De novembre 2016 à février 2017, Tepco a mené diverses inspections robotisées dans le bâtiment réacteur 1 de Fukushima Daiichi visant à examiner l’enceinte de confinement et à contrôler l’état de la piscine de combustible où 67 tonnes de combustible nucléaire y sont encore coincées (292 assemblages de combustible usé et 100 assemblages de combustible neuf). Les médias français n’ont pas relevé cette information qui aurait pourtant fait la une de l’actualité en 2011. La raison en est peut-être que le document est resté à un niveau plutôt confidentiel : Tepco n’a fait aucune publicité de son rapport daté du 30 mars 2017 et s’est bien abstenu de le diffuser en anglais. Une autre raison, plus évidente en France, est qu’il n’est pas politiquement correct de montrer des images d’un couvercle en béton effondré dans un puits de cuve de réacteur atomique alors que le lobby nucléaire hexagonal n’a qu’un seul souhait : démarrer l’EPR de Flamanville malgré ses défauts de conception.
Suite à l’explosion du 12 mars 2011, le toit en béton et en acier du bâtiment réacteur 1 est tombé sur le niveau technique. Les inspections ont permis de découvrir que les éléments en béton du couvercle du puits de cuve du réacteur ont été soulevés, montrant des déplacements plus importants qu'on ne l'avait jusqu'alors supposé. En France, les autorités nucléaires avaient tout simplement écarté cette hypothèse pour le réacteur 1 pour rassurer l’opinion. Il avait été rabâché que seul le niveau 5 avait subi une explosion d’hydrogène. Or concrètement, pour que des dalles de plusieurs tonnes se soulèvent, il a fallu qu’une explosion se produise au moins dans le puits de cuve, voire plus bas dans l’enceinte de confinement.
La visualisation en 3D réalisée par Tepco montre la configuration des équipements endommagés. Le pont roulant et la machine de chargement du combustible sont tous deux situés au-dessus de la piscine de combustible, ce qui rendra problématique leur démantèlement futur. Il faudra trouver des astuces pour que des débris ne tombent pas plus bas dans la piscine afin de ne pas endommager le combustible. On remarque que le pont roulant a sa poutre nord très endommagée, ce qui suppose qu’elle a dû être soulevée par le souffle de l’explosion puis pliée sous son propre poids en retombant.
Le puits de cuve est habituellement recouvert de trois couches de béton, comme le montre le schéma ci-dessus. Chaque couche est composée de trois éléments formant un disque une fois assemblés. Ces éléments ont plusieurs fonctions : ils font écran à la radioactivité du réacteur, ils servent de plancher à la surface technique quand le réacteur est en marche et ils servent également à limiter la casse en cas de pépin au réacteur. Cette dernière fonction fait qu’en France, on les appelle « dalles anti-missile », non pas pour se protéger d’un missile provenant de l’extérieur, mais de la possibilité de la remontée subite des tiges de commande des barres de contrôle (qui sont dans la partie supérieure de la cuve dans les réacteurs français). A Fukushima Daiichi, cette remontée des barres est impossible car elles sont situées en fond de cuve.
Ce couvercle à trois couches n’est pas scellé hermétiquement. Tout tient en place uniquement avec le poids. Les conséquences de l’explosion ont fait que la dalle intermédiaire a été délogée en partie vers le haut et en partie vers le bas. La dalle inférieure est tombée dans le puits de cuve directement sur le couvercle de l’enceinte de confinement. Quant à la dalle supérieure, elle dépasse le niveau technique de son épaisseur alors qu’elle devrait être au même niveau que le plancher.
Des mesures de dose ont été effectuées autour du couvercle du puits de cuve : le débit augmente à mesure qu'on va vers le centre ; il s’agit probablement de la radioactivité provenant de la cuve du réacteur, bien qu’une rupture d’étanchéité du joint du couvercle aurait dû montrer de plus fortes doses sur les bords du puits de cuve. Le couvercle a-t-il été percé en son centre ? Ou bien existe-t-il une soupape de sécurité à son sommet, comme pour le couvercle de la cuve ?
Le débit maximal mesuré du côté de la piscine de matériel était de 512,7 mSv/h. Mais au centre des dalles, la radioactivité est de 2 230 mSv/h. Pour comparaison, Tepco avait mesuré en 2013 la radioactivité au centre des dalles du puits de cuve du réacteur 3 : elle était de 2 170 mSv/h. Cette comparaison de mesures montre que la fuite du BR1 semble similaire à celle du BR3.
Il y a un phénomène bien connu, déjà décrit par Arnie Gundersen : quand une enceinte de confinement est en proie à une pression ou une chaleur élevée, elle peut temporairement relâcher de la vapeur et des gaz. Mais on ne sait pas clairement si c'est ce qui s'est passé au BR1. Seul le démantèlement du puits de cuve permettra d’en savoir plus.
D’autres investigations, menées cette fois à l’intérieur de l’enceinte de confinement en mars 2017, on permis de conclure à la présence de corium en poudre au fond de la cuve. Plus de six ans après la catastrophe, les informations nous arrivent ainsi au compte-goutte… Des informations concernant l’explosion du BR1 commencent à sortir, en particulier un dossier, paru en février 2017, essayant de présenter les discussions concernant les évènements qui ont pu se produire dans le réacteur. Le document doit être passionnant mais il est disponible uniquement en japonais.
Pierre Fetet
[Je cherche un ou plusieurs traducteurs natifs pour traduire tranquillement tout ou partie du dossier japonais sur l'explosion du réacteur n°1. Me contacter par le formulaire de contact.]
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En savoir plus :
Rapport Tepco
Article de Simply Info
Fukushima Unit 1 Refueling Floor Inspection Results
(merci à Evelyne Genoulaz pour ses traductions)
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Dernière mise à jour : 02/09/17