18 septembre 2013 3 18 /09 /septembre /2013 13:58

Cet article est paru le 11 septembre 2013 sous le titre original «  Fukushima Unit 4 Fuel Removal Risks ». Sa traduction est publiée avec l’autorisation du site SimplyInfo.

Traduction : Phil Ansois,  17 septembre 2013

Les risques de la récupération du combustible de l’unité 4 à Fukushima

Les risques de la récupération du combustible

de l’unité 4 à Fukushima

 

TEPCO planifie la récupération du combustible usé de l’unité 4 cet automne. Cet effort est seulement survenu après la protestation publique, toujours en cours, à propos des dangers que pose la piscine endommagée. L’effort a été accéléré et la construction destinée à enlever le combustible a été installée ce printemps et cet été. Ce sera la première des quelques opérations à très haut risque sur le site de la centrale, et ce sont des travaux très peu compris par le public.

Mode opératoire

La procédure de récupération du combustible de l’unité 4 sera faite sous la nouvelle structure de récupération du combustible, installée au-dessus des restes du bâtiment du réacteur. TEPCO prétend que le bâtiment est quelque peu hermétique et contient son propre système CVAC (Chauffage, Ventilation et Air Conditionné), avec filtration des gaz et poussières. Ceci limitera tout déversement dans l’environnement tant qu’il fonctionne correctement. Même si cette construction procure une certaine protection à la fois en ce qui concerne la piscine de combustible et l’environnement extérieur, il ne sera pas assez robuste pour contenir n’importe quel incident sérieux.

Schéma de la superstructure de récupération du combustible

Schéma de la superstructure de récupération du combustible

La construction comporte deux nouvelles grues installées dans la superstructure métallique. La première, située au dessus, est une grue similaire à celle qui est utilisée pour déplacer du matériel lourd dans l’étage de changement du combustible d’un bâtiment de réacteur classique [NDT : une sorte de pont roulant]. Le bâtiment comporte aussi une nouvelle grue pour manipuler le combustible. C’est le système qui sera utilisé pour déplacer les assemblages de combustible. TEPCO prétend que cet outil est informatisé comme l’est une grue normale de manipulation du combustible et qu’elle peut être contrôlée à distance.


 

Levage de la grue supérieure pour l’unité 4

Levage de la grue supérieure pour l’unité 4

TEPCO envisage de déplacer certains équipements hors de la piscine et d’enlever autant de débris que possible avant de commencer à récupérer le combustible. Ce combustible sera alors inspecté visuellement avant de tenter de le récupérer.

 

Les risques de la récupération du combustible de l’unité 4 à Fukushima

Une fois que les assemblages de combustible seront récupérés, ils seront transférés dans une sorte de container de transfert [image ci-dessous]. Ce container sera soulevé hors de la piscine par la grue supérieure, mis en sécurité et envoyé dans la piscine commune pour un stockage et une inspection ultérieure.

Les risques de la récupération du combustible de l’unité 4 à Fukushima

Stabilité du bâtiment

La stabilité du bâtiment du réacteur de l’unité 4 est un souci majeur. Une grande partie des étages supérieurs ont été jugés en mauvais état dès 2011. Le bâtiment lui-même fait face au risque d’une défaillance catastrophique. TEPCO a insisté qu’un tel événement n’aurait pas d’impact sur la structure de la piscine de combustible usé. Une défaillance majeure pourrait aisément endommager encore plus la piscine de combustible usé ou les structures nécessaires pour maintenir la piscine et le réacteur bien remplis d’eau. TEPCO a déclaré que le bâtiment pouvait résister à un séisme important pourvu qu’il soit secoué dans la direction verticale. Suite à d’autres questions, ils ont admis que ceci n’inclut pas les ondes sismiques qui secouent horizontalement, y compris pour la piscine de combustible usé.

 

Stabilité de la piscine de combustible usé

La piscine de combustible usé a été endommagée durant le séisme initial et l’explosion. En 2011 a été réalisé un ajout de béton et de supports le long du bord de la piscine, là où elle rencontre l’enceinte de confinement. La piscine comprend actuellement un système de refroidissement et de recirculation [de l’eau]. Celui-ci a été en proie à des problèmes et des coupures électriques qui ont provoqué un échauffement de la piscine. Celle-ci est actuellement maintenue en dessous du point d’ébullition. TEPCO a installé une couverture flottante sur la piscine de combustible usé, quand ils ont entrepris de démolir les restes du 5ème étage. Cette couverture sera enlevée avant de pouvoir commencer le travail de récupération du combustible. L’inspection complète de la piscine n’a pas pu être faite depuis que la couverture a été installée. TEPCO a produit quelques rapports additionnels au sujet des débris dans la piscine dans les derniers mois. Un examen détaillé du revêtement de la piscine de combustible usé n'a pas été fait à ce jour.

L’état du revêtement est critique pour l’étanchéité de la piscine. A ce jour, nous ne connaissons pas l’état de la porte [destinée au passage du combustible] qui sépare la piscine de combustible usé de la zone contenant le réacteur [voir figure 2]. TEPCO a mentionné des fuites d’eau à travers cette porte durant les premières semaines du désastre. Nous supposons que les joints gonflables de la porte ne fonctionnent plus du à une panne de courant ou l’endommagement du système qui les maintient gonflés. L’état chimique actuel de l’eau dans la piscine de combustible usé n’a pas été documenté par TEPCO. En 2010, ils ont retiré autant de sel que possible de l’eau pour diminuer la corrosion. Le haut taux de sel (le taux de chlorure [de sodium] était dans les 0,1 %) dans la piscine durant une longue période a vraisemblablement corrodé les assemblages et les composants qui sont dans la piscine.

 

Stabilité du combustible

TEPCO a tout d’abord enlevé deux assemblages de combustible neuf de la piscine de combustible de l’unité 4 pour inspection. [NDT Il y avait 1331 assemblages usés et 204 assemblages neufs dans cette piscine]. Ils ont déclaré qu’ils étaient légèrement corrodés mais par ailleurs globalement en bon état. Ils ont trouvé de petits morceaux de débris de béton logés dans les assemblages de combustible. Plus récemment TEPCO a tenté certains tests destructifs sur des assemblages de combustible neufs. Ils ont laissé tomber un poids de 100 kg sur un assemblage de combustible pour tenter de simuler la chute de débris. Ceci a détruit la poignée de levage et plié les barres de combustible comme on peut le voir sur l’image ci-dessous. Il a été établi que des parties d’assemblage de combustible se corrodent lorsqu’elles sont laissées dans des conditions similaires à cette piscine de combustible usé, dans des conditions similaires où se pose le même problème de haute température et de haute salinité. Pour traiter le problème des poignées de levage, TEPCO a construit un système de d’accrochage fabriqué sur mesure qui, espèrent-ils, leur permettra de retirer les assemblages de combustible qui ont des poignées de levage endommagées.


 

Les risques de la récupération du combustible de l’unité 4 à Fukushima

Système d’accrochage et de levage des assemblages de combustible endommagés de TEPCO, qui n’a pas précisé si ce système de levage a été testé : 

 

Les risques de la récupération du combustible de l’unité 4 à Fukushima

Lors de l’inspection en cours de la piscine de combustible usé de l’unité 4, on a remarqué que certains ensembles de rangement de combustible étaient désalignés. Les rangements [racks] qui contiennent les plaques de bore, destinées à empêcher la criticité [NDT en absorbant les neutrons, le bore empêche le démarrage de la réaction de fission nucléaire], pourraient avoir été endommagées ou été partiellement ou complètement désalignées par le choc durant la catastrophe. On trouve aussi dans les notes d’inspection de TEPCO que des petits morceaux de débris de béton ont pu tomber dans les rangements [racks] et les assemblages de combustible. Ceci peut compliquer la récupération du combustible si des morceaux de béton se coincent entre les assemblages et les racks [NDT sorte de caissons] servant à  ranger ces assemblages.

 

Les risques de la récupération du combustible de l’unité 4 à Fukushima

Les problèmes additionnels dus à la chaleur, le sel, l’hydrogène et les dégâts de l’explosion peuvent tous avoir joué un rôle dans les dégâts ultérieurs de ce combustible. On ne sait pas si certains combustibles stockés étaient déjà endommagés avant le désastre. L’état des barres de combustible qui avaient déjà des fissures dans leur revêtement ou un autre dégât similaire, pourrait avoir empiré pendant les 2,5 années de mauvais traitement.
[NDT Si l’on retire les barres de combustible avant que tout l’uranium soit « brûlé », c’est aussi parce qu’après un certain temps les gaines qui confinent les pastilles d’oxyde d’uranium ou de MOX risquent de se fragiliser à cause de la chaleur et des radiations. Les piscines sont des stockages temporaires, les gaines de combustibles ne sont pas prévues pour y rester à long terme]

 

Risques de dégâts matériels

Tous ces dégâts potentiels augmenteront le risque que quelque chose tourne mal durant la récupération du combustible. Le plus grand souci serait la rupture complète d’un assemblage de combustible durant la récupération, ce qui disperserait les pastilles de combustible dans la piscine. Ceci créerait soit une situation critique [au sens ou la réaction nucléaire de fission se mettrait en marche], ou au minimum une libération de radiations. Les assemblages de combustible pliés ou les débris coincés dans les racks pourraient empêcher la récupération d’un assemblage de combustibles. Il est exclus de laisser un assemblage dans la piscine. Ceci pourrait poser un défi considérable.

Risques humains

L’erreur humaine pose un risque considérable d’accidents impliquant le transfert de combustibles. Les problèmes de mise en œuvre des étapes du projet tels que des procédures inadéquates pour réaliser les tâches, des procédures inapplicables ou l’ignorance des procédures peuvent créer une situation où quelque chose tourne de travers. Dans les recherches que nous avons passées en revue, une formation ou une expérience inadéquate est considérée comme un facteur de risque. Le fait que TEPCO se repose sur une main d’œuvre aux contrats précaires [NDT et aussi aux multiples niveaux de sous-traitance] et fréquemment non formée pourrait créer un problème dans cette situation. Les travailleurs qui ont une longue expérience sur le site et en particulier de la manipulation du combustible seraient ceux qui conviennent le mieux pour faire ce travail. Malheureusement, beaucoup de ces travailleurs ont atteint leur dose maximale de radiations et ne peuvent plus travailler sur le site. Les problèmes de communication peuvent augmenter les risques de sécurité. Le travail à distance, effectué en portant des tenues complètes de protection contre les radiations, et où la communication repose sur les casques et micros intégrés aux équipements est aussi cité comme une source de problèmes potentiels. Le travail à distance n’est jamais à 100% évident. Dans le travail fait jusqu’à présent sur l’unité 3, ils ont fréquemment utilisé des observateurs humains pour aider les télétravailleurs. Travailler avec l’attirail complet de protection contre les radiations et le masque sur le visage peut limiter la vision et l’audition. Les inspections visuelles peuvent devenir un défi. Les caméras et même la distorsion dans l’eau peuvent nous empêcher d’obtenir une vue du combustible dans la piscine précise et conforme à la réalité.

 

Les défis d’ordre général que présente ce travail peuvent poser divers risques menaçant la sécurité du processus. Les procédures monotones peuvent conduire à des défaillances. La pression exercée lorsque le travail doit être fait de manière précipitée – comme c’est le cas du calendrier très serré prévu pour récupérer le combustible de l’unité 4 – peut créer des situations où des accidents peuvent arriver. Des horaires très longs ou inhabituels peuvent créer des problèmes avec la force de travail, et cela peut tout simplement être un ou des travailleurs malades. Dans le cas du travail à Fukushima Daiichi, la chaleur et le froid on joué un rôle considérable dans la capacité des travailleurs à fonctionner normalement. Sans aucune sorte de contrôle climatique dans le bâtiment de récupération du combustible, ils devront travailler dans une chaleur suffocante ou un froid glacial suivant la période de l’année. La question du travail de groupe peut poser problème si les travailleurs refusent de mettre en question les idées des autres travailleurs, permettant ainsi de persévérer dans l’erreur. Une coordination d’équipe inadéquate, ou le fait que le groupe dépende de manière excessive d’un ou de quelques travailleurs peut aussi créer des risques. Cette situation peut arriver si vous avez un travailleur expérimenté qui guide une équipe de travailleurs inexpérimentés. Une équipe adéquatement formée, fonctionnant bien, est essentielle pour assurer que ces opérations s’effectuent sans erreur.

