le réacteur redémarrera d’ici au mois de juin 2017.

 

4. Expérimentation de nouveaux combustibles

 

Depuis 2013, le réacteur de Halden sert à l’expérimentation d’un nouveau combustible au thorium. C’est une petite société d'énergie nucléaire basée en Norvège, Thor Energy, qui a commencé à tester le potentiel du thorium en remplacement de l'uranium dans les réacteurs nucléaires. Au moment de l’« incident », l’IFE terminait un programme de recherche triannuel qui avait commencé en janvier 2015. Quelle était la nature de ces recherches ? Selon la World Nuclear Association, l’expérimentation en cours consistait en une irradiation d’un combustible thorium-MOX. Le carburant d'essai se présente sous la forme de pastilles composées d'une matrice céramique d'oxyde de thorium dense contenant environ 10 % d'oxyde de plutonium en tant que conducteur fissile. Il est possible que l’instabilité du réacteur au moment de l’« incident » provienne de ce nouveau combustible. Les apprentis-sorciers de l’atome n’ont pas de limite ! C’est également au cours d’une « expérience » que la catastrophe de Tchernobyl, toujours en cours 31 ans plus tard, a commencé.

 

La Norvège est tentée par le thorium car elle a de grandes réserves de cette matière sur son territoire. La production de thorium n’aurait qu’un objectif économique car ce pays n’a pas besoin de nucléaire : la Norvège produit la majeure partie de son électricité grâce aux énergies renouvelables.

Thorium (photo D. R.)

Thorium (photo D. R.)

L’entreprise étatsunienne Lightbridge et l’IFE ont officialisé en 2015 une collaboration portant sur l’étude d’un nouveau combustible nucléaire métallique développé par Lightbridge. Le réacteur de Halden devait permettre un test d’échantillons en conditions réelles, c’est-à-dire sous les conditions d’opération d’un réacteur commercial. Ces essais, qui étaient programmés pour 2017 ont-ils commencé plus tôt que prévu ? Selon le PDG de Lightbridge, Seth Grae, ils devaient générer des données nécessaires à l’accréditation du nouveau combustible par la commission américaine de réglementation nucléaire (US Nuclear Regulatory Commission - NRC), et à son déploiement par les services publics nucléaires dans les réacteurs commerciaux à travers le monde. « Nous avons une confiance absolue dans l’expertise de l’IFE et les installations d’Halden, qui sont reconnues dans l’industrie de l’énergie nucléaire pour leur excellence. », disait cet homme très éclairé.

 

[ Mise à jour 27/03/17 : Lightbridge, partenaire d'AREVA, vient d'obtenir l'autorisation de la NRPA de faire les expériences sur le nouveau combustible à Halden. (Source) ]

 

Assemblage de combustible thorium-plutonium de Halden (source Zdnet)

Assemblage de combustible thorium-plutonium de Halden (source Zdnet)

5. Quelle était la nature des nuages radioactifs ?


Selon la NPRA, le rejet a été de 150 millions de becquerels pour l’iode 131 et 24 millions de becquerels pour l’iode 132, sans faire état des autres substances radioactives susceptibles d’avoir été rejetées.  L’IFE, contacté le 19 mars par mes soins, n’a pas souhaité communiquer la nature intégrale des nuages radioactifs d’octobre-novembre 2016, ni les proportions des différents radionucléides les composant. Il le ferait à la demande de la NRPA, si l’autorité nucléaire lui demandait. L’IFE indique qu’il devra remettre un rapport détaillé à la NRPA sur les rejets de 2016 avant le 1er mai 2017. Mais il ne dit pas si ce rapport sera public. Par ailleurs, la NRPA, contactée également le 19 mars, n’a fourni aucune réponse à cette même question.

 

Du côté français, j’ai également contacté l’IRSN le même jour, mais celui-ci est resté muet jusqu’à présent. Quant à l’ASN, il m’a renvoyé aux communiqués de la NRPA et de l’IFE. On tourne en rond… Pas étonnant que des rumeurs de meltdown à Halden fleurissent dans plusieurs sites internet ! L’IFE et la NRPA, en restant opaques sur cet « incident », provoquent eux-mêmes des questionnements légitimes qui se transforment vite en rumeurs. A présent, ces deux organismes sont obligés de faire des communiqués pour contrer les rumeurs qu’ils ont contribué à former !

 

C’est une association qui finalement vient d’obtenir l’information manquante. La Criirad a contacté également la NRPA le 16 mars. Grâce à elle, nous avons un peu plus de renseignements, et pas des moindres !

 

Les rejets d’octobre 2016 ne comportaient pas que des becquerels d’iode131 et 132. Ils contenaient également 8 178 milliards de becquerels de gaz rares radioactifs et 550 milliards de becquerels de tritium ! On est très loin des 184 millions de becquerels d’iode radioactif du communiqué rassurant de la NRPA ! Cette « autorité de sûreté nucléaire » n’a déclaré que 0,002 % du rejet radioactif ! Comment faire confiance à la NRPA après un tel mensonge ?

Le réacteur nucléaire de Halden en Norvège : un danger pour l’Europe

Selon la Criirad, compte tenu de l’absence de stations de mesures assez proches du réacteur de Halden et de dispositifs permettant de conserver la mémoire de la contamination, « on ne peut effectuer une caractérisation fine de l’impact des rejets intervenus le 24 octobre 2016 et les jours suivants »

 

[Mise à jour 07/04/17

Dans un communiqué du 5 avril 2017, l'IRSN est obligé de reconnaître officiellement que le rejet atmosphérique comportait également des gaz rares et d'autres radioéléments. Mais l'IRSN, qui insiste sur "un rejet limité dans l'environnement" cache au public les mesures révélées par la NRPA à la Criirad. Aucun organisme ne veut communiquer officiellement sur le fait que la NRPA n'a informé que sur 0,002 % des rejets radioactifs totaux. C'est normal, l'IRSN, comme indiqué dans son communiqué, est un partenaire du Halden Reactor Project. En diffusant ces informations, l'institut français prendrait le risque de faire capoter les expériences qu'elle chapeaute.]

 

6. Pour un arrêt définitif du réacteur de Halden

 

Il est grandement souhaitable – tous les pays européens devraient l’exiger – que, vu son grand âge, ce réacteur soit arrêté définitivement, d’autant plus que la NRPA ne le soumet pas aux normes internationales de sécurité nucléaire.

 

Réacteur Halden - Source AIEACet « incident » a montré la grande incohérence fonctionnelle concernant le confinement du site : le système de refroidissement du réacteur est lié au système de ventilation du hall du réacteur ! Cela signifie qu’en cas d’accident grave, il n’y a pas d’autre solution que de larguer dans l’atmosphère toute pollution radioactive gazeuse ou en aérosol. C’est un réacteur avec un faux confinement. Jusque là, on a rassuré les habitants de Halden en leur expliquant que l’installation est sous 40 mètres de roche et qu’ils ne risquent donc absolument rien. C’est totalement faux. Pour le projet d’enfouissement souterrain des déchets radioactifs dans la Meuse, le même mensonge est utilisé : s’il arrive un incendie, même à 500 mètres sous terre, la pollution sortira par les cheminées d’aération. Le confinement n’est absolument pas assuré.

 

Le fait que le réacteur de Halden soit sous 40 mètres de roche ne présente aucune garantie. Au contraire, en cas d’explosion d’hydrogène, le site peut devenir rapidement inaccessible à cause des éboulements et produire une pollution radioactive atmosphérique par l’intermédiaire des cheminées d’évent ou tout autre orifice créé par l’explosion. Les accidents souterrains sont toujours possibles et, une fois produits, sont extrêmement coûteux et difficiles à gérer, surtout en présence de plutonium. Voir l’exemple récent du WIPP au Nouveau Mexique !

 

La NRPA a indiqué à la Criirad avoir demandé à l’IFE de corriger le défaut de conception du réacteur de Halden, sans quoi l’autorisation de redémarrage ne serait pas donnée. Cela doit être suivi de près. En effet, l’IFE compte redémarrer avant juin le réacteur pour satisfaire ses clients internationaux. Faire des travaux rendrait son fonctionnement déficitaire pour l’année 2017. La NRPA a-t-elle assez d’autorité pour exiger ces travaux importants de sécurité ?

 

7. L’IFE a besoin d’argent public pour traiter ses déchets

 

Le réacteur de Halden a été arrêté le 8 octobre 2016, officiellement pour cause de maintenance, mais surtout pour faire des économies. En effet, l’IFE est affecté par le ralentissement économique, avec une perte de chiffre d'affaires d'environ 5 millions d’euros. Pour réduire les coûts de 2016, cet institut a mis en chômage technique une partie de ses employés (98 employés mis à 50 % et 27 licenciements purs). De fait, le réacteur de recherche coûte très cher quand il est à l'arrêt et la gestion de ses déchets pose également un gros problème. Amassant 17 tonnes de combustibles usés divers provenant de ses propres essais depuis les années 60 dans les réacteurs de Halden et de Kjeller, la Norvège ne sait plus quoi faire de ses déchets. Selon le site norvégien TU, « le carburant est instable et potentiellement auto-inflammable au contact de l'air. Il ne convient donc pas pour le stockage à long terme ».

 

En 2016, l’IFE avait demandé 8 millions d’euros au gouvernement norvégien pour commencer à reconditionner ses déchets à vie longue, il n’en a obtenu que 3. L’institut compte sur AREVA et la Hague pour retraiter ces déchets dangereux. Il espère convaincre le parlement norvégien de la nécessité de s’occuper de ces déchets encombrants et dangereux, en particulier en insistant sur les 18 conteneurs de carburants usés qui sont actuellement coincés dans un puits de stockage de l’ancien réacteur Jeep 1 à Kjeller, abandonnés depuis l’arrêt du réacteur il y a 50 ans…

 

Salles de contrôle du réacteur de Halden (source IFE)
Salles de contrôle du réacteur de Halden (source IFE)

Salles de contrôle du réacteur de Halden (source IFE)

8. Pourquoi on ne sait quasiment rien sur cet évènement d'octobre 2016 ?

 

Parce que 130 organismes scientifiques, institutionnels et industriels issus d’une vingtaine de pays sont impliqués dans le projet du réacteur de Halden de l’OCDE. Ils veulent pouvoir faire des expérimentations tranquillement, à l’abri des règlementations internationales trop contraignantes de sûreté nucléaire. On fait comme au bon vieux temps des essais atmosphériques. On pollue sans compter, et surtout sans rien dire, « afin de ne pas compliquer la communication auprès du grand public par un trop grand nombre de données » (NRPA).

 

Le village nucléaire mondial étant mouillé jusqu’au cou par les activités polluantes de ce réacteur obsolète,  on comprend qu’aucun organisme officiel ne veuille ébruiter une affaire de ce genre. Dans le nucléaire, quand on soulève le tapis, on découvre des horreurs… Bizarrement, il manque des données publiques les jours où il y a eu le plus fort rejet.

 

Le fait qu’il y ait eu un endommagement des barrières radiologiques et une exposition du public à des doses non négligeables rend cet évènement inquiétant : 35 % de la limite de rejet annuel de Krypton 85 (période de 10,7 ans) et 44 % de la limite de rejet annuel de Xénon 131m (période de 12 jours) en une dizaine de jours, ça fait beaucoup d'un coup. Bien entendu, tous les organismes officiels, habitués à mentir à la population, continueront de ne parler que de l'iode 131, bien que la NRPA ait été prise en flagrant délit de mensonge.

 

9. Exiger des éclaircissements

 

Tous ces organismes faussement transparents, IFE, NRPA, doivent expliquer clairement ce qu’il s’est passé en octobre-novembre 2016 à Halden. Ils doivent répondre à ces questions :

 

- Quel évènement a endommagé le combustible testé ?

- Pourquoi l’IFE n’a pas alerté immédiatement la NRPA ?

- Quel évènement a produit une augmentation du flux neutronique ?

- Est-ce que le combustible testé était du thorium-plutonium ?

- Etait-ce une expérimentation de MOX thorié en conditions réelles ?

