3 octobre 2015 6 03 /10 /octobre /2015 18:09
Fukushima : les voix silencieuses

La réalisatrice Chiho SATO est née à Fukushima. Habitant en France depuis 2010, elle a vécu la catastrophe de Fukushima de manière terrible, comme beaucoup d’expatriés, car elle n’avait aucune nouvelle de sa famille. Quatre ans plus tard, ses proches habitent toujours dans la zone d'évacuation volontaire, à 60 km de l’ex-centrale nucléaire de Fukushima Daiichi. Aujourd’hui, elle souhaite réaliser un documentaire intimiste sur cette région radioactive, intitulé « Fukushima : les voix silencieuses », avec comme objectif de « ré-ouvrir le débat sur la situation à Fukushima en y incluant la voix des habitants eux-mêmes ».

Très intéressé par cette démarche, le Blog de Fukushima s’est rapproché de la réalisatrice pour lui poser quelques questions.

PF : Vous qui habitez en France depuis 2010, comment avez-vous vécu la catastrophe de Fukushima en 2011 ?

 

CS : C’était réellement une situation cauchemardesque. C'est une amie japonaise qui m'a averti du tremblement de terre le 11 mars. J'ai immédiatement essayé de téléphoner à mes parents, mais à ce moment-là les réseaux téléphonique étaient saturés, je n'ai donc pu joindre personne ! Pendant deux jours, et malgré mes tentatives d'appels heure après heure, je n'ai pu entendre leur voix. Les nouvelles à la Télé et sur internet étaient mes seules sources d'information. Ce qui a eu pour résultat de m'angoisser encore plus, car les images montraient en boucle les ravages du tsunami. Le 13 mars, j’ai enfin réussi à joindre ma famille sur le portable de ma mère. Ils n'avaient rien, la maison n’avait pas subi de dégât, j’étais vraiment émue. Mais ils n'avaient plus d'électricité. Ils vivaient comme à l'époque d’Edo (1600-1868) !! Ma mère avait juste réussi à recharger son portable grâce à un petit générateur à manivelle. Ma mère s’inquiétait des risques dus à l'explosion de la centrale mais apparemment les informations à la radio n'en parlaient pas.

Par contre, en France, le nom de ma province natale courrait sur toutes les lèvres. J'ai alors commencé à envoyer des informations à ma famille par SMS.

 

PF : Est-ce que la catastrophe atomique de 2011 vous a fait changer d’avis sur l’utilisation de l’énergie nucléaire ?

 

CS : Je me souviens quand j'étais adolescente, lycéenne à Fukushima city, on nous a présenté un dessin animé ventant le coté écologique et « vert » de la centrale nucléaire de Fukushima. Celle-ci étant l'une des principales sources d'énergie de la ville de Tokyo, son gestionnaire (TEPCO) avait tout intérêt à ce que les habitants et en particulier les enfants de la région est une bonne image de cette centrale. Mais mes parents étaient toujours ouvertement anti-nucléaires sans pour autant être militant. J'étais donc peu enclin à adhérer au message « greenfriendly » de TEPCO. Mais avant la catastrophe, je n'avais jamais été « activiste » anti-nucléaire. Malheureusement, et comme pour beaucoup de personnes j'en ai peur, il a fallu que le désastre me touche personnellement pour que je décide d'agir concrètement.

 

PF : Considérez-vous votre film comme un acte engagé anti-nucléaire ou comme un état des lieux montrant la vie des habitants de Fukushima de manière neutre, favorisant la réflexion?

 

CS : Au début avec ce projet, je voulais simplement faire un état des lieux. Montrer aux français le quotidien d'une famille de Fukushima. Peut-être aussi donner à voir des visages, des vies réelles, qui souvent sortent de nos esprits ou deviennent abstraites lorsque l'on entend parler d'une catastrophe à l'autre bout du monde.

Aujourd’hui, mon point de vue s'est développé, affiné au fil de mes recherches et des discussions. La mauvaise gestion de la crise par les autorités japonaises et TEPCO et les problématiques lié à la désinformation ont rendu mon regard beaucoup plus critique. Cependant je ne veux pas perdre ce qui est l'essence de ce film en particulier : l'intimité et le quotidien de ma famille. Je désire donc être un témoin actif (puisque diégétique) des craintes, des interrogations, des espoirs de ma famille et de leur entourage.

 

PF : En quoi votre film peut faire prendre conscience des dangers du nucléaire ?

 

CS : Pour ma part je ne suis pas spécialiste du nucléaire ou médecin, je ne peux, ni ne veux rentrer dans des considérations scientifiques dans mon film. Je ne veux pas non plus pointer du doigt des enfants malades de la thyroïde et crier « Regardez ! C'est à cause du nucléaire ! ». Il y a plein de gens plus compétent que moi pour le faire. Par contre, je peux parler, en connaissance de cause, d'une autre particularité du nucléaire : on en oublie vite ses nuisances.

Dans un des extraits que nous avons mis en ligne, mon oncle nous confie qu’il a tendance à oublier la présence de la radioactivité. Aujourd'hui, ma famille préfère se dire que les doses auxquels ils sont exposés sont faibles et donc sans danger. A Fukushima-city, la plupart des gens n’ont pas peur de vivre, de respirer, ou de manger dans un environnement pourtant contaminé. Il est très difficile de se méfier ou même de se rebeller contre quelque chose qu'on ne voit pas, qu'on ne sent pas, qui ne nous fait pas souffrir dans l'instant. Donc, je pense que la prise de conscience que j'aimerais amener serait que l'un des plus grands dangers du nucléaire c'est de n'y penser que lorsqu'une catastrophe survient puis de l'oublier aussitôt.

 

PF : En impliquant votre famille dans ce documentaire, ne craignez-vous pas qu’elle vous le reproche un jour ?

