Textes de HORI Yasuo des 11 et 15 août 2015
traduits de l'espéranto par Ginette MARTIN et Paul SIGNORET
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Sommaire :
- Le réacteur n°1 de Sendai a été remis en route
- Finalement, l'ancien président de TEPCO et d'autres seront accusés
- Le gouvernement va décider de ce que seront les sources d'électricité en 2030
- Des nouvelles encourageantes pour les habitants de Fukushima
- Le saké japonais “Aidu-Homare” a obtenu le premier prix lors du concours mondial du vin
- Écoliers et écolières de Tōhoku ont escaladé le Fuji-Yama
- Festival équestre de Sōma
- Quatre jeunes filles ont fait leur début comme danseuses de hula-hula
Le réacteur n°1 de Sendai a été remis en route
Le réacteur n°1 de la centrale nucléaire de Sendai, dans le sud de l'île de Kyushu, déjà âgé de 32 ans et le plus dangereux selon l'avis d'un inspecteur, a été remis en route par la compagnie d'électricité de Kyushu. Au Japon, aucun réacteur ne fonctionnait depuis septembre 2013, or, deux ans et demi plus tard, les Japonais ont eu à nouveau de l'électricité d'origine nucléaire.
Après l'accident nucléaire de Fukushima en 2011, le nouveau comité qu'on appelle l'Autorité de Régulation Nucléaire a été établi pour examiner plus rigoureusement les réacteurs, et il a déjà jugé conformes à la norme quatre réacteurs des centrales nucléaires de Sendai, Takahama et Ikata. Le chef de l'Autorité affirme que les réacteurs sont conformes à la norme, mais n'affirme à aucun moment qu'ils sont sûrs. Cependant, le Premier ministre Abe a déclaré qu'il remettra en service les réacteurs que l'Autorité estime "sûrs", interprétant à sa manière les paroles du président du Comité.
Plus de 60% des gens s'opposent à la remise en route de ces réacteurs. A propos de celui de Sendai on mentionne principalement 3 dangers :
1. Le réacteur n'est pas équipé d'un récupérateur de corium, qui permettrait de récupérer les combustibles en fusion en cas d'accident grave, et en outre les installations nécessaires ne sont pas encore construites.
2. Dans l'île de Kyushu il existe un danger d'énorme éruption. La compagnie affirme que, avant une possible éruption, elle s'arrangera pour retirer les barres de combustibles et les transportera quelque part, mais les vulcanologues disent qu'il est impossible de prévoir une éruption d'une telle ampleur.
3. Les plans d'évacuation ne sont pas encore suffisants. Après l'accident de Fukushima, le gouvernement a fait passer la zone d'évacuation d'un rayon de 3 à 8 km à un rayon de 30 km, mais beaucoup de gens vivent dans cette zone agrandie et il s'y trouve beaucoup d'hôpitaux et des résidences pour personnes âgées, etc., de sorte qu'on ne peut pas prévoir d'évacuer tous les personnes malades et âgées. Le gouvernement se contente d'inciter les communes autour des centrales à établir des plans d'évacuation, mais, même en l'absence de ces plans, les compagnies électriques ont le droit de réactiver les réacteurs. Pour le gouvernement et les entreprises électriques, la vie a moins de valeur que l'électricité nucléaire.
L'été est intolérablement chaud au Japon, donc nous faisons un grand usage de climatiseurs, mais l'électricité n'a jamais manqué, et jamais les gens n'ont subi d'inconvénients dans leur quotidien. Pourquoi le premier ministre et le monde industriel veulent-ils réactiver les réacteurs, qui pourront occasionner de grandes souffrances pour les populations? C'est quelque chose de tout à fait incompréhensible pour les gens ordinaires.
* Le 21 Août, a eu lieu un dysfonctionnement dans un tuyau du condensateur du réacteur n°1 de Sendai.
* Dans le même département, en ce qui concerne le mont Sakurajima qui est un volcan très actif, on prévoit une grande éruption, et dans trois petits villages on a évacué tous les habitants. Le 2 décembre 2011 à 18h51, c'était sa dix-millième éruption depuis 1955, date à laquelle on a commencé à les compter. Il me semble que la montagne est en colère à cause de la remise en marche du réacteur. (Photo: éruption en octobre 2009)
Finalement, l'ancien président de TEPCO et d'autres seront accusés
Le 31 juillet, la Cour de révision de Tokyo a publié la décision de mettre en accusation les trois anciens dirigeants de TEPCO, à savoir l'ancien président M. Katsumata Tsunehisa, les anciens vice-présidents M. Tekedjuro Ichirō et Mutō Sakae pour crimes d'homicide pendant les travaux. Elle a allégué que ce grand tsunami de 2011 était prévisible et qu'ils auraient dû prendre des dispositions appropriées pour s'en protéger, et même arrêter le fonctionnement des réacteurs.