 

Risques liés aux grues et aux transferts

Les « défaillances de grues » et la « chute de containers » sont considérées comme des accidents à haut risque dans une centrale nucléaire en temps normal. Le défi extraordinaire du scenario prévu à l’unité 4 exacerbe ces risques. Les accidents de chute lors de l’utilisation des grues sont le plus souvent causés par des défaillances du système d’accrochage et de levage. Ceci implique le contrôle manuel de la grue pour accrocher l’objet soulevé. Le non-respect de la procédure ou un défaut de maintenance sont considérés comme un risque d’accident du type « défaillance de grue ». Le plus haut risque serait une chute du container depuis la grue avant que ce container ne soit complètement sécurisé et scellé. Ceci pourrait conduire à exposer des assemblages de combustible sans bouclier de protection et poser un danger mortel d’exposition aux radiations à tout travailleur se trouvant à proximité. Les assemblages de combustible non protégés par l’eau ou tombant hors du container peuvent déclencher cette situation. Un container qui tombe de la grue peut aussi endommager le niveau sur lequel il tombe. Ceci peut rendre inutilisable l’équipement nécessaire pour résoudre le problème. Dans le cas de l’unité 4 cela pourrait faire des dégâts considérables à la piscine de combustible usé ou à l’étage de réception du nouveau combustible autour de la piscine. Les deux zones sont déjà dégradées par des dégâts précédents.

 

Conclusion

TEPCO n’a documenté aucun passage en revue des risques de ce travail. Il n’a montré aucune évaluation des risques pour identifier et évaluer les risques potentiels. Une évaluation qui devrait aussi inclure toutes les procédures de « retour en arrière » au cas où quel que chose se passerait  mal. C’est un travail à très haut risque qui inclut le risque potentiel de blesser les travailleurs, de rendre l’accès au site impossible ou de disperser encore plus de radiations dans l’environnement global. Il doit y clairement avoir un effort d’anticiper les risques et de les exposer de manière transparente au public international.
 

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Liens (en anglais)

TEPCO Handout
https://www.dropbox.com/s/4z8tev1wnzy1q2o/U4_fuelremovalprep_handouts_130830_05-j.pdf

NRC research on human error during fuel removal
http://pbadupws.nrc.gov/docs/ML1106/ML110610673.pdf

METI roadmap of decommissioning work
http://www.meti.go.jp/english/press/2013/pdf/0627_01.pdf

Potential risks from dropping fuel assemblies
http://www.osti.gov/bridge/servlets/purl/5807117/5807117.pdf

CNIC review of TEPCO’s defueling effort at unit 4
http://www.cnic.jp/english/newsletter/nit154/nit154articles/03_nf.html

TEPCO information on transfer casks
http://www.tepco.co.jp/en/nu/fukushima-np/images/handouts_121114_01-e.pdf

TEPCO information on casks & shipping
http://www.tepco.co.jp/en/nu/fukushima-np/handouts/2013/images/handouts_130228_05-e.pdf

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15 septembre 2013 7 15 /09 /septembre /2013 10:22

L’article « Le nucléaire déclinant au pays du soleil levant » a été publié le 12 septembre 2013 sur le site de l’ACRO. Son auteur, le physicien David Boilley, est président de l’Association pour le contrôle de la radioactivité dans l’ouest et conseiller scientifique du laboratoire citoyen japonais Chikurinsha. Depuis 2011, il tient une chronologie très précise de la catastrophe de Fukushima sur cette page dédiée. Il sera présent le 18 septembre au colloque « Figurer la catastrophe, réfléchir le nucléaire : ce que les films sur Fukushima apprennent aux sciences humaines et sociales » qui aura lieu à Lyon du 17 au 19 septembre 2013.

Centrale nucléaire d’Ohi © Tomohiro Ohsumi/Bloomberg

Centrale nucléaire d’Ohi © Tomohiro Ohsumi/Bloomberg

Le nucléaire déclinant au pays du soleil levant

 

David Boilley
 

Le 15 septembre 2013, à peine plus de deux ans et demi après le déclenchement de la catastrophe de Fukushima, le Japon va se retrouver à nouveau sans aucun réacteur nucléaire en fonctionnement. La dernière fois, c’était le 5 mai 2012. Personne ne peut dire jusqu’à quand cette situation va perdurer. Un dossier de demande de redémarrage a été déposé pour 12 réacteurs et 5 ont déjà été rejetés. Il ne reste que 7 réacteurs en course… sur 50. Cela ne fait pas beaucoup. Comment en est-on arrivé là ?

Avant la catastrophe de Fukushima, le Japon comptait 54 réacteurs nucléaires de production qui fournissaient environ 30% de l’électricité du pays. 10% venaient des énergies renouvelables, essentiellement de l’hydraulique, et le reste des énergies fossiles.

Le séisme du 11 mars 2011, a entraîné l’arrêt de 14 réacteurs, dont 4 ont été complètement détruits. Le Japon ne compte plus que 50 réacteurs officiellement. En mai 2011, le premier ministre de l’époque a demandé la fermeture de la centrale de Hamaoka, proche d’une faille sismique. En cas d’accident, ce sont les principales voies de communication entre l’Est et l’Ouest du pays qui auraient été coupées. Puis, les autres réacteurs ont été arrêtés normalement, les uns après les autres, après 13 mois d’exploitation. 

Sans énergie nucléaire au printemps 2012, la question était à l’époque de savoir si le pays pourrait passer l’été, quand la demande est la plus forte à cause de la climatisation. Le gouvernement a pensé qu’avec des stress-tests demandés aux exploitants, il n’y aurait pas de problème pour redémarrer les réacteurs. Ce n’était qu’une affaire de quelques mois. Mais c’était sans compter sur la population et les plus grandes manifestations qu’a connues le pays depuis les années 70. 

Le gouvernement est passé en force et a autorisé, en juillet 2012, le redémarrage de deux réacteurs de la centrale d’Ôï, dans le Kansaï, région où le nucléaire compte pour 40% de l’électricité consommée. Il n’a pas pu en redémarrer plus, au grand dam des exploitants. Et il s’est finalement avéré que le Japon aurait pu se passer de ces deux réacteurs sans coupure. Ce sont eux qui sont à nouveau arrêtés en septembre 2013, après 13 mois de fonctionnement. 

Entre-temps, le gouvernement a mis en place une nouvelle autorité de sûreté nucléaire, indépendante, qui est entrée en fonction en septembre 2012. Cette Agence de Régulation Nucléaire (NRA en anglais) se distingue de son prédécesseur, la NISA, complètement inféodée au ministère de l’industrie et à l’industrie nucléaire et qui a été discréditée par la catastrophe de Fukushima.

Cette nouvelle agence s’est rapidement attelée à la tâche de rédiger un nouveau référentiel de sûreté, qui a finalement été adopté le 8 juillet 2013. Elle prétend qu’il s’agit des règles les plus strictes au monde… qui ne sont respectées par aucun réacteur japonais !

Il y a dix compagnies d’électricité au Japon, qui se sont partagées le territoire avec un monopole dans leur zone. Neuf d’entre elles exploitent, ou plutôt exploitaient, des centrales nucléaires. Elles sont toutes dans le rouge, sauf deux. Les deux compagnies qui s’en sortent sont celles qui n’ont pas ou peu de nucléaire. Les autres doivent payer le maintien de leur parc nucléaire, les emprunts et la production d’électricité de substitution. Elles payent donc une partie de la production presque deux fois et ne la vendent qu’une fois.

Elles sont donc pressées de relancer leurs réacteurs, les bénéfices primant sur la sûreté. Mais ce n’est pas si facile. Contrairement à l’Europe où, tous les dix ans, les exploitants du nucléaire doivent investir dans leurs centrales pour les mettre en conformité avec les dernières exigences, au Japon, tout comme aux Etats-Unis, les normes de sûreté qui s’appliquaient sont celles en cours au moment de la mise en service et cela, pour toute la durée de vie de la centrale.

Pour les réacteurs les plus vieux, le fossé est si grand qu’il ne sera pas possible de les remettre aux nouvelles normes. Il y a, par exemple, 13 réacteurs avec des câbles électriques inflammables. C’était toléré avant Fukushima, c’est interdit maintenant. Et comme il y a des milliers de kilomètres de câbles dans un réacteur, il est peu vraisemblable qu’il soit économiquement viable de les changer. 

Il y a aussi deux sortes de réacteurs au Japon, des réacteurs à eau sous pression (REP, ou PWR en anglais) et des réacteurs à eau bouillante (REB, BWR en anglais). Tous doivent désormais être équipés d’un filtre à particules radioactives pour limiter les rejets en cas d’accident, mais les REP bénéficient d’un délai de grâce de 5 ans, car leur enceinte de confinement est plus grande.

Au final, des dossiers de demande de redémarrage n’ont été déposés que pour 12 réacteurs durant l’été 2012, tous des REP, et le gouvernement vise 10% d’électricité d’origine nucléaire à moyen terme. Le dossier de la centrale de Tomari de Hokkaïdô Electric s’est déjà fait retoqué car il est incomplet. Les données sur le système refroidissement en cas d'accident concernaient un autre système que celui en place. Encore des ingénieurs qui connaissent bien leurs machines… Celui de Takahama aussi, car Kansaï Electric a sous-estimé la hauteur du tsunami qui pourrait la frapper. Elle est bonne pour rehausser la digue, ce qui prend du temps. Il n’y a plus que 7 dossiers en cours d’évaluation par la NRA, pour 50 réacteurs. Le gouvernement était encore bien optimiste avec ses 10%.

Inversement, d’un tiers à la moitié du parc ne redémarrera probablement jamais. 17 réacteurs ont plus de 30 ans. Il n’est pas sûr qu’il vaille le coût d’investir pour les remettre à niveau. D’autres sont sur des failles qui sont maintenant considérées comme actives après un réexamen. C’est le cas pour la centrale de Tsuruga (Fukui) et probablement pour celle de Higashidori (Aomori). Et puis, TEPCo ne pourra jamais redémarrer les réacteurs de Fukushima qui n’ont pas explosé, même si la compagnie y songe encore.

Le gouvernement a aussi demandé aux autorités locales de mettre en place un plan d’évacuation de toute la population sur un rayon de 30 km autour de chaque centrale. A Tôkaï (Ibaraki), c’est quasiment mission impossible car la population se compte par million. Pour les pouvoirs locaux, c’est non.

TEPCo veut redémarrer au plus vite deux réacteurs de sa centrale de Kashiwazaki-Kariwa, fortement secouée lors du séisme de 2007. Mais, avec la légèreté avec laquelle elle se préoccupe de l’eau contaminée à Fukushima, il lui est difficile de convaincre qu’elle a amélioré sa culture de sûreté. Le gouverneur de la province de Niigata est fermement opposé au redémarrage de ces réacteurs tant que toute la lumière n’aura pas été faite sur l’accident nucléaire de Fukushima.

Plusieurs compagnies d’électricité sont donc dans une situation financière critique car elles ne pourront pas redémarrer de réacteur nucléaire avant longtemps, voire jamais.

En attendant, avec la libéralisation complète du marché de l’électricité à partir de 2016, la concurrence va être plus rude. De nombreux investissements se tournent vers les énergies renouvelables : en plus du solaire et du vent, l’exploitation de l’énorme potentiel géothermique du pays n’est plus tabou. Selon le ministère de l’industrie, une centaine de nouvelles compagnies se sont enregistrées pour vendre de l’électricité. 40% d’entre elles en produisent déjà. 

Comme pour le moment tout projet de construction de nouvelle centrale nucléaire est gelé au Japon, le nucléaire est, de facto, déclinant au Japon, quelle que soit la couleur des partis au pouvoir. Le précédent gouvernement voulait arrêter le nucléaire à terme, mais relancer les réacteurs jugés sûrs par la NRA en attendant. Le nouveau gouvernement veut relancer le nucléaire et redémarrer les réacteurs jugés sûrs par la NRA en attendant, ce qui revient exactement au même. 

Les deux s’accordent sur l’exportation de technologie nucléaire et le maintien des investissements dans le « retraitement » des combustibles usés et le surgénérateur Monju, même si l’usine n’a jamais fonctionné et que son lancement a connu 19 reports en plus de 5 ans. Le réacteur expérimental, quant à lui, n’a fonctionné que 240 jours depuis 1994 et ne pourra probablement jamais satisfaire les nouvelles normes de sûreté. Cette obstination n’est pas sans arrières pensées militaires et inquiète les Etats-Unis. 

Le Japon ne peut pas importer d’électricité. Une moitié du pays est à 50 Hz et l’autre à 60 Hz, ce qui réduit drastiquement les échanges entre les deux parties. Il s’en est cependant sorti, grâce notamment aux économies d’énergie. Les émissions de CO2 de TEPCo par kilowattheure produit a augmenté, mais la quantité totale rejetée en 2012 est égale à celle rejetée en 2010. Les économies d’énergie ont compensé l’arrêt complet du parc nucléaire de la compagnie. En revanche, elle n'a pas réussi à baisser ses émissions conformément au protocole de Kyôto.

Selon le ministère de l'industrie, 9 des 10 compagnies d'électricité, n'ont pas réussi à remplir leurs objectifs de réduction de 20% de leurs émissions de CO2 par rapport à 1990, conformément aux engagements pris en 2007. La seule compagnie qui s'en tire, est celle d'Okinawa, qui n'a pas de nucléaire ! Chubu Electric, qui dépend peu du nucléaire, a réduit ses émissions de 12,9%. Chukoku Electric, de 13,4%. D'autres ont augmenté leurs émissions. Globalement, les 9 compagnies qui ont du nucléaire n'ont réduit, en moyenne, leurs émissions que de 2,6%. Ces compagnies produisent environ un tiers des émissions de CO2 du pays, mais le Japon va néanmoins satisfaire au protocole de Kyôto grâce aux échanges de quotas d'émission. Les compagnies d'électricité, quant à elles, rechignent à utiliser cette possibilité car elles sont dans le rouge.