 

CS : C'est une très bonne question. Je me la suis posée et continue de me la poser bien sûr. Je crains parfois d'être trop intrusive avec la caméra au sein de notre foyer familial. Mais je leur ai bien expliqué que mon point de vue n'était pas un jugement sur leurs choix ou leur quotidien. C'est la première fois que je réalise un documentaire aussi intime, alors bien sûr il y a une certaine « prise de risque » lorsqu'on est à la fois sujet, acteur et réalisateur de son film. Mais ma famille est très bienveillante et compréhensive. Et je pense, (j'espère) que peu à peu, eux aussi sont heureux de raconter leur expérience, leur histoire.

 

PF : L’évacuation des territoires contaminés a divisé la société japonaise. Comment vous positionnez-vous sur le fait de rester ou de ne pas rester dans les territoires radioactifs ?

 

CS : En premier lieu, je suis choquée par la manière dont les dirigeants japonais gèrent la crise. Ils minimisent les problèmes de contamination pour relancer l'économie de la région. Personnellement, je pense que la zone d'évacuation n'est déjà, à l'heure actuelle, pas assez étendue pour protéger les citoyens. Mais là, les autorités veulent réduire le périmètre et inciter des familles entières à se réinstaller dans des zones encore largement contaminées. Cette politique me met hors de moi ! Pour ce qui est de déménager, ou non, du territoire contaminé je pense que le choix est réellement personnel et donc différent selon les moyens économiques et les sensibilités de chacun. Et je ne peux me résoudre à juger ce genre de décision. Ma sœur, par exemple, avait quitté la province de Fukushima après la catastrophe. Mais l'année dernière, elle, son mari et leur deux enfants de 7 et 10 ans sont revenus habiter dans la département, non loin de chez mes parents. Pour ma part il est clair que je ne voudrais pas élever mes enfants dans cette zone mais encore une fois je ne peux pas juger les choix de chacun.

J'aimerais juste que toutes les familles qui font ce choix soit entièrement conscientes des risques encourus. Que leurs choix ne soient pas faussés par des propagandes gouvernementales.

 

(Propos recueillis par Pierre FETET, mis en forme par Lucas RUE, mari et co-réalisateur de Chiho SATO)

 

-oOo-

 

A ce jour, il manque encore 1500 euros pour que le film puisse être finalisé. Si vous êtes intéressé par le projet de Chiho Sato, vous pouvez lui apporter votre soutien par une participation financière, aussi modeste soit-elle, en cliquant sur le lien suivant qui donne aussi une présentation détaillée du projet :

 

FUKUSHIMA : les voix silencieuses

 

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9 juin 2015 2 09 /06 /juin /2015 21:08
Ceci n’est pas une centrale accidentée

Ceci n’est pas une centrale accidentée

 

Par Fonzy (4ème témoignage)

 

« La situation à Fukushima est sous contrôle » a affrirmé le Premier ministre Shinzo Abe dans son discours en 2013 pour faire venir les Jeux Olympiques de 2020 à Tokyo. Evidemment, la centrale de Fukushima Daiichi n’est pas sous contrôle, elle a sans arrêt des problèmes et continue à contaminer notre Terre. Toutefois, l’Etat cherche à nous convaincre de sa déclaration tout en prenant diverses politiques, parmi lesquelles le retour d’habitants dans les villages interdits, divisés pour le moment en trois zones dont les appellations sont tellement incomprehensibles que j’ai du mal à les retenir ; la "zone de préparation au retour" (1-20mSv/an), la "zone d'habitat limité"  (20-50mSv/an) et la "zone de retour difficile" (plus de 50 mSv/an). En effet, il y a des villages à proximité de la centrale qui sont déjà redevenus ‘habitables’  bien qu’ils restent toujours très radioactifs. D’après les autorités, toutes les zones seront supprimées pour 2017 sauf la "zone de retour difficile".

zone de préparation au retour (partie verte) - zone d'habitat limité (partie orange) - zone de retour difficile (partie rose)

zone de préparation au retour (partie verte) - zone d'habitat limité (partie orange) - zone de retour difficile (partie rose)

  Ce qui m’indigne le plus, ce sont les politiques ciblant les enfants et les adolescents. Je vous donne deux exemples qui me paraissent moralement inadmissibles.

 

  Le lycée Futaba Mirai Gakuen a ouvert en avril 2015 dans le village de Hirono situé dans la zone de 25 km ( ! ) de Fukushima Daiichi. C’est une école municipale où étudient pour l’instant 152 lycéens, mais qui va accuillir aussi des collégiens dans un futur proche. Elle a été aussi homologuée par le Ministre de l’Education dans son programme de ‘Super Global Highschool’ destiné à former des ‘futurs leaders internationaux’. Ce n’est pas tout. Pour fêter son ouverture, il y a des célébrités qui sont venues à la cérémonie : le député Shinjiro Koizumi (fils de l’ex-Premier ministre Junichiro Koizumi), le poète Shuntaro Tanigawa, l’ex-astronaute Naoko Yamazaki, l’acteur Toshiyuki Nishida.... L’uniforme du lycée a été créé par le même couturier que celui du groupe AKB, groupe idole très célèbre composés de fillettes, qui ont visité l’école fin avril... Bref, on verse des sommes colossales pour dynamiser cette école qui se trouve sur le terrain hyper radioactif.

A la Cérémonie d’ouverture du lycée Futaba Mirai Gakuen (25 km de la centrale), des nouveaux élèves se réjouissent avec le député Shinjiro Koizumi (au milieu)

A la Cérémonie d’ouverture du lycée Futaba Mirai Gakuen (25 km de la centrale), des nouveaux élèves se réjouissent avec le député Shinjiro Koizumi (au milieu)

  L’autre exemple, c’est un voyage avec l’école. Au Japon, les enfants de 6e et de 4e partent normalement avec l’école passer une ou deux nuits quelque part dans les montagnes, au bord de la mer, ou près de sites historiques (par exemple, pour moi, c’était  Nikko et Kyoto il y a longtemps...). Fukushima, qui avait été l’une des destinations de voyage favorites, ne l’est plus depuis le 11 mars 2011, à cause de la catastrophe, bien entendu. Afin d’attirer plus de monde, le département de Fukushima commence à donner des subventions aux écoles qui le choisissent, et cette offre a enthousiasmé le préfet du département de Saitama (banlieue de Tokyo) qui l’a acceptée en disant qu’il faudrait soutenir nos amis de Fukushima. Par conséquent, dix écoles y vont cette année au lieu de deux en 2013 et de cinq en 2014. Le chef de Saitama espère doubler le nombre d’écoles qui partent à Fukushima l’année prochaine...