- Quelle était la nature exacte des rejets radioactifs des 24-25 novembre et du 1er novembre 2016 ? L’information de la NRPA fournie à la Criirad est insuffisante car il n’est pas mentionné de mesures sur d’éventuels rejets de carbone 14, de césium 137, de cobalt 60, de plutonium, etc.

- Quelle était la proportion des radionucléides pour chacun de ces nuages ?

- Pourquoi le réacteur de Halden n'obéit pas aux règles internationales de sécurité des installations nucléaires post-Fukushima ?

 

Extrait de la page 7 du rapport d'inspection de l'INSARR (AIEA) - Lien vers le rapport complet en annexe

Extrait de la page 7 du rapport d'inspection de l'INSARR (AIEA) - Lien vers le rapport complet en annexe

C’est assez insupportable d’apprendre par hasard que l’atmosphère européenne est polluée par des gaz ou des aérosols radioactifs issus d’un réacteur désuet, et tout ceci avec la bénédiction des organismes de sécurité qui sont censés nous protéger. Une enquête parlementaire devrait être exigée des députés européens pour faire l’entière lumière sur cette affaire et sur toutes les installations susceptibles de relâcher des produits dangereux dans l’atmosphère, d’autant plus que de l’iode 131 vient encore d’être détecté en mars à Svanhovd, dans le nord de la Norvège.

 

[[Mise à jour du 07/04/17 : on continue à avoir des éléments d'information.

 

Dans le communiqué (cf. annexes) du 05/04/17 de l'IRSN, Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire français, on apprend que :

- Le combustible endommagé était un "assemblage d'essai". Rappelons ici qu'un assemblage comporte plusieurs crayons de combustible. Lors de l'"incident", plusieurs crayons ont été détériorés mais l'IRSN ne précise pas combien.

- L'évènement a commencé en fait le 20 octobre 2016 (l'assemblage avait été retiré du réacteur le 17 octobre), date à laquelle l'IFE repère l'augmentation de l'activité en gaz rares dans le "handling compartment" (là où est stocké l'assemblage, c'est-à-dire un conteneur d'entreposage).

- L'IRSN confirme bien qu'il y a eu d'autres rejets que de l'iode radioactif : d'autres radioéléments et des gaz rares. Mais l'IRSN ne donne aucun nom d'isotope, aucune mesure, aucun pourcentage.

- L’IRSN précise que, selon l’IFE, « de l’eau contaminée lors de l’événement a été traitée à partir du 28 octobre et rejetée dans la rivière Tista après contrôles radiologiques et accord de NRPA ». Ces rejets d’iode par voie liquide correspondraient à moins de 20 % des autorisations de rejets liquides annuels en iodes. Mais l'IRSN ne communique pas les limites de l'autorisation annuelle.

- L"’incident" a été classé provisoirement au niveau 1 de l’échelle INES (par qui ? l'IRSN ne le dit pas), Le classement définitif est en cours d'instruction par la NRPA. Pour info, le niveau 1 de l'échelle INES correspond à une "anomalie". 8000 milliards de Bq relâchés dans l'environnement, c'est donc juste considéré comme une anomalie... on croit rêver !

 

Le communiqué de l'IRSN donne certes quelques informations nouvelles, mais ne répond pas aux questions essentielles liées à cet évènement. On ne sait toujours pas ce qui a conduit le réacteur de Halden à être reconnu dans un "état très spécial". Enfin, il est encore une fois étrange de constater que les infos arrivent par là où on ne les attend pas : après une association française et un blog français, c'est un institut français qui donne des précisions sur l'incident norvégien. Prochaine étape : le rapport détaillé de l'IFE ? de la NRPA ? ]

 

[Mise à jour du 03/12/2021 : fermeture du réacteur de Halden !]

Selon le site WNN (World Nuclear News), "le conseil d'administration de l'Institut norvégien des technologies énergétiques (IFE) a décidé de fermer définitivement le réacteur de Halden et de commencer son déclassement. Le conseil ne demandera pas de prolonger son permis d'exploitation, qui expire en 2020, et le réacteur, qui est actuellement à l'arrêt en raison d'une défaillance de la soupape de sécurité, ne sera pas redémarré."

(source : https://www.world-nuclear-news.org/Articles/Halden-Reactor-to-be-decommissioned)

Toujours selon la même organisation, en 2020, "il a été estimé que le démantèlement des réacteurs de recherche Halden et Kjeller et la restauration des sites pour une utilisation sans restriction coûteront environ 20 milliards de NOK (2 milliards de dollars US) et prendront 20 à 25 ans."

(source : https://www.world-nuclear-news.org/Articles/Dismantling-of-Norwegian-reactors-to-cost-almost-U)

 

10. Annexes

- Communiqué de l'IRSN du 05/04/17

- Communiqué de la Criirad du 24/03/17 (1ère mise à jour)

- Article de Bellona du 03/03/2017

- Rapport de la NRPA du 13/02/17 sur l'incident du 25 octobre 2016

- Présentation du Halden Reactor Project (HRP, RIC) en 2009

- Présentation du Halden Reactor Project (IFE) en 2008

- Rapport d'inspection du réacteur de Halden (INSARR, AIEA) de juin 2007

- Rapport de la NRPA du 13/02/17 :

Traduction française d’après une version anglaise : Pierre Fetet et Odile Girard

Source de la version anglaise : https://nuclear-news.net/2017/03/12/fuel-error-at-ife-halden-the-handling-of-the-incident-nrpa-report-in-english/

 

 

Rapport complet
Notre référence : 16/00889
Agent : Tonje Sekse
Date: 13/02/2017

 

 

Erreur sur du combustible à l’IFE de Halden

Le traitement de l'incident

 

 

1. Introduction


Lundi 24 Octobre 2016 à 13h45, un incident s’est produit lors d’une manipulation de combustible endommagé dans le réacteur nucléaire de Halden à l'Institut de technologie de l’énergie (IFE). Cela a provoqué un rejet brutal de substances radioactives dans la salle du réacteur et ses alentours. Le hall du réacteur a été évacué et fermé. L’IFE a notifié cet évènement à l'Autorité norvégienne de radioprotection (NRPA) le mardi matin (25 octobre) et le système de ventilation de la salle du réacteur a été arrêté. Le rejet dans l'environnement a alors été stoppé. L’IFE a informé la NRPA que la situation était sous contrôle le mardi soir.

 

Le lendemain de la notification, mercredi 26 octobre, la NRPA a choisi de procéder à une inspection surprise à l’IFE à leur siège à Kjeller étant donné la notification tardive et la gestion de l'incident. Au cours de cette inspection, il s’est révélé que l’évènement était encore en cours et qu'il y avait encore un rejet dans la salle du réacteur. Pour cette raison, la NRPA a décidé d’ordonner une inspection renforcée à l’IFE pour le suivi de la notification tardive, les informations manquantes et le traitement des conséquences de l'incident, y compris les efforts pour obtenir davantage de contrôle sur le rejet dû au combustible endommagé.

 

Dans le cadre du renforcement de l’inspection, un régime de communication plus serré entre l’IFE et la NRPA a été créé pour gérer l’évolution de la situation. L’IFE a fait quotidiennement état de la progression du travail, des mesures des émissions dans la salle du réacteur et dans l'environnement immédiat, et a planifié les futures tâches. Durant la période d'inspection, le personnel de la NRPA était présent à l’IFE de Halden pendant toutes les opérations dans la salle du réacteur. Dans le cadre de l'inspection renforcée, la NRPA a mené plusieurs entrevues avec le personnel de l'IFE qui était impliqué dans le traitement de l'incident. La plupart des entretiens ont eu lieu les 10 et 25 novembre 2016. En outre, la NRPA a organisé plusieurs vidéoconférences avec le personnel de l'IFE et leur direction. La NRPA a également obtenu des copies des données enregistrées concernant l’évènement.

 

Le 25 novembre 2016, une importante réunion d'inspection s’est tenue à Halden entre l'IFE et la NRPA. Ont participé à la réunion les représentants suivants de la NRPA et de l'IFE :
 

IFE:

Atle Valseth - Directeur de recherche NSF
Geir Mjønes - Directeur de département HBWR
Tord Walderhaug - Chef de la sûreté / surveillant de la radioprotection (Halden)
Kari Lyumer Moum - Chef de la section chimie
Pål Thowsen - Ingénieur principal du réacteur
Lise Moen - Physicienne principale du réacteur
Wolfgang Wiesenack - Directeur de recherche


NRPA:

Per Strand – Chef de service
Kristin Frogg - Directeur technique
Øyvind Gjølme Selnæs - Conseiller principal
Tonje Sekse - Conseiller principal

 

2. Règlements actuels

L’autorisation d'inspection renforcée a été notifiée le 25 octobre 2016 dans le cadre de l'inspection faite à l’improviste le même jour. L'inspection a été autorisée par la Loi sur l'énergie atomique § 13 sur l'inspection, et dans la Loi sur la lutte contre la pollution § 48, également sur l'inspection.

 

3. Contexte, portée et mise en œuvre

L'inspection a été décidée et lancée conjointement avec l'inspection surprise le 26 octobre 2016. Dans le cadre de l'inspection renforcée, la NRPA a eu un dialogue permanent avec l'IFE pendant la période de supervision et a mené plusieurs entrevues avec le personnel de l'IFE impliqué dans le traitement de l'incident. Le point central des entretiens était le rôle des personnes dans le processus de manutention du combustible endommagé, mais aussi la situation du réacteur. La NRPA a reçu des copies des journaux concernant cet incident et en lien avec cette inspection.
L'inspection renforcée s’est terminée le 2 décembre.

 

4. Impression générale

Précédemment, la NRPA, dans le cadre de l'inspection surprise du 26 octobre 2016, avait signalé les erreurs de défaut d’informations et de notification tardive de l'incident (Réf. Rapport d'inspection 13/2016). L'inspection renforcée implique la communication de l'IFE à la NRPA, et la gestion ultérieure de l'incident.


La NRPA a mené des entrevues et obtenu, dans le cadre de l'inspection, les rapports journaliers. Lors de la réunion d'inspection du 25 novembre 2016, l’IFE a reçu le journal d'urgence, les journaux de l'ingénieur du réacteur (de la salle de contrôle) et le journal de la chimie de l'eau pour la période considérée. En outre, l'IFE a ensuite transmis les journaux de contrôle de l'usine, « la ronde de nuit », les instructions quotidiennes et annonces de construction, et le document imprimé ProcSee montrant les signaux / tendances.


Le circuit de refroidissement primaire est une partie importante du système de sûreté du réacteur. Les valves qui régulent la circulation d'eau de refroidissement dans le circuit de refroidissement primaire dépendent de l'ouverture du circuit d’air de process. Lorsque, le mercredi 26 octobre, le système de ventilation de la salle du réacteur a été arrêté et que les valves ont été fermées, l'une des conséquences a été que le circuit d’air de process a été fermé. La circulation dans le circuit de refroidissement primaire a donc été suspendue. Le réacteur était à l’arrêt lorsque l'incident avec le combustible endommagé s'est produit le 24 octobre. Antérieurement, l'IFE avait informé qu'il se produisait des arrêts dans la circulation du circuit de refroidissement primaire pendant de plus longues périodes en liaison avec la maintenance et d'autres travaux pendant que le réacteur était hors service.

 

A partir du jeudi 27 octobre, la sûreté du réacteur a été un thème récurrent quotidien entre la NRPA et l'IFE, où la NRPA a remis en question plusieurs fois les opinions sur la sûreté du réacteur et la fermeture du circuit primaire de refroidissement. L'IFE a rapporté que la situation n'était pas inhabituelle et que le réacteur pouvait rester dans cet état pendant plusieurs semaines. Le mardi 1er novembre à 14h00, lors d’une réunion vidéo, la NRPA a réclamé une plus grande transparence et une meilleure traçabilité dans les évaluations de sûreté que celles qui avaient été faites et demandées, une meilleure documentation avec des déclarations signées des responsables opérationnels et des gestionnaires de la sûreté. Quelques heures plus tard, le soir même, la NRPA a reçu un message de l'IFE selon lequel le réacteur était "dans un état très spécial".