 

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13 septembre 2013 5 13 /09 /septembre /2013 08:58

Article original d’Akio Matsumura paru le 3 septembre 2013 sur le site Finding the missing link.

Le Japon à l’heure du choix. Le Premier Ministre Abe et l’Océan Pacifique

Le Japon à l’heure du choix. Le Premier Ministre Abe et l’Océan Pacifique

Japon, ravale ta fierté et demande de l’aide

 

Akio Matsumura

 

Traduction française : Odile Girard (Fukushima-is-still-news)

Read in English or German.

 

Le Japon est une nation insulaire reliée au reste du monde par les courants du Pacifique. Durant des milliers d’années, ces eaux ont mené les marins japonais vers les côtes lointaines. Et aujourd’hui, elles amènent la radioactivité vers nos côtes. La réticence du Japon à demander l’aide internationale pour gérer le nettoyage de Fukushima serait peut-être admissible si les risques ne concernaient que la population japonaise, mais en mettant le reste du monde en danger, l’incapacité du Japon à gérer la crise nucléaire est irresponsable. Les autres gouvernements ne doivent pas l’accepter, en particulier celui des États-Unis où l’alimentation risque d’être contaminée.

 

La contamination de l’eau provient du processus de refroidissement du combustible usé à la centrale. TEPCO stocke cette eau sur place dans un millier de citernes. Un tiers de ces réservoirs sont vulnérables aux fuites, parce que leurs parois en acier sont jointes par des boulons et non soudées entre elles. TEPCO va devoir continuer à en construire plusieurs centaines chaque année. Si le démantèlement doit durer une quarantaine d’années, où va-t-on mettre les nouveaux réservoirs ? TEPCO a déjà beaucoup de mal à gérer les problèmes de stockage de l’eau qui semblent se multiplier. Le président de l’Autorité de réglementation nucléaire (la NRA) a décrit au Japan Times la centrale comme une « maison hantée » où « les incidents se succèdent sans cesse ». Le Guardian rapporte que des taux de radiation extrêmement élevés ont été relevés près d’une citerne. TEPCO ne sait pas pourquoi les taux de radiation ont tellement augmenté.

 

Pendant tout l’été, après les révélations de TEPCO sur le fait que l’eau contaminée se déverse dans le Pacifique depuis l’accident, le Premier ministre Abe a  enjoint l’Autorité de réglementation nucléaire de s’impliquer davantage dans le démantèlement des réacteurs. Le président de la NRA, Shunichi Tanaka, a déclaré : « Nous ne pouvons pas arrêter complètement les fuites d’eau contaminée de manière immédiate. C’est la vérité. L’eau continue à fuir dans l’océan et nous devons mieux évaluer les conséquences environnementales. »

 

L’eau irradiée va continuer à se déverser dans l’océan. Et comme il n’y a plus de place disponible pour de nouveaux réservoirs, le Japon va devoir également se débarrasser de l’eau actuellement stockée.

 

On ne sait pas grand chose des effets que cette contamination pourra avoir sur l’océan. Il ne faut pas oublier que le Pacifique connecte une bonne partie du monde, qu’il borde les rivages des deux Amériques, les longues côtes et les îles de l’Asie, ainsi que les barrières de corail d’Australie. Il abrite un monde vivant complexe et riche.

 

Mais c’est notre usage des ressources marines qui nous interpelle particulièrement. Le saumon nage vers l’est en direction de l’Alaska, le thon vient des côtes japonaises. Pour l’instant, les pêcheries des environs de Fukushima ont été fermées. Ken Buesseler, responsable de l’équipe de chercheurs en radiochimie qui vient de terminer une mission au large de Fukushima, indique clairement que nous en savons encore assez  peu sur les conséquences de l’accident sur l’écosystème marin, mais l’augmentation incessante du flux d’eau contaminée dans l’océan est inquiétante.

 

Les Japonais ont, au fil de milliers d’années, tissé avec la mer des liens profonds et uniques. Mais au cours des deux dernières années, nous avons modifié à tout jamais cette relation dont nous avions hérité. Nous ne pouvons pas vraiment concevoir les conséquences sur ce monde que nous connaissons mal. En tant que locataires de la planète, les Japonais et les hommes en général n’ont absolument pas le droit de polluer comme nous l’avons fait.

 

Cette crise de l’eau contaminée n’est qu’un problème parmi tant d’autres qui peuvent encore se produire. Nombre de scientifiques ont formulé le scénario-catastrophe qui pourrait affecter Fukushima : Quatre réacteurs nucléaires ont été endommagés par le tsunami et le séisme de 2011. Trois d’entre eux n’ont pas pu être réparés du tout à cause des taux de radioactivité et le quatrième contient l’équivalent de dix fois la radioactivité émise par Tchernobyl. L’écroulement d’un des réacteurs engendrerait  une catastrophe mondiale. La fréquence des séismes dans la région et les dégâts structurels soufferts par les réacteurs augmentent la probabilité d’un tel événement.

 

Crise. Catastrophe. Les mots que j’ai choisis reflètent l’urgence de la situation.

 

Toutefois, il suffit de jeter un œil sur le programme du Premier ministre Abe pour constater qu’au Japon les affaires continuent comme si de rien n’était. Quoiqu’il ait été critiqué récemment pour sa manière de gérer la crise (certains ont protesté, estimant que Tokyo ne devrait pas maintenir sa candidature pour accueillir les Jeux olympiques de 2020), la position de force de M. Abe lui a permis de poursuivre sa politique sans changer de cap.

 

Le Premier ministre devrait plutôt mettre à profit une indépendance politique chèrement acquise pour faire face à la crise. Il a aujourd’hui l’opportunité de dépasser cet orgueil japonais débilitant en demandant le meilleur soutien technique et toute l’expertise dont disposent les autres pays. Il ne fait aucun doute que le monde viendrait sans tarder au secours du Japon. Demander cette assistance devrait donc être la toute première priorité du gouvernement de M. Abe. Ce serait d’ailleurs une bonne manœuvre politique. Comment en effet bâtir une économie japonaise forte quand l’une des principales exportations du pays est la radioactivité ?

 

En fait, j’ai du mal à imaginer que le plus grand souci du Premier ministre ne soit pas d’empêcher d’autres catastrophes : des réservoirs qui fuient, une rupture d’alimentation dans une des piscines de refroidissement, un autre mégaséisme. Je pense qu’il a pris la mesure de l’énormité du défi et du risque de catastrophe. Mais sans solution claire pour gérer les réacteurs endommagés et l’eau souterraine contaminées dans les dix années à venir, M. Abe tente de détourner l’attention publique en se concentrant sur les Jeux olympique de 2020. Avec une telle stratégie, il ne peut qu’espérer que la prochaine crise ne surviendra pas durant son mandat.

 

Le seuil que se fixent les gouvernements pour agir est ridiculement élevé. Surtout aux États-Unis. Les autorités arguent de l’incertitude des données scientifiques, disant qu’il nous faut davantage de preuves avérées. C’est faire preuve de négligence. Le gouvernement a une capacité unique d’accès aux ressources ; il peut intervenir de façon précoce et prendre des mesures de précaution dans l’intérêt public. L’Allemagne, la Russie, la France et l’Angleterre pourraient certainement aider, mais les États-Unis disposent de certains des meilleurs moyens technologiques et des meilleurs experts en matière de science, d’ingénierie et de santé. Le Japon doit leur demander assistance pour endiguer le flux d’eau  et stabiliser les quatre réacteurs endommagés. Les dirigeants américains et japonais doivent bien prendre conscience que l’irréversibilité d’une grosse catastrophe nous infligerait des taux d’irradiation et d’autres risques sanitaires pour au moins plusieurs centaines d’années.

 

Un homme politique peut éluder ses responsabilités du fait même que son mandat est limité dans le temps, mais nous, la population, ne pouvons éviter les risques sanitaires qui s’ensuivent. En tant que Japonais, nous ne voulons pas être reconnus comme ceux qui ont abîmé le Pacifique de façon irrémédiable. Et en tant qu’Américains, nous ne voulons pas subir les effets de cette crise. En tant qu’être humains, nous ne voulons pas voir l’Océan pacifique pollué. Mais si nous laissons le Premier ministre Abe préférer la richesse à la santé, nous joignons de façon indissoluble notre sort à celui que lui réserveront les livres d’Histoire.

 

Le Japon doit ravaler sa fierté nationale et demander aux pays étrangers de mettre à disposition leurs meilleurs cerveaux et leurs meilleures technologies pour sauver le Japon et le monde.

 

 

Akio Matsumura, le 3 septembre 2013

 

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12 août 2013 1 12 /08 /août /2013 20:14

La deuxième partie de l’article de Mako Oshidori expose les grandes inquiétudes du témoin de Fukushima Daiichi : la présence du shroud en morceaux dans la piscine de stockage de matériel du réacteur n°4, la grande radioactivité dégagée par le réacteur n°2 et la forte incertitude sur la faisabilité d’une intervention humaine en cas de problème au n°2. Dans cette entrevue, le travailleur rapporte également qu’il n’y a eu ni explosion, ni fusion à l’unité n°2. Il va sans dire que ces propos n’engagent que lui. A notre connaissance, Tepco a annoncé une explosion au niveau de la piscine torique en mars 2011, puis s’est rétracté 7 mois plus tard. Quant à la fusion du cœur du n°2, celle-ci a également été reconnue par l’opérateur. Si effectivement il n’y a eu ni fusion, ni explosion pour le n°2, alors il faudrait en conclure que l’enceinte de confinement a été ouverte par le tremblement de terre. Mais comme on ne peut rien savoir pour l’instant, il est tout à fait normal que les plus grandes craintes de cet ouvrier se portent sur le n°2 car du coup Tepco et ses employés subissent les caprices du monstre plus qu’ils ne maîtrisent la situation.

 

Shroud du réacteur n°3 de Fukushima Daiichi lors de son remplacement à la fin des années 90 (source Toshiba)

Shroud du réacteur n°3 de Fukushima Daiichi lors de son remplacement à la fin des années 90 (source Toshiba)

 

L’histoire incroyable d’un travailleur de la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi (suite)

 

par Mako Oshidori

 

 

Extrait de l’article #57 de “Datsutte miru?” paru dans Magazine 9

Traduction anglaise : Naoko Miyajima (sur le site Daily Noborder)

Traduction française : Odile Girard (du blog Fukushima-is-still-news)

 

 

Lien vers la première partie

 

 

Le problème du réacteur n°4 n’est pas seulement sa piscine !

 

T : Pour ce qui est de la gestion de l’accident, TEPCO a tendance à dissimuler les problèmes dont on entend parler. Aucun plan à long terme n’est mis en place pour le démantèlement de la centrale ; ce qui se fait, c’est plutôt un plan confus qui ne sert qu’à embobiner le public. Tout ce qui n’est pas sous les feux de l’actualité est simplement laissé de côté.

 

On parle de la piscine de combustible usagé de la piscine n°4, n’est-ce pas ? Des stratégies et des plans ont rapidement été mis en place pour faire face à ce problème, mais je pense que la piscine de combustible usagé n’est pas le seul problème qui menace le réacteur n°4.

 

De l’autre côté du puits du réacteur, en face de la piscine de combustible usagé, il y a une piscine de stockage de matériel (DSP). Ce DSP n’est pas utilisé quand le réacteur est en opération. Mais quand le séisme a frappé, le réacteur n°4 était en phase d’inspection périodique. Juste avant le séisme, quand l’enveloppe du cœur (shroud) a été retirée du puits du réacteur, il a été coupé sous l’eau et mis dans le DSP. Le DSP du réacteur n°4 contient donc un grand nombre de fragments du shroud hautement radioactifs.

 

[Un « shroud » est une plaque d’acier cylindrique fixée à l’intérieur de la cuve du réacteur. Il entoure les assemblages de combustible nucléaire et les barres de contrôle. Il sert également de partition pour sécuriser le flux d’eau de refroidissement dans un réacteur. Il peut atteindre 7 mètres de haut, 4,5 mètres de large et peser 35 tonnes. Etant donné que ce shroud est à l’intérieur du réacteur quand les barres de combustible atteignent le niveau de criticité, il contient inévitablement une forte dose de radiation. C’est le shroud qui se trouve dans le DSP qui est en face de la piscine de combustible irradié du réacteur 4.]


T : Le DSP est plein d’eau et comme vous le savez, il contient l’enveloppe et tout un tas d’équipements. La résistance sismique du DSP était estimée à un an. Maintenant que le bâtiment du réacteur a été affaibli par l’explosion, je me demande avec inquiétude ce qu’il va advenir du DSP.