 

J’ai récemment visité l’exposition de René Magritte à Tokyo. A l’instar de Magritte, j’ai écrit, en dessous d’une photo de la centrale Fukushima Daiichi, « Ceci n’est pas une centrale accidéntée », parce que c’est justement ça qui se passe ici... Au lieu de souligner les dangers de la centrale ou de sensibiliser l’opinion publique sur la radioactivité, on encourage à visiter Fukushima, surtout les jeunes qui ont un grand avenir, qui sont suscetipibles d’être plus sensibles à la radiation. On n’y voit pas la centrale qui a explosé, qui a fondu jusqu’au meltdown, mais une centrale nickel sous contrôle...

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12 avril 2015 7 12 /04 /avril /2015 22:18

Quatrième témoignage de Permaria

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Action de protestation contre Tepco

Mouvement du refus « provisoire » de paiement

de facture d’électricité

 

 

Ayant fini une action protestataire contre Tepco à la succursale à Kawasaki, j’ai vu que l’aiguille de l’horloge de la gare marquait quatorze heures quarante-six. Ce n’était qu’une pure coïncidence, mais ce hasard m’était significatif car s’il n’y avait pas eu ce gigantesque séisme du 11 mars il y a quatre ans, je ne serais pas allée protester à Tepco avec Monsieur Ôtomi, jeune peintre et père de famille d’une trentaine d’année. Son fils a juste quatre ans. Le petit garçon avait quelques mois lors des évènements qui ont eu lieu du 11 au 15 mars 2011, avec l’explosion de trois réacteurs de la centrale de Fukushima Daïichi. Le jeune artiste s’inquiète beaucoup de la santé de son fils et aussi celle de la génération de son enfant. Ils habitent comme moi à Kawasaki, ville qui se trouve à 250 km de la centrale.

 

Si je n’avais pas appris que ce jeune homme avait créé, avec ses amis, un mouvement anti-nucléaire qui consiste à payer la facture d’électricité en retard au comptoir d’une banque, d’une supérette ou à la poste, un Yen de plus ou moins que la somme demandée, en inscrivant une petite phrase ou un mot pour exprimer notre refus de l’énergie nucléaire, je n’aurais pu dialoguer avec des employés de Tepco.

Action de protestation contre Tepco

L’action de protestation, le drapeau très saillant en couleur rouge et blanc et le dialogue avec les gens de Tepco, tout ça, c’est également pour lui une forme d’art, m’a-t-il dit. Nous sommes deux cents ou trois cents ou encore un peu plus qui sommes d’accord avec l’idée de Monsieur Ôtomi : le prélèvement automatique bancaire est la carte blanche au redémarrage des centrales nucléaires.

 

Voici des photos prises lors de la deuxième action protestataire en août de l’année dernière. Le 20 février, c’était la troisième action protestataire et pour moi c’était la première. Ce jour-là, Tepco ne nous a pas permis de prendre des photos dans leurs locaux. Sur l’affiche passée à un employé de Tepco, on lit nos demandes dont la première est le refus du redémarrage de la centrale nucléaire à Kashiwazaki Kariwa dans le département de Niigata.

 

Permaria

 

« Nos demandes : - Ne pas redémarrer la centrale nucléaire de Kashiwazaki-Kariwa dans le département de Niigata, - Démanteler toutes les centrales nucléaires, - Collaborer aux enquêtes effectuées par la justice, - Ne pas cacher les preuves de l’accident, - Réparer vite et sincèrement  tous les dégâts aux victimes et les sinistrés, - Traiter Tepco comme une entreprise en banqueroute et résoudre les problèmes de dette.

« Nos demandes : - Ne pas redémarrer la centrale nucléaire de Kashiwazaki-Kariwa dans le département de Niigata, - Démanteler toutes les centrales nucléaires, - Collaborer aux enquêtes effectuées par la justice, - Ne pas cacher les preuves de l’accident, - Réparer vite et sincèrement tous les dégâts aux victimes et les sinistrés, - Traiter Tepco comme une entreprise en banqueroute et résoudre les problèmes de dette.

Action de protestation contre Tepco

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31 mars 2015 2 31 /03 /mars /2015 11:34

Troisième témoignage de Permaria

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Est-ce que les aliments quotidiens sont pollués ?

Activités de la station de mesure de la radioactivité d’Akita

 

 

Je me souviens de l’été dernier 2014. Le taux de radioactivité de l’environnement dans la ville d’Akita était de 0.08μSV/h sur mon Geiger. C’était une valeur un peu plus élevée qu’à Kawasaki où j’habite. Mais c’est juste un peu plus et les habitants du département continuent de vivre comme si de rien n’était.

 

Au supermarché, on vendait du cabillaud au rayon poissonnerie. Il y avait une étiquette marquant la zone de pêche. On a appris qu’il venait d’Aomori mais pas plus. Aomori, c’est un département au bout de l’île de Honshu qui donne sur trois étendues d’eau : l’océan Pacifique, le détroit de Tsugaru et la mer du Japon. On ne savait donc pas de quelles eaux d’Aomori venait ce poisson vorace. Comme il y a une grande différence de taux de radioactivité entre les poissons pêchés dans l’Océan Pacifique et ceux de la mer du Japon, je n’ai pas eu envie d’en acheter, faute de précision.

Est-ce que les aliments quotidiens sont pollués ?