L'IFE a demandé à la NRPA la permission d'ouvrir les valves et de démarrer la circulation dans le circuit primaire dès que possible. La raison du message était des fluctuations de température dans la cuve du réacteur, l'indication d'une augmentation du flux de neutrons dans le cœur du réacteur et le danger de formation d'hydrogène. Pour la NRPA, c'est un message sérieux et une situation complètement différente de celle que l'IFE avait décrite quelques heures plus tôt. Ce message était correct, mais la NRPA a demandé pourquoi cela n'a pas été étudié plus tôt, à la fois en raison de la sécurité, mais aussi parce que l'autorité de réglementation l'avait demandé. L'IFE a reçu l'autorisation d'ouvrir les valves et de commencer la procédure de démarrage du circuit de refroidissement primaire et de procéder à l’éventage de l'air contaminé de la salle du réacteur. Malgré le fait qu’il y avait encore des émissions provenant du combustible endommagé, les rejets ont été toujours conformes aux limites d'émission autorisées.


La même nuit, l'IFE a appelé les physiciens du réacteur qui ont évalué la situation et ont constaté que les indications étaient probablement dues à l'impact sur les instruments qui n'étaient pas calibrés pour les conditions en cours dans la salle du réacteur. L’IFE a complété les mesures prévues, ouvert les valves et démarré le circuit de refroidissement primaire. La situation s’est alors stabilisée.


La NRPA prend la situation très au sérieux, bien consciente des manquements aux évaluations de sûreté et à la communication à la NRPA autour de la sûreté du réacteur dans les jours qui ont précédé la détection d’une augmentation du flux de neutron le 1er novembre à l'IFE. Le réacteur était alors, comme l'IFE l'a décrit, dans un « état très spécial », qui était à la fois inhabituel et non décrit dans le rapport de sûreté. Les instruments nucléaires n’étaient pas calibrés pour les conditions subies dans la salle du réacteur. Comme il a déjà été dit, il ne s'agissait pas non plus d'une situation normale ou décrite dans le rapport sur la sûreté.


La NRPA a observé que, lors des entretiens donnés par la suite, il y avait des explications quelque peu contradictoires et qu'il y avait encore une certaine confusion. La NRPA estime qu'il est important que tous les facteurs soient pris au sérieux, à la fois les échecs techniques et les procédures inadéquates. L’IFE doit se concentrer sur les efforts visant à améliorer la culture de sûreté de l'organisation et tenir compte des rapports d'erreurs des inspections précédentes.


Il est important de mentionner qu'après le 1er novembre, il y a eu une communication satisfaisante de l'IFE à la NRPA dans les travaux ultérieurs sur le traitement du combustible endommagé et la supervision en cours,

 

5. Éléments découverts durant l’inspection-déviation et remarques

 

5.1. Définitions

Déviation = non-conformité aux normes établies dans le cadre de la loi.

Remarques = conditions nécessaires à signaler mais non couvertes par la définition de déviation.
Commentaire = utilisé pour expliquer ou justifier des discordances ou des remarques.

 

5.2. Déviation

On a relevé 4 écarts :

1. L’IFE a donné des informations erronées à la NRPA le mardi 25 octobre 2016 quand l’annonce a été faite que la situation était maîtrisée. L’IFE a de nouveau donné des informations erronées à la NRPA à plusieurs reprises entre le 27 octobre et le 1er novembre, quand la question de la sûreté du réacteur était soulevée et que l’IFE déclarait que la situation n’avait rien d’inhabituel.
2. L’IFE n’a pas été capable de faire des évaluations satisfaisantes de la situation et des conséquences possibles pour la sûreté du réacteur et les systèmes de sécurité du hall du réacteur, bien que la chose ait été discutée à plusieurs reprises dans les communications avec la NPRA. Une nouvelle évaluation de la sûreté du réacteur et de la situation dans le hall du réacteur n’a été faite que quand la NRPA a exigé une documentation comportant les signatures des directeurs responsables des opérations et de la sûreté.

3. Suite à la fermeture des valves et l’arrêt du circuit de refroidissement primaire, le réacteur s’est retrouvé dans un état qui n’a pas été défini dans le rapport de sûreté (SAR). La NPRA pense que les conséquences possibles de la fermeture des valves, l’augmentation des niveaux de radioactivité et les fortes températures dans le hall du réacteur pour les instruments clé et les systèmes de sécurité n’ont pas été évalués de manière adéquate ou documentés en amont ni décrits dans le SAR.

4. Il est important que toutes les conditions soient prises sérieusement et que l’IFE continue ses efforts pour améliorer sa culture de sûreté dans l’organisation et le suivi des recommandations et la prise en compte des déviations des inspections précédentes. Le travail sur la sûreté et la culture de sûreté chez l’IFE ont fait l’objet d’inspections systémiques en 2014 (Cf. rapport d’incident 1/2014). La NRPA voit cet événement comme une déviation liée à la culture de sûreté (Cf. déviations signalées dans le rapport d’inspection 1/2014). Des progrès plus importants auraient dû être réalisés dans les efforts pour se conformer aux conclusions de la révision du système et du travail destiné à améliorer la culture de sûreté de l’organisation.

 

5.3. Remarque

Aucune remarque n’a été faite dans le cadre de l’inspection.

 

5.4 Autres conditions

Il n’y a pas d’autres conditions à rapporter.

 

6. Suivi après l'inspection

La NRPA prend cet incident et ce qui peut être vu comme un suivi inadéquat de la révision du système très au sérieux. Cela sera suivi par la NRPA. Il y a maintenant un contact étroit entre la NRPA et l'IFE. L'IFE doit effectuer plusieurs diagnostics et procédures de dépistage. La NRPA a reçu un rapport après l'incident le 2 décembre 2016 et recevra également des rapports supplémentaires. La NRPA utilisera ces rapports dans ses efforts pour assurer le suivi de l'IFE. La NRPA supervisera le premier trimestre de 2017 en mettant l'accent sur les procédures et le suivi après l'incident.


 

Meilleures salutations,


Per Strand, chef de service

et Tonje Sekse, conseiller principal

 

 

_________________

Mises à jour :

26/03/17 : ajout d'un lien et d'une illustration (dernière de l'article)

27/03/17 : ajout d'une info dans le paragraphe 4 et modification du paragraphe 8 (suppression de l'allusion à un accident de niveau 4)

28/03/17 : ajout d'un avertissement au lecteur en début d'article

29/03/17 : ajout d'un lien dans l'avertissement

30/03/17 : ajout de trois illustrations et de deux liens vers des présentations diffusées par la NRC et l'AIEA (en annexe)

07/04/17 : ajout de l'info et de l'analyse du communiqué de l'IRSN sur Halden et ajout du lien vers ce communiqué daté du 5 avril 2017 - paragraphe 2 : ajout du partenaire IRSN pour la France - ajout d'une illustration (plan du réacteur)

 

 

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15 mars 2017 3 15 /03 /mars /2017 13:47

Fukushima : une catastrophe sans fin

 

Cécile Asanuma-Brice

 

Voici maintenant plus d’un siècle que nos pays modernisés se sont tournés vers la planification afin de penser un meilleur équilibre économique et démographique de leur territoire. Si tel fut le discours mis en avant pour en vanter les mérites, le résultat n’en reste pas moins décevant, si ce n’est nul. Le rééquilibrage régional n’a que relativement fonctionné, bien qu’artificiellement réactivé par quelques espoirs toujours déçus, et les campagnes ont continué à se vider de leurs activités humaines au profit des villes dont l’étalement s’épanche telle une tâche d’huile alimentée par les fuites du moteur de la société de consommation. Il en est de même au Japon, où les campagnes meurent lentement, où les villages abandonnés laissent leurs belles demeures de bois pourrir au gré des vents, au fil du temps. Fukushima n’avait pas échappé à ce rouleau compresseur d’un système économique sans indulgence, devenu l’ultime but de la production humaine alors qu’il aurait dû en être son serein soutien.

 

ISOTOPES. Ça n’est donc pas sans surprise que nous observons l’ardeur des organisations internationales, ainsi que celle du gouvernement japonais à vouloir à tout prix faire rentrer dans leur campagne en désuétude les populations réfugiées suite à l’accident nucléaire du 11 mars 2011. Plus de 6 années après l’explosion de la centrale, présents plus que jamais sur ce territoire rural perdu au milieu de nulle part, les membres de l’AIEA, du CEPN, de l’IRSN et autres UNSCEAR (1), se lancent dans "l’humanitaire" à la défense des paysans en péril, nous ventant les bienfaits de la résilience (2), les nuisances du refuge, les méfaits sanitaires du stress face au désastre, tout en affichant une attitude agnostique envers les résultats épidémiologiques qui voient pourtant croître à plus de 184 le nombre d’enfants de moins de 18 ans ayant dû être opérés d’un cancer de la thyroïde sur un échantillon limité de 270 500 personnes (3). Ce point, qu’il est devenu tabou d’évoquer dans les cercles scientifiques, est néanmoins fondamental, en ce qu’il est celui qui déterminera la nécessité des politiques de protection à mettre en œuvre, ou non, en cas d’accident. Si l’explosion d’une centrale nucléaire et la dispersion des isotopes qu’elle contient à travers monts et vallées n’est pas dangereuse pour la santé humaine et pour la vie dans son ensemble, alors pourquoi partir en cas d’explosion, pourquoi évacuer les populations dont on broie la vie communautaire, mais aussi à quoi bon dépenser tant d’argent à décontaminer, pourquoi avoir créer des centres de recherches spécifiques sur la radioprotection puisqu’il serait inutile de s’en protéger, et finalement pourquoi se servir de ces mêmes isotopes inoffensifs pour réaliser l’arme de destruction ultime que l’on brandit à la face du monde à chaque tension diplomatique ? Bref, nous devons rétablir de la cohérence dans nos discours et nos analyses. Si les habitants de Fukushima se sont réfugiés, ou ont été évacués (même si l’évacuation organisée par l’administration a été bien tardive) c’est qu’il y a un danger, réel, dont nous avons tous connaissance : scientifiques, militaires et citoyens (cette dernière catégorie comprenant les deux précédentes).

 

Ce danger serait néanmoins variable, bien que jamais nul, en fonction de la dose reçue. En outre, alors que les populations de toutes parts réclament une plus grande sécurité vis-à-vis du nucléaire, les seuils des doses dites admissibles par les autorités gestionnaires sont relevés, en toute discrétion, à chaque accident.

La réouverture progressive de la zone d’évacuation © Préfecture de Fukushima

La réouverture progressive de la zone d’évacuation © Préfecture de Fukushima

« Ai-je droit de mettre en jeu l’intégralité des intérêts des autres ? » (4)

 

Afin de permettre une marge d’acceptabilité toujours plus grande du risque, les institutions en charge de la gestion du nucléaire et de sa production ont élaboré un système de seuils dits "acceptables" pour l’être humain. Le tout est de réussir à appréhender, ainsi qu’à quantifier ce qui est de l’ordre de l’acceptable prenant en considération les aspects économiques, sociaux et sanitaires générés par une catastrophe nucléaire. On aurait pu croire que l’aspect sanitaire eut été déterminant, et que l’être humain accorderait plus d’attention, plus d’intérêt, à ce qui pourrait mettre sa santé en péril, mais à notre grande surprise, il n’en est rien. Ainsi, bien que les dernières études épidémiologiques telles Inworks (réalisée sur une cohorte de plus de 308 000 travailleurs de centrale nucléaire), ou encore le modèle LNT (Linear No-Threshold model, 2007, Université d’Ottawa) nous prouvent l’augmentation du risque de développement de maladies proportionnellement au niveau d’exposition aux irradiations, balayant de fait la pertinence d’une limite sécuritaire, des seuils sont encore fixés afin de permettre l’existence de l’exploitation de centrales nucléaires et de leurs désagréments: fuites et autres accidents potentiels augmentant le niveau de radioactivité environnant. C’est ainsi que l’on a vu le seuil de protection internationalement fixé à 1 mSv (pour la population hors travailleurs des centrales), passé, sans bruit, à 20 mSv dans les directives de l’union européenne en 2014, 3 ans après Fukushima. Il est par ailleurs indiqué dans ce même texte qu’un taux annuel allant jusqu’à 100 mSv est envisageable dans des conditions d’urgence (5), justifiant un niveau de 20 mSv/an en temps normal, en pleine contradiction avec les études menées sur la question.

