Cet article a déjà été diffusé l’année dernière sur le blog Pensées pour Tohoku - Japon 11/3. Parce que ce sujet reste totalement d’actualité, mais aussi parce que les infos en français sont rares, nous l’éditons sur le blog de Fukushima avec l’autorisation de l’auteure et traductrice, Junko Takase.
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Contamination des eaux après l’accident de Fukushima
福島第1原発事故後の水の汚染
Rapport 1
Le 15 janvier 2012, la NHK a diffusé une émission
« Contamination de la Radioactivité - Rapport Urgent de la Mer »,
d’après le premier sondage fait au large de Fukushima N°1, jusqu’à la baie de Tokyo
( Cet enquête a été réalisée à partir de novembre 2011 )
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1-1 ) Au large de Fukushima
福島県沖で
En novembre 2011, le professeur ISHIMARU Takashi et KANDA Jota de l’Univ. de Tokyo Océanographie a réalisé une enquête sur une zone de 20 km du large de Fukushima N.1, zone interdite par l’Etat, avec la Coopérative de la Pêche de Hisanohama, 30 km au sud de Fukushima. On y avait déjà trouvé des soles à 4500 Bq/kg de radioactivité, soit presque 10 fois plus que la norme officielle*.
A Hisanohama, depuis, la coopérative a cessé la pêche.
* Au moment où NHK a réalisé cette émission, la norme officielle était à 500 Bq/kg. Depuis avril 2012, celle-ci est de 100 Bq/kg
Les taux de radioactivité de l’eau de la mer à 20km du large de Fukushima : 0.06 µsv/h Au même endroit à 13 m de profondeur de la mer : plus de 2 µsv/h.
Nous avons également prélevé des échantillons de terre du fond de la mer à 32 endroits différents, sur la côte. Le résultat des analyses: Plus de 2000 Bq/kg sur 1 km de côte, juste devant la centrale, avec par endroit 4520 Bq/kg.
Ensuite, nous avons analysé les poissons dans la zone de 20 km, au large du sud-est.
Les résultats : mebaru 2300 Bq/kg, Ainame 1400 Bq/kg, kasubé 1700 Bq/kg
L’analyse montre que la plupart des poissons du fond de mer avaient beaucoup plus de césium 137 que la norme. Quels sont les rapports entre ces poissons qui vivent au fond de la mer et la contamination de la terre ?
Dr.Ishimaru : « Au fond de la mer, vivent le plancton et de tout petits poissons qui mangent les boues contenant les substances radioactives.Ensuite, d'autres poissons mangent ces poissons. Tant que la substance radioactive reste au fond de la mer, la contamination des poissons continue par la chaîne alimentaire. »
1-2 ) Jusqu’au au large de Chiba, à 200 km de Fukushima :
福島沖から200kmの千葉銚子まで
Le courant littoral tourne dans le sens des aiguilles d’une montre,
et le long de la côte du Pacifique, le courant tourne vers le sud.
Alors, nous avons décidé de faire des prélèvements de terre du fond de mer sur une distance de 200 km vers le sud de Fukushima.
A 80 km, au large de la ville de Takahagi de Ibaragi : le fond de mer était du rocher dur, et la quantité de cesium relevée était très peu élevée. Comme montre le tableau dessous, au nord de Ibaragi, il y avait peu de césium.
A 120 km, au large de Hitachinaka : On pensait que le taux de radioactivité allait baisser, alors que le résultat était étonnant, 380 Bq/kg ! Comme au large de Fukushima. En fait ici, le fond de mer est composé de boues dans lesquelles le césium se fixe facilement.
A 180 km, au large de la ville de Choshi de Chiba : 112 Bq/kg au lieu de 38 Bq/kg en octobre 2011
Professeur KANDA de l’Université de Tokyo Océanographie dit que ces substances de radioactivité se déplacent selon le courant de mer et peuvent se poser là où il y a des couches sédimentaires avec boues.
1-3 ) Dans les lacs et étangs ... endroits fermés :
内陸の湖や沼で起こっていること
En plus d'une contamination de la mer, il y a actuellement 23 lacs et étangs
en eau douce avec présence de poissons contaminés.
Par exemple à Akagi-Onuma (alt. 1340 m) à Gunma (situé à 200 km de Fuku–shima). Le taux de radioactivité autour de ce lac n’est pas important : 0.17 µsv/h (la norme officielle qui déclenche le nettoyage est à 0.23 µsv/h)
Mais depuis le mois d’août 2011, nous avons trouvé dans Wakasagi 640Bq/kg, et d’autres poissons avaient dépassé la norme de 500 Bq/kg.
En décembre 2011, nous avons décidé de faire l’enquête sur ce lac
avec M. SUZUKI du laboratoire de pisciculture de Gunma.
Résultat :
Plancton du lac Akagi-Onuma : 296 Bq/kg
Pourtant, ils ne vivent pas plus longtemps que quelques semaines.