Les consommateurs avertis et méticuleux appellent ce poisson « champignon noir de la mer » parce que cet animal marin carnivore absorbe et accumule facilement les substances radioactives. Mais, dans cette ville provinciale de taille moyenne qu’est Akita, on dirait qu’aucun client ne payait d’attention à la provenance du cabillaud.

 

Le 25 février 2015, on a appris que Tepco avait laissé fuir de l’eau fortement radioactive vers l’Océan Pacifique, depuis déjà l’année dernière, sans rien dire. Cette nouvelle a indigné la société coopérative des pêcheurs à Iwaki, ville portuaire ayant de nombreux petits ports de pêche. Les pêcheurs n’ont plus confiance en la compagnie d’électricité.

 

Or, depuis justement l’année dernière, juste après la semaine d’Or au mois de mai, le Ministère de la Santé, du Travail et des Affaires sociales a arrêté de publier le rapport quotidien des résultats de mesure de radioactivité des aliments, mais seulement hebdomadairement. Je pense que ce n’est pas un travail correct pour un ministère qui se charge de la santé de la nation. Et puis, la publication hebdomadaire a rendu la tâche de lecture et de vérification très difficile parce qu’il nous faut lire une quantité de données en une seule fois pour comprendre la situation et qu’ il y a plus de décalage de temps qu’avant entre la publication des informations et les circuits  d’approvisionnement alimentaires. Mais, il faut choisir et acheter des produits agricoles et de la pêche non pollués pour vivre sain. Alors il faut éviter le cabillaud, les champignons, surtout les champignons noirs, et les poissons d’eau douce. Et je bois de l’eau minérale Crystal Geyser importée des Etats-Unis.

 

Mais l’automne dernier, j’ai découvert, par hasard, dans un film intitulé  “Nucléaire sauvage : Les îles du projet secret 4.1”, que les deux sources de Crystal Geyser n’étaient pas loin du désert du Nevada où ont été effectués plusieurs essais nucléaires pendant la guerre froide par le gouvernement américain. J’en ai tressailli : en évitant l’eau minérale japonaise douteuse, je courais au risque d’empoisonnement causé par l’exposition interne… Il m’a fallu vite faire mesurer la radioactivité de cette eau. C’était important.

 

Justement à Akita, il y a une station de mesure de la radioactivité, tenue par un couple bénévole. On peut voir tous les résultats des mesures de la radioactivité chez eux « Beguredenega ? » (N’y a-t-il pas de substance radioactive (Bq) dedans ? en dialecte d’Akita) sur leur site : http://ameblo.jp/metabolism-akita/entrylist.html

Alors, je leur ai envoyé une énorme quantité de Crystal Geyser, 43,56 litres !

 

L’eau a été soigneusement condensée jusqu’à la limite chez eux, envoyée au bureau de Monsieur Shozugawa, assistant à l’Université de Tokyo et mesurée par un détecteur Germanium avec haute précision. Le résultat a été rassurant : pas de substance radioactive qui dépasse la limite de détection. Alors, je continue de boire cette eau toute rassurée.

 

Mais, je pense en même temps qu’il faudrait faire mesurer toutes les eaux minérales produites au Japon. Les frais de mesure sont assez élevés, mais en groupe, on peut les partager. Si le résultat était bon, ce serait plus économique de consommer de l’eau minérale japonaise parce qu’on est au Japon. Seuls les résultats vraiment fiables scientifiquement pourront empêcher « le risque de réputation » des produits japonais.

 

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11 mars 2015 3 11 /03 /mars /2015 14:46

Voici le deuxième témoignage de Permaria.

" Ça fait déjà plus de sept mois que je suis allée à Akita, ville provinciale qui donne sur la mer du Japon. C’était un voyage de retour au pays natal pour ma tante bientôt nonagénaire, qui habite maintenant dans le département de Kanagawa.

Elle a longtemps travaillé pour Tohokuden (Tohoku Electric Power Company) qui alimente de courant électrique la région du Tohoku ( Nord-Est de l’île principale qu’est Honshu au Japon ) et aussi dans le département de Niigata.

La nouvelle de son arrivée à Akita a vite circulé parmi quelques ex-collègues beaucoup plus jeunes qu’elle. Ils étaient trois, dont une femme fraîchement retraitée et deux hommes, tous d’une soixantaine d’années. Ils ont rendu visite pour dire bonjour à son aînée du bureau.

Au moment du gigantesque séisme du 11 mars 2011, l’ex-employée travaillait dans la Centrale thermique à Noshiro, au nord du département d’Akita. Le tremblement de terre a automatiquement arrêté tous les réacteurs thermiques et cet arrêt n’a pas été provisoire : le séisme a provoqué une panne difficilement réparable et la centrale n’a pu produire d’électricité jusqu’à l’année suivante.

« C’était vraiment embêtant, nous a-t-elle dit, parce qu’on n’avait rien à vendre. » Rien à vendre, donc rien de profit pour la société. A cette difficulté de gestion s’est ajouté des voix démoralisantes venant des clients particuliers contre l’énergie nucléaire. La retraitée a dit : «  Maintenant, on sait bien que l’énergie nucléaire est dangereux. Avant, c’était différent.

 

Avant, avant… Est-ce vrai qu’avant on croyait à l’intégralité de la centrale nucléaire ?

Je me souviens bien d’un dîner de fin mars 1979 où ma tante a beaucoup parlé, excitée malgré son calme d’habitude, de l’accident nucléaire de Three Mile Island. D’après elle, c’était plutôt beaucoup de cadres du bureau, tous hommes à cette époque-là, qui avaient parlé, déboussolés, à haute voix, du danger de l’énergie nucléaire avérée originellement incontrôlable. Depuis cet accident, une méfiance est née vis-à-vis de cette énergie du rêve et a été couvée même parmi les employés de la compagnie d’électricité. Mais, j’ai compris que cette méfiance a été bien diluée avec le temps, malgré l’accident de Tchernobyl qui a eu lieu sept ans après l’accident de TMI.