 

Quand il a été question de retirer les barres de combustible irradié de la piscine, il a été suggéré que les matériaux contenus dans le DSP soient également enlevés, mais la suggestion a été rejetée, parce que  « nous n’avons pas le budget nécessaire pour ça ; ce qui inquiète le public actuellement,  c’est la piscine de combustible usagé. » 

 

–Oh non ! Je me demande combien de temps le DSP va être capable de tenir…

 

T : La couverture du réacteur n°1 a  été terminée, mais là encore, cela s’est passé de façon typique. Le couvercle n’est pas démontable. En fin de compte, les opérations de démantèlement vont se faire à l’intérieur du bâtiment du réacteur et je me demande comment la couverture pourra être retirée… Je pense que cela va demander un énorme travail. La couverture a été mise en place comme mesure d’urgence pour « réduire les émissions de substances radioactives dans l’atmosphère et donc calmer les inquiétudes du public à propos des rayonnements. »

 

Plus j’entends ce qui se passe, plus je suis déçu. J’ai commencé à comprendre pourquoi la fuite d’eau salée d’une citerne de stockage souterraine n’est qu’un incident assez mineur.

 

        -  Et si la situation du réacteur n°2 empire ?

 

T : Oui le problème de la citerne de stockage souterraine est vraiment assez peu important, parce que la source de tous les problèmes n’est ni la pollution radioactive, ni le système de refroidissement, mais les bâtiments des réacteurs et les réacteurs eux-mêmes. Comment les réacteurs 1, 2, 3 et 4 vont-ils être démolis et comment va-t-on pouvoir s’en débarrasser ? À présent, le fait est que personne ne peut pénétrer à l’intérieur. Par comparaison, les ouvriers qui travaillent sur le site ont le sentiment que les problèmes externes aux bâtiments, comme le tableau de distribution recouvert de métal ou la citerne de stockage souterraine sont plutôt anodins, même s’ils constituent aussi de sérieux problèmes.

 

– Dans ce cas, quel est le problème le plus grave ?

 

 T : C’est sans aucun doute le réacteur n°2.

 

Le professeur à l’Université de Tokyo : C’est bien ce que je pensais ! Même pour les chercheurs, la situation du réacteur n°2 dépasse tout ce qu’on peut imaginer.

 

T : Pour ce qui est du réacteur n°2, personne ne sait exactement ce qui s’y passe ou ce qui s’est passé juste après le séisme. On a pu simuler jusqu’à un certain point l’explosion des réacteurs 1 et 3. À partir de certains paramètres, on pouvait prédire la réaction initiale et ce qui allait suivre.

 

Mais nous n’avons aucune idée de la situation du réacteur n°2. Pourquoi est-ce qu’il a eu de tels rejets de substances radioactives alors qu’il n’y avait pas eu explosion ? Que se passe t-il avec les barres de combustible ? Certains paramètres indiquent qu’il n’y a pas eu fusion des barres de combustible.

 

Le professeur à l’Université de Tokyo : Je suis d’accord ; il semble que le combustible n’ait pas traversé la cuve du réacteur.

 

T : Mais dans ce cas, pourquoi y a t-il eu de tels rejets de substances radioactives à l’extérieur du bâtiment ? Personne n’a de réponse !

 

 [Les quantités de substances radioactives émises par le réacteur n°2 sont largement plus élevées que celles provenant des réacteurs 1 et 3 !]

 

T : La condition dans laquelle se trouvait le réacteur n°2 juste après le séisme ne peut pas être estimée. Dans le même temps, les taux de radioactivité dans le bâtiment du réacteur n°2 sont remarquablement élevés.

 

Je vais donner un autre exemple extrême. Admettons que la situation empire au point qu’il devienne impossible d’arroser les réacteurs avec de l’eau pour les refroidir. Pour ce qui est des réacteurs 1, 3 et 4,  un commando spécialisé et prêt à s’exposer aux risques des rayonnements peut toujours entrer dans les bâtiments et accomplir le travail nécessaire.

 

Mais dans le cas du réacteur n°2, le taux de radioactivité est tellement élevé dans la plupart des bâtiments que même un commando bien préparé risquerait fort de mourir avant de pouvoir mener à bien sa mission.

 

   – Je n’ai jamais imaginé que la situation puisse être aussi grave.

 

T : Maintenant vous comprenez bien pourquoi je ne peux pas m’empêcher de penser que des travaux à l’extérieur des bâtiments, que ce soit le tableau de distribution ou la citerne de stockage souterraine, sont plutôt mineurs. On ne peut pas éviter d’être exposé aux rayonnements, mais au moins on peut intervenir dans ces endroits.

 

********************

 

ADDENDUM

 

Le niveau 7 dans cette catastrophe nucléaire est toujours d’actualité. La gestion actuelle de l’accident a peu de chance d’apporter des solutions. Si TEPCO ne renonce pas rapidement à avoir la mainmise sur la centrale de Fukushima Daiichi, le Japon risque de se trouver à nouveau dans une situation extrêmement critique. C’est le message que je voudrais que vous fassiez circuler. Ce sont les paroles du travailleur interviewé.

 

J’ai transmis ce message à “Iwaki no Shoki Hibaku wo Tsuikyu Suru Mama no Kai” (Association des mères pour le suivi de l’exposition aux radiations pour les enfants en bas âge).

 

Les mères : «  Comme on s’y attendait, l’annonce de l’arrêt à froid des réacteurs était prématurée. Il n’existe aucun plan spécifique pour évacuer rapidement les enfants si une autre catastrophe  frappe la centrale de Fuksuhima Daiichi.

Le rôle d’Iwaki est de soutenir les efforts de rétablissement après l’accident nucléaire. Mais s’il arrive quelque chose, nous exigeons que les enfants soient évacués immédiatement.

 

Tant que l’accident de la centrale reste classé au niveau 7, les membres d’Iwaki doivent faire très attention et envisager plusieurs solutions. La sécurité des ouvriers, l’évacuation des enfants et la sécurité du Japon sont pour nous des problèmes d’égale importance. »

 

********************

 

Post-Addendum

 

L’eau, de plus en plus contaminée, sera éventuellement déversée dans l’océan, après avoir été nettoyée autant que possible des substances radioactives qu’elle contient par le Système ALPS, un système de nettoyage multi-nucléides. 

 

À la fin de 2011, j’ai reçu un coup de téléphone d’un autre ouvrier du site annonçant : « Le système ALPS a commencé à fonctionner ! J’ai entendu dire que l’eau contaminée serait déchargée dans l’océan une fois que les substances radioactives auront été filtrées autant que faire se peut grâce au système ALPS. »

 

J’ai peu après posé une  question à ce sujet au cours d’une conférence de presse conjointe, mais M. Matsumoto, porte-parle de TEPCO, m’a répondu « Il n’existe aucun plan de ce genre. » J’ai eu l’impression que TEPCO n’avait tout simplement pas le courage de dire qu’ils étaient sur le point de déverser l’eau nettoyée avec le système ALPS dans la mer. Depuis on ne parle plus de la question d’une opération de test et le temps passe.

 

T: En fait le système n’a été mis en opération que partiellement puis abandonné pendant toute une année. Je pense que c’est parce que l’utilisation éventuelle en pratique du système ALPS a suscité de grandes craintes. On a certainement craint que le système ne déraille.

 

Quoi qu’il en soit, le système de nettoyage multi-nucléides n’est même pas en mesure de filtrer le tritium !!

 

Tout ceci est l’histoire racontée par un des ouvriers de la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi. Son message : les conséquences de l’accident de la centrale sont loin d’être résolues et on peut s’attendre à ce que la situation aille en empirant. Il vous invite à anticiper et à faire tous les efforts possibles pour changer tout le pays et la société. 

 

[Extraits de “Datsutte miru?” dans Magazine 9.]

 

 

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11 août 2013 7 11 /08 /août /2013 16:41

Mako Oshidori, de la Yoshimoto Creative Agency, est membre de Manzai Kyokai (l’Association des monologuistes) et du conseil d’administration de la Free Press Association of Japan. Elle assiste de façon régulière aux conférences de presse données par les autorités japonaises et par TEPCO depuis le séisme du 11 mars 2011. Elle publie sans se lasser des reportages sur Fukushima et les autres zones touchées par des catastrophes. Elle a écrit il y a quelques mois dans MAGAZINE 9  un article intitulé « A propos des mères d’Iwaki, des citernes d’eau souterraines et histoires d’un travailleur » qui expose entre autres, sous forme d’un dialogue, le témoignage d’un ouvrier de Fukushima Daiichi. La traduction française de cet article a été réalisée à partir d’une traduction anglaise. En France, l’information en provenance du Japon est souvent ralentie à cause de la langue. Merci aux traducteurs qui acceptent de jouer ce rôle de passeur entre les pays, même si les nouvelles ne sont pas si heureuses qu’on le souhaiterait.

Témoignage d’un ouvrier de la centrale de Fukushima Daiichi (1)

 

L’histoire incroyable d’un travailleur de la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi

par Mako Oshidori

 

 

Extrait de l’article #57 de “Datsutte miru?” paru dans Magazine 9

Traduction anglaise : Naoko Miyajima (sur le site Daily Noborder)

Traduction française : Odile Girard (du blog Fukushima-is-still-news)

 

 

J’ai entendu une histoire incroyable qui m’a fait réaliser que la fuite d’eau salée concentrée venant d’une citerne souterraine n’est qu’un incident relativement mineur.

Le 11 avril, j’ai parlé avec un travailleur de la centrale de Fukushima Daiichi et un jeune professeur de l’Université de Tokyo.

Pourquoi lésiner sur les coûts et les délais quand on a à gérer un accident nucléaire de niveau 7?

- Le travailleur (T) : Je pense qu’une fuite de ci de là, c’est parfaitement normal.

 

            – Vous parlez sérieusement ? Mais pourquoi ?

 

- T : Parce qu’on s’est trouvé dans une situation d’urgence qui a fait que de nombreux équipements ont été construits à la va-vite. Après l’accident, les équipements ont été mis en place très rapidement mais ce n’était pas un problème car ils ne devaient durer qu’un an ou deux.

 

Certains fabricants ont même inclus la phrase “La qualité n’est pas garantie” dans leurs contrats. Des équipements ont été construits qui étaient censés « ne durer qu’un an » mais ils sont encore utilisés aujourd’hui. C’est normal que leur condition se soit détériorée.

 

            – Je suis choquée…

 

- T : De plus, les efforts pour garantir “des commissions plus basses pour réduire les dépenses” sont également un problème. Le gouvernement accorde à TEPCO des fonds pour gérer l’accident qui a frappé la centrale nucléaire, mais l’argent n’est pas une subvention. C’est une dette et il devra être remboursé un jour. Comme il n’est pas prévu que la centrale de Fukushima Daiichi génère des bénéfices à l’avenir, il est normal que TEPCO cherche à réduire sa dette au maximum.

 

C’est la raison pour laquelle « diminuer le budget, réduire les coûts et utiliser des matériaux à moindre prix” sont de rigueur. Sur le terrain, on n’en est pas à essayer de rassembler tous les grands cerveaux du monde pour trouver des solutions efficaces à l’accident nucléaire.

 

            – On est loin en effet d’un rassemblement des cerveaux du globe. C’est juste un ramassis de radins, c’est ça ?

 

T : On lésine non seulement sur l’argent, mais sur le temps. On entend couramment des ordres du genre « C’est la fin de l’année fiscale. Alors dépêchez-vous de terminer ce travail de construction !”  Ou d’autres fois on s’entend dire : « C’est la fin de l’année fiscale. Les financements sont épuisés. »  Pourquoi donc une histoire de « fin d’année fiscale » devrait-elle avoir priorité absolue dans une situation aussi chaotique qu’un accident nucléaire de niveau 7 ?

 

Est-il raisonnable de confier la gestion d’un accident de centrale nucléaire à une seule entreprise comme TEPCO ? TEPCO en tant qu’entreprise privée est à la recherche du profit et terminer les comptes en fin d’année en fait partie. Je pense par conséquent que les choses ne marcheront pas si la gestion de l’accident et le projet de démantèlement de la centrale de Fukushima Daiichi ne sont pas retirés à TEPCO et confiés à une équipe ad hoc spécialisée.

 

Si la politique de recrutement du personnel reste la même qu’avant l’accident, le recrutement de travailleurs pour gérer l’accident va être un désastre.

 

T : Le problème n’est pas seulement financier, mais concerne le recrutement même des ouvriers. Il est de plus en plus difficile de garantir la main d’œuvre nécessaire à la gestion de l’accident.

 

Les ouvriers qui ont déjà été exposés à des doses d’irradiation qui dépassent les limites autorisées doivent cesser de travailler. Il était tout à fait prévisible que la disponibilité d’ouvriers qualifiés et compétents diminuerait.

 

En outre, certains ouvriers viennent de loin ; ils veulent juste faire de l’argent rapidement. Je sais que ce problème n’est pas spécifique à la centrale.  C’est un des aspects douteux de l’industrie du bâtiment.

 

Avant l’accident, ces ouvriers faisaient affaire avec l’entrepreneur initial sous la supervision de 4 ou 5 sous-traitants. Mais depuis l’accident, il est devenu extrêmement difficile de garantir un nombre suffisant d’ouvriers, même en s’arrangeant pour avoir par exemple jusqu’à neuf ou dix niveaux de sous-traitants. Et le fait de faire appel à tant de sous-traitants intermédiaires réduit considérablement les salaires.

