Texte de de HORI Yasuo du 8 mai 2016 traduit de l'espéranto par Ginette MARTIN
avec l'aide de Paul SIGNORET. Relecture Janick Magne.
Article original en espéranto
Aujourd'hui nous sommes le 8 mai. Plus de 3 semaines déjà se sont écoulées depuis le début des tremblements de terre de Kumamoto, or ils se poursuivent encore. Ci-dessous, voici leur nombre du 14 au 28 avril :
Lorsque le terrible tremblement de terre de 2011 a eu lieu, j'ai ressenti pour la première fois un séisme d'intensité 5 dans ma ville. Ce fut le plus fort séisme que j'aie éprouvé au cours des 70 dernières années. Si même les secousses de niveau 1 à 3 nous font peur, quelles inquiétudes doivent donc éprouver les habitants de Kumamoto !
Voici les dommages jusqu'au 2 mai :
* "Décès induits" fait allusion aux victimes décédées par manque de nourriture et de soins, ou en raison de la dégradation de leurs conditions de vie après les séismes. Beaucoup d'entre elles sont décédées des suites du "syndrome de la classe économique" (le nom vient du fait que ce syndrome atteint surtout les passagers de la classe économique sur les vols long courrier) car, contraintes de dormir dans leur voiture, elles ont été victimes d'embolies cardiaques ou cérébrales.
Les dommages aux bâtiments
J'ai été surpris en voyant à la télévision que de nombreux bâtiments en béton avaient été détruits. Beaucoup d'entre eux avaient été construits selon les anciennes normes parasismiques datant d'avant le tremblement de terre de Kōbe de janvier 1995. Les normes ont évolué après 1995, mais pour rénover et renforcer les bâtiments cela coûte cher, aussi reste-t-il encore de nombreux bâtiments insuffisamment consolidés. Cette fois-ci, ont eu lieu deux puissants tremblements de terre successifs, auxquels ils n'ont pas pu résister.
Les dommages aux maisons
Actuellement, on examine toutes les maisons afin de connaître leur degré de dangerosité. La préfecture de Kumamoto a fait savoir que parmi les 35 000 maisons déjà examinées, 9 994 sont considérées comme «dangereuses» (il est dangereux d'y entrer), 11 437 comme "nécessitant des précautions" (il faut faire attention en y entrant) et 14 349 comme "sûres pour l'instant". Le nombre de maisons détruites est deux fois supérieur à celui observé lors du tremblement de terre de Chūetsu (Niigata) en 2004.
Une enquête auprès de 19.000 réfugiés, a révélé les motifs de départ suivants :
69,5% Par crainte des tremblements de terre
39,7% Conditions impropres à la survie
33,3% Logement rendu inhabitable en raison du déplacement des meubles
14,0% Maison détruite ou endommagée
Suite à cette étude, les autorités ont conclu que 2 490 familles auraient besoin d'une nouvelle maison.
Dommages à l'agriculture
La préfecture de Kumamoto fait savoir que son agriculture souffrirait d' une perte de 76,7 milliards de yens (767 millions d'euros) en raison des dégâts occasionnés. Dans la ville de Mashiki, où se trouvait l'épicentre du séisme, on trouve par endroits des routes et des champs endommagés. Les conduites et les réservoirs d'eau sont également endommagés. M. Nakagawa Aritomo, 69 ans, confie ceci: « Les champs ne seront pas irrigués, donc je ne peux pas planter de riz. Je ne peux m'empêcher de pleurer en pensant que nous ne pourrons pas voir de belles rizières cette année". Sa maison a été détruite, et maintenant il vit avec sa fille dans la ville de Kumamoto.
Beaucoup d'animaux d'élevage sont morts :
Vaches à lait |
150 |
Bovins à viande |
600 |
Porcs |
550 |
Chevaux à viande |
10 |
Volailles |
540 000 |
Le château de Kumamoto est très endommagé
Le château de Kumamoto, site touristique célèbre, est le symbole de la ville. Il a été construit en 1607, mais en 1877 le bâtiment principal et d'autres parties du château ont brûlé. En 1960, il a été reconstruit. Treize bâtiments sur l'ensemble du château ont été désignés comme "biens culturels importants", mais tous ont souffert. Le bâtiment principal s'est incliné, des tuiles sont tombées et les murs en pierre ont été partiellement détruits. Le responsable du château a déclaré : "Pour réparer le tout, il faudra plus de 10 ans et quelques dizaines de milliards de yens (plusieurs centaines de millions d'euros).
À la télévision, j'ai vu un programme sur la réparation d'un mur de pierre dans un autre château. On avait photographié quatre faces de toutes les pierres tombées, et on les avait remises exactement au même endroit. Maintenant, dans la préfecture de Kumamoto, on a commencé à collecter de l'argent pour la restauration, mais ces dons personnels sont des gouttelettes dans un océan, et on a absolument besoin du soutien financier de l'Etat, mais pourra-t-il fournir les sommes nécessaires ?
Les centrales nucléaires sont-elles ou resteront-elles vraiment sûres ?
A cause des tremblements de terre, le sous-sol s'est modifié, si bien que beaucoup craignent une nouvelle éruption du mont Aso. Les vulcanologues déclarent ne pas avoir observé d'anomalies mais les tremblements de terre ont modifié les sources chaudes. Dans 9 hôtels de la ville d'Aso, l'eau de source chaude a cessé de couler. C'est une question importante pour eux, car les touristes japonais aiment beaucoup se baigner dans les eaux thermales.
À proximité des failles sismiques, se trouvent deux centrales nucléaires. L'une est celle de Sendai, dont les deux réacteurs sont les seuls à fonctionner actuellement dans l'ensemble du Japon. Au cours de la semaine qui a suivi le plus gros tremblement de terre, 5 000 demandes d'arrêt de ces réacteurs sont parvenues à la Compagnie d'électricité de Kyūshū mais son président a déclaré: "L'énergie nucléaire est une énergie nécessaire. Nous avons constaté que les réacteurs sont sûrs et nous continuerons à les exploiter. "
Le directeur de l'Autorité japonaise de Régulation Nucléaire, M. Tanaka, a déclaré: "Près de la centrale nucléaire de Sendai, il n'y a pas de faille active. La centrale est assez solidement construite pour résister aux tremblements de terre, il n'y a pas de raison de s'inquiéter. Si un accident survenait, les habitants pourraient se réfugier plus loin ou dans des bâtiments solides. Nous n'envisageons aucunement que tous les bâtiments, dans un rayon de 5 à 30 kilomètres, soient détruits. "
Cependant, de même que personne n'avait prévu ces tremblements de terre, on ne peut pas prévoir si d'autres puissants séismes se produiront sous la centrale. En outre, si un accident important survenait dans la centrale nucléaire, les habitants ne pourraient pas fuir en suivant les plans d'évacuation prévus, en raison de la destruction des maisons, routes, ponts, voies ferrées, en raison aussi des routes bloquées et de la pénurie de carburant. Cette série de séismes à Kumamoto en est le témoignage. Les compagnies d'électricité et le gouvernement n'ont tiré aucune leçon de la catastrophe de Fukushima, et pour eux les vies humaines ont moins de valeur que le profit.
Début mai, il y a eu beaucoup de jours fériés, et nombreux sont les gens venus à Kumamoto pour aider les réfugiés. Mais je ne pouvais rien faire sinon contribuer en donnant de l'argent. Kumamoto est très loin de chez moi, j'ai dû me contenter de suivre les événements à la télévision avec inquiétude et compassion.
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(Mise à jour 17/05/16)