9 juin 2012 6 09 /06 /juin /2012 16:18

jptL’ingénieur nucléaire Kenichi Ohmae a développé récemment dans les colonnes du Japan Times une analyse très critique sur l’explication officielle donnée par le gouvernement japonais à la catastrophe de Fukushima. Bien évidemment, il ne s’agit pas du point de vue d’un écologiste, mais d’un scientifique ébranlé dans ses convictions premières. La publication de cet article est intéressante pour comprendre à quel point le mythe nucléaire est en train de se fissurer.

 

De plus en plus d’ingénieurs élèvent la voix pour prévenir des dangers encourus. Ce que préconise Kenichi Ohmae est assez simple, mais cela est très coûteux. Si l’on appliquait ses recommandations, il serait vite démontré que cette énergie n’est pas rentable. On sent qu’il croit encore à cette énergie, malgré une « erreur fatale » toujours possible. Mais les hommes ont-ils aujourd’hui d’autre choix que de viser la sécurité maximale ? Avec 440 réacteurs nucléaires répartis sur la surface de notre Terre, il est certain qu'il nous reste à maîtriser ce que nous avons créé. Tous réacteurs déchargés cela s’entend.

 

 

 

Fukushima : il est dangereux de se fier aux probabilités

Kenichi Ohmae

 

Article publié dans le Japan Times le 18 avril 2012

sous le titre original : "Fukushima : Probability theory is unsafe"

Traduit de l’anglais par Laurienne Bernard-Mazure pour le Réseau "Sortir du nucléaire"

 

Extrait

 

(…)

 

« La fusion des réacteurs de Fukushima Daiichi a anéanti de nombreux mythes entretenus de longue date.

 

Alors que le combustible fondu se frayait un chemin à travers la cuve et que la coulée de "magma" faisait fondre à son tour le fond de l’enceinte de confinement, d’énormes quantités de gaz et de particules de fission furent relâchées dans l’eau et dans l’air.

 

L’enceinte de confinement s’est avérée incapable d’assurer le rôle qui était censé être le sien pour faire face à ce type de fusion. Pour en revenir aux discussions publiques initiales sur la construction de ces premières centrales, aucun des dispositifs de sécurité tels que le système de refroidissement d’urgence (ou ECCS, pour "Emergency Cooling Systems"), les injections d’acide borique, etc. n’a fonctionné à Fukushima en 2011. Ce que l’on constate, malheureusement, c’est que même les dispositifs mis en place pour parer aux urgences les plus graves sont tributaires de la disponibilité du courant électrique, qu’il soit continu ou alternatif.

 

Dans le cas de Fukushima, la panne de courant fut totale sur une période prolongée, et la fusion complète des réacteurs ne put donc pas être stoppée.

 

Ce que je recommande est très simple : lors de la conception d’un réacteur nucléaire, on ne doit pas faire d’hypothèse sur la probabilité des risques. On doit se préparer à refroidir le réacteur pour pouvoir le mettre à l’arrêt avec au minimum un système de soutien électrique fiable ainsi qu’une source froide. Cela signifie que l’alimentation électrique d’urgence doit provenir de plusieurs moyens et lieux différents, et que la source froide ne doit pas dépendre uniquement du réseau d’eau habituel, mais aussi de l’air et de réservoirs d’eau de rechange.

Si ces conditions sont réunies, alors le réacteur peut être assuré non seulement contre les catastrophes naturelles, mais aussi contre celles dues à l’homme, comme un sabotage, un crash d’avion ou une attaque terroriste.

 

L’explication officielle donnée par le gouvernement japonais à la catastrophe de Fukushima se borne uniquement au fait que nul ne peut prévoir une catastrophe naturelle de grande ampleur. Ce point de vue restreint empêche le reste de la planète de faire attention aux leçons à prendre en compte pour rendre le monde plus sûr. De nombreux pays dépendent de l’énergie nucléaire et cependant ces mêmes pays, parce qu’ils n’ont pas à s’inquiéter de risques sismiques ou d’éventuels raz-de-marée, supposent que ce qui s’est passé au Japon le 11 mars 2011 ne les concerne pas. Cela pourrait devenir une erreur fatale.

 

Il faudrait examiner chaque réacteur nucléaire avec en tête la possibilité d’une panne de courant et d’une perte de refroidissement, sans s’occuper de la cause de l’accident. Les réacteurs sont tous construits selon les mêmes hypothèses de probabilités. Cette manière de raisonner s’est développée dans les années 1970 en vue de gagner l’accord du public pour l’énergie nucléaire, difficile à obtenir sans cela. Tout autour du monde, ingénieurs, ouvriers et gouvernements pro-nucléaires ont eu besoin d’assurer au public en face d’eux la sûreté de l’énergie nucléaire.

