Le site lundimatin a commencé à mettre en ligne une série de trois témoignages concernant des Japonais qui ont réagi de manières différentes à la catastrophe nucléaire. Le premier entretien est consacré à Yuki qui a choisi de rester à Tokyo. Voici quelques extraits de son témoignage que vous pourrez lire en entier ou écouter dans l'édition originale « Rester à Tokyo ».
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Est-ce que les générations d’irradiés s’additionnent ?
J’ai un ami qui fait partie de la troisième génération des irradiés, la première génération c’est ceux qui ont vécu les bombes de Hiroshima et Nagasaki, leurs enfants sont la deuxième génération et leurs petit-enfants la troisième, mon ami fait parti de ceux là.
Après l’accident, cet ami m’a dit : « Maintenant je suis irradié, donc je suis devenu un de la première génération des irradiés de Fukushima sans pour autant perdre ma qualité de membre de la troisième génération des irradiés de Hiroshima et Nagasaki, donc qu’est ce que je suis maintenant ? Est-ce que les générations d’irradiés s’additionnent ? Est-ce que je suis de la quatrième génération ? Qu’est ce que je suis devenu ? ». Je me suis rendu compte qu’un petit pays comme le Japon avait vécu plusieurs catastrophes nucléaires, dans une temporalité très courte.
La contamination n’est pas visible, elle n’a ni goût, ni odeur, pour cela, c’est seulement la peur qui s’accumule au fur et à mesure.
Je vis à Tokyo qui est une ville contaminée, mais la contamination n’est pas visible, elle n’a ni goût, ni odeur, pour cela, c’est seulement la peur qui s’accumule au fur et à mesure. Donc pour survivre dans ces conditions, j’ai établi plusieurs règles. La règle n°1 chez nous, c’est qu’on a mis un seau à côté de l’entrée et dès que l’on rentre dans la maison, on enlève tous nos vêtements pour les mettre dedans. Mon copain a très froid en hiver, ça me désole, mais je n’ai pas le choix. Et comme je me vois difficilement dire aux gens qui viennent chez moi de se mettre à poil, je n’invite personne... C’est une vie horrible.
J’adore les chats, j’ai toujours été une bonne amie des chats mais comme les chats vivent au sol, ils accumulent des radio-particules et de ce fait maintenant ils me font peur, donc je ne suis plus une bonne amie des chats. En hiver maintenant, je ne porte plus de pulls en laine, ni les chapeaux ou les écharpes, je préfère les matières plus lisses. Je me trouve assez dingue, donc je suis allé à l’hôpital psychiatrique, parce que mon copain n’éprouve pas cette radiophobie que je ressens et il trouvait que je m’inquiétais trop. Quand j’ai consulté le docteur, il m’a dit que je n’allais pas bien. Il m’a conseillé d’entamer une thérapie et m’a prescrit différents médicaments.
L’important ce n’est pas tellement la contamination mais l’ambiance générale qui règne à Tokyo, le tabou qui règne, et le fait que j’ai peur de dire que je suis effrayé par la radiation. Et quand je croise les gens qui s’en foutent complètement, ça me soulage tout de même parce que je me dis qu’il y a quand même des gens qui ont réussi à ne pas se faire reformater par l’accident de Fukushima.
« Et bien, il faut rentrer maintenant, c’est fini »
Lorsque je suis allé à Nagoya, la semaine que j’ai passé après l’accident chez Yabu, il y avait cette jeune femme avec un nourrisson. Cette dame, dont le mari est resté travailler à Tokyo, l’appelle au téléphone et lui dit « Et bien, il faut rentrer maintenant, c’est fini ! » et elle avait l’air très déstabilisée parce qu’elle est partie à Nagoya parce qu’elle avait peur des radiations et là, son mari qui exige d’elle qu’elle revienne... Alors si l’on met la famille en priorité, peut-être que j’ai tort mais j’ai voulu dire à cette femme : « ton choix de quitter Tokyo avec ton bébé était juste, tu avais raison de partir ».
Un mois après, il y a eu la grande manifestation à Tokyo à laquelle je me suis rendue. Là-bas, un ami m’a dit : « Mais pourquoi es-tu ici ? Tu vas être contaminée ».
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