 

Ce point est fondamental, en ce qu’il permet, entre autre, l’autorisation internationale de la réouverture d’une partie de la zone d’évacuation autour de la centrale de Fukushima à la fin du mois de mars 2017. Le but de cette démarche est d’élaborer un système de cogestion citoyenne des conséquences d’un accident afin de prouver que l’on est capable de surmonter une catastrophe nucléaire en sachant gérer la radioactivité présente, mais également de diminuer les coûts auparavant pris en charge par les entreprises gestionnaires des centrales. Pour autant, l’imposition d’une planification politique au retour à vivre dans les zones contaminées de Fukushima n’a pas le succès escompté et les désastres s’enchaînent tour à tour.

Mesure de la radioactivité d’un pin. Age : 100 ans, Hauteur : 15 m, prélevé en janvier 2016 à Iitate (Fukushima). Mesures effectuées par l’université d’Hiroshima. La mesure montre la concentration des isotopes dans le cœur des végétaux. © Documents ITO Nobu (centre de recherche sur la radioactivité à Iitate (IISORA).

Mesure de la radioactivité d’un pin. Age : 100 ans, Hauteur : 15 m, prélevé en janvier 2016 à Iitate (Fukushima). Mesures effectuées par l’université d’Hiroshima. La mesure montre la concentration des isotopes dans le cœur des végétaux. © Documents ITO Nobu (centre de recherche sur la radioactivité à Iitate (IISORA).

Les désastres annoncés se succèdent sans fin à Fukushima

 

Ce fut d’abord une politique de décontamination toute aussi drastique, coûteuse, qu’inefficace, qui a conduit à l’entrepôt de milliers de sacs contenant des tonnes de terre contaminée répartis sur plus de 115 000 sites dans la préfecture, principalement en bord de mer. Cette politique ayant rempli son seul rôle de regain de confiance citoyenne en démontrant que le gouvernement se préoccupait de la situation, et devenue ingérable par le volume occupé, s’est conclue par la décision de réutiliser les débris en deçà de 8 000 Bq/kg pour la construction des routes et autres travaux relatifs aux ponts et chaussées dans l’ensemble du pays. Cette stratégie s’est accompagnée d’une campagne de communication sur l’acceptation du risque pour inciter au retour en vue d’une "stabilisation" avant l’accueil des jeux Olympiques de 2020, avec notamment la construction d’un centre dans lequel on apprend aux habitants les différents modes de décontamination possibles via des maquettes ludiques, ou encore des visites organisées dans la centrale nucléaire endommagée pour les lycéens, sans protection mais armés de dosimètres.

Documentaire NHK « Je veux voir de mes propres yeux – Visite de la centrale par des lycéens de la région », 23 novembre 2016.

Documentaire NHK « Je veux voir de mes propres yeux – Visite de la centrale par des lycéens de la région », 23 novembre 2016.

La réouverture d’une partie de la zone d’évacuation conséquente entraîne automatiquement la fin des indemnités de logement accordées jusqu’alors aux réfugiés, ainsi que l’expulsion des habitants des cités de logements provisoires qui seront fermées. Des appartements dans des immeubles collectifs publics, dont ils devront assumer le loyer, leur ont parfois été proposés. La plupart des personnes âgées concernées, propriétaires de biens devenus inhabitables six ans après la catastrophe, sont pour la plupart dans l’incapacité de pouvoir assumer un loyer ainsi que la charge économique de la consommation de biens alimentaires qu’ils produisaient autrefois.

 

En outre, des psychologues, spécialisés dans les traumatismes psychologiques engendrés par des situations de désastres, dont le Professeur Tsujiuchi de l’université de Waseda, avait estimé, après une étude dont les résultats furent publiés début 2016, qu’un retour contraint sur une zone encore instable, dans laquelle les personnes réfugiées ont subi leur traumatisme, et alors que celles-ci sont atteintes, pour la plupart d’entre elles, de PTSD (Post Traumatic Stress Disorder), serait un nouveau drame, entraînant une vague de suicide notable.

 

La concrétisation de ces prévisions ne se fit pas attendre. Les communes rouvertes successivement à l’habitat accueillent quelques-uns des habitants qui ont opté pour le retour. La contamination très élevée, bien qu’irrégulière, a découragé la plupart des familles avec enfants au retour, celles-ci ayant recommencé leur vie ailleurs. Les habitants, en très faible nombre, souvent âgés, se trouvent dans une situation d’isolement qui devient vite insupportable, entraînant un état dépressif lourd, voir leur suicide (cf. reportage de la NHK en janvier 2017). Ces personnes sont confrontées à une différence trop grande entre l’espoir du retour longtemps maintenu par les discours sécurisants des autorités ou les politiques de décontamination, et la réalité du retour qui est toute autre (taux de radioactivité encore trop élevé, paysage dévasté par la décontamination et les sacs de terre, plus aucun habitant ni de communauté existante).

 

Iitate, des investissements pharaoniques pour une ville fantôme

 

Iitate est l’une des communes destinée à être rouverte à l’habitat le mois prochain. Malgré un investissement colossal de plus d’1 milliard 700 millions euros pour la reconstruction des divers équipements publics, la commune n’accueillera pas le nombre de résidents escompté. Un habitant du village d’Iitate déclarait le 19 février 2017, lors d’une conférence organisée à Fukushima par des chercheurs et les anciens habitants du village : « On nous dit qu’il n’y a pas de problème. Qu’il suffit de ne pas aller sur les “hot spots”. On ne peut ni aller en montagne, ni s'approcher des rivières, ne pas aller à droite ni à gauche... Comment voulez- vous que l'on vive ici ?!”. Un ancien membre du conseil communal, témoigne : « Nous avons déménagé il y a six ans maintenant. Pourquoi devrions-nous rentrer dans un village désert où l’environnement ne nous permet pas de vivre librement et en sécurité ? » (6).

Conférence sur le retour des habitants d’Iitate (Fukushima) 19.02.2017 © Cécile Brice

Conférence sur le retour des habitants d’Iitate (Fukushima) 19.02.2017 © Cécile Brice

Ces derniers mois ont vu un regain des séismes dans la région de Fukushima, au moment où la pénétration d’un robot scorpion dans l’enceinte a permis de confirmer la fonte du corium du réacteur visité qui s’est enfoncé dans les sous-sols. Cette instabilité ne fait que renforcer la population dans son jugement de ne pas céder à la politique du retour. Même si les habitants "captifs" ont développé des bases de données cartographiées de la radioactivité afin de mettre en place leur protection, les fantasmes des institutions internationales, qui rêvaient de cogestion des conséquences de l’accident nucléaire par les habitants auront montré leurs limites. On ne peut demander aux victimes d’un système imposé d’assumer la charge des accidents engendrés par ce système.

 

(Article édité le 14 mars dans Sciences et avenir)

 

_____________________________

 

(1) AIEA : Agence Internationale de l’énergie atomique, CEPN : Centre d’étude sur l’évaluation de la Protection dans le domaine Nucléaire, IRSN : Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire, UNSCEAR : United Nation Scientific Comittee on the Effects of Atomic Radiation.

(2) Cf. Cécile Asanuma-Brice, « De la vulnérabilité à la résilience, réflexions sur la protection en cas de désastre extrême », Raison Publique, nov. 2015

(3) Selon les résultats de la commission sanitaire rendus officiels en février 2017.

(4) Hans Jonas, « Le principe de responsabilité » Champs essais, Flammarion, 2013, p.81.

(5) "Sans préjudice des niveaux de référence fixés pour les doses équivalentes, les niveaux de référence exprimés en dose efficace sont fixés dans l'intervalle de 1 à 20 mSv par an pour les situations d'exposition existantes et de 20 à 100 mSv (aiguë ou annuelle) pour les situations d'exposition d'urgence". II (Actes non législatifs). DIRECTIVE 2013/59/EURATOM du conseil du 5 décembre 2013 fixant les normes de base.

(6) Site de la commune

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En savoir plus sur les faibles doses
 
Conférence de presse du 15 mars 2017 au Foreign Correspondents Club of Japan avec Dr Cécile Asanuma-Brice, Pr. Keith Baverstock (université de Finlande) et Dr Shimizu Nanako de l'université d'Utsunomiya concernant la question des faibles doses et la réouverture de la zone d'évacuation autour de la centrale nucléaire de Fukushima.
Deux textes de recommandations sur ce même thème, signés par 14 scientifiques du monde entier, viennent d'être publiés dans la revue scientifique Kagaku (Science), également envoyés au gouvernement japonais ainsi qu' au préfet de Fukushima.

Plus d'infos sur la VIDEO (durée 1h, en anglais)

 

Cécile Asanuma-Brice informe qu’elle s’exprime sous sa casquette de Présidente de l’Association du CSRP ; elle annonce que les travaux du 6ème symposium (Nihonmatsu, du 7 au 10 octobre 2016) [qui réunissait, entre autres, des scientifiques indépendants mais aussi des « autorités » de Fukushima] ont débouché sur 2 « déclarations » :

  1. la « conclusion » du symposium, qu’elle lit aux journalistes [ici le texte en anglais, 6 pages]
  2. « the Nihonmatsu Déclaration on the Risks of Exposure to Low Doses of Ionizing Radiation » qui sera prochainement traduite en anglais

Ces déclarations ont de plus été publiées (en japonais) dans le N° de mars de la revue « Kagaku » (qui signifie « science » ajoute-t-elle).

 

Cécile Asanuma-Brice, au début de la video : « aujourd’hui la mémoire collective du Japon s’estompe or, on doit trouver des solutions pour les milliers de sinistrés… En 2016 le symposium a duré 4 jours, des scientifiques, épidémiologiques, biologistes ont débattu du sujet des « zones évacuées » sur la réponse qu’il convenait d’apporter à la question : est-il acceptable de réouvrir les zones évacuées ? D’un point de vue scientifique, la réponse est clairement NON ! Ils ont donc rédigé 2 textes de recommandations qui ont été publiés dans la revue [montrée à l’écran à 6.52’] Kagaku de mars 2017.

 

Fourteen independent experts from inside and outside of Japan participated at the 6th Citizen-Scientist International Symposium on Radiation Protection, held from October 7 to October 10, 2016, in Nihonmatsu, Fukushima prefecture, in order to present their latest research. Over three days, they exchanged opinions on the themes of “Epidemiology of low-dose radiation” and “Discourses, laws and ethics after the nuclear power plant accident.” They compiled their propositions in two recommendations text they signed, based on discussions they had during the symposium, but also on findings and numerous study reports published after Chernobyl and Fukushima.

 

(1) The first recommendation agreement, “Conclusion” of the 6th CSRP, take a critical look at risk communication currently conducted by the Japanese authorities, and listed up 6 recommendations deemed indispensable from the victims’ viewpoint.

(2) The second recommendation agreement, entitled “The Nihonmatsu Declaration on the Risks of Exposure to Low Doses of Ionizing Radiation,” uses the “linear non-threshold (LNT) model” based on the latest scientific findings demonstrating scientific impertinence and lack of political wisdom of the present return policy for the evacuees to areas below 20 millisievert per year.

 

The Japanese version of these two recommendation reports were published in the March 2016 issue of Science Magazine “Kagaku (Science),” and the electronic English version will be published on its special website soon).

CSRP will transmit these recommendations agreement to Minister of the Environment, Director General of Reconstruction Agency, Chairman of Nuclear Regulation Authority and the Governor of Fukushima Prefecture, and hold press conferences for Japanese journalists and foreign correspondents in Japan.

