Un discours invraisemblable a récemment été tenu au Japon par un médecin qui affirme, dans le contexte de la catastrophe nucléaire de Fukushima, que la radioactivité n’a pas d’effet pour les gens qui sont de bonne humeur :
« Pour dire la vérité, les radiations n'affectent pas les gens qui sourient, mais ceux qui sont soucieux. Cela a été clairement démontré par des études sur des animaux. Boire peut donc être mauvais pour votre santé, mais des buveurs joyeux sont par chance moins affectés par les radiations. Je ne vous conseille pas de boire, mais rigoler supprimera votre phobie des radiations. » (Extrait du discours du 21 mars 2011 du Dr Shunichi Yamashita, professeur à l'université de Nagasaki (médecine moléculaire et recherche sur la radioactivité) (1)
Je croyais naïvement que ce genre de propos ne pouvait être tenus que par des personnes irresponsables, loin de chez nous en France, où l’on se targue sans cesse d’être les meilleurs. Eh bien non… Les tenants de l’atome civil et militaire, à cours d’arguments en faveur de l’énergie nucléaire depuis le 11 mars, se gargarisent de mensonges et d’idées obscurantistes.
J’en ai été convaincu en écoutant l’émission « Là-bas si j’y suis » du 30 juin 2011 sur France-Inter : « Nucléaire français, soyez sans inquiétude » (2). Ce n’est pas au Japon, ce n’est pas à Tchernobyl, c’est en France, à Saint-Maur-des-Fossés (Ile-de-France, à 8 km de Paris) : tout un quartier, où un collège de 700 élèves est implanté, a été fortement contaminé au tritium durant des mois en 2010 (début de la contamination en avril 2010, alerte donnée le 3 novembre 2010), à cause de la présence d’un filtre provenant de Valduc.
Alors que François Bugaut, directeur du CEA (Commissariat à l’Energie Atomique) de Valduc (là où l’on fabrique les têtes nucléaires des bombes atomiques) dit que sa priorité numéro un, c’est la transparence immédiate, en particulier vis-à-vis du public, on entend Henri Plagnol, le maire UMP de la commune de Saint-Maur se plaindre de ne pas avoir été prévenu de l’incident nucléaire (classé au niveau 2) et condamner l’opacité du CEA !
Henri Plagnol
Dans une réunion d’information destinée aux habitants, le représentant de l’IRSN a simplement dit aux parents d’élèves : ce sont des doses très faibles, il n’y a pas de danger. Et Anne Tardif, parent d’élève, de rapporter : « Pour lui [la personne de l’IRSN participant à cette réunion d’information publique] le risque faible, c’était équivalent à un risque nul. Si nos enfants avaient développé un peu plus tard un cancer, ce serait plus lié au stress que nous, parents, leur aurions causé autour de cette histoire du tritium qu’à cause du tritium lui-même. » N’est-ce pas le même type de discours que celui de Shunichi Yamashita ? Nous avons bien ici un discours obscurantiste qui nie les effets des faibles doses, alors que ceux-ci sont tout à fait identifiés de manière scientifique.
Le reportage ne dit pas si cette personne de l’IRSN est la même que celle interviewée ensuite. La journaliste, Inès Léraut, interroge Alain Rannou, conseiller scientifique à l’IRSN, qui affirme : « Le fait de laisser penser à des personnes qu’elles sont exposées à un risque, ça peut avoir des conséquences autrement plus importantes que le risque réel. (…) Le stress peut être un facteur de risque. » Face au tritium, il faut donc rester zen pour échapper au risque de cancer ! Je pense à tous ceux qui n’auront pas le temps d’écouter l’émission, alors je vous livre un extrait de l’interview retranscrit, car il ne faut pas rater ce grand moment de journalisme :
Alain Rannou
- IL : La science préfère ne pas faire part de son incertitude face au public de peur de le stresser ?
- AR : (soupir) Je répondrai pas. Je suis désolé de vous dire que vous avez une vision qui n’est pas…
- IL : Qui est pas bonne ?
