2 août 2013 5 02 /08 /août /2013 23:21

Il existe deux webcams braquées en permanence sur la centrale de Fukushima Daiichi et disponibles en ligne. L’une est gérée par Tepco sur le site nucléaire même (lien), l’autre par une chaîne de télévision commerciale, JNN (Japan News Network), régie par le réseau TBS (Tokyo Broadcasting System, Inc.). Aujourd’hui, je vais vous parler de la seconde, connue sous le sigle TBS/JNN. L’accès à cette webcam se fait sur le compte Youtube TBS News-i , mais attention, le lien change de temps en temps et il faut le réactualiser. Cette webcam est très visitée par les veilleurs de Fukushima du monde entier.

 

Depuis longtemps, je me demandais où pouvait se trouver cette caméra indiscrète qui donne des images de la centrale avec un autre angle de vue que celle de Tepco et qui a fourni en mars 2011 les célèbres images des explosions des unités 1 et 3. Pour tenter de localiser cette caméra, j’ai prospecté les montagnes situées au sud-ouest de Fukushima Daiichi en utilisant l’outil Google Earth. Une fois trouvés quelques points culminants possibles, j’ai comparé l’image virtuelle 3D avec une vue grand angle capturée le 16 mars 2011 (explosion de l’unité 3) par la caméra TBS/JNN et j’ai choisi la configuration de paysage la plus proche du cliché.

Image tirée de Google Earth avec cadrage centré sur le site de Fukushima Daiichi

Image tirée de Google Earth avec cadrage centré sur le site de Fukushima Daiichi

Comparaison de la photo avec l’image virtuelle 3D

Comparaison de la photo avec l’image virtuelle 3D

Situation du sommet repéré en plan et ligne de visée

Situation du sommet repéré en plan et ligne de visée

La position possible de la caméra TBS/JNN se situe à 17 km à vol d’oiseau de la centrale, au sommet d’une montagne du district de Naraha, à 682 m d’altitude. A cet endroit, on voit sur la photo aérienne plusieurs mâts, reconnaissables par leur ombre au sol.

Au premier plan, vue du point culminant probable avec ses installations

Au premier plan, vue du point culminant probable avec ses installations

Le fait que cette caméra soit placée en altitude donne une image oblique plongeante avec un horizon qui n’est pas le ciel mais la mer.

Zoom avec la mer comme horizon (cliché du 8 avril 2013)

Zoom avec la mer comme horizon (cliché du 8 avril 2013)

La qualité HD de l’objectif lui permet de faire des zooms impressionnants qui ont permis par exemple de voir évoluer les ouvriers sur le niveau technique du réacteur n°4 en 2012.

 

En revanche, toute perturbation atmosphérique de type brouillard, brume, nuage, pluie, neige engendre un brouillage partiel ou complet de l’image. Un autre écueil à la netteté de l’image est la chaleur, les mouvements de convection de l’air chaud provoquant des distorsions visuelles.

 

La webcam TBS/JNN a permis durant deux ans et demi de suivre l’évolution des travaux sur le site, souvent même avant d’avoir des informations de Tepco. Ce qu’ont découvert les veilleurs de Fukushima en visionnant cette webcam, c’est que justement Tepco ne donne pas toutes les informations. Par exemple, l’opérateur japonais ne s’est jamais vanté de l’apparition de panaches de vapeur alors que l’arrêt à froid avait été décrété.

 

Par ailleurs, la caméra ne fixe pas sans arrêt la centrale. De temps à autre, des plans sont faits sur le paysage, avec quelques zooms intéressants donnant divers aspects du point de vue. Par exemple, voici des clichés extraits de l’enregistrement du 25 janvier 2012 :

La webcam TBS/JNN surveille la centrale de Fukushima Daiichi
La webcam TBS/JNN surveille la centrale de Fukushima Daiichi
La webcam TBS/JNN surveille la centrale de Fukushima Daiichi

Dernièrement, le 3 mai 2013, la caméra s’est intéressée aux réacteurs 5 et 6, très peu observés jusqu’à maintenant. Malheureusement, la source a disparu en l’espace de quelques semaines et je n’avais pas encore extrait de clichés quand je m’en suis aperçu. Dans ces défuntes images, on percevait que les deux bâtiments réacteurs n’ont pas la même hauteur. Le n° 6, que l’on voyait en arrière-plan, dépasse de 14 m son voisin n° 5. Il est aussi plus puissant, avec une puissance thermique presque 3 fois supérieure à l’unité 1 : 3293 MWt contre 1380 MWt. Mis en service en 1979, il est le dernier construit sur le site de Fukushima Daiichi (source).