 

Tout est regroupé sous l’onglet « overview » : présentation, programme détaillé des 4 jours, intervenants (leur biographie s’obtient en cliquant sur leur portrait).

 

(infos Evelyne Genoulaz)

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14 février 2017 2 14 /02 /février /2017 20:44

Difficile d’être novateur sur le sujet de Fukushima. Aurait-on déjà tout dit depuis 6 ans que dure la catastrophe ? Eh bien non, avec le film de Linda Bendali, « De Paris à Fukushima, les secrets d’une catastrophe », le sujet de l’attitude de la France nucléaire au mois de mars 2011 n’avait jamais été abordé sous cet angle : alors que le Premier ministre japonais, Naoto Kan, confronté au feu nucléaire, devenait anti-nucléaire, le gouvernement Fillon lançait l’artillerie lourde pour contrer toute véhémence de débat sur ce sujet en France. Pour le ministre de l’industrie, Eric Besson, il s’agissait d’un incident. Nicolas Sarkozy s’invitait au Japon alors qu’on ne l’y attendait pas pour faire la promotion du nucléaire en pleine crise atomique. Et la France faisait semblant d’aider le Japon en envoyant des produits inutilisables ou dépassés. Donc un bon documentaire pointant des dysfonctionnements tant japonais que français que l’on peut revoir sur le compte Youtube de l'émission ci-dessous.

Cela dit, ce reportage a réveillé en moi une vieille colère, jamais vraiment éteinte depuis 1986, et vous n’échapperez donc pas aux commentaires que m'inspire ce reportage.

Pierre Fetet

 

Les mensonges de Tepco

 

Au début du documentaire, Tepco, champion du mensonge et du non-dit s’exprime par la voix de son porte-parole Yuichi Okamura : « Nous n’avions jamais imaginé qu’un tel accident puisse arriver. A partir des statistiques, nous avions calculé que le tsunami ne devait pas dépasser 5 mètres. Nos prévisions étaient dépassées.»

 

Il est contredit ensuite par la réalisatrice. Je remercie infiniment Linda Bendali d’avoir insisté sur le fait que le rapport de la commission d’enquête parlementaire sur Fukushima a donné comme première conclusion que la catastrophe de Fukushima est d’origine humaine. Car peu de gens comprennent l’enchaînement des évènements et l’on entend trop souvent que « la catastrophe de Fukushima a été provoquée par le tsunami ». Or, la véritable chaîne logique a été celle-ci :

 

1) Irresponsabilité : Tepco décide de construire une centrale nucléaire au niveau de la mer.

 

2) Stupidité : Alors que sept tsunamis de 12 à 28 mètres de hauteur ont eu lieu au Japon au XXe siècle, les hommes décident de construire une digue de protection de 5 m.

 

3) Corruption : les organismes de sûreté nucléaire du Japon acceptent les dossiers de construction.

 

4) Evènement naturel : un tsunami de 15 m de hauteur s’abat sur la côte est de Honshu, et donc sur la centrale de Fukushima Daiichi.

 

 

L’IRSN fait sa pub

 

L’IRSN est toujours pris en exemple et soigne son image de marque. Normal, il est l’organisme officiel de référence. Pourtant j’ai déjà pris plusieurs fois cet institut en flagrant délit de mensonge : assurance que les évacués allaient revenir d’ici trois mois en 2011, assurance qu’il n’y avait pas eu de rejet de strontium et de plutonium au Japon, assurance qu’une centrale nucléaire ne peut pas exploser en France… On a encore eu droit à Thierry Charles dernièrement qui affirme savoir où est le corium alors que même Tepco ne le sait pas…

 

Dans le documentaire, le narrateur assure que « L’IRSN est le premier organisme au monde à annoncer que le cœur en fusion s’est échappé de son confinement ». Et effectivement on a l’impression, en écoutant Jacques Repussard, que son institut a communiqué sur ce sujet en mars 2011. Or six mois après le début de la catastrophe, l’IRSN était encore à écrire : « Il reste impossible de savoir si du combustible fondu a pu se relocaliser au fond des enceintes et dans quelle quantité. » (Communiqué du 25 août 2011). Pourtant, le gouvernement japonais avait déjà reçu un rapport de l’AIEA le 7 juin reconnaissant la possibilité de perforations dans les cuves des réacteurs 1 à 3…

 

Non, sérieusement. Tout d’abord, le premier organisme qui a annoncé la fusion des trois cœurs, c’est Tepco, le 24 mai 2011. Et l’IRSN l’a annoncé le lendemain. Auparavant, l’IRSN n’a jamais rien écrit d’autre, pour les réacteurs 1, 2 et 3, que « L’injection d’eau douce se poursuit. Le débit d’injection d’eau est ajusté afin d’assurer le refroidissement du cœur qui reste cependant partiellement dénoyé. »

 

En 2011, la première personne qui a osé briser l’omerta du lobby nucléaire est Mishio Ishikawa, fondateur du JANTI (Japan Nuclear Technology Institute) : lors d’une émission télévisée japonaise, le 29 avril 2011, il a affirmé que les cœurs des réacteurs 1, 2 et 3 de Fukushima Daiichi étaient fondus à 100%. C’est ça l’histoire, c’est comme ça que ça s’est passé. L’IRSN n’a jamais dit cela avant quiconque. L’IRSN a respecté l’omerta sur la fonte totale des trois cœurs comme tous les acteurs du monde nucléaire et a attendu docilement que Tepco annonce la réalité pour acquiescer, quoi qu’en dise Jacques Repussard six ans plus tard.

 

 

Le mythe Naoto Kan

 

L’image du Premier ministre du Japon d’alors est à nuancer. On a l’impression, après avoir vu le documentaire, que Naoto Kan est intervenu en héros. Or il faut admettre également qu’il a fait plusieurs erreurs :

 

- Naoto Kan est allé à la centrale de Fukushima Daiichi en pleine crise et a fortement dérangé la gestion en cours. Le directeur Masao Yoshida a été sommé de s’expliquer, et d’expliquer ce qu’il était en train de faire, faisant perdre un temps précieux à ceux qui essayaient de résoudre les problèmes un par un (C’était juste avant les explosions du n°2 et du n°4 !). Le documentaire laisse entendre que Masao Yoshida allait quitter la centrale avec tous les ouvriers, et que grâce à l’intervention de Kan, ils ont été obligés de rester. C’est faux. Tepco avait peut-être l’intention de quitter le navire, mais le directeur responsable de la centrale a démenti tout projet d’abandon du site.

 

- Le documentaire montre bien Naoto Kan qui s’agenouille devant Nicolas Sarkozy. Politesse ou pressions industrielles ? On ne sait pas pourquoi il n’a pas osé contrer le VRP du nucléaire français.

 

- Naoto Kan restera pour tous les habitants des zones évacuées celui qui a décidé de faire passer la norme de 1 à 20 mSv/an. D’un côté, il était prêt à faire évacuer Tokyo mais de l’autre il a fait subir à toute une région un taux d’irradiation très important. Quelque chose est bizarre dans ces attitudes opposées.

 

 

Le spectre de Tchernobyl

 

Pierre Pellerin, même disparu, fait encore des dégâts… Entre deux parties du documentaire, Frédéric Boisset, rédacteur en chef de Brainworks Press, présente l’histoire de Tchernobyl de cette manière : « En 1986, le nuage radioactif se répand sur toute l’Europe. Les autorités n’ont pas les moyens techniques pour mesurer les retombées, donner des consignes aux Français. Peut-on manger des fruits et des légumes ? Faut-il se calfeutrer ? C’est pour éviter ce type de ratage qu’on a créé cet institut [l’IRSN]. »

 

Or ce n’est pas une interview prise sur le vif, c’est un texte soigneusement préparé avant l’enregistrement. Frédéric Boisset soutient donc sans sourcilier que le SCPRI de 1986, un ancêtre de l’IRSN, n’avait pas les moyens d’alerter les Français des dangers de la radioactivité !  Quelle énormité ! En Allemagne, ils avaient les moyens d’interdire la vente des épinards et des salades, de confiner les élèves à l’intérieur mais pas en France. Frédéric Boisset nous refait le coup du nuage qui s’arrête à la frontière ? C’est invraisemblable qu’un journaliste perpétue la désinformation commencée en 1986.

 

Pourtant, l’IRSN, digne héritier de l'esprit du SCPRI, a fait ce communiqué le 15 mars 2011, jour où le nuage radioactif de Fukushima est arrivé à Tokyo : « Une légère élévation de la radioactivité ambiante à Tokyo est constatée par quelques mesures. Cette élévation n’est pas significative en termes d’impact radiologique. » Pierre Pellerin n’aurait pas dit mieux ! Dans le même temps, Olivier Isnard, expert de l’IRSN dépêché à Tokyo, préconisait le calfeutrage des locaux de l’ambassade de France. Heureusement, Philippe Faure, l’ambassadeur de France au Japon, communiquait autrement auprès de ses expatriés à 10 h : « Restez dans vos maisons, en veillant à les calfeutrer au maximum, cela protège efficacement contre les éléments radioactifs de faible intensité qui pourraient traverser Tokyo. » Mais à 20 h, il change de ton et reprend le discours officiel dicté par l’IRSN : « La situation reste à l’heure qu’il est tout à fait saine sur Tokyo. Une très légère hausse de radioactivité a été enregistrée. Elle ne présente aucun danger sur la santé humaine. » 100 Bq/m3 ne présenterait aucun danger pour la santé pour un nuage radioactif sortant directement d’un réacteur nucléaire ? Je ne suis pas plus rassuré qu’en 1986 malheureusement. La Criirad non plus, qui publiait le 14 mars 2011 ce communiqué : "Alertes nucléaires au Japon"
 

 

Le tabou de l'explosion de vapeur

 

Une dernière tromperie. L’IRSN a trafiqué la traduction des paroles de Masao Yoshida, directeur de la centrale de Fukushima Daiichi. Juste après l’explosion de l’unité 3, celui-ci, affolé, appelle le quartier général pour l’informer de la situation. Tepco a livré cet enregistrement et l’IRSN l’a diffusé dans une vidéo en 2013.  Je ne connais pas le japonais mais j’ai des amis japonais qui m’ont assuré de la traduction de ses paroles. Je vous donne donc les deux versions, celle de mes amis et celle de l’IRSN. Les japanophones pourront vérifier d'eux-mêmes.

 

Version TV japonaise

https://youtu.be/OWCLXjEdwJM?t=7m38s

7:38 – 7:48

Version IRSN

https://youtu.be/tjEHCGUx9JQ?t=52m52s

52:56 – 53:06

  • QG ! QG !
  • Oui, ici le QG.
  • QG ! QG ! C’est affreux ! L’unité 3 a explosé maintenant. Je pense que c’est probablement la vapeur.
  • QG, estce que vous m’entendez ? On a un problème. Écoutez-moi s’il vous plait.
  • QG ! QG ! C’est terrible ! On a eu un problème sur le site n°3 !

 

 

Le documentaire donne une autre version : « QG, QG, c'est terrible ! C'est très grave ! - Oui, ici le QG. - Il semble qu'il y a eu une explosion sur le réacteur 3 qui ressemble à une explosion d'hydrogène ». Qui a soufflé ce texte aux journalistes ? Pourtant "Yoshida dit bien « suijôki » (vapeur) et non « suiso » (hydrogène). La traduction de l’IRSN censure donc l’hypothèse émise par le directeur de la centrale : l’explosion de vapeur. C’est normal, c’est la version officielle du gouvernement japonais et l’IRSN ne peut pas aller contre.

 

L’explosion de vapeur est un sujet tabou des communicants du nucléaire. Les experts en parlent entre eux, réalisent des études, des thèses, mais n’en parlent jamais au public car le sujet de l’explosion d’une centrale nucléaire est trop anxiogène. Si jamais on apprenait qu’une explosion de vapeur était arrivée à Fukushima, cela mettrait à mal l’image du nucléaire mondial. En France, le lobby politico-industriel a misé sa communication sur la maîtrise de l’hydrogène : toutes les centrales françaises ont des recombineurs d’hydrogène pour éviter les explosions d’hydrogène. Mais contre une explosion de vapeur, il n’y a rien à faire. Quand la cuve de confinement est pleine d’eau et que le corium à 3000°C tombe dedans, ça fait boum, que l’on soit au Japon ou en France, que ce soit un réacteur à eau bouillante ou un réacteur à eau pressurisée.

