20 mars 2016 7 20 /03 /mars /2016 08:18
Le 21 décembre à Futuba, Yuji Onuma assiste au démontage du panneau portant le slogan qu’il a inventé :   « L’énergie nucléaire : l’énergie pour un avenir radieux » (source KYODO)

Le 21 décembre à Futuba, Yuji Onuma assiste au démontage du panneau portant le slogan qu’il a inventé : « L’énergie nucléaire : l’énergie pour un avenir radieux » (source KYODO)

Article original publié le 29 février 2016 sous le titre: « Removal of pro-nuclear signs in Fukushima town irks slogan maker » sur le site Japan Today

 

Traduction : Evelyne Genoulaz

 

Source : Japantoday, 29 FEV. 2016. http://www.japantoday.com/category/national/view/removal-of-pro-nuclear-signs-in-fukushima-town-irks-slogan-maker . Ce lien a été supprimé depuis.

 

 

 

Koga au Japon - Quelques mois à peine avant le cinquième anniversaire de la catastrophe nucléaire au complexe de Fukushima Daiichi, une ville hébergeant la centrale sinistrée a entrepris de retirer deux enseignes qui affichaient non sans ironie le culte aveugle du Japon pour l’énergie nucléaire.

C’est un slogan qu’arborait le centre-ville à Futaba depuis 1988 :

 

« L’énergie nucléaire : l’énergie qui prépare un avenir radieux ».

 

Mais aujourd’hui la ville est morte, tous ses résidents ont été évacués faute à la contamination radioactive suite à la fusion de trois réacteurs.

Alors la ville a décidé d’enlever ces enseignes, au motif de leur décrépitude, disant qu’elles tombent en lambeaux. Mais Yuji Onuma, l’homme de 39 ans à l’origine du slogan icônique et lui-même un évacué, objecte que la ville choisirait de dissimuler un pan peu glorieux de son histoire.

« Il aurait fallu maintenir ces enseignes en place, pour rappeler aux gens, aux jeunes en particulier, ce à quoi la ville a dû faire face… Si on les ôte juste parce que cela ne colle pas avec la réalité, on court le risque de répéter les mêmes erreurs », s’est exprimé Onuma à Koga dans la préfecture d’Ibaraki, quand il s’en est allé en mai 2014.

 

Onuma a inventé ce slogan en 1987, c’était un travail d’écolier en dernière année de l’école élémentaire. A sa grande surprise, son propre slogan a été primé et se retrouva mentionné sur l’une des deux bannières pro-nucléaires qui pavoisèrent la ville.

Selon la ville, le contexte était alors à l’encouragement de soutiens locaux en faveur de l’énergie nucléaire. A cette époque, Futaba co-hébergeait déjà certains des six réacteurs de la centrale nucléaire et la ville faisait savoir qu’elle pouvait en accueillir d’autres encore, alléchée par la perspective de grosses subventions.

 

Onuma n’était encore qu’un enfant et pourtant il n’ignorait rien du risque d’accident nucléaire. Chernobyl en 1986 avait récemment ravivé la peur de la radioactivité.

Mais d’un autre côté, ses proches travaillaient à la centrale de Fukushima Daiichi et les cafés locaux ainsi que les commerces étaient florissants en raison de l’afflux des employés de TEPCO ou d’autres qui travaillaient dans le secteur du nucléaire. « On ne tenait pas de propos critiques sur le nucléaire quand ses proches travaillaient dans ce secteur. La ville était un microcosme d’environ 8 000 habitants », observe Onuma.

 

Un jour Onuma a quitté Futaba, puis il y est revenu en 2005 à l’âge de 29 ans. Il travaillait dans une société immobilière, a construit deux appartements – dont un juste à côté de la bannière qui affichait son slogan – qu’il a loués le plus souvent à des employés de TEPCO pour se faire un revenu complémentaire.

Il n’était pas peu fier de la bannière longue de seize mètres. Il se souvient qu’il avait raconté son histoire à son épouse, Sérina, 40 ans, et à ses beaux-parents lorsqu’ils avaient visité la ville à l’occasion de la cérémonie des fiançailles en 2010.

« Je leur ai présenté cette bannière, pour leur expliquer combien la ville et le nucléaire étaient liés, et que j’avais une certaine aisance avec ma location, grâce à TEPCO ».

 

Mais sa vie se trouva ruinée par l’une des pires catastrophes nucléaires au monde, déclenchée par les gigantesques séisme et tsunami du 11 mars 2011. Sa femme enceinte alors de sept mois et lui ont abandonné leur maison située à quatre kilomètres de la centrale.

Même au plus fort de la catastrophe, Onuma s’est remémoré l’enseigne parce que la télévision et tous les médias l’ont présentée comme le symbole de la ville. Il s’en est trouvé gêné.

« Cet accident a complètement changé ma façon de voir les choses » nous confie Onuma en ajoutant qu’il pense en définitive que l’énergie nucléaire a généré un avenir « maudit » plutôt que « radieux ».

Il a éprouvé du ressentiment contre cette énergie atomique en laquelle il avait eu confiance et, pour commencer à ne plus lui porter aucun crédit, il installa un générateur d’énergie solaire chez lui à Ibaraki puis il emprunta, acquit un terrain bon marché et y installa plus de 1 000 panneaux solaires.

