Article publié en 7 parties
2.7.5. Les photos infrarouges
Le site du ministère de la défense japonais a mis en ligne les photographies aériennes infrarouges de la centrale de Fukushima Daiichi prises du 20 mars au 26 avril 2011. Ces photos sont des documents précieux pour suivre l'évolution des températures aux différents points chauds, à savoir la piscine de combustible et les fuites du puits de cuve. Comme les photos prises entre le 11 et le 19 mars sont restées secret défense, la photo connue la plus proche de l'explosion est donc celle du 20 mars 2011. Celle-ci montre que les gaz qui sortent du puits de cuve du côté de la piscine d’équipement étaient à cette date à la température de 128°C, ce qui signifie qu'il ne s'agissait pas de vapeur d'eau ce jour-là mais de gaz radioactifs, car la vapeur d'eau ne peut pas être à cette température à la pression atmosphérique.
Fig. 47 : Document du ministère de la défense relevant une température de 128°C au puits de cuve le 20 mars 2011
Avec cette même photo, en superposant la photo de la surface technique, on peut situer précisément les sources de chaleur : au sud, la piscine de combustible et au centre, les fuites du puits de cuve à ses points sensibles, à savoir les communications avec les piscines et l’espace entre les dalles.
Fig. 48 : Superposition de la photo infrarouge du 20 mars 2011 et d’une photo de la surface technique
Une autre photo infrarouge a été diffusée par Tepco lors d'une investigation en juillet 2013 sur la fuite donnant sur la piscine d'équipement. La situation a nettement évolué, il n’y avait pas de chaleur à l’angle de la piscine d’équipement ce jour-là. On remarque en passant sur la première photo à droite les rangées de barres encore chaudes dans la piscine de combustible, générant une température de 45°C à la surface de la piscine.
Fig. 49 : Photos infra-rouge de juillet 2013 : pas de température particulière à l’angle de la piscine d’équipement
2.7.6. Les piscines
Deux piscines jouxtent le puits de cuve du réacteur. La surface technique de ces piscines a la particularité d'être à 30 m au-dessus de la surface du sol extérieur. Grâce à des parois démontables en plusieurs éléments et à un canal fermé par une double vanne, ces piscines peuvent être mises en relation directe avec le puits de cuve.
2.7.6.1. La piscine de combustible
Cette piscine sert à entreposer du combustible usé qui doit être refroidi durant une vingtaine de mois après avoir été sorti du cœur. Elle sert également à entreposer du combustible neuf en attendant le rechargement du cœur. D'un volume de 1425 mètres cubes, ses dimensions sont 12,2 m (longueur) x 9,9 m (largeur) x 11,80 m (profondeur).
Fig. 50 : La piscine du BR3 avant mars 2011. On voit également au-dessus la machine de réapprovisionnement en combustible et 8 mètres plus haut le pont roulant.
Suite aux explosions du 14 mars, la piscine de combustible a disparu sous les décombres de poutrelles, de matériel et autres gravats, si bien qu'on a eu du mal à savoir si elle contenait encore de l'eau ou pas avant qu'on essaie de la remplir à nouveau en urgence par moyens héliportés, puis par lances d'incendie. Les premières vidéos de l'intérieur de cette piscine, diffusées en 2011, ont montré beaucoup de matériaux qui la remplissaient mais pas de combustible, les assemblages étant entièrement recouverts de débris.
Les premières photos de paniers de combustible ont été diffusées en avril 2012. On distingue un panier dont la première rangée montre des assemblages de combustible recouverts de gravats alors que la seconde est vide.
En septembre 2012, une mauvaise manœuvre d'une pince télécommandée a fait tomber une poutre métallique de 7 m de longueur dans le côté sud-ouest de la piscine.
En février 2013, Tepco a diffusé d’autres photos de paniers de combustible sous des gravats, localisés dans l’angle sud-est de la piscine.
Fig. 53 : Paniers de combustible (à gauche) et crochets des assemblages de combustible (à droite) de la piscine du BR3
Dans un document diffusé en décembre 2013, Tepco a finalement reconnu que la machine de réapprovisionnement en combustible, d'un poids de 35 tonnes, était tombée dans la piscine, ainsi que son mât de chargement (1,5 tonne) et ses rails de guidage (2,5 tonnes). Avec les autres débris divers, cela représentait une cinquantaine de tonnes de décombres qui recouvraient les paniers de combustible.
Fig. 57 : Etat d’encombrement de la piscine de combustible. En vert, la machine de réapprovisionnement en combustible et ses rails (source Tepco)
Fig. 58 : La machine de réapprovisionnement en combustible et ses rails reposant sur le combustible (plan Tepco)
En 2014, Tepco a diffusé un document faisant le point sur les investigations dans la piscine de combustible du BR3 en 2013 et 2014. Il montre un certain nombre de photos mais les débris empêchent de voir le combustible.
Qu’est-il arrivé à la machine de réapprovisionnement en combustible pour se retrouver au final dans la piscine ? La seule possibilité pour la faire sortir de ses rails parallèles longeant les bords de la piscine et du puits de cuve est qu’elle a été projetée en l’air avec les rails perpendiculaires qui la supportaient. Au moment de l’accident, cette machine n’était pas située sur le puits de cuve, sinon elle aurait été écrasée par le pont roulant. Elle était donc placée sur la piscine – car ses rails ne peuvent la conduire ailleurs – puis a été projetée en l’air sous l’effet d’une explosion provenant d’en dessous d’elle et est retombée dans la piscine.
Le 2 août 2015, Tepco a procédé au retrait de cet équipement lourd, à l’aide de trois grues télécommandées. La vidéo et les documents diffusés par Tepco montrent une armature un peu différente de celle des figures 54 et 55. Il est possible que la machine ait été remplacée par une autre avant 2011, ou alors simplement qu’elle a été déformée par sa chute.
Fig. 60 : La machine de réapprovisionnement en combustible et ses rails reposant sur le combustible (schéma de profil JAIF)
Fig. 61 : Retrait de la machine de réapprovisionnement en combustible et ses rails (plan et coupe Tepco)
Les schémas montrent que la machine était encore attachée à son rail de guidage du côté est, ou qu’elle a été poussée de ce côté-là. Le rail de guidage du côté ouest est quant à lui tombé dans le fond de la piscine, suivi par le reste de la structure.
Suite à l’enlèvement de cette structure, Tepco a cherché à voir l’état des assemblages de combustible qui étaient placés en dessous et jusqu’alors inaccessibles. La caméra a permis de constater que 4 poignées d’assemblage étaient pliées.
Fig. 63 : Photos de quelques assemblages prises après l’enlèvement de la machine de réapprovisionnement en combustible
2.7.6.2. La piscine d'équipement
Avec ses 8 mètres de profondeur, cette piscine est moins importante que la piscine de combustible. Elle sert à entreposer de manière provisoire des équipements radioactifs lors des opérations de maintenance du réacteur. Les premières images de cette piscine la montrent vide. Dans l’image suivante par exemple, on distingue parfaitement trois éléments horizontaux et une partie du quatrième qui la séparent du puits de cuve. Le fait que les joints soient de couleur sombre indique qu'il n'y a plus d'étanchéité et que les gaz peuvent passer.