Paroles de Takashi Hirose, journaliste et ancien ingénieur, dans le film documentaire AU-DELA DU NUAGE °Yonaoshi 3.11 霧の向こう de Keïko Courdy (2013).
« Les gens ont reçu un choc avec l’accident.
Puis petit à petit, tout le monde a commencé à avoir peur.
Mais c’était une bonne chose, une bonne peur.
Ils ont compris que l’on ne pouvait plus faire confiance.
Malheureusement, l’homme est entouré chaque jour de milliers d’informations.
Cela lui fait oublier les plus terribles évènements.
On vit cette situation aujourd’hui.
En ce moment-même, sous Fukushima, de la matière radioactive est en train de s’échapper.
Elle va dans les sous-sols, dans la mer, puis elle ressort sans l’atmosphère.
Ce genre de chose n’apparaît pas dans les nouvelles.
Alors tout le monde l’oublie.
Si cela apparaissait tous les jours aux informations, les Japonais ne pourraient pas l’ignorer.
Mais on passe toute sorte d’autres choses.
Je pense que la plus grande faute revient aux médias.
Ils ont construit cette situation.
Rien n’a changé depuis l’accident.
Les accidents se produisent parce que les médias ne prennent pas le problème au sérieux.
Et même après l’accident, s’ils en parlaient un peu au début, maintenant ils n’en parlent qu’au compte-goutte.
Le problème de la contamination, c’est que l’on ne peut que la mesurer, dans les choses, dans la terre, dans le sol.
Beaucoup de monde aujourd’hui possède un compteur Geiger, mais cela ne mesure que ce qui circule dans l’air, cela ne mesure que les rayons gamma.
En fait, lorsqu’on recherche la composition de la radioactivité sortie des réacteurs et sa dispersion, on ne trouve pas tout.
L’intérieur des réacteurs faisait presque 5000 degrés.
C’était une température plus que monumentale.
Et l’uranium et le plutonium sont sortis sous forme de gaz.
Je peux trouver cela d’après mes calculs, mais cela ne ressort pas dans les compteurs Geiger, tout comme les rayons alpha ou bêta.
Personne ne mesure non plus le strontium.
Le strontium est le plus effrayant.
Il se fixe dans les os et provoque des leucémies.
C’est particulièrement dangereux pour les enfants en pleine croissance qui sont exposés aujourd’hui.
Pour les enfants qui habitent dans des lieux contaminés comme Fukushima, il faut organiser immédiatement une évacuation.
Mais quand on n’a pas d’argent, on ne peut pas fuir.
Même si les gens de Fukushima voulaient fuir, ils ne le pourraient pas pour des raisons économiques.
Maintenant nous devons agir pour que la société Tepco qui a provoqué l’accident donne des indemnités, de l’argent, pour que les gens puissent partir s’ils le veulent.
Le pays doit d’abord faire évacuer les enfants en groupe de la préfecture de Fukushima, plutôt que de les laisser fuir chacun de leur côté.
Les enfants veulent pouvoir rester avec leurs amis d’école.
On doit faire cela en groupe.
C’est possible.
Avant que le Japon ne perde la guerre, on avait organisé des évacuations de groupe.
On faisait fuir les enfants des zones dangereuses en les amenant dans les montagnes.
C’est quelque chose qui devrait être fait maintenant.
Mais le pays ne fait absolument rien.
Pour cette raison, j’appelle ce pays une nation criminelle.
Si on ne fait rien, il va arriver des choses terribles aux enfants.
Je suis inquiet. »
Takashi Hirose
(sous-titres en français à activer)