Les boues du fond de lac : 950 Bq/kg, et en plus, la couche qui contient le césium fait 20 cm de profondeur.
Les lacs qui se trouvent au milieu des montagnes sont fermés et l’eau stagne. Une fois que le césium s’installe au fond du lac, il y reste et continue à contaminer les poissons : les planctons mangent les boues, les poissons les mangent, les poissons morts tombent au fond du lac, les planctons se reproduisent et ... cercle vicieux.
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25 ans après l’accident de Tchernobyl, le Centre National de Surveillance de la Radioactivité continue la recherche sur les poissons en eau douce contaminés en Ukraine
Leurs rapports montrent que les premières cinq années, le taux de césium dans les poissons avait baissé. Ensuite le taux ne diminue pas beaucoup. Il faudra attendre 30 ans, pour qu'il diminue de moitié.
1-4 ) A la Baie de Tokyo :
Un « Point Chaud », dans la Baie de Tokyo,
plus élevé qu'au large de Fukushima
Dans l’embouchure de la rivière Edo, un « point chaud » révèle 2 fois plus de césium qu’à 20 km au large de Fukushima !
Depuis août 2011, en collaboration avec Dr. YAMAZAKI Hideo de l’Université de Kinki, nous avons commencé à faire des analyses. A 10 m de profondeur, le fond de mer est stagnant et sombre, et recouvert de boues. Nous avons fait des relevés à 26 endroits.
Résultats :
Les taux de césium trouvés étaient peu importants. Ormis au fond de la baie et à l’embouchure de la rivière Edo ( Edogawa) et Arakawa, où il a été relevé jusqu'à 872 Bq/kg !
En amont de ces rivières, s’étend la ville de Tokyo.
Dr. Koibuchi, chercheur de l’Université de Tokyo pense que la contamination de la Baie de Tokyo va s'aggraver et que dans Edogawa, on peut touver des endroits où le césium peut s’accumuler.
« Ces substances de radioactivité se déplacent dans le courant rapide de la rivière. Mais en approchant à l’embouchure où l’eau douce mélange avec l’eau de mer, l’agrégation se produit : le césium qui se déplacait avec la boue ne se mélange pas tout de suite à l’eau de mer salée. Mais le sel fait coller les boues et le césium se fixe au fond de la rivière.
Durant 2 mois, le Dr. Koibuchi a examiné les taux de césium au fond de Edogawa :
1623 Bq/kg à 8 km de l’embouchure !
On peut imaginer que les substances de radioactivités qui sont tombées sur la plaine, peuvent se déplacer avec la pluie et s’accumuler dans toutes les rivières qui versent à la baie de Tokyo.
Conclusion :
D’après la simulation réalisée par le groupe de la Prévention aux Catastrophes de l’Université de Kyoto, cette contamination s’étendrait à une vitesse de 5 km / an. Et vers mars 2014, la contamination de la baie de Tokyo toucherait le niveau le plus élevé. Du fait que la forme de la Baie de Tokyo est un peu fermée, il sera possible que cette situation dure pendant un petit moment ...
Comment les césiums peuvent-ils se déplacer ?
Qu’est-ce que l’agrégation ?
La substance radioactive comme le césium qui descend de la montagne à la plaine, arrive à la rivière ou au fleuve. Ensuite, le césium, de charge électrique positive, est pris par une particule argileuse de charge électrique négative, et ils se déplacent bien attachés désormais ensemble.
La densimétrie de cette particule (argile + césium) est légère, donc ne reste pas dans le courant rapide. Tandis que là où le courant est plus lent, notamment en aval de la rivière, elle se pose tout doucement au fond.
Quand cette particule se mélange avec l’eau salée de mer, leur densimétrie devient alors plus lourde ( agrégation ) et la particule peut s’entasser au fond de l’eau.
Rapport 2
Début de la contamination des rivières
河川汚染の始まり
Comment se passe la contamination des fleuves avant qu’ils se jettent dans la mer?
Dans le rapport 1, nous avons parlé de la contamination au large de Fukushima et de la Baie de Tokyo du mois d’août au novembre 2011.
D’après la recherche renouvelée au mois d’avril 2012 par l’équipe du Professeur YAMAZAKI Hideo de l’Université de Kinki dans la Baie de Tokyo, le taux de radioactivité s’est multiplié de 1.5 à 13 fois plus, depuis l’an dernier. C’est à dire ils ont vu la quantité de césium de la terre du fond de la mer à 1m : 7,305-27,213 Bq/m2, au lieu de 0,578-18,242 Bq/m2 en août 2011.
Ce résultat prouve que les substances de radioactivité ont été transportées par les rivières qui se jettent à la baie de Tokyo : Edogawa, Tamagawa et Arakawa. Ces substances, proviennent à la fois de la plaine et des montagnes.