Jusqu'à présent, le parquet de Tokyo a décidé à deux reprises qu'en raison de l'insuffisance de preuves il ne devait pas les accuser. Les victimes de Fukushima se sont opposées à cette décision et ont demandé sa révision, et finalement la Cour de révision de Tokyo a décidé d'accuser ces trois responsables.
TEPCO soutient que, puisque que l'accident nucléaire a été causé par un tsunami d'une imprévisible violence, la compagnie est innocente. Il est illogique qu'aucun responsable de TEPCO ne soit accusé, malgré le fait que beaucoup d'habitants de Fukushima souffrent encore, certains ont péri durant leur exode ou sont morts de désespoir. Donc, cette décision de la Cour de révision de Tokyo est très bienvenue pour les victimes de Fukushima.
La présidente du groupe de plaignants dans l'affaire de l'accident nucléaire de Fukushima, Mme Mutō Ruiko 61 ans, en montrant les affiches où figuraient ces mots « Justice pour les citoyens » et « TEPCO sera accusé, a déclaré aux journalistes: " Je crois que le tribunal va découvrir la vérité de l'accident et juger équitablement l'affaire ".
Le gouvernement décide de ce que seront les sources d'électricité en 2030
Bien que beaucoup de gens ne veuillent pas d'électricité de centrales nucléaires, le gouvernement ne tient pas compte de leur opinion et a décidé le plan suivant pour les sources d'électricité en 2030 :
Afin de produire de 20 à 22% d'électricité à partir de centrales nucléaires, il sera nécessaire de faire fonctionner le plus possible de réacteurs, et même d'en construire de nouveaux. Le Premier ministre Abe avait promis qu'il diminuerait le nombre de réacteurs, mais il n'a pas tenu sa promesse.
Rapport du 15 août
Des nouvelles encourageantes pour les habitants de Fukushima
Des problèmes et des difficultés subsistent encore dans le département de Fukushima mais, malgré tout, les habitants s'efforcent de reconstruire leur existence. Je rapporterai aujourd'hui quatre nouvelles encourageantes les concernant.
Le saké japonais “Aidu-Homare” a obtenu le premier prix lors du concours mondial du vin
Le 16 juillet a eu lieu, à Londres, le plus grand concours vinicole, le “Challenge International du Vin” (International Wine Challenge, IWC), au cours duquel la marque “Aidu Homare” (Honneur de Aidu) a été sacrée, parmi 876 marques, championne dans le domaine du saké japonais. Le président de l'entreprise vinicole Homare a déclaré : “Quatre ans déjà se sont écoulés depuis l'accident nucléaire de Fukushima, et pourtant celui-ci continue d'influer de façon négative sur la vente de nos produits. Il nous faudra du temps pour gommer cette fâcheuse réputation. La seule chose que nous pouvons faire, c'est de fournir un effort constant pour produire un saké meilleur. J'espère que l'honneur qui, aujourd'hui, est rendu à notre saké, profitera à Fukushima. ”
Cette entreprise vinicole est située dans la région montagneuse Aidu, dans le département de Fukushima, à quatre-vingts kilomètres de distance de la centrale nucléaire et elle n'a que peu souffert de l'accident, mais elle pâtit du discrédit lié au nom Fukushima.
Écoliers et écolières de Tōhoku ont escaladé le Fuji-Yama
Entre le 22 et 24 juillet, cent-un élèves de la région de Tōhoku (dont 94 de Fukushima), qui ont vécu le tsunami et l'accident nucléaire de 2011, ont grimpé sur le Fuji-Yama, haut de 3776 mètres. L'initiative du projet avait été prise par Mme Tabei Junko, la première femme à avoir fait l'ascension du mont Everest.