 

Onuma est également devenu de facto le gardien des bannières promouvant l’énergie nucléaire à Futaba, depuis qu’il a réalisé en mars de l’année dernière que la ville était sur le point de les abandonner, faisant voter une provision de 4,1 millions de yens (36 000 $) au budget 2015 pour leur enlèvement.

Onuma a recueilli 6 502 signatures d’une pétition en faveur de la conservation dans la ville de cet héritage négatif ; le maire de Futaba, Shiro Ozawa, a maintenu la décision de décrocher les bannières mais il a promis de les « conserver avec soin » et de « les exposer » de nouveau le jour où la ville sortira de la crise.

Un officiel a évoqué un futur parc, mémorial de la catastrophe, mais rien de précis à ce jour.

 

En voyant en décembre qu’on ôtait son slogan de la bannière, Onuma s’est attristé de la rapidité de la mise à exécution, au regard d’une longue histoire. « Je suis déçu car le scénario n’est plus celui que j’ai connu, maintenant que ma ville tente de renaître ».

Tandis qu’on décontamine certaines parties de la ville, Onuma assure que peu font un projet de retour.

« Les bâtiments n’ont pas l’air d’avoir beaucoup changé, mais je me demande si les gens vont pouvoir revenir vivre ici sans appréhension, même après la décontamination » observe ce père de deux garçons de quatre et deux ans.

Bien que la quasi-totalité de la municipalité soit en zone de retour différé à long terme, Onuma ne perd pas espoir pour l’avenir, et il espère montrer un jour Futaba à ses enfants.

« J’aimerais partager avec mes enfants mon attachement pour ma ville natale » dit-il. « Je peux difficilement oublier mes racines…et puis je veux leur raconter ce qu’il s’est passé et pourquoi ils n’ont pas pu naître ni grandir dans cette ville pourtant si chère au cœur de la famille Onuma ».

 

Yuji Onuma et sa femme Serina étaient retournés le 9 novembre 2013 à Futaba. Ils avaient enfilé des vêtements de deuil au dessus de leurs combinaisons de protection pour aller enterrer les cendres de leur tante. (source : Vivre après Fukushima)

Yuji Onuma et sa femme Serina étaient retournés le 9 novembre 2013 à Futaba. Ils avaient enfilé des vêtements de deuil au dessus de leurs combinaisons de protection pour aller enterrer les cendres de leur tante. (source : Vivre après Fukushima)

Janick Magne, le 12 juillet 2014

Janick Magne, le 12 juillet 2014

Le photographe polonais Arkadiusz Podniesinski en 2015

Le photographe polonais Arkadiusz Podniesinski en 2015

Yuji Onuma en 2015

Yuji Onuma en 2015

La suppression des bannières pronucléaires dans une ville de la Préfecture de Fukushima hérisse le poil de l’inventeur du slogan
(Source AFP/JIJI)

(Source AFP/JIJI)

La suppression des bannières pronucléaires dans une ville de la Préfecture de Fukushima hérisse le poil de l’inventeur du slogan
La suppression des bannières pronucléaires dans une ville de la Préfecture de Fukushima hérisse le poil de l’inventeur du slogan
Démontage de la bannière en décembre 2015 (source Asahi Shimbun)

Démontage de la bannière en décembre 2015 (source Asahi Shimbun)

Aujourd'hui, la bannière n'est plus visible et l'entrée de la ville est interdite (source NEWSCOM/SIPA)

Aujourd'hui, la bannière n'est plus visible et l'entrée de la ville est interdite (source NEWSCOM/SIPA)

Vidéo du démontage sur le site de l'Asahi Shimbun

http://ajw.asahi.com/article/0311disaster/fukushima/AJ201512210058

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commentaires

T
Yuji Onuma 39 ans a l origine d un slogan present dans la ville depuis 1988, est ce une erreur ou il a vraiment inventé un slogan pronucleaire a 12 ans?
Répondre
P
La réponse est dans le texte : "Onuma a inventé ce slogan en 1987, c’était un travail d’écolier en dernière année de l’école élémentaire." L'article date de 2015, Onuma pouvait avoir 11 ans, soit l'âge d'une fin de CM2. Les municipalités organisent souvent des concours dans les écoles.
C
Merci d'avoir diffusé ce témoignage. Toutes les photos sont bouleversantes. Surtout celles de 2014, où les trottoirs envahis par les herbes folles font penser à Pripiat ...<br /> On essaie en vain d'imaginer ce que cela donnerait - Mmmm - disons, par exemple, du côté de Tricastin où une grande partie de la population rechigne à critiquer le nucléaire parce qu'elle tire ses revenus d'une centrale un peu moisie sur les bords ...
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R
Contribuera-t-il, un jour, à l'éducation des jeunes générations, en leur racontant la triple tragédie, ses illusions, ses erreurs ?
Répondre
J
Yuji Onuma nous a indiqué le sens de son action : " to prevent a nuclear plant accident from fading from the memory of people "...Faire son possible pour que les gens ne perdent pas la mémoire d'une catastrophe nucléaire.
G
C'est toujours gênant d'enlever une belle pancarte et de ne la remplacer par rien du tout. Peut-être en mettre une autre qui aurait été: 'Futaba essaie d'oublier"...?
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