 

Ce qui se passe, c’est que les ouvriers qui viennent de loin pour travailler et gagner de l’argent  à Fukushima vivent dans des logements pour ouvriers et se rendent compte de certaines réalités en discutant avec les autres ouvriers.
Ils apprennent ainsi que les salaires payés pour les travaux de décontamination sont plus élevés et que ce travail entraîne moins de risques d’irradiation que le travail de construction à la centrale. Et ces ouvriers changent alors de travail pour se consacrer à des tâches de décontamination.

 

            – Oh… J’ai déjà entendu d’autres ouvriers parler de ce problème.

 

T : Et puis il existe aussi une autre catégorie d’ouvriers. Ce sont ceux qui viennent des autres centrales nucléaires réparties dans tout le Japon. Actuellement la plupart de ces centrales sont arrêtées, n’est-ce pas ? Ces ouvriers viennent à Fukushima parce qu’ils y ont été envoyés ou bien par choix personnel pour remplir une sorte de mission ou parce qu’ils ont un sens de la responsabilité. Cependant, à l’avenir, les centrales nucléaires vont être redémarrées une par une, ce qui veut dire que ces ouvriers, pour la plupart, devront retourner, volontairement ou non, dans leurs centrales d’origine.

 

            – Vraiment ? Comme on le soupçonnait, elles vont être redémarrées l’une après l’autre ?

 

Évidemment ! Les choses vont dans ce sens. C’est bien avec l’idée de redémarrer les centrales nucléaires à l’arrêt que l’Autorité de réglementation nucléaire (la NRA) a publié sa feuille de route pour les opérations d’inspection. Et il ne faut pas s’étonner qu’on demande aux ouvriers de retourner dans leur centrale. 

 

La NRA a publié la version préliminaire de ses nouvelles normes de sécurité [« Outline of the New Safety Standards »] et déjà certains producteurs d’électricité ont lancé investigation, inspection et construction. Entre temps, les ouvriers du nucléaire venus de tout le pays commencent à retourner dans leur centrale d’origine.

 

T : Parmi ceux qui travaillent à Fukushima depuis le début, la dose limite d’irradiation est de plus en plus souvent dépassée. Les ouvriers d’autres centrales retournent chez eux. Les ouvriers qui viennent d’autres régions du pays travailler à Fukushima pour faire de l’argent sont de moins en moins nombreux et le recrutement est difficile.

 

Construire des équipements avec des matériaux à bas prix pour réduire les coûts n’est pas le seul gros problème. Assurer le recrutement de la main d’œuvre est également devenu un sérieux problème.

 

            – Les coûts et la main d’œuvre posent donc de sérieux problèmes…

 

T : Il y a aussi un problème lié au statut des ouvriers. Le côté plus ou moins honnête de l’industrie du bâtiment ne date pas d’hier, mais passer entre les mains de 3 ou 4 sous-traitants pose vraiment problème.

 

Comme je l’ai dit tout à l’heure, nous travaillons désormais avec des gens qui sous-traitent jusqu’à neuf niveaux. Imaginons qu’une équipe de 10 ouvriers comprennent des membres qui ont des statuts contractuels différents, disons par exemple, des sous-traitants qui dépendent d’une entreprise située trois voire six échelons plus bas. Pour éviter ce qu’on appelle les « arnaques au contrat », les chefs d’équipe de la première ou seconde entreprise n’ont pas le droit de donner des ordres directs aux ouvriers de la sixième ou neuvième entreprise sous-traitante.

 

Il est certain que donner des instructions directes à quelqu’un qui n’est pas votre employé direct est illégal et il y a fort à faire pour améliorer l’honnêteté de l’industrie du bâtiment. Mais ce genre de réglementation pourrait bien s’avérer un obstacle quand il s’agit de trouver des solutions efficaces pour gérer l’accident de la centrale.

 

Sur les sites, les chefs d’équipe ne peuvent pas donner d’instructions telles que « Voilà comment  ce travail doit être fait » de peur d’être accusés de fraude au cas où la personne concernée porterait plainte en disant «  j’ai reçu des instructions de quelqu’un avec qui je n’ai pas de lien d’emploi direct. » Les chefs d’équipe ont donc peur de donner des instructions. Et c’est un problème supplémentaire.

 

La fraude au contrat est sans aucun doute inacceptable. Mais dans une situation où des ouvriers  ayant des statuts différents doivent travailler ensemble parce qu’il n’y a pas assez de main d’œuvre, ce genre de réglementation n’est pas très justifiable. J’espère que ces conditions de travail vont être changées. Le gouvernement et les diverses organisations devraient travailler de concert pour gérer tous les employés afin de trouver des solutions efficaces. C’est une des raisons pour lesquelles je pense que TEPCO devrait renoncer à la direction de la centrale de Fukushima Daiichi.

 

.............………………...............………………………………………...............…………………...à suivre

 

Suite de l’article :

Témoignage d’un ouvrier de la centrale de Fukushima Daiichi (2)

Le problème du réacteur n°4 n’est pas seulement sa piscine !

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7 août 2013 3 07 /08 /août /2013 16:05

Que veut dire le mot « urgence » à la centrale de Fukushima Daiichi ? Ce mot a tellement été employé depuis deux ans et demi qu’on a du mal à croire à une urgence alors que Fukushima n’inquiète plus grand monde depuis longtemps. Et pourtant, ce mot vient d’être employé par quelqu’un qui s’occupe de la sécurité nucléaire au Japon : selon l’agence Reuters, le responsable d’un groupe de travail sur Fukushima de la NRA – l’Autorité de régulation nucléaire du Japon –  a annoncé lundi que Fukushima était dans une situation d’« urgence ». Shinji Kinjo n’est pourtant pas du genre à s’inquiéter d’habitude : le 15 mars 2011, après la troisième explosion à la centrale de Fukushima Daiichi, l’expert avait déclaré que l’augmentation de la radioactivité n’aurait pas d’effets immédiats sur la santé. C’est dire si ses propos publics aujourd’hui sont inquiétants. Pour comprendre pourquoi cet homme sort de sa réserve en remettant sévèrement en cause l’opérateur Tepco, il faut revenir sur les évènements qui ont débuté le mois dernier. C’est l’objet de cet article qui va essayer de faire le point de la situation concernant les eaux contaminées à la centrale de Fukushima Daiichi.

Etat de la situation en mars 2013 selon Ken Buesseler

Etat de la situation en mars 2013 selon Ken Buesseler

La gestion des eaux de Fukushima Daiichi

 

Pour bien appréhender la situation, il faut connaître l’état des lieux. En bref, en mars 2011, les sous-sols de la centrale on été entièrement inondés par le tsunami, d’où la présence abondante d’eau salée initialement. Puis elle a subi 3 meltdowns (fonte du cœur) – c’est-à-dire l’accident le plus redouté de l’industrie nucléaire – formant chacun un corium d’environ 70 à 90 tonnes. Mais pire, au moins un des coriums a traversé la cuve d’un réacteur pour s’arrêter et se solidifier en fond d’enceinte de confinement ; ça c’est la version officielle. Mais pour l’instant, Tepco n’a pas été capable de montrer quoi que ce soit prouvant cette version. Car il y a une autre hypothèse : le corium a peut-être traversé le radier de fondation, ce qui l’aurait mené à la couche géologique contenant la nappe phréatique. Personne n’a prouvé cela non plus, car c’est tout simplement impossible en l’état des connaissances étant donné que Tepco pratique la rétention d’une grande partie des données. Mais cette hypothèse est de plus en plus plausible, nous allons voir pourquoi.

A la télévision japonaise (Asahi TV), on n’hésite plus à parler de melt-out (sortie du corium de l’enceinte de confinement).

A la télévision japonaise (Asahi TV), on n’hésite plus à parler de melt-out (sortie du corium de l’enceinte de confinement).

Arrosage des cœurs fondus

 

Tepco arrose les cœurs fondus – du moins leur emplacement supposé dans les cuves – pour évacuer leur chaleur résiduelle. Cela nécessite environ 360 m3 d’eau par jour. L’eau, au lieu de rester dans les enceintes de confinement, se répand dans les sous-sols de la centrale, probablement à cause de failles provoquées par le tremblement de terre du 11 mars 2011. On estime que 100 000 tonnes d’eau contaminée stagnent ainsi à la base de la centrale. La contamination de cette eau est très importante : les dernières mesures donnent 5,7 millions de Bq/L pour l’unité un, 36 millions de Bq/L pour l’unité 2, et 46 millions de Bq/L pour l’unité 3.

 

Nappe phréatique en jeu

 

Une autre arrivée d’eau, incontrôlable, a été rapidement constatée, c’est celle de la nappe phréatique qui vient de toute part : 400 m3 d’eau par jour, qui se mélange et se contamine à celle utilisée pour le refroidissement.

Pour que le niveau d’eau ne monte pas et que le site ne devienne pas un marécage radioactif, Tepco est obligé de pomper en permanence l’eau des sous-sols. Cette eau est ensuite acheminée à des systèmes complexes de traitements qui suppriment la salinité et enlèvent une partie des radionucléides. L’eau est ensuite stockée dans des réservoirs, et une partie est réutilisée pour le refroidissement. En effet, pour éviter de relâcher de l’eau radioactive dans l’océan, on la stocke sur le site. Actuellement, il y a environ 1000 réservoirs contenant quelques 300 000 m3 d’eau contaminée. Au 5 août 2013, Tepco a annoncé avoir encore 60 000 m3 de stockage disponible, ce qui lui permettrait de tenir jusque décembre 2013. Sur le long terme, d’ici deux ans, Tepco prévoit d’augmenter sa capacité de stockage à 700 000 m3.

 

Le point sur le stockage et le traitement des eaux contaminées le 30 juillet 2013 (source Tepco)

Le point sur le stockage et le traitement des eaux contaminées le 30 juillet 2013 (source Tepco)

Le combat contre l’arrivée d’eau

 

Pour éviter de traiter trop d’eau, Tepco a installé 12 puits en amont des réacteurs pour pomper l’eau de la nappe phréatique avant qu’elle n’arrive dans les sous-sols. Cette opération ne permet en fait que de pomper 100 m3/jour. Mais comme le terrain surplombant ces puits a été contaminé par des fuites d’eau très radioactive provenant de réservoirs souterrains que l’opérateur avait creusés à même le sol – pour réduire la facture du stockage en cuves métalliques  – il n’y a pas encore d’autorisation pour relâcher cette eau en mer. En effet, après le tollé provoqué par le relâchement de 11 500 m3 d’eau radioactive dans l’océan en mars 2011, Tepco a promis de ne plus le faire sans l’autorisation des pêcheurs. Mais aujourd’hui, les pêcheurs n’ont plus confiance et ils ont sans doute raison.

 

Ce poisson, pêché à proximité de la centrale de Fukushima Daiichi en janvier 2013 est très radioactif : 254 000 Bq/kg, soit 2 540 fois la limite de 100 Bq/kg définie pour les produits de la mer par le gouvernement.

Ce poisson, pêché à proximité de la centrale de Fukushima Daiichi en janvier 2013 est très radioactif : 254 000 Bq/kg, soit 2 540 fois la limite de 100 Bq/kg définie pour les produits de la mer par le gouvernement.

Mur étanche et fuites vers la mer

 

Prévu depuis deux ans, la construction d’un mur étanche en acier et béton entre la centrale et l’océan aurait dû être aujourd’hui terminée. Il n’en est rien. Pour des raisons probablement financières (ça coûte évidemment très cher) et humaines (difficulté de recruter des ouvriers), la construction de cette barrière est loin d’être terminée.

Projet du mur étanche en acier et béton (Tepco et Asahi TV)
Projet du mur étanche en acier et béton (Tepco et Asahi TV)

Projet du mur étanche en acier et béton (Tepco et Asahi TV)

Dans la précipitation due aux découvertes du mois de juillet, Tepco a opté pour la réalisation de murs chimiques. Cette technique avait déjà été employée en 2011 : à l’époque, on avait injecté dans le sol du silicate de sodium (Na2SiO3), qui est un composé chimique ayant la particularité de solidifier le sol et le rendre dur comme du verre. Il est possible que ce soit le même procédé. Toujours est-il qu’une raison technique empêche de réaliser cette structure jusqu’au niveau du sol. Le mur chimique de 16 m de profondeur s’arrête à 1,80 m de la surface.

Principe de réalisation du mur chimique par injection (source Tepco)

Principe de réalisation du mur chimique par injection (source Tepco)

Or il semble que l’utilisation de cette technique sur une longueur de 100 m ait provoqué la montée du niveau de la nappe phréatique en aval de la centrale au niveau de l’unité 2 : le niveau d'eau dans un des puits a augmenté d'un mètre depuis début juillet. Cela semble assez logique étant donné que l’eau souterraine se déplace de la montagne vers l’océan. Rencontrant un obstacle, cela provoque une élévation de son niveau. Le gros problème, c’est que cette eau est fortement contaminée ; Tepco reconnaissait qu' « il est possible que les eaux aient commencé à passer par dessus le mur souterrain », ce qui signifie en clair qu’elle est déjà en train de rejoindre l’océan.

