Ceci n’est pas une centrale accidentée
Par Fonzy (4ème témoignage)
« La situation à Fukushima est sous contrôle » a affrirmé le Premier ministre Shinzo Abe dans son discours en 2013 pour faire venir les Jeux Olympiques de 2020 à Tokyo. Evidemment, la centrale de Fukushima Daiichi n’est pas sous contrôle, elle a sans arrêt des problèmes et continue à contaminer notre Terre. Toutefois, l’Etat cherche à nous convaincre de sa déclaration tout en prenant diverses politiques, parmi lesquelles le retour d’habitants dans les villages interdits, divisés pour le moment en trois zones dont les appellations sont tellement incomprehensibles que j’ai du mal à les retenir ; la "zone de préparation au retour" (1-20mSv/an), la "zone d'habitat limité" (20-50mSv/an) et la "zone de retour difficile" (plus de 50 mSv/an). En effet, il y a des villages à proximité de la centrale qui sont déjà redevenus ‘habitables’ bien qu’ils restent toujours très radioactifs. D’après les autorités, toutes les zones seront supprimées pour 2017 sauf la "zone de retour difficile".
zone de préparation au retour (partie verte) - zone d'habitat limité (partie orange) - zone de retour difficile (partie rose)
Ce qui m’indigne le plus, ce sont les politiques ciblant les enfants et les adolescents. Je vous donne deux exemples qui me paraissent moralement inadmissibles.
Le lycée Futaba Mirai Gakuen a ouvert en avril 2015 dans le village de Hirono situé dans la zone de 25 km ( ! ) de Fukushima Daiichi. C’est une école municipale où étudient pour l’instant 152 lycéens, mais qui va accuillir aussi des collégiens dans un futur proche. Elle a été aussi homologuée par le Ministre de l’Education dans son programme de ‘Super Global Highschool’ destiné à former des ‘futurs leaders internationaux’. Ce n’est pas tout. Pour fêter son ouverture, il y a des célébrités qui sont venues à la cérémonie : le député Shinjiro Koizumi (fils de l’ex-Premier ministre Junichiro Koizumi), le poète Shuntaro Tanigawa, l’ex-astronaute Naoko Yamazaki, l’acteur Toshiyuki Nishida.... L’uniforme du lycée a été créé par le même couturier que celui du groupe AKB, groupe idole très célèbre composés de fillettes, qui ont visité l’école fin avril... Bref, on verse des sommes colossales pour dynamiser cette école qui se trouve sur le terrain hyper radioactif.
A la Cérémonie d’ouverture du lycée Futaba Mirai Gakuen (25 km de la centrale), des nouveaux élèves se réjouissent avec le député Shinjiro Koizumi (au milieu)
L’autre exemple, c’est un voyage avec l’école. Au Japon, les enfants de 6e et de 4e partent normalement avec l’école passer une ou deux nuits quelque part dans les montagnes, au bord de la mer, ou près de sites historiques (par exemple, pour moi, c’était Nikko et Kyoto il y a longtemps...). Fukushima, qui avait été l’une des destinations de voyage favorites, ne l’est plus depuis le 11 mars 2011, à cause de la catastrophe, bien entendu. Afin d’attirer plus de monde, le département de Fukushima commence à donner des subventions aux écoles qui le choisissent, et cette offre a enthousiasmé le préfet du département de Saitama (banlieue de Tokyo) qui l’a acceptée en disant qu’il faudrait soutenir nos amis de Fukushima. Par conséquent, dix écoles y vont cette année au lieu de deux en 2013 et de cinq en 2014. Le chef de Saitama espère doubler le nombre d’écoles qui partent à Fukushima l’année prochaine...
J’ai récemment visité l’exposition de René Magritte à Tokyo. A l’instar de Magritte, j’ai écrit, en dessous d’une photo de la centrale Fukushima Daiichi, « Ceci n’est pas une centrale accidéntée », parce que c’est justement ça qui se passe ici... Au lieu de souligner les dangers de la centrale ou de sensibiliser l’opinion publique sur la radioactivité, on encourage à visiter Fukushima, surtout les jeunes qui ont un grand avenir, qui sont suscetipibles d’être plus sensibles à la radiation. On n’y voit pas la centrale qui a explosé, qui a fondu jusqu’au meltdown, mais une centrale nickel sous contrôle...