 

 

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En savoir plus sur le documentaire

 

Fukushima : la bataille de la France au nom de l’atome (Libération, Arnaud Vaulerin)

Fukushima : histoire d'une panique française (Téléobs, Arnaud Gonzague)

 

 

(dernière mise à jour 21/02/17)

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Illustration d'entête : évocation des fuites du réacteur 1 de Fukushima Daiichi (capture de l'animation du documentaire)

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4 février 2017 6 04 /02 /février /2017 01:07

Les investigations menées par Tepco fin janvier 2017 ont permis de visualiser une partie de l’intérieur de l’enceinte de confinement du réacteur 2 de Fukushima Daiichi. A cette occasion, Tepco a fait semblant de s’étonner de deux choses pourtant très prévisibles : 1) le corium a pu faire un trou dans une plateforme métallique située juste en dessous de la cuve du réacteur. 2) l’endroit est excessivement radioactif : 530 Sieverts/h (dose létale quasi immédiate), mesure de radioactivité la plus haute jusqu’à présent révélée par Tepco.

(Mises à jour régulières en bas de page)

Le trou d’un mètre de côté observé le 30 janvier (photo Tepco)

Le trou d’un mètre de côté observé le 30 janvier (photo Tepco)

Cette découverte a été rendue possible grâce à une caméra conduite à distance. Ce n’est pas la première fois que Tepco fait des recherches dans l’enceinte de confinement du réacteur 2, mais les images obtenues jusqu’alors n’étaient pas aussi explicites.

Ouvriers à l’action dans le BR2 (photo Tepco)

Ouvriers à l’action dans le BR2 (photo Tepco)

Situation de la cavité explorée (document Tepco)

Situation de la cavité explorée (document Tepco)

Aire d’investigation (Illustrations d’après des documents Tepco)
Aire d’investigation (Illustrations d’après des documents Tepco)

Aire d’investigation (Illustrations d’après des documents Tepco)

Les employés de Tepco ont utilisé un accès existant destiné au remplacement des barres de contrôle qui ne peut se faire que par le bas. Pour cela, une ouverture est aménagée dans l’enceinte de confinement suivie d’une passerelle qui permet d’accéder à la cavité située juste en dessous de la cuve. A cet endroit, les systèmes de commande des barres peuvent être vérifiés lors des visites d’entretien et les barres de contrôle peuvent être remplacées si besoin. Voici par exemple une photo d’une inspection du dessous de cuve du réacteur 4 de la centrale nucléaire de Fukushima Daini, le 8 février 2012.  

Les barres de contrôle sous le réacteur 4 de Fukushima Daini (Reuters/Kyodo)

Les barres de contrôle sous le réacteur 4 de Fukushima Daini (Reuters/Kyodo)

Ces barres sont nécessaires au bon fonctionnement du réacteur car elles permettent de réguler sa puissance. Le 11 mars 2011, les barres sont remontées automatiquement dans les réacteurs de Daiichi et ont stoppé la réaction en chaîne.

 

Aujourd’hui au réacteur 2 de Fukushima Daiichi, le paysage du dessous de cuve est tout autre, voilà ce qu’on peut en voir :

Commandes des barres de contrôle du réacteur 2 de Fukushima Daiichi (photo Tepco)

Commandes des barres de contrôle du réacteur 2 de Fukushima Daiichi (photo Tepco)

A partir d’un montage de Tepco, le site Simply Info a évalué l’emplacement du trou dans la grille ("HOLE" sur l’illustration ci-dessous).

Illustration Simply Info

Illustration Simply Info

Tepco a également fourni un plan de la plateforme avec la situation du trou :

Illustration Tepco

Illustration Tepco

Aire d’investigation et évocation des dégâts (Illustration Asahi Shimbun)

Aire d’investigation et évocation des dégâts (Illustration Asahi Shimbun)

Le caillebotis est recouvert de morceaux de matière noire qui pourrait bien être du corium solidifié. Le trou dans la plateforme, juste sous la cuve, évoque le passage du corium. Ayant pu chauffer à l’intérieur de la cuve jusqu’à 2 à 3000°C, celui-ci a facilement pu faire fondre les barres de contrôle et comme le fond de cuve est percé de multiples trous (voir photos ci-dessous), le magma radioactif n’a pas eu de mal à traverser la passoire.

Ces trous servent à faire coulisser les barres de contrôle qui sont situées sous la cuve. C'est un vieux système des réacteurs Mark-I ou Mark-II, conçus par General Electric, qui a démontré sa grande faiblesse. Aujourd'hui, il existe encore beaucoup de centrales nucléaires qui l'utiisent, notamment aux Etats-Unis. En France, le système est différent, il est actionné par le haut.

Les fonds de cuve des réacteurs de Fukushima Daiichi sont des passoires (97 trous pour le n°1, 137 pour les réacteurs 2, 3, 4, 5 et 185 pour le réacteur n°6)
Les fonds de cuve des réacteurs de Fukushima Daiichi sont des passoires (97 trous pour le n°1, 137 pour les réacteurs 2, 3, 4, 5 et 185 pour le réacteur n°6)

Les fonds de cuve des réacteurs de Fukushima Daiichi sont des passoires (97 trous pour le n°1, 137 pour les réacteurs 2, 3, 4, 5 et 185 pour le réacteur n°6)

On peut facilement imaginer, puisque trou il y a, que le corium est tombé sur le caillebotis, l’a rendu mou à cause de la chaleur et l’a déformé jusqu’à percement à cause de sa densité 20 fois plus importante que celle de l’eau. La suite logique est qu’il est tombé dans le fond de l’enceinte de confinement. Là, l’interaction corium-béton, bien connue des spécialistes, a fait disparaître le béton petit à petit. On ne connaît pas la profondeur du trou – n’ayez crainte Tepco nous l’annoncera un jour – mais peu importe, le mal est fait depuis 6 ans déjà et la pollution est permanente à cause de l’eau. L’investigation du 26 mars 2012 nous avait appris qu’il y avait 60 cm d’eau au fond de l’enceinte à une température d’environ 50°C, malgré un apport de plus de 100 m3/jour.  Le corium est donc bien proche et l’eau extrêmement contaminée file dans les sous-sols et la nappe phréatique. Le corium n’a pas besoin de s’être enfoncé dans le sol pour polluer la nappe phréatique et l’océan Pacifique.

De fait, les niveaux de pollution de la nappe phréatique en aval du réacteur 2 ont toujours été gigantesques. Les dernières données de Tepco relevées par le site Fukushima Diary montraient des niveaux importants en strontium 90 pour des échantillons pris non loin du réacteur 2, côté mer : puits 1-06 : 750 000 Bq/L, puits 1-14 : 54 000 Bq/L, puits 1-16 : 200 000 Bq/L (5 février 2016). Et il faut se souvenir que Tepco a avoué durant l’été 2013 que 300 m3 d’eau contaminée allaient directement des sous-sols de la centrale à l’océan Pacifique chaque jour.

 

Une partie du corium du réacteur 2 a pu aussi se déverser dans la piscine torique. On en retrouvera partout assurément. Il faut se souvenir du corium de Tchernobyl qui se trouve encore, 30 ans après les faits, réparti sur plusieurs niveaux de la centrale ukrainienne.

Répartition du corium de Tchernobyl. Aucun démantèlement depuis trente ans.

Répartition du corium de Tchernobyl. Aucun démantèlement depuis trente ans.

A Fukushima Daiichi, Hiroshi Miyano, professeur à l'Université Hosei et président de la commission d'étude pour le démantèlement de la centrale de Fukushima Daiichi, a déclaré que « Le niveau extrêmement élevé de radiations mesuré à un endroit, s'il est exact, peut indiquer que le combustible n'est pas loin et qu'il n'est pas recouvert d'eau ».

Mais les plus de 500 Sv/h relevés sous la cuve et le trou dans la grille risquent fort d’empêcher Tepco de poursuivre ses investigations comme il l’avait prévu. En effet, le petit robot qu’ils comptaient envoyer en éclaireur devait passer sur cette grille. Or il n’a pas été conçu pour rencontrer des débris collés à la grille ou des trous. Il était prévu également pour mener une mission de 10 heures (la dernière investigation avait donné une radioactivité de 73 Sv/h). La radioactivité ambiante réactualisée le rendra inutilisable probablement au bout d’une ou deux heures seulement.

Le robot que Tepco compte utiliser pour les explorations futures

Le robot que Tepco compte utiliser pour les explorations futures

Pour mémoire, le réacteur 2 de Fukushima Daiichi a subi une explosion, sans doute au niveau de la piscine torique, le 15 mars 2011 vers 6h10. A partir de cette date, une énorme quantité de radioactivité s’est échappée de ce réacteur qui, malgré ses murs extérieurs intacts, rejetait un panache de vapeur permanent par le trou du panneau d’évent (déjà ouvert le 13 mars 2011).

Panache de vapeur visible le 23 mars 2011

Panache de vapeur visible le 23 mars 2011

Trou du panneau d’évent du BR2 (façade est)

Trou du panneau d’évent du BR2 (façade est)

Cette radioactivité venait soit directement du puits de cuve, à la verticale du réacteur, comme le montre cette photo gamma (880 mSv/h en juin 2013) (ce qui prouve au passage que le couvercle de la cuve n'est plus étanche),

L’intérieur du réacteur 2 (d’après une photo gamma Tepco)

L’intérieur du réacteur 2 (d’après une photo gamma Tepco)

soit par une cheminée de ventilation provenant du sous-sol, qui est bien visible sur la photo ci-dessous (angle nord-ouest du bâtiment-réacteur).

Cheminée de ventilation du réacteur 2 (photo Tepco)

Cheminée de ventilation du réacteur 2 (photo Tepco)

On n’a donc pas fini de parler de Fukushima. Tepco compte sur 40 ans pour démanteler le site, mais il est probable que dans plusieurs siècles on en parle encore.

 

Pierre Fetet

 

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Documents de synthèse de Tepco

2 février :

http://www.tepco.co.jp/en/nu/fukushima-np/handouts/2017/images/handouts_170202_01-e.pdf

30 janvier :

http://www.tepco.co.jp/en/nu/fukushima-np/handouts/2017/images/handouts_170130_02-e.pdf

26 janvier :

http://www.tepco.co.jp/en/nu/fukushima-np/handouts/2017/images/handouts_170126_01-e.pdf

Vidéo du 26 janvier 2017

http://www.tepco.co.jp/en/news/library/archive-e.html?video_uuid=udr1gg5z&catid=61785

 

 

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Mise à jour (08/02/17)

 

Tepco a donné plus d'informations sur la localisation de la mesure de 530 Sv/h (qui d'ailleurs n'est qu'une estimation faite à partir de la caméra avec marge d'erreur de 30%).

Voici le nouveau schéma diffusé par l'opérateur qui montre l'endroit précis (point n°2) où l'estimation de 530 Sv/h a été faite, suivi de la photo reconstituée de l'endroit :

Schéma de localisation des mesures (merci à Masaichi Shiozaki pour la traduction !)

Schéma de localisation des mesures (merci à Masaichi Shiozaki pour la traduction !)

Partie de la passerelle où a été observée une masse de métal fondu très radioactif selon l'estimation (530 Sv/h)

Partie de la passerelle où a été observée une masse de métal fondu très radioactif selon l'estimation (530 Sv/h)

Si la masse fondue est du corium, on s'explique mal comment il a pu arriver à cet endroit. On observe également qu'il n'y a "que" 20 Sv/h sous la cuve (à l'entrée du socle), alors que l'on se rapproche du trou dans la plateforme. Les investigations futures dans ce secteur devront essayer de répondre à ces problématiques. Dernière remarque relevée par Masaichi Shiozaki : Tepco précise qu'au moment de l'arrêt du réacteur 2, donc en 2011, le débit de dose pour les assemblages de combustible était de plusieurs dizaines de milliers de Sv/h. Tepco nous habitue progressivement aux grands nombres. Plus on se rapprochera du corium, plus on mesurera une haute radioactivité. Ce qu'il ne faut pas confondre avec une augmentation de la radioactivité.