   

Deux retraités très gentils, maintenant jardiniers amateurs, n’ont rien dit sur l’accident de Fukushima Daiïchi ni de l’avenir de leur employeur.

 

Maison mère de Tohoku-den, Tohoku-epco à Sendai, dans le département de Miyagi

Maison mère de Tohoku-den, Tohoku-epco à Sendai, dans le département de Miyagi

Tohokuden est l’exploitant de deux centrales nucléaires : Onagawa dans le département de Miyagi et Higashidôri dans celui d’Aomori. L’entreprise a eu beaucoup de protestations contre un éventuel redémarrage de leurs centrales, justement comme moi qui le fais contre Tepco à chaque payement de frais d’électricité.

« L’énergie est le sang de la société moderne basée sur les activités économiques », j’ai trouvé cette phrase citée dans le bulletin de l’association des retraités de l’entreprise. Tohokuden a longtemps soutenu et soutient l’industrie de sept départements nord-est de l’archipel en choisissant et changeant parmi des carburants et des ressources naturelles : charbon, essence, eau, uranium, plutonium, vent, rayon du soleil, chaleur de la terre et biomasse.

Selon le bulletin, dans un an, Tohokuden, comme toutes les compagnies d’électricités, doit faire face à la libéralisation du marché de l’électricité. Tout le monde peut en vendre et en acheter. Pour se préparer, cette entreprise a l’intention de construire trois nouvelles centrales thermiques et une centrale hydroélectrique, en visant la stabilisation de l’alimentation du courant. C’est ainsi qu’elle compte regagner la confiance des clients, une fois perdue à cause de l’arrêt des centrales thermiques mais aussi nucléaires lors du 11 mars 2011.

Est-ce qu’elle va redémarrer Onagawa et Higashidôri ? La prévision est difficile, mais, il peut y avoir de l’espoir pour les générations futures."

 

Permaria

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8 mars 2015 7 08 /03 /mars /2015 00:26
Ren Yabuki, un homme de cœur et d'engagement

J’ai rencontré Ren Yabuki il y a juste un an, alors qu’il accompagnait Naoto Matsumura dans son périple en Europe. Depuis 2010, il milite pour que les hommes respectent la vie animale. Il considère que tous les êtres vivants – humains, vaches, chiens, insectes, etc. – ont la même valeur. C’est pourquoi il n’est pas rare de le voir sauver les animaux qu’il rencontre sur son chemin, comme un insecte ou un ver égaré sur une route. Il a un respect total envers tout ce qui est vivant. Durant son voyage en France, il a fait preuve d’une grande curiosité envers notre pays. Partout où il allait, il tenait à s’excuser, au nom des Japonais, pour la catastrophe de Fukushima. Bien qu’il soit loin d’être responsable de ce désastre, il ressent une culpabilité collective que nous, Occidentaux, aurions du mal à exprimer ou même à ressentir. Nous ne parlions pas beaucoup à cause de la langue et du manque de temps – programme chargé de Naoto oblige – mais nous étions sur la même longueur d’onde : il fallait tout faire pour prévenir les gens afin qu’une catastrophe nucléaire ne se produise à nouveau. Photographe, il tenait aussi beaucoup à présenter ses œuvres montrant les animaux morts suite à leur abandon après l’évacuation. Des images chocs pour faire réagir les esprits endormis. Quatre ans après le début de la catastrophe, il m’a fait parvenir ce témoignage par l’intermédiaire de Fonzy qui en a réalisé la traduction. Merci à eux pour ce partage, pour ne pas oublier, et pour peut-être éveiller des consciences encore insouciantes.

PF

___________________

 

Bonjour à tous ! Je m’appelle Ren Yabuki. Je suis le président de l’ONG Life Investigation Agency (LIA), une association qui cherche à protéger l’environnement, la nature, et surtout les animaux. Je milite depuis la catastrophe de Fukushima avec Naoto Matsumura pour sauver les animaux qui vivent dans les zones interdites.

 

Je présente mes excuses tout d’abord du fait que nous, les Japonais, avons provoqué l’accident de la centrale nucléaire de Fukushima. Notre faute a été de rester indifférents en matière de politique énergétique et du « village nucléaire » au Japon. Je suis tellement désolé que Fukushima ne cesse de disperser d’énormes quantités de radionucléides et de contaminer notre Terre.

 

 

(avec Naoto Matsumura)

(avec Naoto Matsumura)

Après la catastrophe de Fukushima, en 2012, j’ai travaillé avec Naoto Matsumura pendant un certain temps. J’habitais avec lui dans sa maison à Tomioka situé dans la zone interdite de Fukushima, où je travaillais sans masque, ni combinaison Tyvek, ni gants, de sorte que j’ai eu la gorge toute gonflée et la langue tuméfiée. Cela me faisait très mal même quand j’avalais de la salive.

 

(mesure à Tomioka)

(mesure à Tomioka)

J’ai donné le biberon à un veau qui m’a mordu le pouce. Je me suis aussi fait mordre par un chien que je protégeais. Puisqu’il n’y avait pas d’eau courante, je lavais mes plaies dans une rivière contaminée... Les radionucléides pouvant entrer dans le corps par une plaie par exemple, j’ai trouvé, en rentrant chez moi, une tumeur noire dans mon talon gauche. Le médecin m’a dit que cela pourrait être un cancer, et que je devrais être hospitalisé.

 

(une tache noire sur mon pied)

(une tache noire sur mon pied)

Je me suis fait opérer et j’ai guéri. D’après le médecin, il y a des gènes qui sont endommagés que je dois faire se réparer tout en prenant une grande quantité de vitamines. Les vitamines seraient efficaces pour la réparation des gènes endommagés selon des recherches scientifiques. Toutefois, je suis tellement occupé avec mes animaux à protéger que j’oublie facilement de prendre des tablettes de vitamines. En plus, elles sont si coûteuses que je ne peux pas en prendre tous les jours.

