Que se passe-t-il à l’IRSN, l’institut de radioprotection et de sûreté nucléaire ? Cette institution publique française de renommée internationale, connue pour réaliser des études de haut niveau, n’hésite pas à mentir pour on ne sait quelle raison obscure. Est-ce parce que la France est un pays nucléarisé qu'il lui est impossible d'être indépendant et de dire les choses simplement comme elles sont ?
Alors qu’on se rapproche d’un accident nucléaire sur le territoire français, accident qui semble inéluctable pour tous les hauts responsables de la sécurité nucléaire (Jacques Repussard, Pierre-Franck Chevet), l’IRSN ne peut s’empêcher de renouer avec des pratiques honteuses de son ancêtre le SCPRI, dirigé en 1986 par le professeur Pierre Pellerin qui affirmait que le nuage radioactif de Tchernobyl n’aurait aucune incidence sur le plan de la santé publique.
Les près de 1800 personnes qui travaillent à l’IRSN ne sont certes pas toutes responsables des dérives constatées, il s’agit plus probablement d’une orientation générale maîtrisée par quelques personnes au sommet de la structure décisionnelle pyramidale, et plus vraisemblablement de consignes complexes provenant des cinq ministères de tutelle dont l’institution dépend (environnement, recherche, industrie, défense et santé).
Les chargés de communication de l’IRSN ont-ils des consignes en ce qui concerne le plutonium, les explosions de centrales nucléaires ou les effets du corium ? En attendant de connaître les éventuels donneurs d’ordre, c’est ce que l’on peut supposer quand on lit ces dernières informations.
1) Le plutonium et le strontium ne seraient pas présents au Japon !
Dans un article anonyme publié dans la revue « Repères » de l’IRSN (n°29, avril 2016, p. 8), on trouve cette phrase incroyable : « De plus, la catastrophe en Ukraine a libéré du strontium et du plutonium – très toxique – qui ne sont pas présents au Japon. »
C’est complètement faux.
Du plutonium a été retrouvé non loin de la centrale de Fukushima dès 2011. Il a été identifié par le professeur Masayoshi Yamamoto, de l’université de Kanasawa. Du strontium également. Des cartes de localisation du plutonium issu de la catastrophe de Fukushima ont même été réalisées en 2012 par le METI (ministère de l'économie, du commerce extérieur et de l'industrie du Japon). Une équipe de recherche en a par ailleurs trouvé en Lituanie, c’est dire que le plutonium de Fukushima a bien voyagé autour du monde. Sauf semble-t-il pour l’IRSN qui, comme le SCPRI de 1986, nie la réalité. Alors que la toxicité du plutonium n’est plus à démontrer, l’IRSN s’implique dans un déni de son existence, comme d’autres scientifiques japonais s’impliquent dans le déni de sa dangerosité. Il faut rappeler ici qu’à Fukushima, trois réacteurs ont perdu leur confinement, ce qui permet à tous les radionucléides, sans exception, de s’échapper en permanence dans l’environnement.
2) Une centrale nucléaire ne pourrait pas exploser !
Dans le site de l’IRSN, on trouve également cette étonnante réponse anonyme : non, une centrale nucléaire française ne peut pas exploser. Les centrales nucléaires étrangères, oui (Tchernobyl, Fukushima), mais pas les centrale nucléaires françaises !
Or c’est complètement faux.
Dans un rapport (*) conjoint de l’ISN et du CEA datant de 2006, toutes les possibilités d’un accident majeur sont explorées, dont les explosions de vapeur et les explosions d’hydrogène. L’IRSN développe donc deux discours, l’un pour les spécialistes qui explique que l’explosion est possible, l’autre pour le public qui explique qu’elle est impossible.
Et p. 87, l’IRSN et le CEA d’avouer : « Il est difficile, en tout point et en tout instant, d’empêcher, malgré l’implantation de recombineurs, la formation d’un mélange combustible et susceptible de conduire à des phénomènes d’accélération locale de flamme ». Je traduis : « phénomènes d’accélération locale de flamme », ça veut dire « explosion d’hydrogène » dans le langage normal.
(*) R&D relative aux accidents graves dans les réacteurs à eau pressurisée : Bilan et perspectives, IRSN, CEA, 2006.
3) Un corium avoisinerait les 2000°C !
Dans un article du site Industries et technologies du 2 mai 2016, Thierry Charles affirme : « Dans le cas d’une fusion du cœur par exemple, le corium, dont la température avoisine les 2000°C, peut traverser la cuve (…) »
C’est faux ! Un corium peut avoir des températures allant jusqu’à 3500 K, soit 3226°C. (Cf. Christophe Journeau. L'étalement du Corium : Hydrodynamique, Rhéologie et Solidification d'un Bain d'Oxydes à Haute Température. Energie électrique. Université d'Orléans, 2006, p. 46)
Thierry Charles confond la difficulté d’obtenir des températures élevées lors des expérimentations avec la réalité d’un accident.
Cette même personne qui, il faut le préciser, est actuellement directeur général adjoint chargé de la sûreté nucléaire à l’IRSN, affirmait en avril 2011 que les habitants évacués de Fukushima allaient pouvoir revenir d’ici 3 mois alors qu’il savait très bien ce cela serait impossible, le césium ayant une demi-vie de 30 ans, c’est-à-dire qu’on en retrouverait encore durant les 300 prochaines années.