 

Source des deux dernières illustrations :

http://www.tepco.co.jp/nu/fukushima-np/handouts/2017/images1/handouts_170206_05-j.pdf

 

 

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Mise à jour (09/02/17)

 

Selon Kyodo News, lors du nettoyage de la passerelle avec un jet d'eau à haute pression, l'image transmise par la caméra est devenue sombre. Bref, la caméra a grillé. Tepco a relevé une radioactivité de 650 Sieverts par heure, soit 120 Sieverts de plus que la dernière mesure communiquée fin janvier. De ce fait, l'opération a été interrompue. Cela ralentit (voire compromet ?) la poursuite des investigations. La passerelle doit en effet être dégagée de tout débris pour laisser passer le petit robot prospecteur Scorpion, censé supporter une radioactivité de 1000 Sv/h.

(Source : http://english.kyodonews.jp/news/2017/02/457859.html)

 

Selon Tepco, les "sédiments" (peut-être des fragments de corium) ont été détachés sur un mètre (sur les 5 mètres planifiés). Car plus on approche du socle de la cuve, plus la couche est épaisse et difficile à décoller.

 

Localisation du nettoyage (Extrait du rapport de Tepco du 9 février 2017)

Localisation du nettoyage (Extrait du rapport de Tepco du 9 février 2017)

La vidéo du décapage des "sédiments" est visible à cette adresse :

http://www.tepco.co.jp/tepconews/library/archive-j.html?video_uuid=x9n765q1&catid=69619

 

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Mise à jour (15/02/17)

 

Tepco continue de communiquer des infos sur les investigations du réacteur 2.

La photo reconstituée montre que la plateforme comporte au moins 3 trous et qu'elle est déformée par endroit.

Vue globale de la plateforme (photo Tepco)

Vue globale de la plateforme (photo Tepco)

Plan de la plateforme. Les parties rouges sont manquantes.

Plan de la plateforme. Les parties rouges sont manquantes.

Le plan de la plateforme ne montre que deux trous. La photo commentée en montre un troisième du côté sud du réacteur non représenté sur le plan. On peut en déduire que le corium a fui par plusieurs trous depuis le fond de la cuve.

Le corium, en toute logique, doit se trouver en dessous, en fond de cuve de confinement, ou encore plus bas s'il y a eu une interaction corium-béton. Pour en savoir plus, le robot Scorpion devra s'approcher d'un trou et diriger sa caméra vers le fond de l'enceinte.

Source : http://www.tepco.co.jp/nu/fukushima-np/handouts/2017/images1/handouts_170215_08-j.pdf

 

 

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Mise à jour (16/02/17)

 

Le robot Scorpion est entré dans l'enceinte de confinement et s'est avancé sur la passerelle jusqu'à la plateforme sous la cuve, mais sans pouvoir aller plus loin car une chenille ne fonctionnait plus.

Le robot Scorpion avançant sur la passerelle

Le robot Scorpion avançant sur la passerelle

Ouverture du socle (photo Tepco)

Ouverture du socle (photo Tepco)

A trois mètres du socle, le robot a relevé 210 Sv/h et 16,5°C.

Extrait du rapport de Tepco

Extrait du rapport de Tepco

Vidéo de l'exploration visible ici :

http://www.tepco.co.jp/en/news/library/archive-e.html?video_uuid=ptc4lm8y&catid=61785

 

Rapport Tepco du 16/02/17 : http://www.tepco.co.jp/en/nu/fukushima-np/handouts/2017/images/handouts_170216_01-e.pdf

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Mise à jour (25/02/17)

 

Tepco diffuse à nouveau cette image du dessous du réacteur 2 avec les barres de contrôle.

Barres de contrôle sous la cuve du réacteur 2 (photo Tepco)

Barres de contrôle sous la cuve du réacteur 2 (photo Tepco)

Il diffuse aussi une nouvelle image de l'état de la passerelle avec ses trous.

Plateforme sous la cuve du BR2 (photo Tepco)

Plateforme sous la cuve du BR2 (photo Tepco)

Tepco diffuse également un rapport, mais uniquement en japonais.

Celui-ci envisage une autre mission robotique d'exploration du réacteur 2.

Toujours par le même conduit, un robot de même type que le précédent (assez fin pour passer dans un tuyau) sera envoyé sur une passerelle qui se situe autour du socle de la cuve. Après avoir fait la moitié du tour du socle, le robot laissera pendre une caméra et un dosimètre pour voir l'état de la base de l'enceinte de confinement à côté du socle. A cet endroit, on devrait également apercevoir une ouverture d'accès au dessous de la cuve du réacteur, là où en toute logique, le corium est tombé.

 

Chose très rare pour Tepco, une flaque de corium est représentée sortant par cette ouverture. Manifestement, Tepco s'attend à en trouver sur tout le fond.

 

A droite, corium apparaissant sous forme de flaque bleue (schéma Tepco-IRID : 燃料デブリの広がり(イメージ)

A droite, corium apparaissant sous forme de flaque bleue (schéma Tepco-IRID : 燃料デブリの広がり(イメージ)

Reconstitution de la passerelle autour du socle (photo Tepco)

Reconstitution de la passerelle autour du socle (photo Tepco)

Adresse du rapport complet (en japonais)

http://www.tepco.co.jp/nu/fukushima-np/roadmap/2017/images1/d170223_08-j.pdf

Le site du Mainichi a mis en ligne aujourd'hui des photos de l'intérieur du réacteur 5 de Fukushima Daiichi. Ces photos sont très intéressantes car elles permettent de voir en net ce que le robot voit en flou dans le réacteur 2.

La passerelle d'accès aux barres de contrôle du réacteur 5 (photo Mainichi)

La passerelle d'accès aux barres de contrôle du réacteur 5 (photo Mainichi)

La plateforme sous la cuve du réacteur 5 (photo Mainichi)

La plateforme sous la cuve du réacteur 5 (photo Mainichi)

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Mise à jour (10/05/17)

 

IRID et Tepco ont édité un rapport final en anglais sur les investigations du réacteur 2.

Il a été publié par le site Simply Info avec des commentaires à cette adresse :

http://www.fukuleaks.org/web/?p=16208

 

Du nouveau au réacteur 2 de Fukushima Daiichi

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15 décembre 2016 4 15 /12 /décembre /2016 21:51

Texte de de HORI Yasuo du 30 novembre 2016 traduit de l'espéranto par Ginette MARTIN et Paul SIGNORET

Texte original en espéranto

Le 30 novembre a eu lieu la fête de Zamenhof (événement en l'honneur de l'inventeur de l'espéranto) organisée par le Cercle de Mai dans la station thermale d'Īzaka dans la ville de Fukushima. Profitant de cette occasion, j'ai visité la ville de Fukushima et le mont Shinobu qui s'y trouve.

 

 

Comment on nettoie l'environnement dans les villes autour de la centrale nucléaire n°1 endommagée de Fukushima


     A trois minutes de marche de la gare de Fukushima se trouve ce qui s'appelle la "Plaza pour obtenir des informations sur le nettoyage" (http://josen-plaza.env.go.jp/). Dans cette Plaza, on distribue diverses informations sur la radioactivité et le nettoyage, donc, lorsque je vais à Fukushima, j'ai l'habitude de m'y rendre. Cependant, je n'ai jamais vu de visiteurs dans ce bureau et chaque fois deux ou trois préposés m'attendaient avec une expression ennuyée. Ce jour-là aussi, la situation était identique.

 

  Je m'intéresse à l'état du nettoyage dans les villes autour de la centrale nucléaire n°1 de Fukushima. Sur les tableaux blancs on pouvait lire l'état actuel dans ces villes,  par exemple celui-ci :

 

Villes

Transports de déchets

dans le lieu de stockage provisoire

Nombre d'ouvriers

Progression du travail de nettoyage

Minami-Sōma

transporté

4100

Maisons 100%, Forêts 100%, Champs 100%, Routes 100%

Ītate

transporté

1400

Maisons 100%, Forêts  99.8%, Champs  99%, Routes  95%

Namie

transporté

2300

Maisons 92%, Forêts 96%, Champs 96%, Routes 87%

Ōkuma

transporté

590

Maisons 100%, Forêts 100%, Champs  100%, Routes 100%

Tomioka

transporté

1200

Maisons 100%, Forêts 100%, Champs  99.9%, Routes 99%

 

 

  La centrale nucléaire n°1 est implantée dans les villes d'Ōkuma et Futaba. Namie et Tomioka sont des villes voisines, et Ītate est situé un peu loin de la centrale, mais le nuage nucléaire a flotté vers ce village et l'a fortement contaminé. Dans ces 5 villes et village, les gens ne sont pas autorisés à vivre, mais 9590 personnes en tout y travaillent pour nettoyer la terre. La moitié d'entre eux sont des habitants de Fukushima, l'autre moitié vient d'autres départements pour gagner un salaire.

 

 

       Selon les informations ci-dessus, presque tous les sites sont déjà nettoyés, mais ici "forêts" signifie "lisière de forêt dans un rayon de 20 mètres autour des maisons." On ne peut pas nettoyer de très vastes forêts, on a donc décidé de nettoyer juste quelques arbres autour des maisons afin que les habitants puissent vivre dans leur propre maison. Par conséquent, presque toutes les forêts sont encore si radioactives qu'on ne peut y prendre du bois pour cultiver des champignons, ni y cueillir des herbes et champignons comestibles. En outre, l'eau de pluie provenant des forêts peut à nouveau contaminer le sol où sont installées les maisons. 

 

    On va construire à présent, on construit, et on a déjà achevé une petite partie de "l'avant-dernier stockage  de déchets" ( On construira le stockage final dans 30 ans en dehors du département de Fukushima, et c'est là qu'iront ces déchets, mais personne n'y croit), or de nombreux propriétaires de terrain ne sont pas d'accord pour la vente ou le prêt de leurs terrains à l'État, si bien que la construction est très lente. Selon le tableau, on transporte maintenant les déchets de ces villes dans le lieu de stockage, mais je suppose que la quantité en est très faible. La plupart des déchets se trouvent encore dans ces villes.

 

      Sur les tableaux sont écrits les noms des entreprises qui font ces travaux. Toutes sont de grandes compagnies. Certes, elles en tirent un grand bénéfice, ainsi que de la construction de barrages anti-tsunamis le long de la côte de la région de Tōhoku. Nombreux sont ceux qui souffrent des suites du tsunami et de l'accident nucléaire, mais à l'inverse, ces entreprises rient sous cape de l'immense profit engendré, et je les soupçonne d'espérer que reviennent tsunami et accident nucléaire.

 

 

Efforts pour la sécurisation des productions


Encore beaucoup de gens pensent que les produits de Fukushima ne sont pas sûrs, c'est pourquoi le département de Fukushima essaye de dissiper cette mauvaise réputation auprès des gens. Pour cette raison, on fait différents efforts; par exemple, pour le riz on effectue ceci :

   1. le nettoyage des champs par retournement de la terre de sous-couche pour la mettre en surface, labourage plus profond, grattage de la terre de surface

   2. la prévention de l'absorption de césium radioactif dans le riz par épandage de grandes quantités de potasse dans les champs, car, lorsque la terre manque de potassium, le riz absorbe davantage de césium.

   3. l'examen de tous les sacs de riz. La norme maximale de radioactivité autorisée dans les productions est de 100 becquerels / kg. On examine tous les sacs de riz, et seuls les sacs en dessous de cette norme reçoivent l'étiquette "contrôlé" et pourront aller sur le marché. En 2014, 10.968.811 sacs ont été examinés, dont aucun ne dépassait la norme. 