Schéma de l’Asahi TV : le niveau de l’eau de la tranchée est plus haut que le sommet du mur chimique.

Schéma de l’Asahi TV : le niveau de l’eau de la tranchée est plus haut que le sommet du mur chimique.

De l’eau contaminée dans l’océan

 

Les mesures réalisées en mer depuis deux ans et demi montrent que la radioactivité ne baisse pas près de la centrale de Fukushima Daiichi, alors que la décroissance radioactive et la dilution auraient dû provoquer une diminution significative de la pollution. On supposait donc que la centrale relâchait des effluents radioactifs mais Tepco refusait jusqu’à maintenant d’admettre cette réalité. Ce n’est que le 22 juillet 2013 que l’opérateur a reconnu une pollution du Pacifique, puis le 2 août, Tepco a annoncé que la quantité totale de tritium rejeté depuis mai 2011 était comprise entre 20 000 et 40 000 milliards de becquerels (20 et 40 TBq). En fait, suite à la fuite de 2011 qu’ils avaient eu du mal à contenir, Tepco s’était engagé à boucher des conduits, ce qui pourtant n’a jamais été fait durant 2 ans, la situation s’étant soit-disant « stabilisée ».

 

Localisation des fuites de 2011 (Asahi)

Localisation des fuites de 2011 (Asahi)

On se rend compte à chaque fois que l’opérateur n’a rien d’un service public – bien que l’état japonais soit l’actionnaire majoritaire – mais est bien une entreprise commerciale qui, recherchant toujours le profit, évite au maximum les dépenses. Finalement le 7 août 2013, le gouvernement, par l’intermédiaire de l’Agence des Ressources Naturelles et de l’Énergie, annonce que 300 m3 d’eau contaminée rejoignent quotidiennement l’océan.

 

Pomper en urgence

 

L’ensemble des conduits-tunnels-tranchées en aval de la centrale contiennent environ 15 000 m3 d'eaux contaminées. Devant l’insistance de la NRA, Tepco s’est engagé à commencer à les pomper dès le week-end prochain alors qu’ils programmaient ce nouveau chantier seulement à la fin du mois d’août. Comme le bassin qui devait recueillir cette eau supplémentaire près de l’unité 2 n’a pas encore été construit, cela va réduire mécaniquement les capacités de stockage du site.

Dès le mois de juin 2013, Tepco avait constaté une augmentation de la radioactivité dans l’eau d’un conduit situé près de l’unité 2. Mais en juillet, ça a été un peu la panique : deux prélèvements dans des tranchées qui servent en fait de réservoir d’eau contaminée depuis le début de la catastrophe ont donné des mesures impressionnantes : le premier prélèvement (19 juillet 2013) a mesuré 36 milliards de Bq/m3 de césium 134/137, et le second (26 juillet 2013) 2 350 milliards de Bq/m3. D’où l’état d’urgence décrété par la NRA.

 

 

Des tranchées qui débordent

 

Aujourd’hui, il est avéré que l’eau contaminée passe par-dessus la barrière chimique. On peut penser aussi qu’elle passe par en dessous et sur les côtés, étant donné que ce « mur » chimique est intermittent. On peut également penser que depuis 2 ans toute la communication de Tepco sur la nappe phréatique qui se serait maintenue sagement sous la centrale n’est qu’une vaste fumisterie. Dans une émission récente sur Asahi TV, des experts dénoncent les projets désastreux de l’opérateur.

 

Sur Asahi TV, on explique que même le mur en acier-béton ne serait pas efficace puisque l’eau de la nappe phréatique contournerait facilement la barrière pour rejoindre l’océan.

Sur Asahi TV, on explique que même le mur en acier-béton ne serait pas efficace puisque l’eau de la nappe phréatique contournerait facilement la barrière pour rejoindre l’océan.

Pour l’instant, aucune action destinée à retenir l’eau contaminée n’a été efficace. Elles ont été réalisées en dépit du bon sens. Pourtant depuis le début de nombreux experts réclament une enceinte souterraine fermée, une sorte de sarcophage souterrain gigantesque dont la construction prendrait deux années. Si cette décision avait été prise il y a deux ans, le déferlement de l’eau contaminée dans l’océan Pacifique aurait peut-être été contenu aujourd’hui. Peut-être, car on ne sait pas pour l’instant quelle profondeur devrait avoir cette enceinte. La centrale de Fukushima repose sur des couches sédimentaires gréseuses et il est probable que l’eau y circule très facilement à des profondeurs insoupçonnées.

 

Le corium sorti de l’enceinte ?

 

Selon l’ACROnique de Fukushima du 1er août, les derniers résultats de mesure de la contamination en césium de l'eau des tranchées incriminées font apparaître des concentrations en centaines de millions de becquerels par litre pour le réacteur n°2. Plus l'eau est prélevée profondément, plus elle est radioactive, relate aussi Gen4 : il y a jusqu'à 950 millions de becquerels par litre. Cela laisse penser que l’eau qui refroidit les coriums sort de l’enceinte de confinement et largue ses radionucléides en continu dans la nappe phréatique. Etant donné que Tepco ment par omission en permanence sur tous les fronts depuis le début de la crise, on peut penser raisonnablement que c’est une des dernières cachoteries de l’opérateur maudit.

Des échantillons ont été prélevés le 31 juillet à une profondeur de 1 mètre, 7 mètres et 13 mètres sur le côté mer de la centrale. (Asahi)

Des échantillons ont été prélevés le 31 juillet à une profondeur de 1 mètre, 7 mètres et 13 mètres sur le côté mer de la centrale. (Asahi)

Que faire maintenant ?

 

Maintenant que le gouvernement a révélé que 300 m3/jour d’eau contaminée s’écoulent en continu dans l’océan, que va-t-il être possible de faire ? Il devient très critique de travailler dans cet environnement de plus en plus radioactif. Les hydrogéologues de la NRA certes travaillent sur le sujet, mais rarement la théorie concorde avec le terrain. L’eau finit toujours par s’infiltrer et s’installer. Il serait dangereux que le sol où est construite la centrale devienne un bourbier radioactif car il pourrait devenir instable. La solution à court terme est donc d’encore pomper et stocker. La solution à long terme n’est pas encore connue. Ou alors, il faut faire comme l’IRSN, rester optimiste quoi qu’il arrive : « Au vu des valeurs observées dans l’eau de nappe, l’apport de radioactivité à l’océan par le site devrait rester limité au regard de cet apport terrestre global, compte tenu des mesures prises, et les éventuels impacts écologiques devraient vraisemblablement rester localisés aux environs immédiats de la centrale du fait de l'importante capacité de dilution de l'océan. » (IRSN, 10 juillet 2013)

 

Grès de Fukushima (coupe géologique à 300 m de la centrale)

Grès de Fukushima (coupe géologique à 300 m de la centrale)

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2 août 2013 5 02 /08 /août /2013 23:21

Il existe deux webcams braquées en permanence sur la centrale de Fukushima Daiichi et disponibles en ligne. L’une est gérée par Tepco sur le site nucléaire même (lien), l’autre par une chaîne de télévision commerciale, JNN (Japan News Network), régie par le réseau TBS (Tokyo Broadcasting System, Inc.). Aujourd’hui, je vais vous parler de la seconde, connue sous le sigle TBS/JNN. L’accès à cette webcam se fait sur le compte Youtube TBS News-i , mais attention, le lien change de temps en temps et il faut le réactualiser. Cette webcam est très visitée par les veilleurs de Fukushima du monde entier.

 

Depuis longtemps, je me demandais où pouvait se trouver cette caméra indiscrète qui donne des images de la centrale avec un autre angle de vue que celle de Tepco et qui a fourni en mars 2011 les célèbres images des explosions des unités 1 et 3. Pour tenter de localiser cette caméra, j’ai prospecté les montagnes situées au sud-ouest de Fukushima Daiichi en utilisant l’outil Google Earth. Une fois trouvés quelques points culminants possibles, j’ai comparé l’image virtuelle 3D avec une vue grand angle capturée le 16 mars 2011 (explosion de l’unité 3) par la caméra TBS/JNN et j’ai choisi la configuration de paysage la plus proche du cliché.

Image tirée de Google Earth avec cadrage centré sur le site de Fukushima Daiichi

Image tirée de Google Earth avec cadrage centré sur le site de Fukushima Daiichi

Comparaison de la photo avec l’image virtuelle 3D

Comparaison de la photo avec l’image virtuelle 3D

Situation du sommet repéré en plan et ligne de visée

Situation du sommet repéré en plan et ligne de visée

La position possible de la caméra TBS/JNN se situe à 17 km à vol d’oiseau de la centrale, au sommet d’une montagne du district de Naraha, à 682 m d’altitude. A cet endroit, on voit sur la photo aérienne plusieurs mâts, reconnaissables par leur ombre au sol.

Au premier plan, vue du point culminant probable avec ses installations

Au premier plan, vue du point culminant probable avec ses installations

Le fait que cette caméra soit placée en altitude donne une image oblique plongeante avec un horizon qui n’est pas le ciel mais la mer.

Zoom avec la mer comme horizon (cliché du 8 avril 2013)

Zoom avec la mer comme horizon (cliché du 8 avril 2013)

La qualité HD de l’objectif lui permet de faire des zooms impressionnants qui ont permis par exemple de voir évoluer les ouvriers sur le niveau technique du réacteur n°4 en 2012.

 

En revanche, toute perturbation atmosphérique de type brouillard, brume, nuage, pluie, neige engendre un brouillage partiel ou complet de l’image. Un autre écueil à la netteté de l’image est la chaleur, les mouvements de convection de l’air chaud provoquant des distorsions visuelles.

 

La webcam TBS/JNN a permis durant deux ans et demi de suivre l’évolution des travaux sur le site, souvent même avant d’avoir des informations de Tepco. Ce qu’ont découvert les veilleurs de Fukushima en visionnant cette webcam, c’est que justement Tepco ne donne pas toutes les informations. Par exemple, l’opérateur japonais ne s’est jamais vanté de l’apparition de panaches de vapeur alors que l’arrêt à froid avait été décrété.

 

Par ailleurs, la caméra ne fixe pas sans arrêt la centrale. De temps à autre, des plans sont faits sur le paysage, avec quelques zooms intéressants donnant divers aspects du point de vue. Par exemple, voici des clichés extraits de l’enregistrement du 25 janvier 2012 :

La webcam TBS/JNN surveille la centrale de Fukushima Daiichi
La webcam TBS/JNN surveille la centrale de Fukushima Daiichi
La webcam TBS/JNN surveille la centrale de Fukushima Daiichi

Dernièrement, le 3 mai 2013, la caméra s’est intéressée aux réacteurs 5 et 6, très peu observés jusqu’à maintenant. Malheureusement, la source a disparu en l’espace de quelques semaines et je n’avais pas encore extrait de clichés quand je m’en suis aperçu. Dans ces défuntes images, on percevait que les deux bâtiments réacteurs n’ont pas la même hauteur. Le n° 6, que l’on voyait en arrière-plan, dépasse de 14 m son voisin n° 5. Il est aussi plus puissant, avec une puissance thermique presque 3 fois supérieure à l’unité 1 : 3293 MWt contre 1380 MWt. Mis en service en 1979, il est le dernier construit sur le site de Fukushima Daiichi (source).

 

Cela m’amène à penser que la disparition progressive des images et des vidéos sur Fukushima peut faire partie d’un plan de nettoyage du net. Certaines parties sensibles des installations ne sont jamais montrées, et si, pour une raison ou pour une autre, une image gênante sort par mégarde, on s’arrange pour la faire disparaître. Par exemple, les images de l’incendie survenu le 19 octobre 2012 ont été « nettoyées ». Mais le cas du réacteur n°4 est un meilleur exemple. Tepco a déjà prouvé plusieurs fois son intention de cacher des endroits de ce bâtiment, soit directement par coloriage blanc, soit par aplats noirs. Mais le summum est bien le verrouillage total de la diffusion d’images des incendies et de l’explosion du bâtiment réacteur 4. Pourtant, la caméra TBS/JNN, ainsi que bien d’autres caméras fixées sur la centrale en pleine crise, filmaient bien la centrale en continu en ces jours des 15 et 16 mars 2011…

 

En fait, je suis très inquiet de la disparition progressive des documents sur Fukushima, car cette suppression des sources empêchera les historiens de travailler correctement et permettra un lissage, voire un gommage de certains faits. Tout en rédigeant ce billet, alors que je vérifiais quelques liens, je me suis rendu compte à nouveau de la fragilité des documents mis en ligne et de la nécessité de les sauvegarder. Non seulement la vidéo infrarouge du 11 mars 2011 a disparu, mais la pire découverte pour moi a été de constater la suppression de l’intégralité de la collection des 11 vidéos de 2012 prouvant que « l’arrêt à froid » était un mensonge (lien vers la collection massacrée). La création d’une base de données francophone sur la catastrophe de Fukushima pourrait contrer cette dégradation progressive et continue des sources.