- AR : Non, mais j’ai l’impression de ne pas vous convaincre, alors…
- IL : Où vous ne me convainquez pas, c’est que l’IRSN ayant été autrefois attaché au CEA, les gens qui font partie de l’IRSN comme vous aujourd’hui - vous êtes entrés au CEA en 1983, vous avez travaillé 20 ans pour le CEA - est-ce que ça vous paraît pas être un conflit d’intérêts que de juger, d’interpréter des résultats qui concernent des dégâts provoqués par le CEA, de les interpréter, vous et vos collègues qui aussi appartenez au CEA, alors que vous en étiez salariés ?
- AR : (silence)
- IL : Vous savez pas ?
- AR : Bon écoutez, je ne suis pas venu pour parler de ça. Franchement, je vous le dis, je ne suis pas venu pour parler de ça.
- IL : Mais…
- AR : Vous coupez, s’il vous plait, qu’on se mette d’accord, hein. Vous coupez votre appareil, s’il vous plait. »
Cet homme perd ses moyens parce qu’il n’arrive pas à convaincre la journaliste. Quand on travaille dans le nucléaire, il faut y croire, il faut avoir la foi (« Dieu merci » dit souvent le directeur du CEA de Valduc). C’est très grave, car la radioactivité est un phénomène physique et non pas mental. La sûreté nucléaire, en France et au Japon, dérive ainsi vers des pratiques de désinformation du public qui font frémir. Cela relève en effet du pénal : non assistance à personne en danger (3).
Quant aux mensonges, deux exemples de plus avec ce reportage. François Bugaut, directeur du CEA (Commissariat à l’Energie Atomique) de Valduc dit, en s’appuyant sur l’IRSN et l’ASN, que l’impact sanitaire de cet incident est absolument nul. (« Dieu merci, on n’a pas de doute là-dessus »). Pourtant, les analyses d’urine montrent que les personnes concernées sont contaminées au tritium. F. Bugaut dit aussi qu’il ne sort pas un seul becquerel du CEA de Valduc, alors que, selon Bruno Chareyron, ingénieur en physique nucléaire à la Criirad, « Les autorisations de rejet du CEA Valduc sont très importantes puisque c’est 1850 térabecquerels d’autorisation de rejet de tritium dans l’atmosphère, c’est-à-dire 1 850 000 milliards de becquerels par an. (…) Le site de Valduc a rejeté en 2010 350 000 milliards de becquerels. »
Ces gens mentent donc avec un aplomb impressionnant !
Contamination au tritium
L’industrie nucléaire rejette des millions de milliards de becquerels de tritium dans l’eau et dans l’air : « Plus on produit d’électricité, plus on produit du tritium. C’est pourquoi depuis plusieurs années, la production de tritium est proche de la limite annuelle réglementaire » a déclaré EDF en 2006, à propos de ses réacteurs nucléaires. Le tritium étant difficile à contenir, des pollutions accidentelles se produisent également.
La fabrication de têtes nucléaires exige aussi de produire et donc de rejeter des quantités colossales de tritium. Le retraitement des déchets nucléaires conduit également à des rejets très importants. Le rayonnement du tritium est complexe à mesurer : la contamination au tritium est donc difficile à évaluer. Une fois rejeté dans l’environnement, le tritium contamine l’eau, la faune, la flore et les personnes.
Hydrogène radioactif, le tritium est absorbé aisément par les organismes vivants, une faible partie de ce tritium est alors incorporé dans l’ADN des cellules, où ses rayonnements radioactifs peuvent être dévastateurs. Le tritium est un élément cancérigène et mutagène avéré, et des voix s’élèvent dans la communauté scientifique pour dénoncer la sous-évaluation du risque sanitaire lié à cet élément.
source : http://groupes.sortirdunucleaire.org/Contamination-au-tritium
(1) source : http://bistrobarblog.blogspot.com/2011/06/fukushima-22-juin.html
Des Japonais réclament d'ailleurs la démission du Dr Shunichi Yamashita depuis qu'il a été nommé au poste de Conseiller à la Gestion des risques de santé dus aux radiations dans la préfecture de Fukushima :
http://www.youtube.com/watch?v=YBYtkNc7dMY&feature=player_embedded
(2) Emission écoutable ici :
http://www.la-bas.org/article.php3?id_article=2217
(3) Deux plaintes ont été déposées, l’une contre X par le réseau sortir du nucléaire, l’autre contre le CEA par la Criirad.
sources : http://www.votresante.org/news.php?dateedit=1300262218&page=0