Ils ont commencé leur escalade le 23, par mauvais temps, jusqu'à la septième étape, mais ont dû renoncer à continuer jusqu'au sommet. Madame Tabei les a encouragés par ces mots : « Vous êtes maintenant dans la montagne la plus haute du Japon. Prenez-en conscience et profitez-en bien. Remerciez tous ceux qui vous aident. J'espère que tous les Japonais feront l'ascension du Fuji-Yama au moins une fois dans leur vie et vous, aujourd'hui, vous en aurez fait le premier pas. »
Noto Taichi, un élève de seize ans, qui, réfugié, vit maintenant à Tokyo, a dit : « Je suis fatigué, mais je suis content d'avoir pu grimper sur le mont avec les élèves de mon cher Fukushima. »
Festival équestre de Sōma
Du 24 au 27 juillet, s'est déroulé le Festival équestre de Sōma, dans la ville de Minami-Sōma du département de Fukushima. Quatre-cent-cinquante samouraïs (guerriers de l'époque féodale) ont paradé dans les rues, galopé sur le champ de courses et combattu pour s'emparer des étendards sacrés lancés dans le ciel.
Comme la région de Sōma s'étend le long du rivage de l'Océan Pacifique, non loin de la centrale nucléaire de Fukushima, ses habitants ont souffert - et souffrent encore - deux fois plus que partout ailleurs, mais les samouraïs ne s'avouent jamais vaincus. Même au cours de l'été 2011, ils ont organisé le Festival équestre bien qu'à une échelle moins grande.
Dans la parade, une fillette de neuf ans, Kimura Nanami a fait ses débuts. Son grand-père, mort à l'âge de soixante-neuf ans en décembre dernier, avait longtemps pris part aux festivals, et à son exemple ses fils et ses parents, eux aussi, y participaient - ou le font encore. Il espérait que sa petite-fille Nanami y prendrait place à son tour, en chevauchant une monture. Nanami s'était beaucoup entraînée et finalement, le 26 juillet, elle a pris le départ. Le matin, elle avait prié devant la photo de son grand père, puis avait rejoint la parade. Elle disait : « Mon grand-père m'a protégée. Je lui ai dit, en arrivant sur le champ de courses d'Hibarigaoka : "J'ai réussi !" » (paru dans le journal Fukushima-Minpō du 28 juillet 2015)
Lorsque j'ai visité cette région, en août 2013, dans des maisons saccagées par le tsunami j'ai trouvé des cuirasses couvertes de boue. Elles sont très pesantes. L'ambition de beaucoup d'hommes, dans cette région, est de prendre part au Festival et, si possible, après s'être emparé de l'étendard sacré, de monter en courant vers le sanctuaire proche.
Quatre jeunes filles ont fait leur début comme danseuses de hula-hula
À Iwaki, ville du département de Fukushima, se trouve un hôtel avec théâtre et piscine, le “Spa-Rezort Hawaiians”. Quelques années auparavant, il y avait à sa place une mine de charbon, mais celle-ci, en raison d'une réorientation de la politique énergétique, périclita et finalement fut fermée. Pour survivre, la compagnie propriétaire eut l'idée d'utiliser l'eau chaude d'une source présente dans la mine et elle ouvrit un grand hôtel. Pour rendre ce dernier plus attractif, elle décida de s'adjoindre une troupe de danse havaïenne. Ce fut un grand succès. Mais l'accident nucléaire eut un impact négatif sur l'hôtel, car Iwati est proche de la centrale et les gens eurent peur d'y venir. Après la catastrophe l'hôtel dut fermer pendant un an, et pendant cette période les danseuses ont fait une tournée à travers cent-vingt-cinq villes, dans tout le Japon, pour présenter un spectacle de hula-hula. Elles s'attirèrent la sympathie de nombreuses personnes, et lorsque l'hôtel rouvrit ses portes, les réservations affluèrent.
Devenir danseuse de hula-hula dans la troupe de l'hôtel est l'ambition de maintes amatrices de danse. Le 28 juillet, quatre jeunes filles ont fait leur début dans une chorégraphie nommée “Gros Mahalo! Merci! Merci! Merci!”. L'une d'entre elles, mademoiselle Abe Mitsuna, originaire de Iwaki, a confié : « Pour contribuer au réveil de Fukushima, je me suis fait danseuse ici. » Elle y dansera avec ses trente-huit collègues ballerines. (paru dans le journal Fukushima-Minjū, du 29 juillet 2015)
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Lien vers les deux rapports en espéranto :