 

  Pareillement les fruits, les légumes, le poisson et la viande sont contrôlés puis envoyés sur le marché. Sur la base de ces efforts, le département de Fukushima explique  que les productions de Fukushima sont les plus sûres du Japon, mais la sécurité et la paix appartiennent à d'autres catégories. Même si on comprend "la sécurité" dans sa tête, dans son coeur on ne peut pas l'accepter, car maintenant encore les productions de Fukushima ne sont achetées qu'après d'âpres marchandages et les agriculteurs se lamentent.

 

 

Au pied du mont Shinobu côté sud


Le pied du mont Shinobu côté sud était un lieu de prédilection pour les habitants. Beaucoup s'y promenaient, mais depuis l'accident nucléaire seulement quelques personnes courageuses y vont. Il est très proche de la gare de Fukushima. J'ai emprunté un vélo gratuit à la gare et je m'y suis rendu.

 

Au pied de la montagne se trouve le Musée Départemental de l'Art. Entre le musée et la montagne il y a un petit ruisseau. A un endroit, il y a 3 ans, c'était contaminé à 12 microsieverts par heure (la norme maximale est de 0,23). L'an dernier, le nombre était tombé en dessous de 10. Le ruisseau à présent était plein de feuilles mortes. J'ai mesuré sur les feuilles et le chiffre a affiché environ 6 microsieverts. Le chiffre cette fois a diminué de moitié, mais cet endroit est encore trop pollué pour être habitable.

   Le pied sud de la montagne était un endroit très agréable pour les habitants, car ils pouvaient profiter d'un beau panorama en direction du mont Azuma-yama, symbole du département. Mais maintenant, à côté de toutes les maisons, on voit des sacs verts contenant de la terre polluée. J'ai mesuré la radioactivité sur ces sacs. Les chiffres étaient d'environ 0,15 donc ici c'est habitable, mais les gens ne veulent pas vivre entourés de sacs verts. Beaucoup de maisons étaient vides. Lorsque cet "avant-dernier lieu de stockage" sera terminé dans Ōkuma et Futaba, ces sacs verts y seront dirigés, mais nous ne savons pas quand cela aura lieu.

Autour du Mont Shinobu dans la ville de Fukushima

   Je me suis dirigé ensuite vers l'ouest en longeant la montagne. Il s'y trouve un centre des impôts municipal et national, et à proximité une station émettrice de télévision. Dans ce lieu il y a un énorme stockage temporaire de déchets. Peut-être y avait-il là un parking auparavant.

Autour du Mont Shinobu dans la ville de Fukushima

A côté du stockage se trouve un dosimètre avec l'information suivante:

Cet entrepôt provisoire est une installation pour préserver temporairement et en toute sécurité la terre polluée etc., avant qu'elle soit transportée vers "l'avant-dernier stockage". A cet effet, l'installation est construite pour contenir les déchets nucléaires, empêcher la radioactivité de se répandre, observer les déchets et tenir les gens à distance.
Afin de maintenir le lieu de stockage sûr et rassurant, nous mesurons la radioactivité chaque semaine et l'eau souterraine chaque mois.
Afin de ne pas endommager le beau paysage du mont Shinobu, nous avons couvert la terre polluée avec une bâche de plastique vert.

Explications tout à fait ridicules ! Le lieu de stockage s'est rapproché des habitants et les inquiète. Est-ce que la couverture verte s'harmonise avec la montagne verte ? Nous ne savons pas quand ce monticule sera transféré à "l'avant-dernier stockage" que l'on construit à côté de la centrale nucléaire endommagée. Certes, beaucoup craignent que le monticule vert ne se dresse ici à jamais.

 

 

A côté de ce monticule se trouvent des maisons provisoires pour les réfugiés de la ville de Namie. Ils sont partis de leur ville parce qu'il y a là-bas une radioactivité forte mais invisible, or maintenant ils logent face à une radioactivité visible. Sur quelques fenêtres pendaient des kakis. C'est là un paysage d'automne symbolique du Japon, mais comme ils pendent tristement ici !

Autour du Mont Shinobu dans la ville de Fukushima

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8 décembre 2016 4 08 /12 /décembre /2016 07:02

Texte de de HORI Yasuo du 17 novembre 2016 traduit de l'espéranto par Ginette MARTIN et Paul SIGNORET

L'Asie nucléaire (source openstreetmap)

L'Asie nucléaire (source openstreetmap)

Article original en espéranto

Le Vietnam a retardé la construction de réacteurs nucléaires


Le 6 novembre, on a appris que le Parti communiste du Vietnam avait demandé au gouvernement de retarder la construction des réacteurs nucléaires, car c'est très difficile de dépenser autant d'argent pour cette installation. 

 

En 2010, le Japon a réussi à obtenir une commande de deux réacteurs nucléaires au Vietnam, mais à cause de cette dernière décision, la construction pourra être reportée à beaucoup plus tard, alors ce sera un grave revers pour le Premier ministre japonais Abe, qui a l'intention d'exporter le plus possible de réacteurs japonais à l'étranger pour la prospérité de l'économie japonaise.

 

Au Vietnam, en mars de cette année, le gouvernement a publié que le premier réacteur commencerait à fonctionner en 2028, mais plusieurs des membres du conseil d'administration nouvellement élus craignent une détérioration de la situation financière du pays en raison de cette construction et craignent aussi le danger de l'énergie nucléaire. Cependant, le responsable du ministère de l'économie a nié la possibilité d'arrêter la construction elle-même.
(Selon le journal Mainichi, du 7 novembre 2016)

 

 

Taïwan a décidé de démanteler toutes les centrales nucléaires pour 2025

 

A Taïwan, en 2015, l'électricité provenant des centrales nucléaires constituait  14,1%, et actuellement ce sont  3 réacteurs qui fonctionnent dans trois centrales. Après l'accident de Fukushima, l'opinion antinucléaire s'est durcie, et en mai Mme Tsai Ing-wen, qui a promis d'abandonner l'énergie nucléaire, a été élue présidente de Taïwan. Tous les réacteurs à Taïwan atteindront 40 années d'âge en 2025. Dans la loi qui sera révisée sur l'industrie de l'électricité, on inscrira clairement l'abandon des projets de restauration, et l'arrêt de tous les réacteurs pour 2025.

 

Le 23 octobre, dans le journal Asahi a paru une interview avec M. Lee (李世光), le ministre de l'économie de Taïwan, que je traduis ici.

 

– Pourquoi Taïwan se dirige-t-elle vers l'arrêt des centrales nucléaires ?
M. Lee: Après l'accident de Fukushima, l'opinion publique a beaucoup changé. Le nouveau gouvernement a montré son objectif clair d'abandonner tous les réacteurs et promouvoir l'énergie renouvelable. Lorsque le monde industriel constatera que cet objectif ne va pas vaciller, il investira positivement dans l'énergie renouvelable et il créera un grand changement.

 

– Il semble que le temps va manquer.
M. Lee: Avant que nous ayons montré clairement notre objectif, on a nous opposé la difficulté de compenser les 14,1% d'électricité que nous allions perdre, et on a manifesté un doute quant à la stabilité de l'énergie renouvelable, et la conclusion a été que dépendre de l'énergie renouvelable serait difficile ; et en ce qui concerne le traitement des combustibles usagés, on a cessé de réfléchir sérieusement et on a évité de conclure. Un tel état d'esprit est le plus grand obstacle pour les énergies renouvelables.

 

– Comment changerez-vous tout cela ?
M. Lee: Maintenant produire de l'électricité à partir de l'énergie solaire est techniquement assez au point, et les panneaux solaires deviennent bon marché. Pour Taïwan va naître une grande chance. Dans le détroit de Taïwan soufflent des vents forts, donc produire de l'électricité à partir du vent est une solution des plus envisageables. Cependant il manque une technologie suffisante pour Taïwan, donc nous attendons l'aide du Japon.

Aucune source d'électricité renouvelable ne peut, à elle seule, constituer l'énergie de base, mais nous y arriverons si nous combinons diverses sortes d'énergies renouvelables. Pendant ce temps, nous exploiterons la technologie du stockage d'énergie et ferons la promotion  des économies d'électricité.

 

– Cela est-il réalisable?
M. Lee:  Alors que nous visons à rejeter les réacteurs nucléaires, nous ne devons pas nous demander si nous pourrons remplacer l'énergie nucléaire par de l'énergie renouvelable, mais nous devons réfléchir à la politique à mener pour que nous ne laissions pas le problème des déchets nucléaires à la génération qui vient.

Taïwan a sagement choisi une nouvelle présidente, et s'est dirigée dans la bonne voie, tandis qu'au Japon, on a élu ce mauvais premier ministre et on lui permet de remettre en fonctionnement toujours davantage de réacteurs nucléaires  et on lui permet même d'exporter des réacteurs japonais à l'étranger.

 

 

Le Japon et l'Inde se sont mis d'accord sur l'énergie nucléaire


    Le 11 novembre, le Premier ministre japonais et le Premier ministre indien ont signé un accord sur l'énergie nucléaire. Grâce à cet accord, le Japon pourra exporter des réacteurs nucléaires en Inde (y compris des produits nucléaires, des machines, des équipements et de la technologie).

Centrales nucléaires en fonctionnement en Inde (Les chiffres indiquent le nombre de réacteurs)

Centrales nucléaires en fonctionnement en Inde (Les chiffres indiquent le nombre de réacteurs)

L'Inde a expérimenté une bombe atomique en 1974, et en 1998 elle l'a expérimentée une deuxième fois. Elle n'a pas signé le Pacte de non-prolifération des armes nucléaires (en anglais, Treaty on the Non-Proliferation of Nuclear Weapons: NPT), donc beaucoup craignent que cet accord ne facilite l'exploitation des armes nucléaires en Inde.

 

Le Japon a souffert, et souffre encore, des deux bombes atomiques larguées sur son sol, il a donc le devoir de proposer l'abolition des armes nucléaires dans le monde, mais le gouvernement actuel fait tout le contraire. M. Sakuma Kunihiko, représentant des victimes des bombes atomiques, a vivement protesté en disant :

"L'Inde n'a pas signé le Pacte. Les équipements nucléaires que nous allons exporter peuvent être utilisés pour produire des armes nucléaires.

L'accord qui vient d'être conclu est contraire à l'objectif du TNP, et en conséquence le Japon pourra se trouver engagé dans la production de davantage d'armes nucléaires en Inde ".

Le 27 novembre, le Japon refuse toujours de signer la résolution sur la tenue d'une session de l'Organisation des Nations Unies pour l'abolition des armes nucléaires. Maintenant, le Japon est devenu un pays qui ne mérite plus le respect du monde.

 

 

Tremblement de terre et centrales nucléaires en Corée

La politique nucléaire des pays voisins du Japon

Un tremblement de terre d'une magnitude de 5,8 s'est produit le 12 septembre en Corée. Ce séisme a eu lieu à proximité de deux centrales nucléaires: Wolseong ( ) avec 6 réacteurs et Kori ( ) avec 6 réacteurs ; et dans un rayon de 30 kilomètres autour de ces centrales vivent 3,8 millions de personnes. Le gouvernement insiste sur le fait que les centrales sont construites assez solidement pour résister aux tremblements de terre, mais les opposants proposent le démantèlement des réacteurs anciens et fragiles face aux séismes, et l'arrêt de la construction des nouveaux réacteurs n ° 5 et 6 dans la centrale nucléaire de Kori.
(Selon le journal Akahata du 20 septembre 2016)

 

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Une analyse critique des données concernant les rejets des eaux radioactives de la centrale de Fukushima Daiichi initiés en août 2023, dossier réalisé par la CRIIRAD qui tente de répondre à ces questions : Quels sont les principaux défis auquel est confronté l’exploitant de la centrale ? Quels sont les éléments radioactifs rejetés dans le Pacifique ? Les produits issus de la pêche sont-ils contaminés ? Est-il légitime de banaliser le rejet d’éléments radioactifs, notamment du tritium, dans le milieu aquatique ? Qu’en est-t-il en France ?

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