Ren Yabuki, un homme de cœur et d'engagement

La radioactivité est une entité invisible qui n’a même pas d’odeur. Vous ne pourrez connaître sa présence qu’avec un compteur Geiger qui vous montre la contamination en microSievert, mais qui n’est jamais saisissable avec vos sens.

 

Tant qu’il y aura des centrales nucléaires et des armes atomiques, nous aurons à nouveau un accident comme celui de Fukushima. Une fois dispersés, les radionucléides contamineront toute la Terre, causeront maladies et morts précoces chez les humains et aussi chez les animaux.

 

Ren Yabuki, un homme de cœur et d'engagement
Ren Yabuki, un homme de cœur et d'engagement
(les photos que j’ai prises dans la ville de Tomioka, à 12km de la centrale de Fukushima Daiichi. Ce sont des animaux abandonnés et morts.)

(les photos que j’ai prises dans la ville de Tomioka, à 12km de la centrale de Fukushima Daiichi. Ce sont des animaux abandonnés et morts.)

Le nucléaire n’est pas nécessaire pour nous. Il faut abandonner les centrales nucléaires  dès maintenant. Il faut éliminer les armes atomiques dès maintenant.

 

 

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11 février 2015 3 11 /02 /février /2015 14:48

Le site lundimatin a commencé à mettre en ligne une série de trois témoignages concernant des Japonais qui ont réagi de manières différentes à la catastrophe nucléaire. Le premier entretien est consacré à Yuki qui a choisi de rester à Tokyo. Voici quelques extraits de son témoignage que vous pourrez lire en entier ou écouter dans l'édition originale « Rester à Tokyo ».

 

(source photo : lundimatin)

(source photo : lundimatin)

 

(…)

 

Est-ce que les générations d’irradiés s’additionnent ?

 

J’ai un ami qui fait partie de la troisième génération des irradiés, la première génération c’est ceux qui ont vécu les bombes de Hiroshima et Nagasaki, leurs enfants sont la deuxième génération et leurs petit-enfants la troisième, mon ami fait parti de ceux là.

 

Après l’accident, cet ami m’a dit : « Maintenant je suis irradié, donc je suis devenu un de la première génération des irradiés de Fukushima sans pour autant perdre ma qualité de membre de la troisième génération des irradiés de Hiroshima et Nagasaki, donc qu’est ce que je suis maintenant ? Est-ce que les générations d’irradiés s’additionnent ? Est-ce que je suis de la quatrième génération ? Qu’est ce que je suis devenu ? ». Je me suis rendu compte qu’un petit pays comme le Japon avait vécu plusieurs catastrophes nucléaires, dans une temporalité très courte.

 

La contamination n’est pas visible, elle n’a ni goût, ni odeur, pour cela, c’est seulement la peur qui s’accumule au fur et à mesure.

 

Je vis à Tokyo qui est une ville contaminée, mais la contamination n’est pas visible, elle n’a ni goût, ni odeur, pour cela, c’est seulement la peur qui s’accumule au fur et à mesure. Donc pour survivre dans ces conditions, j’ai établi plusieurs règles. La règle n°1 chez nous, c’est qu’on a mis un seau à côté de l’entrée et dès que l’on rentre dans la maison, on enlève tous nos vêtements pour les mettre dedans. Mon copain a très froid en hiver, ça me désole, mais je n’ai pas le choix. Et comme je me vois difficilement dire aux gens qui viennent chez moi de se mettre à poil, je n’invite personne... C’est une vie horrible.

 

J’adore les chats, j’ai toujours été une bonne amie des chats mais comme les chats vivent au sol, ils accumulent des radio-particules et de ce fait maintenant ils me font peur, donc je ne suis plus une bonne amie des chats. En hiver maintenant, je ne porte plus de pulls en laine, ni les chapeaux ou les écharpes, je préfère les matières plus lisses. Je me trouve assez dingue, donc je suis allé à l’hôpital psychiatrique, parce que mon copain n’éprouve pas cette radiophobie que je ressens et il trouvait que je m’inquiétais trop. Quand j’ai consulté le docteur, il m’a dit que je n’allais pas bien. Il m’a conseillé d’entamer une thérapie et m’a prescrit différents médicaments.

 

L’important ce n’est pas tellement la contamination mais l’ambiance générale qui règne à Tokyo, le tabou qui règne, et le fait que j’ai peur de dire que je suis effrayé par la radiation. Et quand je croise les gens qui s’en foutent complètement, ça me soulage tout de même parce que je me dis qu’il y a quand même des gens qui ont réussi à ne pas se faire reformater par l’accident de Fukushima.

 

« Et bien, il faut rentrer maintenant, c’est fini »

 

Lorsque je suis allé à Nagoya, la semaine que j’ai passé après l’accident chez Yabu, il y avait cette jeune femme avec un nourrisson. Cette dame, dont le mari est resté travailler à Tokyo, l’appelle au téléphone et lui dit « Et bien, il faut rentrer maintenant, c’est fini ! » et elle avait l’air très déstabilisée parce qu’elle est partie à Nagoya parce qu’elle avait peur des radiations et là, son mari qui exige d’elle qu’elle revienne... Alors si l’on met la famille en priorité, peut-être que j’ai tort mais j’ai voulu dire à cette femme : « ton choix de quitter Tokyo avec ton bébé était juste, tu avais raison de partir ».

 

Un mois après, il y a eu la grande manifestation à Tokyo à laquelle je me suis rendue. Là-bas, un ami m’a dit : « Mais pourquoi es-tu ici ? Tu vas être contaminée ».

 

 

(...)

 

 

 

________________________

 

 

Lire l'article en entier ou écouter le témoignage audio en cliquant sur le lien suivant :

 

 

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1 janvier 2015 4 01 /01 /janvier /2015 18:50

Voici le 3ème témoignage de Fonzy.