 

Cela m’amène à penser que la disparition progressive des images et des vidéos sur Fukushima peut faire partie d’un plan de nettoyage du net. Certaines parties sensibles des installations ne sont jamais montrées, et si, pour une raison ou pour une autre, une image gênante sort par mégarde, on s’arrange pour la faire disparaître. Par exemple, les images de l’incendie survenu le 19 octobre 2012 ont été « nettoyées ». Mais le cas du réacteur n°4 est un meilleur exemple. Tepco a déjà prouvé plusieurs fois son intention de cacher des endroits de ce bâtiment, soit directement par coloriage blanc, soit par aplats noirs. Mais le summum est bien le verrouillage total de la diffusion d’images des incendies et de l’explosion du bâtiment réacteur 4. Pourtant, la caméra TBS/JNN, ainsi que bien d’autres caméras fixées sur la centrale en pleine crise, filmaient bien la centrale en continu en ces jours des 15 et 16 mars 2011…

 

En fait, je suis très inquiet de la disparition progressive des documents sur Fukushima, car cette suppression des sources empêchera les historiens de travailler correctement et permettra un lissage, voire un gommage de certains faits. Tout en rédigeant ce billet, alors que je vérifiais quelques liens, je me suis rendu compte à nouveau de la fragilité des documents mis en ligne et de la nécessité de les sauvegarder. Non seulement la vidéo infrarouge du 11 mars 2011 a disparu, mais la pire découverte pour moi a été de constater la suppression de l’intégralité de la collection des 11 vidéos de 2012 prouvant que « l’arrêt à froid » était un mensonge (lien vers la collection massacrée). La création d’une base de données francophone sur la catastrophe de Fukushima pourrait contrer cette dégradation progressive et continue des sources.

 