 

Pierre Fetet

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19 juillet 2013 5 19 /07 /juillet /2013 01:53

Manifestement, Tepco est débordé. Non seulement il doit toujours gérer l’arrivée de centaines de tonnes d’eau contaminée par jour, les fuites multiples et variées des réservoirs souterrains ou aériens et la contamination de la nappe phréatique et de l’océan qui sont de plus en plus radioactifs, mais il doit en plus trouver une solution à une découverte faite le 18 juillet 2013 par un ouvrier sous-traitant chargé de nettoyer les débris du niveau technique du réacteur n°3 : de la vapeur s’échappe du bâtiment en continu. Pour minimiser ce fait très gênant, Tepco l’explique en prétendant que de l’eau de pluie s’est infiltrée et s’évapore à cause de la chaleur.

 

En fait, Tepco fait semblant de ne pas savoir, comme d’habitude. Il faut revenir en mars 2011 pour comprendre ce qui se passe. Une vidéo aérienne prise le 27 mars 2011 montre très clairement que le confinement du réacteur 3 était atteint après l’explosion du 14 mars 2011. Voyez ce cliché extrait de cette vidéo : de la vapeur s’échappe du centre du bâtiment en ruine, côté nord. On distingue bien la fosse de rangement de matériel, et la vapeur qui s’échappe à sa droite.

Tepco débordé à Fukushima Daiichi

Or aujourd’hui, Tepco essaie de cacher, de manière ridicule, qu’il y a une fuite à ce même endroit, alors qu’ils savent très bien que la vapeur provient de l’enceinte de confinement.

On a souvent vu de la vapeur s’échapper des bâtiments depuis que Tepco et le gouvernement ont déclaré les réacteurs à froid en décembre 2011 (Se reporter aux vidéos collectées dans cette page : Arrêt à froid avec panaches). Donc on sait bien que les coriums sont capricieux. Non seulement on ne sait pas où ils sont, mais en plus ils peuvent de temps en temps générer des recriticités (redémarrages localisés et chroniques de fissions), donc de la chaleur, d’où le bore préparé par Tepco pour calmer le monstre.

Situation de la fuite du réacteur 3

Situation de la fuite du réacteur 3

Donc pour résumer, Tepco nous fait un sketch sur une fuite connue depuis deux ans et demi en nous expliquant que ce n’est que de la pluie qui s’évapore alors que c’est le scénario du pire : il n’existe plus de confinement, la vapeur radioactive sort de l’enceinte de confinement comme d’une vieille cocotte minute ayant perdu son joint.

 

Maintenant, on peut se demander pourquoi Tepco (et le gouvernement qui est actionnaire majoritaire) joue à ce petit jeu. Est-ce pour détourner l’attention de la contamination record de l’océan ? ou est-ce pour annoncer petit à petit, l’air de rien, que le Japon ne pourra pas gérer et payer tout seul cette catastrophe continuelle qui affecte le monde depuis 2 ans et demi ?

 

Photos fournies par Tepco :

 

1 : A droite, on voit la piscine de combustible recouverte d’une toiture protectrice qui a été posée pour la durée des travaux de déblaiement du niveau technique.

1 : A droite, on voit la piscine de combustible recouverte d’une toiture protectrice qui a été posée pour la durée des travaux de déblaiement du niveau technique.

2 : Cette photo démontre, pour ceux qui pensaient que la cuve du réacteur avait explosé, que la dalle ronde anti-missile, située juste au dessus de l’enceinte de confinement, est toujours en place. Par-dessus cette dalle se trouve le pont roulant qui est tombé là lors de l’explosion du 14 mars 2011.

2 : Cette photo démontre, pour ceux qui pensaient que la cuve du réacteur avait explosé, que la dalle ronde anti-missile, située juste au dessus de l’enceinte de confinement, est toujours en place. Par-dessus cette dalle se trouve le pont roulant qui est tombé là lors de l’explosion du 14 mars 2011.

3. Il reste encore beaucoup de décombres, mais pour l’instant le chantier a été arrêté à cause de la vapeur. Quoi qu’il en soit, ce sont des robots qui travaillent à cet étage car la radioactivité y est trop importante.

3. Il reste encore beaucoup de décombres, mais pour l’instant le chantier a été arrêté à cause de la vapeur. Quoi qu’il en soit, ce sont des robots qui travaillent à cet étage car la radioactivité y est trop importante.

___________________

Pour suivre l’évolution de la catastrophe nucléaire :

Info quotidienne avec la page de l’ACRO

Infos hebdomadaires avec la compilation de Pectine

Infos japonaises, traduites en français, avec Fukushima Diary

Infos interactives avec les groupes Facebook dédiés à Fukushima : Fukushima Information, Les veilleurs de Fukushima francophones, Dernières nouvelles de veilleurs, etc.

Infos techniques avec Gen4

Infos diverses avec Les veilleurs de Fukushima

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19 juin 2013 3 19 /06 /juin /2013 16:32
Fukushima : une vidéo inédite et des vapeurs suspectes

Selon le Japan Times du 18 juin 2013, l’autorité de réglementation nucléaire japonaise (NRA) vient de faire savoir que, suite à l’inspection du bâtiment réacteur 1, le tremblement de terre du 11 mars 2011 n’aurait pas endommagé la tuyauterie du condenseur d’isolement, système qui permet le refroidissement du réacteur. Cette enquête a pour origine le constat d’une fuite d’eau qui aurait pu avoir causé l’arrêt du système de refroidissement avant l’arrivée du tsunami. Un ouvrier témoin avait affirmé que cette fuite n’était pas de la vapeur, ce qui signifie, selon ce média, qu'il serait peu probable que les tuyaux des condenseurs aient été endommagés, car ils sont censés contenir uniquement de la vapeur.

Pourtant, il y avait bien de la vapeur qui s’échappait de la centrale de Fukushima Daiichi au moment de l’arrivée du tsunami, évènement que j’ai pu observer récemment en visionnant une vidéo restée inaperçue jusqu’à maintenant.

J’ai trouvé ces images de la chaîne japonaise FNN au hasard de mes recherches.  Elles ne semblent pas avoir été très diffusées, allez savoir pourquoi. C’est une vidéo de l’arrivée du tsunami sur la centrale de Fukushima Daiichi, vue du sud. La prise de vue est réalisée avec un téléobjectif, probablement depuis un éperon rocheux à 6 km au sud, ce qui permet d’avoir cet angle de vue. On voit les quatre cheminées du site nucléaire, l’unité n°4 qui est juste derrière la plus grosse cheminée en premier plan, l’unité 1 qui se dégage car décalée par rapport aux unités 2, 3 et 4, et les unités 5 et 6 en arrière-plan surélevé.

Vision de la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi depuis le sud

Vision de la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi depuis le sud

Ce qui est très intéressant dans cette vidéo, c’est sa relative netteté et les informations nouvelles qu’elle met au jour : hormis la violence des vagues frappant la falaise, on peut observer très nettement que le site, au niveau des unités 1-2-3-4, laisse échapper des panaches de vapeur provenant de deux endroits différents. Au temps 3’28, une réplique sismique a lieu et immédiatement se forme un énorme panache côté est. Il est possible qu’à ce moment-là, au moins un panneau-évent était déjà tombé et que la vapeur provenait directement de cette ouverture de sûreté. Cette observation tend à montrer qu’au moment du tsunami, il existait déjà une grande chaleur dans au moins un des bâtiments réacteurs et donc que le tsunami n’était pas responsable de ces rejets de vapeurs.

 

Ca démontre aussi que l’accident nucléaire a commencé au moment du séisme et non pas suite au tsunami, car en fonctionnement normal, une unité de production ne produit pas de tels panaches de vapeur. Il semble que dès 15h37, au moment de l’arrivée du tsunami, soit 3 quarts d’heure après le séisme, les réacteurs 1 et 2 avaient des problèmes de confinement.

 

Etant donné qu’il n’est pas possible qu’une piscine se soit déjà réchauffée à ce point en seulement 45 minutes, il est fortement probable que cette vapeur ce soit échappée soit du circuit de refroidissement, soit de l’enceinte de confinement.

 

Cette information est capitale car Tepco, le gouvernement et l’AIEA ont toujours affirmé que la catastrophe avait débuté avec le tsunami. A ce propos, seule la commission d’enquête indépendante de la Diète a émis des réserves sur les conclusions empressées des protagonistes du village nucléaire :

Nous concluons que TEPCO a été trop rapide à avancer le tsunami comme cause de l'accident nucléaire et à nier que le séisme ait causé des dégâts. Nous croyons que le séisme a probablement endommagé l'équipement nécessaire pour assurer la sécurité et qu’il est possible qu’il y ait eu une légère perte du liquide de refroidissement dans le réacteur 1. Nous espérons que ces points seront examinés de façon plus approfondie par une prochaine enquête.

Même si les deux catastrophes naturelles – le séisme et le tsunami qui a suivi - ont été les causes directes de l’accident, il reste plusieurs points dans le déroulement des événements qui n’ont pas été éclaircis. La raison principale en est que presque tout l’équipement directement lié à l’accident se trouve à l’intérieur de l’enceinte des réacteurs, qui sont inaccessibles et le resteront encore de longues années. Un examen complet et une analyse exhaustive sont donc impossibles actuellement.

TEPCO n’a cependant pas hésité à attribuer l'accident au tsunami, et à conclure que le séisme n'était pas responsable des dommages à l'équipement nécessaire à la sécurité (même s’il a ajouté « dans la mesure où l’information a pu être confirmée », une phrase qui apparaît dans les rapports de TEPCO au gouvernement et à l'AIEA). Cependant, sans preuve de fond, il est impossible de considérer le tsunami comme la cause directe de l’accident. La Commission estime qu'il s'agit là d'une tentative pour éviter toute responsabilité en mettant tout sur le compte de l’inattendu (la hauteur du tsunami), comme il est écrit dans le rapport intermédiaire, et non pas sur le séisme, plus prévisible.

Grâce à notre enquête, nous avons vérifié que les personnes impliquées étaient au courant du risque de séisme et de tsunami. En outre, les dommages causés au réacteur 1 ont été causés non seulement par le tsunami, mais aussi par le séisme, une conclusion établie après avoir examiné les faits suivants :
1) La plus grande onde de choc du séisme a frappé après l'arrêt automatique (SCRAM) [des réacteurs].
2) La JNES a confirmé la possibilité d’un accident localisé de perte de liquide de refroidissement.
3) Les opérateurs du réacteur 1 se sont inquiétés de la fuite de liquide de refroidissement de la soupape de sécurité.
4) La soupape de décharge ne fonctionnait pas.

En outre, il y a eu deux causes à la perte d'alimentation externe, toutes deux liées au séisme: il n'y avait pas de systèmes redondants et diversifiés, ni de résilience parasismique pour les alimentations électriques externes, et par ailleurs, le poste de transformation de ShinFukushima n'était pas résistant aux séismes.

Rapport NAIIC

 

 

Chronologie et analyse de la vidéo

 

14h46 : au moment du tremblement de terre, les alarmes fonctionnent normalement. Les barres de contrôle se relèvent automatiquement et mettent à l’arrêt les 3 réacteurs en fonctionnement. Les piscines se remplissent d’eau pour éviter toute surchauffe.

 

14h52 : un système de refroidissement de secours se met en route automatiquement. Les opérateurs estiment qu’un refroidissement trop rapide du cœur pourrait endommager la cuve et arrêtent le système. L’alerte au tsunami prédit une vague de 3 m à Fukushima.

 

15h27 : une première vague de 4 m arrive. La digue de la centrale étant à 5m70, cette première vague n’atteint pas les installations.

 

15h35 : une autre série de vagues d’une hauteur de 14 à 15 m inonde le bâtiment des turbines et percute la pompe d’eau de mer. 11 groupes électrogènes sur 12 sont mis hors service.

C’est à ce moment précis que commence la vidéo, et plus exactement quelques secondes plus tard.

 

 

Séquence 1 : 0:16 à 1:11 (c’est-à-dire 15:35:20 à 15:36:15)

 

Pour bien faire, il ne faut pas regarder les vagues impressionnantes qui ont lieu sur des falaises situées en premier plan à 3 km au sud de la centrale. Il faut fixer son attention sur le site nucléaire lui-même.

Vague se fracassant sur la falaise située 3 km au sud de la centrale (0:31) et analyse du paysage
Vague se fracassant sur la falaise située 3 km au sud de la centrale (0:31) et analyse du paysage

Vague se fracassant sur la falaise située 3 km au sud de la centrale (0:31) et analyse du paysage

 

Mais avant tout, voici une analyse de la silhouette de l’usine nucléaire, on verra que la localisation précise des bâtiments réacteurs (BR) est importante à connaître pour situer les différents panaches.

Analyse de l’image de la centrale vue du sud

Analyse de l’image de la centrale vue du sud

 

Revenons à la chronologie fine.