« Amusons-nous à Fukushima ! » dit cette publicité de Japan Railways, la compagnie des chemins de fer au Japon. Une croix rouge a été ajoutée par Fonzy : c'est l'emplacement de la centrale de Fukushima Daiichi.

« Amusons-nous à Fukushima ! » dit cette publicité de Japan Railways, la compagnie des chemins de fer au Japon. Une croix rouge a été ajoutée par Fonzy : c'est l'emplacement de la centrale de Fukushima Daiichi.

« Cela fait des mois que je ne vais plus aux manifs anti-nucléaires, ni aux conférences sur Fukushima. Je suis tout simplement lasse de ce qui se passe ici. Presque quatre ans se sont écoulés après la catastrophe de Fukushima, mais rien ne s’améliore. Au contraire, il y a de plus en plus de choses qui se détériorent. Depuis, nous avons eu deux législatives qui ont fini toutes les deux par la victoire « écrasante » du Parti Libéral Démocrate qui est au pouvoir depuis plus de 60 ans et qui est évidemment pronucléaire. En effet, le premier ministre Shinzo Abe est prêt à redémarrer toutes les centrales, et il a déjà donné son accord au redémarrage de Sendai, celle qui se trouve dans le sud du pays et qui est entourée de volcans très actifs... Ce n’est pas tout, mais ce qui me désole le plus, c’est l’indifférence de la plupart des Japonais vis-à-vis de la politique, du nucléaire, de Fukushima enfin, et de tout.

 

Fukushima, qui est « officiellement » sous contrôle, n’est plus le souci principal pour la majorité de mes compatriotes, malgré de petits incidents assez fréquents à Daiichi et l’augmentation du nombre d’enfants atteints du cancer de la thyroïde (112 enfants). Ils auraient oublié Fukushima, ou simplement veulent l’oublier, comme moi. Oui, j’ai voulu oublier Fukushima, la contamination de Tokyo, le césium dans les aliments, et le fait que Fukushima Daiichi soit toujours en état périlleux. Vous ne pouvez pas continuer à vivre tous les jours avec ces angoisses et ces tensions qui durent depuis déjà quatre ans.

 

Pour me distraire, j’ai participé à une chorale d’amateurs. Avec les choristes, c’était un autre monde ; personne ne parlait de Fukushima ni du césium, nous chantions joyeusement, car c’est une chorale formée uniquement pour chanter ‘l’Ode à la joie’ en fin d’année. (Au Japon, en fin d’année, c’est le moment de la Symphonie no9 de Beethoven.) Pourtant, les chants joyeux ne m’ont pas aidée à supprimer Fukushima de mon esprit.

 

Deux de mes amis sont décédés ces derniers mois ; l’un a été victime d'une dissection aortique aiguë et l’autre d’un cancer du poumon. Ils avaient tous les deux 51 ans. Impossible d’établir les relations entre leurs décès et la radioactivité. Toutefois je constate de plus en plus de personnes qui tombent malades, d’hospitalisations, de cataractes, d’herpès... Alors comment puis-je oublier Fukushima avec toutes ces anomalies qui commencent à se déceler ? Et comment les autres peuvent-ils l’oublier ? Font-ils semblant de ne pas voir la réalité ? Plus j’essaie de ne pas penser à Fukushima, plus je suis convaincue que ce n’est pas possible.

 

Notre concert est fini, et c’est maintenant le Nouvel an. J’espère que l’année 2015 vous apportera beaucoup de bonheurs et qu’elle apportera la paix à Fukushima. »

 

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13 octobre 2014 1 13 /10 /octobre /2014 21:42
« Ce que j'ai ressenti cet été dans mon pays, le Japon »

Après les témoignages de Fonzy et de Permaria, voici celui d’Ozu qui, en 2011, a choisi d’évacuer à cause des dangers de la radioactivité. Après être retournée dans son pays cet été, elle nous donne ses impressions sur le Japon de l’après-Fukushima qui semble, malgré la contamination persistante et les rejets toujours en cours, vouloir oublier la catastrophe nucléaire.

________________________

 

 

« Je suis rentrée au Japon cet été 2014 pour passer mes vacances. Ça faisait un an que je n'avais pas vu ma famille et mes proches donc forcément j'étais très contente de revoir mon pays mais un problème récurrent m'a empêché d'en profiter.

 

Après le 11 mars, c'était un vrai combat de tous les jours pour moi ; je me suis enfuie au sud du Japon et puis en France pour m'éloigner de la radioactivité qui fuyait de la centrale nucléaire de Fukushima (aujourd'hui, après réflexion, quitter temporairement mon domicile n'était peut-être pas la meilleure décision car je suis sortie à l'extérieur pour m'éloigner de Tokyo les 13 et 14 mars 2011,  dates où la radioactivité était très élevée).

 

Après cette évacuation, je suis rentrée chez moi à Yokohama (30 km de Tokyo) pour mon travail. Je devais réfléchir à comment éviter d'être contaminée de manière importante en vivant au Japon. J'ai cherché de la nourriture non-contaminée, c'est à dire des aliments provenant du sud ou de l'étranger, qui plus est dont le taux de radioactivité était mesuré. J'ai utilisé de l'eau minérale pour tout : boire, cuisiner, faire la vaisselle et même me brosser les dents. Ensuite, j'ai acheté un compteur Geiger pour mesurer chaque jour et dans chaque endroit où j'allais. Quand je sortais, je mettais un masque et je m'habillais de vêtements en polyester pour éviter que la radioactivité se dépose sur moi. J'ai aussi banni le plaisir d'aller au restaurant, du fait de l'incertitude de la provenance des aliments.

Après l'accident, ces contraintes sont devenues mon quotidien au Japon.

 

Cet été, lors de mon séjour au Japon, je suis beaucoup sortie au restaurant avec mes amis et j'ai également été invitée chez eux, mais cela, sans vérifier la contamination... pourquoi ?