 

Avec le recul apporté par Fukushima, les ingénieurs que nous sommes devons relever le défi d’envisager à nouveau, de façon approfondie, la pire situation possible, telle une perte totale de courant et de source froide sur une période prolongée, et à travailler ensemble afin d’y remédier. »

 

(…)

 

Lire l’article en entier

 

 

 

 

Remarque : aujourd’hui, les ingénieurs du monde entier devraient relever d’urgence le défi de retirer le combustible des piscines des bâtiments réacteurs n° 4, 3 et 1 de Fukushima Daiichi.

 

 

 

 

Kenichi OhmaeQui est Kenichi Ohmae ?

 

 

Ingénieur nucléaire et doyen de la Business Breakthrough University, il est l’un des fondateurs de la pratique du conseil stratégique économique des entreprises. Auteur de nombreux ouvrages, dont "The Borderless World" ("Le monde sans frontières"), il a également rédigé un rapport détaillé sur la catastrophe de Fukushima, remis en décembre 2011 au ministre japonais de l’énergie nucléaire et de l’environnement.

 

 

 

 

--------------------------------------------

 

Sur le même sujet de la sécurité :

 

A propos des évaluations faites sur les centrales nucléaires françaises

Synthèse et commentaire des inspections conduites par l'ASN en 2011

   

 

A propos de la probabilité et des risques : article de François Diaz Maurin

L'incertitude comme limite à la maîtrise des risques

 

 

 

 

 

Photo d’entête : unité n°3 de Fukushima Daiichi (source Japan Time)

 

 

.

Partager cet article

Repost0

commentaires

E
Merci bien delphin pour cette precision. J avais recu desinfos sur le sujet, malheureusement, j ai tout egare. Je Pense personnellement que l atome a assez fait de mal. A la base, la fission de l<br /> atome par un principe ethique est tres tres discutable. Son application a des fins militaires est horrible. Merci bien. Eric.
Répondre
D
Dear Eric,<br /> <br /> D'après, en particulier, le biochimiste alors soviétique Jaurès Medvedev, pendant l'hiver 57/58, une violente explosion s'est produite à Kychtym, dans l'Oural, qui a répandu de grandes quantités de<br /> produits radioactifs dans la province de Tcheliabinsk.<br /> <br /> L'explosion, "analogue à celle d'un volcan", serait survenue dans un centre de stockage de déchets nucléaires. Environ 1000km2 auraient été contaminés et on ne sait pas si elle était d'origine<br /> chimique (nitrate d'ammonium, comme à Toulouse)ou nucléaire (accident de criticité, comme à Tokaï Mura au Japon en 1999).<br /> <br /> Delphin
Répondre
E
Pollox...pas l avenue...l AVENIR...cet iPad corrige mes coms. Sorry.
Répondre
E
Dear delphin,<br /> <br /> A ces deux catastrophes s ajoutent celle de 1957 en urss...laquelle est tue par tout le monde. Je ne sais plus ou Elle a eu lieue. Tchernobyl est en ukraine...jadis une province de l urss. Les<br /> trois ingenieurs ou specialistes ?? Preconises pour l arret moment ane du reacteur etaient la proie d une engueulade, sinon d un differend.<br /> <br /> A ces deux catastrophes s ajoutent quand meme Hiroshima et Nagasaki...don't le nombre des victimes avoisine les 500 000 plutot que les 250 000 comme le Dit Wikipedia. Enfin, le nombre impressionant<br /> de tests dans le desert du Sahara...tests Francais!...et bien sur Jacques Chirac et 1996 ou la France devient sympa...pour le reste de la communaute Internationale. Je continue?...l ecroulement de<br /> l urss? Le sous marins nucleaires coules vo<br /> Ontairement dans la mer de bahrein...la mafia italienne Elle s occupe tres bien du recyclable de centaines de tonnes de combustibles ou de dechets...en les coulant dans l adriatique ou la<br /> Mediterranee...est ce que les US ont envoyes des dechets en orbite dans l ESPace comme je l ai entendu?...j en ai d autres des histoires...on se demande quand meme comment on est tous encore en<br /> vie!<br /> <br /> La catastrophe du Japon est vraiment une catastrophe de trop. Si en effet les conditions sont bien differentes de tchernobyl, je me demande si son impact sur l environnement ne sera pas bien<br /> pire...l avenue nous le dira.
Répondre
D
Les deux accidents, Three Mile Island, USA et Tchernobyl, URSS, n'ont rien à voir avec un quelconque événement exceptionnel :<br /> <br /> -Three Mile Island a été initié par une faille de conception (inexistence de témoin de non fermeture de vanne de dépressurisation, vanne à ouverture automatique en cas de surpression du circuit<br /> primaire). C'est donc bien le système de sécurité qui est l'initiateur principal du drame.<br /> <br /> - Tchernobyl a été initié par le célèbre facteur humain (débrancher les systèmes de sécurité pour achever un programme d'analyse de sécurité intrinsèque).<br /> <br /> Au dessus de nos têtes planent facteur humain et défaut de conception...<br /> <br /> Delphin
Répondre
B
Quel organisme international pourrait-il imposer à des instances déficientes, publiques comme le gouvernement japonais, comme privées comme TEPCO, les vraies mesures à entreprendre immédiatement ?<br /> Le réflexe est de penser à l'ONU : mais les USA ne risquent-ils pas de mettre leur veto ? Les opinions publiques ne pèsent pas lourd... à moins de s'accompagner de mesures de rétorsion comme des<br /> blocages de routes.
Répondre
R
Pour l'instant, nous sommes toujours dépendants du système D, pour refroidir les combustibles. L'exploitant mesure mal le temps. Il est indispensable de franchir de nouveaux pas, pour extraire les<br /> barres de combustible. Les autorités doivent donner la priorité absolue à la piscine 4.<br /> Les observations réalisées, les témoignages des scientifiques, les appels de personnalités comme l'ambassadeur Murata, peinent à bousculer les certitudes du gouvernement nippon, qui choisit la<br /> relance de deux réacteurs.<br /> Souhaitons que les Japonais, l'opinion internationale, fassent échec à cette détestable politique.<br /> L'instabilité accrue de la situation justifie notre revendication d'une gestion internationale du suivi de la tragédie de Fukushima.
Répondre