15 :35 :21 : un panache de vapeur apparaît entre le BR1 et le BR2. Ce panache ne peut être confondu avec une vague car celui-ci se déplace lentement de l’ouest vers l’est, alors que l’eau d’un ressac projetée vers le haut retombe de manière verticale.

Panache provenant de l’entre BR1-BR2 ou du BR2 (0:18)

Panache provenant de l’entre BR1-BR2 ou du BR2 (0:18)

15:35:58 : un nouveau panache situé entre le BR1 et le BR2 confirme que de la vapeur fuit en masse.

Panache provenant de l’entre BR1-BR2 ou du BR2 (0:55)

Panache provenant de l’entre BR1-BR2 ou du BR2 (0:55)

 

La vidéo attachée à un timing (horaire local) s’arrête à 1:10, soit à 15:36:13 selon le timing visible au début de la séquence, puis flouté. Les autres séquences de la vidéo de FNN n’indiquent pas le timing, mais on peut l’évaluer en observant les évènements et le niveau de la mer.

 

 

Séquence 2 : 1:11 à 2:02

 

La deuxième séquence montre un zoom sur la centrale. On voit une vague se fracasser sur le côté sud-est de la centrale, mais la vision est insuffisante pour savoir où a lieu l’impact, qui probablement est situé plus au sud que ce qu’on pense.

 

Vague au sud-est de la centrale de Fukushima Daiichi (1:18)

Vague au sud-est de la centrale de Fukushima Daiichi (1:18)

Puis on voit un panache de vapeur semblant provenir de l’espace entre le BR1 et le BR2.

Panache provenant de l’entre BR1-BR2 ou du BR2 (1:50)

Panache provenant de l’entre BR1-BR2 ou du BR2 (1:50)

 

La mer est haute, mais il est difficile de savoir si la séquence 2 est antérieure ou postérieure à la séquence 1. Toutefois, selon le choix chronologique du montage de cette vidéo, il est probable que la séquence 2 soit postérieure à la séquence 1.

 

Un détail permet de faire un raccord avec la séquence suivante : une cheminée située sur le BR6 est en train de fumer à la fin de la séquence 2 (à partir de 1:40) et on la retrouve identique au début de la séquence 3. Le BR6, dont Tepco ne parle quasiment jamais, a donc eu aussi un problème suite au séisme qui a provoqué ou nécessité un relâchement de gaz.

 

Fumée provenant d’une cheminée du BR6 (1:44)

Fumée provenant d’une cheminée du BR6 (1:44)

 

Séquence 3 : 2:02 à 3:14

 

La mer est en train de se retirer, et une réplique a lieu à 2:04-2:06. Puis la vidéo passe en vitesse accélérée montrant l’océan reprendre sa place habituelle.

A 2:25, on observe encore un panache de vapeur, mais cette fois-ci provenant de l’arrière du BR1 (nord du bâtiment).

 

Panache provenant de l’arrière du BR1, soit entre BR1 et BR5 (2:25)

Panache provenant de l’arrière du BR1, soit entre BR1 et BR5 (2:25)

A 2:31, une image est insérée pour faire une comparaison du niveau de la mer pendant et après le tsunami. La vapeur est encore visible derrière le BR1 à 2:35.

 

 

Séquence 4 : 3:14 à 3:50

 

La mer est à un niveau bas. A 3:28, une grosse réplique secoue la caméra. Immédiatement, cela provoque le dégagement d’un gros panache de vapeur, provenant du côté nord du BR1. Qu’est-ce qui peut provoquer de la vapeur quand on le secoue ?

La réplique enregistrée est peut-être celle de 15h48 ou celle de 16h10.

 

 

Fukushima : une vidéo inédite et des vapeurs suspectes

 

Séquence 5 : 3:50 à 4:29

Zoom sur la côte et ses vagues. Vision tronquée et embrumée de la centrale.

 

Séquence 6 : 4:29 à 5:09

Vision générale de la côte rocheuse et ses vagues.

 

Conclusion 

 

Ma conclusion aura la forme de questions :

Quelle est l’origine de ces panaches de vapeur, à deux endroits différents de la centrale ?

Pourquoi le BR6 a une cheminée qui dégage de la fumée peu après le tsunami ?

Quelle est la nature de ces rejets atmosphériques, et sont-ils volontaires ?

Tepco doit le savoir évidemment, pourquoi n’a-t-il jamais rien dévoilé sur ces sujets ?

Pourquoi cela reste-t-il caché ?

Cette vidéo compromettante pour l’industrie nucléaire ne va sans doute pas faire long feu. Amis de la vérité, sauvegardez-la avant que les nettoyeurs de la révision historique ne passent à l’action ! Je viens de me rendre compte que sur les 2 vidéos que je proposais dans un de mes premiers articles en avril 2011, 100% ont été supprimées (cf. ci dessous). C’étaient des comptes youtube, et à l’époque, je ne savais pas télécharger une vidéo. L’une montrait la vague arriver sur la centrale, l’autre montrait les dégâts causés sur les quais de la centrale. Encore un bel exemple de la « transparence » de l’industrie nucléaire.

 

Pierre Fetet

 

Vidéo supprimée de la vague sur Fukushima : http://www.youtube.com/watch?v=xwFrah3o4Cs

Vidéo supprimée de la vague sur Fukushima : http://www.youtube.com/watch?v=xwFrah3o4Cs

Vidéo supprimée des quais de la centrale de Fukushima Daiichi : http://www.youtube.com/watch?v=uAVKoCmBaPw

Vidéo supprimée des quais de la centrale de Fukushima Daiichi : http://www.youtube.com/watch?v=uAVKoCmBaPw

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8 juin 2013 6 08 /06 /juin /2013 23:10
Du césium pour les repas du Président de la République ?

Dans le cadre de la promotion des produits de Fukushima, la chaîne de télévision publique japonaise NHK a lancé une campagne internationale pour obtenir l’appui de gens aussi variés que des journalistes, des blogueurs et… des chefs cuisiniers. C’est ainsi qu’aux frais du contribuable japonais, des personnes du monde entier se sont déplacées et se déplacent au Japon pour participer à des émissions de promotion diffusées à la télévision.

Selon le journal L’Est Républicain (édition Est Magazine du 7 avril 2013, p. 21), une délégation de chefs s’est ainsi rendue dans la région de Fukushima « afin d’aider les pêcheurs et agriculteurs locaux à redonner une image positive de leurs produits ».

 

Bernard Vaussion, le chef de l’Elysée, faisait partie de ce voyage promotionnel. Celui-ci s’est rendu à Aizuwakamatsu en février 2013, à plus de 90 km à l’ouest de la centrale de Fukushima Daiichi, et non pas « à une quarantaine de kilomètres de la centrale » comme cela est relaté dans le journal. Cet écart participe au discours général de l’article signé Jean-Charles Verguet qui énonce un autre mensonge plus grave : « Les fruits, les légumes, la viande, les poissons du secteur victimes de l’accident nucléaire, ne présentent plus de risques sanitaires » et qui rapporte les paroles d’un autre acteur du projet, Gilles Bragard : « Il n’y a plus de radioactivité nocive (sic) en dehors de la zone d’exclusion autour de la centrale ».

Bernard Vaussion faisant la promotion de produits de Fukushima

Bernard Vaussion faisant la promotion de produits de Fukushima

Avec cet article diffusé en grand tirage dans l’est de la France, le gouvernement japonais, par l’intermédiaire d’un voyage doré filmé par la NHK, atteint son objectif : diffuser l’idée que la radioactivité disparaît au bout de quelques années, que l’on peut vivre à Fukushima comme partout ailleurs dans le monde, et qu’au final, un accident nucléaire de temps en temps, c’est un risque acceptable.

 

Ce n’est pourtant pas l’avis des femmes de Fukushima qui s’expriment dans cette vidéo rassemblant leurs témoignages (sous-titrage en français) :

 

Désormais, il y a deux Japons, séparant deux manières de voir la catastrophe nucléaire : il y a ceux qui, conscients du danger des radiations, évacuent ou qui demandent à être évacués, et il y a ceux qui pensent que la décontamination est possible, qu’elle peut être efficace, et qu’il est possible de vivre en territoire contaminé. On sait pourtant depuis Tchernobyl que les faibles doses rendent malades les enfants, mais on fait comme si cette triste expérience n’existait pas.

 

Bernard Vaussion, peut-être sans le savoir vraiment, a donc choisi de promouvoir la consommation de produits faiblement radioactifs. Il a participé à la préparation d’un repas de gala sous les caméras avec des personnalités japonaises des arts et du spectacle. Il y avait 200 personnes à ce repas de solidarité faiblement radioactif, dont l’ambassadeur de France au Japon Christian Masset. Bien sûr, tous ces gens ne risquent rien car ce ne sont pas quelques becquerels en plus qui vont les rendre malades, ils ne vivent pas en territoire contaminé et ils ne sont pas obligés de vivre avec cet apport radioactif journalier et cette angoisse permanente.

 

Bien sûr, tous ceux qui vont s’empresser de critiquer ce billet n’habitent pas en territoire contaminé, ils ne risquent rien mais sont tous d’accord pour que les autres, loin de chez eux, soient contaminés à leur place. Bien sûr Bernard Vaussion ne va pas préparer de plats contaminés à François Hollande, ni à sa propre famille d’ailleurs. La promotion de la bouffe au césium, c’est bon uniquement pour les Japonais. Quoique… Le jour où il y aura un accident nucléaire en France, la situation sera identique, il y aura tellement de monde à évacuer que cela ne sera pas possible et qu’on demandera à la majeure partie de ne pas bouger. Et là, il faudra des volontaires pour manger en direct à la télévision des légumes radioactifs, cuisinés par des grands chefs soumis à la volonté du pouvoir.

 

Ni Bernard Vaussion, ni François Hollande n’ont compris les dangers réels de la contamination interne. Les deux, indirectement ou directement, font la promotion de l’énergie nucléaire. La stratégie de communication du village nucléaire est décidément un cancer de notre société. Elle utilise tous les moyens dans les milieux pédagogiques, culturels, artistiques, sportifs, scientifiques, économiques et politiques pour gangréner les esprits. Elle envahit le web, les médias, les institutions.

 

Alors petit rappel pour ces deux personnes intelligentes et pour toutes les autres qui auraient tendance à oublier la situation actuelle :

 

- Il faut attendre 300 ans, et non pas 2 ans, avant que le césium perde toute sa radioactivité.

- La contamination interne permanente rend malade les gens, surtout les enfants.

- On n’a pas le droit de jouer avec la santé des enfants.

- 27 ans après Tchernobyl, 3 enfants sur 4 ne sont plus en bonne santé en Biélorussie.

- 2 ans après Fukushima, déjà 12 enfants de Fukushima ont un cancer de la thyroïde et 15 sont suspectés.

 

Pour ceux dont les connaissances sur la radioactivité sont limitées, il faut lire de toute urgence le vademecum réalisé par Georges Magnier (site Vivre après Fukushima). Si vous êtes victime d’un accident nucléaire, vous n’aurez plus le temps de le consulter, et vous serez démunis face à une situation que vous ne comprendrez pas.

 

Télécharger le petit vademecum du nucléaire (500 Ko)

 

Pour terminer, car il faut bien répondre à la question du titre : non, pas de césium pour le Président de la République, ni pour les petits Français qui mangent dans les écoles françaises du Japon. Nicolas Sarkozy n’est pas allé à Fukushima, François Hollande non plus. Comme son prédécesseur, il a annoncé au Japon le renforcement du partenariat franco-japonais dans le nucléaire, comme si la catastrophe en cours n’avait eu aucun impact sur sa conscience. Et pendant ce temps, Edison International prenait la décision de fermer la vieille centrale de San Onofre (Californie)…

 

Pierre Fetet

L'origine des denrées est contrôlée de la même manière que pour le menu de demi-pension ( Aucun produit en provenance du nord de Tokyo (Aomori, Akita, Iwate, Yamagata, Miyagi, Gunma, Niigata, Fukushima, Tochigi, Ibaraki, Saitama, Chiba, Tokyo, Kanagawa, Shizuoka) n’est commandé).

Lycée français international de Tokyo

____________________

 

Photo d’entête : les chefs sous le feu des caméras de la NHK (source)

 

____________________

 

Aller plus loin : Message à François Hollande de la part de ressortissants japonais résidant en France.

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« Fukushima - Rejets dans le Pacifique : clarification et mise en perspective »

Une analyse critique des données concernant les rejets des eaux radioactives de la centrale de Fukushima Daiichi initiés en août 2023, dossier réalisé par la CRIIRAD qui tente de répondre à ces questions : Quels sont les principaux défis auquel est confronté l’exploitant de la centrale ? Quels sont les éléments radioactifs rejetés dans le Pacifique ? Les produits issus de la pêche sont-ils contaminés ? Est-il légitime de banaliser le rejet d’éléments radioactifs, notamment du tritium, dans le milieu aquatique ? Qu’en est-t-il en France ?

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Spectacle

Le spectacle d'Audrey Vernon "Fukushima, work in progress" est disponible en ligne à cette adresse :

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