« L’industrie électro-nucléaire est condamnée ». C’est ce que je retiens de l’excellent article de François Leclerc intitulé « Des promesses n’engageant que ceux à qui elles sont faites ». Depuis le début de la catastrophe de Fukushima Daiichi, il a tenu à jour quotidiennement une chronique éditée dans le blog de Paul Jorion, décrivant tous les évènements concernant la centrale accidentée. Il fait à ce titre partie des infatigables veilleurs de Fukushima.
Dans l'article que je reproduis ici en partie, il nous livre son analyse, sans concession pour ce « système oligarchique mondial », exhibant ses « grandes capacités de nuisance ». Toutefois je regretterai un mot de sa conclusion, « spectateurs ». Oui nous allons être les spectateurs de la fin du règne du nucléaire, mais nous pouvons surtout être des acteurs, afin d’accélérer le changement, comme le dit si bien le manifeste Wake up ! Oui François Leclerc, nous allons devoir « nous habituer à penser autrement, à briser le carcan de normes d’une grande indigence et de conservatismes rétrogrades ». Mais la pensée doit se poursuivre par l’action.
« Des promesses n’engageant que ceux à qui elles sont faites »
article de François Leclerc du 7 juillet 2011, invité dans le blog de Paul Jorion.
source :
http://www.pauljorion.com/blog/?p=25904
La catastrophe rampante de Fukushima a désormais acquis dans les esprits un statut équivalent à celui de Tchernobyl, il y a vingt-cinq ans. Bien que son scénario soit différent, et que le pire ait été miraculeusement évité dans les tous premiers jours, ce nouveau désastre suscite désormais une profonde réticence à l’égard de l’électro-nucléaire, en dépit de la résilience d’un complexe industriel nucléaire installé au cœur du pouvoir politique.
Mais Fukushima n’a pas fini de dispenser ses leçons, bien que disparu de l’actualité. En premier lieu, parce que Tepco, son opérateur, n’est toujours pas parvenu à reprendre en main la situation à la centrale, qui reste profondément instable et incertaine. En second, parce que les conséquences de la catastrophe se sont désormais propagées sur quatre échelles.
D’abord celle de la centrale elle-même, toujours sous soins palliatifs improvisés, aux installations dévastées et fragilisées, dont le cœur de trois cœurs de réacteurs a fait fusion et où sont stockés dans des conditions précaires d’importantes quantités de combustible. Résultat des attentions dont elle est entourée, Fukushima Daiichi a subi une sorte de mutation, devenue bouilloire a produire non plus de l’électricité mais des masses d’eau hautement contaminée. Sans visibilité sur la poursuite des opérations, de dangereux rebondissements sont toujours à redouter.
Ensuite celle de la région et de la ville de Fukushima, où les 300.000 habitants qui n’ont pas été évacués (80.000 habitants dans un rayon limité de 20 kms autour de la centrale l’ont été) découvrent les servitudes de la vie sous la menace rampante d’une contamination radioactive insidieuse parce qu’invisible, dont les mesures officielles sont sujettes à caution, faisant face aux dissimulations des autorités censées les protéger et leur porter assistance. Soupçon et inquiétude minent de manière permanente la population et impriment leur marque à la vie de centaines de milliers de japonais, qui craignent d’être dans l’avenir considérés comme des parias. Le dos au mur, les autorités ne peuvent se résoudre à ordonner de nouvelles mesures d’évacuation, qui prendraient la forme d’un exode.
Pour ne donner que deux exemples, l’accès aux égouts de la ville de Fukushima a dû être condamné, à la suite de relevés de la contamination des eaux usées, le revêtement des sols des cours d’école a dû être remplacé, les bâtiments scolaires nettoyés au jet d’eau à haute pression.
En troisième lieu, celle du pays tout entier, qui doit déjà faire face aux terribles conséquences du tsunami qui a ravagé des régions côtières entières et fait de leurs habitants des déplacés devenus des assistés ayant tout perdu, maison et travail, y compris les repères de leur vie. 23.000 morts et disparus sont enregistrés. Mais les conséquences de Fukushima vont bien au-delà de la bonne exécution de l’immense chantier de la reconstruction et mettent en question l’avenir du pays dans son ensemble, bouleversant son équation énergétique et impliquant sans attendre une diminution forcée de sa consommation et une reconversion ultérieure de sa production.
Dans l’immédiat, le gouvernement et les autorités régionales cherchent à autoriser la remise en route de nombreuses centrales mises à l’arrêt, et vont utiliser le classique simulacre des stress tests pour en justifier la décision auprès d’une opinion publique désormais sur le qui-vive. Seuls 19 réacteurs sur 54 fonctionnent actuellement, alors que l’apport du nucléaire est de 30% de la consommation.
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