Pierre Fetet

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commentaires

K
OH LA MAIS Y A DE LA FUMEE !!!!!!!
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V
bravo pour ce blog. pourriez vous m'envoyer par mail le lien de la video infrarouge et les autres données sensibles svp ?
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I
Ce blog est une institution d'utilité publique. Il faut être reconnaissant à son auteur d'en poursuivre la réalisation et de continuer à rendre compte de la pollution radioactive de l'océan, qu'aucune dilution ne saurait atténuer en rason de l'inéluctable reconcentration de la radiactivité par la chaîne alimentaire. Nous sommes en présence d'un crime contre la biosphère.
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R
Un nouvel acte de la tragédie, évoqué par le Monde, renforce notre demande de transfert de la gouvernance des suites de la catastrophe nucléaire au secrétaire général de l' ONU. La contamination du Pacifique, que Tepco ne peut empêcher, nourrit notre colère, nos revendications. L'exploitant disqualifié doit s'effacer, le gouvernement de Tokyo privilégier la coopération internationale.
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S
Merci, Pierre, pour vos conseils. J'ai compris la méthode, je vais me débrouiller, et j'espère que beaucoup de vos lecteurs auront eux aussi le bon réflexe de sauvegarder les informations que vous transmettez. Je vous souhaite bon courage et reste attentive à vos futurs messages.
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M
Cela fait longtemps que j'ai constaté la disparition de certains liens trop embarrassants pour les politiques, notamment. Du coup je ne manque pas de tout de suite copier une vidéo ou un photo ou même un article si je pense qu'il risque de disparaître. Je stocke tout cela sur un disque dur spécial... Merci à vous Pierre Fetet pour votre générosité, ce site est le seul qui nous informe honnêtement de ce qui se passe, car pour avoir des infos fraîches c'est pas la peine de compter sur nos meRdias... Nous savons tous de toute façon pour qui ils travaillent.
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L
Salut Pierre, la collection de Ray est-elle disponible quelque part ?<br /> Il avait des photos en quantité du #4 et en HD en plus !<br /> Pour le partage des données, il reste les sites de stockage...<br /> Accès à la demande, discrétion assurée.
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G
BRAVO ET MERCI POUR VOTRE BLOG ET TOUS VOS ARTICLES ON VOUS SUIT AVEC INTERET ET ON ESSAI DE PARTAGER VOS PRECIEUSES INFORMATIONS
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C
Votre résistance à tous ,face à ce désastre , me redonne espoir.Le produit des informations observées par les guetteurs , l'analyse , la conservation , leur confrontation.nourrissent notre connaissance. Les parades intelligentes et clairement expliquées.m'aident à forger mes argumentaires contre le formatage et la manipulation ambiante ,régnant &quot; au pied de l' E.P.R.&quot;.. novice en informatique mais avide de solidarité humaine, merci pour votre lutte et le temps passé à la transmission.
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G
Les vidéos nécessitent un volume important de stockage, qui peut vite coûter cher. Le plus simple à mon avis serait d'utiliser le &quot;peer-to-peer&quot;, c'est à dire que chacun stocke chez soi et met les documents, photos, vidéos en partage. Ça se fait très facilement avec le logiciel uTorrent, http://www.utorrent.com. Il suffirait d'avoir par exemple sur ce site une liste à jour de tous les documents en question, avec leur lien &quot;magnet&quot; qui est l'identifiant uTorrent correspondant (créé dès qu'on met le document a disposition). Pour faciliter l'accès il faudrait juste définir une charte de nommage, ou chaque fichier indique la date, le type (vidéo,photo etc) la source - que chaque contributeur la respecte et vous tienne au courant des documents qu'il partage. Une base de données distribuée donc, très simple à mettre en oeuvre, voir tutoriels sur le site uTorrent.
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G
Non ce n'est pas aussi incertain que ça, pourvu qu'il y ait un &quot;gatekeeper&quot; qui valide et liste tous les documents mis en partage. Mais si vous trouvez un système gratuit, garanti risque zéro et qui ne nécessite pas de ressources titanesques, ou peut-être un généreux donateur...
P
Merci Goulnik pour cette idée du peer to peer, mais je pense que si sur le principe elle est bonne, en pratique elle s'avère incertaine. Voir à ce sujet ces explications : http://www.libellules.ch/phpBB2/les-risques-securitaires-du-peer-to-peer-en-10-points-t28947.html#p191229
G
Et pour expliquer le peer-to-peer (qui est légal) : http://sebsauvage.net/comprendre/p2p/
R
Merci pour votre travail.
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S
Merci, Pierre, pour vos précieuses et inquiétantes informations. Je vous exprime ma gratitude et mon admiration pour le travail remarquable que vous faites. Je suis nulle en informatique, aussi vous serait-il possible d'expliquer aux novices comme moi comment pouvons-nous opérer pour créer cette base de données qui empêcherait la disparition des preuves du désastre de Fukushima ?
Répondre
P
Dans un premier temps, il faudrait créer une base de données de vidéos et d'images, car celles-ci comportent énormément d'informations. Je ne peux pas vous expliquer en un message comment faire car le maniement de l'informatique nécessite beaucoup de temps et d'énergie. Le problème est que ce travail est immense, l'ensemble des documents produits depuis deux ans et demi étant considérable. Le plus urgent est de sauvegarder les vidéos sur son disque dur en prenant soin de les référencer. Pour copier une vidéo, il existe des logiciels libres, sinon le navigateur Firefox a une application pratique pour copier des vidéos youtube. Il faudra réfléchir ensuite avec un informaticien sur la manière la plus simple de créer une base de données pratique, de la sauvegarder mais aussi de la diffuser en ligne.

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Une analyse critique des données concernant les rejets des eaux radioactives de la centrale de Fukushima Daiichi initiés en août 2023, dossier réalisé par la CRIIRAD qui tente de répondre à ces questions : Quels sont les principaux défis auquel est confronté l’exploitant de la centrale ? Quels sont les éléments radioactifs rejetés dans le Pacifique ? Les produits issus de la pêche sont-ils contaminés ? Est-il légitime de banaliser le rejet d’éléments radioactifs, notamment du tritium, dans le milieu aquatique ? Qu’en est-t-il en France ?

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