  • : Fukushima 福島第一
  • Fukushima 福島第一
  • : Un blog consacré entièrement à la catastrophe nucléaire de Fukushima et à ses répercussions au Japon et dans le monde.
  • Contact

Mentions légales

Directeur de la publication :

Pierre Fetet

Lien vers les mentions légales du blog de Fukushima

Soutien au blog de Fukushima

C'est ici !

 

 Chaîne vidéo du blog de Fukushima

 

BD : Fukushima-Chronique d'un accident sans fin (Bertrand Galic, Roger Vidal)

 

Présentation de la BD par l'éditeur

Dossier documentaire 10 pages sur Fukushima (Pierre Fetet)

 

Dossier sur le rejet des eaux contaminées dans le Pacifique

« Fukushima - Rejets dans le Pacifique : clarification et mise en perspective »

Une analyse critique des données concernant les rejets des eaux radioactives de la centrale de Fukushima Daiichi initiés en août 2023, dossier réalisé par la CRIIRAD qui tente de répondre à ces questions : Quels sont les principaux défis auquel est confronté l’exploitant de la centrale ? Quels sont les éléments radioactifs rejetés dans le Pacifique ? Les produits issus de la pêche sont-ils contaminés ? Est-il légitime de banaliser le rejet d’éléments radioactifs, notamment du tritium, dans le milieu aquatique ? Qu’en est-t-il en France ?

Consulter le dossier

 

 

Spectacle

Le spectacle d'Audrey Vernon "Fukushima, work in progress" est disponible en ligne à cette adresse :

https://www.imagotv.fr/spectacles/fukushima_work_in_progress

 

 


 

Outil de traduction gratuite de site Internet

Actualités sur Fukushima

L'ACROnique de Fukushima

Les Veilleurs de Fukushima

Nos voisins lointains

The Watchers of Fukushima

Projet Mieruka Fukushima

.

« Sans le web, mémoire vive de notre monde, sans ces citoyens qui n’attendent pas des anniversaires, de tristes anniversaires, pour se préoccuper du sort des réfugiés de Fukushima, eh bien le message poignant de Monsieur Idogawa (maire de Futuba) n’aurait strictement aucun écho. » (Guy Birenbaum, Europe 1, 1er mars 2013)

Infos en direct

webcam tepco 

 Webcam

 TEPCO

.

webcam tepco 1 

 Webcam

 TEPCO 1

.

reacteur2aout2011webcamTBS Webcam

 TBS/JNN

 

radioactivité Tokyo Radioactivité

 à Tsukuba

 en continu

 

 

Éditions de Fukushima

Publications

Le dernier livre de Jean-Marc Royer

 

 

Le dernier numéro d'Atomes crochus

 

 

Frankushima : un essai graphique sur la catastrophe de Fukushima et le risque nucléaire en France. Site dédié : frankushima.com

 

Un livre essentiel sur les conséquences de Tchernobyl

Télécharger la version française ici.

 

Un livret pour tout apprendre sur le nucléaire !

A télécharger ici

 

 

 

 

sitesanspub

Créer un blog gratuit sur overblog.com - Contact - CGU -