Baisser la température du corium de 1000 degrés revient à minimiser ses dangers, comme l’avait fait cinq ans plus tôt son collège Olivier Isnard qui considérait que la perte d’un corium n’était pas forcément un problème pour l’environnement.
L’IRSN ayant déjà eu d’autres antécédents de ce type dans les années passées, il était logique de lui consacrer une parodie. En effet, peu d'humoristes se sont penchés sur cette organisation qui pourtant mérite largement qu’on se moque de sa minimisation presque systématique face au réel danger nucléaire. D'où la réalisation d’un sketch le 23 avril 2016 à l’occasion de la conférence évènementielle Tcherno23.
Pierre Fetet
Sources qui ont servi à réaliser le sketch
Ce sketch a été élaboré à partir de documents et faits réels dont vous pourrez retrouver les sources ci-dessous.
Propos de Pierre Pellerin sur TF1 le 28 avril 1986 : « Il s'agit d'une radioactivité qui est mesurable, mais qui ne présente aucun inconvénient sur le plan de la santé publique, [...] sauf peut-être dans le voisinage immédiat de l’usine, et encore c’est surtout dans l’usine que je pense que les Russes ont admis qu’il y avait des personnes lésées »
Pierre Pellerin, communiqué de presse du SCPRI du 30 avril 1986 à minuit : « Situation dans l’ensemble stationnaire. On note cependant, sur certaines stations du sud-est une légère hausse de la radioactivité atmosphérique, non significative pour la santé publique »
http://rue89.nouvelobs.com/2013/07/16/nuage-tchernobyl-lenquete-corse-completement-fumeuse-244265
Thierry Charles, IRSN, dans Le Monde du 11 avril 2011 : « [La zone d’exclusion de Fukushima] a été élargie à 30 km. Cela correspond à la zone post-accidentelle, où l'on observe des dépôts de radioactivité au sol. Nous pensons que c'est une mesure raisonnable. L'iode 131 est un radioélément à vie assez courte, elle décroît d'un facteur 2 chaque semaine. Dans trois mois, son niveau sera complètement secondaire et les habitants pourront théoriquement revenir. »
Le programme ETHOS vu par Michel Fernex
Les faibles doses rendent malade.
http://independentwho.org/media/Documents_Autres/Actes_forum_IW_november2014_French_01.pdf
http://www.fukushima-blog.com/tag/symposium%20de%20new%20york/
Information de l’IRSN : « Une centrale nucléaire peut-elle exploser ? Non. Les centrales nucléaires françaises sont conçues pour ne pas pouvoir exploser. »
http://www.irsn.fr/FR/connaissances/faq/Pages/Une_centrale_peut_elle_exploser.aspx
Dans le sketch, l’expression « excursion de puissance » est exagérée pour parler d’explosion. Selon l’ASN, une excursion de puissance est une « augmentation très rapide et momentanée de la puissance d'un réacteur au-delà de la puissance de fonctionnement ». A Tchernobyl, l’excursion de puissance a conduit à l’explosion du réacteur.
http://www.asn.fr/lexique/mot/%28lettre%29/95315/%28mot%29/Excursion%20de%20puissance
Rétention d’information : l’IRSN tarde à publier des informations importantes en français
Rapport de l’IRSN : « Les rejets radiologiques massifs diffèrent profondément des rejets contrôlés »
Rapport de la Cour des Comptes du 31 janvier 2012 « Les coûts de la filière électronucléaire » page 425 : coût de 1000 milliards d’euros
https://www.ccomptes.fr/Publications/Publications/Les-couts-de-la-filiere-electro-nucleaire
Participation de 91,5 millions d’euros pour EDF en cas d’accident grave.
http://www.assemblee-nationale.fr/14/cr-cenucleaire/13-14/c1314044.asp
L’IRSN est sous la tutelle du ministère de la défense.
http://www.irsn.fr/FR/IRSN/presentation/Pages/Presentation.aspx#.VxZ_u3pZ6T8
Jean-Marc Jancovici : « Un accident de centrale est une excellente nouvelle, car cela crée instantanément une réserve naturelle parfaite ! »
Eric Besson à propos de Fukushima le 12 mars 2011 : " A ce stade et selon les informations dont on dispose, [on est en présence] d'un accident grave mais pas une catastrophe nucléaire".
Nicolas Sarkozy en mars 2012 : « L’accident de Fukushima n’est pas un accident nucléaire »
http://www.observatoire-du-nucleaire.org/spip.php?article116
Shinzo Abe, le 7 septembre 2013, Buenos Aires : « Aujourd’hui, sous le ciel bleu de Fukushima, des enfants jouent au ballon et regardent vers l’avenir. Pas vers le passé. »
Article de l’IRSN, revue Repères page 8 : « La catastrophe en Ukraine a libéré du strontium et du plutonium – très toxique – qui ne sont pas présents au Japon. »
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Dessin d'entête : Julien Loïs
Dessin ci-dessous : Cardon