Parce que la plupart de mes amis ne font pas attention à la contamination, « Fukushima » est  une chose déjà passée et très loin d'eux. Je n'ose pas parler de ce sujet avec eux sauf avec quelques uns. Malheureusement, j'ai deux catégories d'amis depuis l'accident : ceux avec lesquels je ne peux pas parler de ce sujet ; et les autres avec qui je peux en parler sans tabou.

Peut-être devrais-je dire à mes amis que je ne veux pas manger dans n'importe quel restaurant ni n'importe quel aliment quand je suis invitée chez eux, mais je ne le peux pas de peur de gâcher ces moments avec eux quand on se retrouve après une longue séparation.

Donc pour l'instant, quand je rentre au japon je continue de faire attention au maximum quand je le peux. Sinon j'essaie de me dire que « c'est une histoire de quelque mois...»

 

J'ai senti cet été que les médias japonais sont de pire en  pire, surtout depuis la décision d’accueillir les J.O. en 2020 à Tokyo ; la télévision est particulièrement catastrophique : « FUKUSHIMA » est présent mais il y a très peu d'informations sérieuses. Elles montrent souvent des reportages sur les habitants de Fukushima vivant très positivement malgré la contamination très importante : par exemple, les pêcheurs recommencent à pêcher, les agriculteurs récoltent du riz comme avant, et les japonais sont poussés à consommer des produits de la région (avec enthousiasme !) et même à faire du tourisme !

 

J'ai senti que cette ambiance de « soutien à Fukushima » existe partout au Japon ; par contre le vrai problème est de plus en plus tabou, ou tout simplement les gens pensent que cela ne les concerne pas. Il y a un antagonisme assez fort au japon, entre ceux qui ne veulent pas en parler, et ceux qui continuent à lutter ; malheureusement, c'est ce que j'ai ressenti cet été dans mon pays. »    

 

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Photo d’entête : statue de Jizô à Kamakura

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19 août 2014 2 19 /08 /août /2014 15:17

Avec ce deuxième témoignage de Fonzy, on se rend compte qu’en 2011 les Japonais n’étaient pas très au fait des dangers considérables qu’une centrale nucléaire pouvait faire encourir à leur pays et au monde. Les Français en sont-ils aujourd'hui plus conscients ?

Temple Tokei-ji à Kamakura,pendant notre promenade du 17 mars 2011

Temple Tokei-ji à Kamakura,pendant notre promenade du 17 mars 2011

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« Le 11 mars 2011, j’étais à la maison dans la banlieue de Tokyo quand le tremblement de terre a eu lieu. C’était une secousse qui était forte dès le début, et qui durait longtemps. La terre a été secouée comme un petit bateau frappé par de grandes vagues. Bien qu’habituée aux séismes, je n’en ai jamais connu de si violent. Prise de peur, je suis sortie sur le balcon et ai vu une grosse 4x4 s’ébranler de haut en bas. J’ai allumé la télé. Ils ne parlaient que du tremblement de terre, de tsunamis, de répliques, de transports perturbés, de victimes..., mais pas de centrales nucléaires ni de Fukushima.

 

Ce n’est que le 13 au matin que j’ai appris à la télé qu’il y avait eu un phénomène explosif dans la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi, et qu’ il avait provoqué un trou d’un diamètre de 50 m sur le bâtiment n°1, selon M. Edano, porte-parole du gouvernement. Qu’est-ce un phénomène explosif  ? Est-il différent de l’explosion ? Un trou d’un diamètre de 50 m ? Est-ce plutôt la destruction du bâtiment ? Le gouvernement essayait déjà de dissimuler la vérité mais, à ce moment-là, j’étais moins sceptique et plus naïve. Il disait qu’il y aurait des coupures pour quelques heures à cause  du manque d’électricité. Donc c’était plutôt un problème d’électricité, j’ai compris comme ça cette nouvelle. 

 

Je suivais aussi les informations sur les médias français ou britanniques, qui signalaient sans arrêt l’importance de l’accident de Fukushima Daiichi, mais je disais avec mon copain qu’ils exagéraient un peu trop : « C’est n’importe quoi ! Fukushima n'est pas Tchernobyl ! »

 

Mes amis français ont commencé à quitter Tokyo autour du 17 mars, soit avec un vol charter organisé par le gouvernement français, soit en passant par Osaka, une ville qui se trouve à l’Ouest du Japon. Ils m’ont envoyé des mails qui me déchiraient le coeur. J’avais aussi des amis qui me proposaient de m’héberger pour quelques semaines en France. Pourtant, je ne voyais pas trop la nécessité immédiate de l’évacuation. Mes parents voulaient rester chez eux à Tokyo (d’ailleurs ils croyaient que ce n’était rien à Fukushima), en plus j’avais moins peur de la radioactivité que des tremblements de terre, en tout cas à cette époque-là.

 

Toutefois j’ai été obligée de réaliser la gravité de l’accident fin mars. On parlait de plus en plus de la situation de Fukushima, même à là télé japonaise, et d’un ton plus sérieux : pastille d’iode, noyau du réacteur fondu, enceinte de confinement, meltdown, Sievert, Becquerel, césium... Tous ces termes étaient tout à fait nouveaux pour moi. Tout en m’informant sur Internet, je lisais tranquillement La Peste d’Albert Camus, qui me faisait pressentir des malheurs que l’on avait et que l’on aurait dans un futur proche à Fukushima. Oui, à ce moment-là, je croyais que c’était le problème de Fukushima, seulement à Fukushima... »

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Une analyse critique des données concernant les rejets des eaux radioactives de la centrale de Fukushima Daiichi initiés en août 2023, dossier réalisé par la CRIIRAD qui tente de répondre à ces questions : Quels sont les principaux défis auquel est confronté l’exploitant de la centrale ? Quels sont les éléments radioactifs rejetés dans le Pacifique ? Les produits issus de la pêche sont-ils contaminés ? Est-il légitime de banaliser le rejet d’éléments radioactifs, notamment du tritium, dans le milieu aquatique ? Qu’en est-t-il en France ?

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