2-1) Aux alentours de Tokyo
Tamagawa et Arakawa
Dans les chaînes de montagne de Okutama, la source de Tamagawa est bien polluée comme montre le tableau ci-dessous (partie bleu foncé et vert-bleu) :
Selon le résultat de monitoring aérien du Ministère de Culture et des Sciences, le taux de radioactivité à Okutama peut s’élèver de 60,000 jusqu'à 100,000 Bq/m2. Et malgré ce taux, il y a des gens qui y vivent, et qui y travaillent tous les jours.
A Tchernobyl, plus de 550,000 Bq était la zone d’évacuation obligatoire et 37,000 à 40,000 Bq/m2 était la zone de contrôle de radioactivité où on ne peuvait pas y aller facilement.
De ces zones hautement polluées, la pluie descend dans la rivière et rejoint Tamagawa. Juste avant que la rivière Hibara et Tamagawa se rejoignent, se situe le lac de Okutama, principale réserve d'eau pour les habitants de Tokyo.
On peut dire la même chose pour Arakawa, l’autre rivière qui verse à la baie de Tokyo, dont la source est à Oku-Chichibu.
Edogawa, l’affluent du Fleuve Toné
Les sources du Fleuve Toné, (principale réserve d'eau pour les habitants de Kanto), se situent dans les chaines de montagnes de plus de 2000 m qui se trouvent entre la frontière des préfectures de Gunma et de Niigata. La situation là-bas est encore pire que celle de Okutama.
Au cours supérieur Tonégawa, il y a le lac Okutoné, Naramata et Hujiwara, qui sont des lacs de barrage. Ici, la contamination sur des zones assez étendues peut atteindre de 60,000 à 100,000 Bq/m2. Ensuite, l’eau se déverse vers nos zones habitées.
Ces montagnes sont couvertes de neige durant l’hiver. Au printemps, peu à peu la neige fond, passe dans les ruisseaux et finit par se joindre à la rivière Katashina et le Fleuve Toné. Normalement, on aime prendre dans les mains cette eau fraiche et se laver le visage pour se rafraîchir.... mais aujourd’hui, ce geste est trop risqué.
Le Fleuve Toné se jette dans le Pacifique, et avant, il se divise à Edogawa qui verse à la baie de Tokyo.
Dans tous les cas, la pollution par la radioactivité ne va pas s’arrêter. Ce n’est que le début.
2-2) A Fukushima
En printemps 2012, dans la préfecture de Fukushima aussi, on a remarqué le même phénomène de multiplication des taux de radioactivités : on commence à trouver des points chauds dans la ville de Aizu (que l’on croyait jusque là non-contaminée). Et aussi dans la ville de Koriyama et de Fukushima.
L’équipe NHK a réalisé le rapport de mesure des taux de radioactivité de la terre et de l’eau à plus de 200 endroits le long des deux fleuves Abukuma et Agano.
Il y a le fleuve Abukuma qui part du sud de Fukushima et se jette dans le Pacifique traversant la préfecture de Miyagi, et le fleuve Agano qui part de Aizu et se verse dans la mer du Japon traversant la préfecture de Niigata.
En fait, c’est exactement comme pour la Baie de Tokyo. Les rivières / fleuves peuvent transporter la radioactivité, provenant de toute l’eau qui descend de la montagne, et de l'eau des précipitations de pluies ou de neige, qui ruisselle sur les routes et bâtiments des villes.
Le fleuve Abukuma est le lieu de production de l'Ayu, un poisson de rivière. On a relevé 2050 Bq/kg à l’endroit de ponte, et 1840 Bq/kg à l’affluent. L'Ayu se nourrit de boue et des algues du fond de la rivière. On peut parler ici d’un phénomène de concentration in vivo. Et on peut dire la même chose pour les autres poissons de ces rivières.
Le 19 juin 2012, le Journal de Fukushima ( Fukushima Minpo ) a publié que les poissons de ce fleuve Abukuma ont dépassé la norme, suite aux analyses des taux de radioactivité.
Dans des villes en province, il est courant de trouver des réserves d’eau de pluie, en plein milieu de quartiers d’habitation. Ces réserves d'eau peuvent être contaminées par l'eau de pluie lorsqu'elle a ruisselé sur les toits des maisons ou sur les routes.
Lorsque l'eau d'un étang rejoint une rivière, souvent en passant par un canal, nous avons constaté que des taux de radioactivités sont très élevés. Puisque l'eau de l'étang est stagnante.
Au moment de la saison des pluies ou des typhons, les rivières peuvent sortir de leur lit et innonder. Une fois que l’eau s’est retirée, la substance radioactive s'est déposée sur les terres inondées.
Conclusion :
Le Japon est appelé Mizuho no Kuni, c'est à dire : pays de rizière, entouré par la mer et les rivières.
La vie des Japonais est depuis toujours très proche de l'élément eau.
Mais cette eau, qui ruisselle depuis toujours chez nous, l’Homme l'a salie.
Pour combien de temps, on ne sait pas.
Le Mal s’est installé, on ne peut pas retourner en arrière.
Maintenant, l’Homme doit subir toute la conséquence de sa bêtise.
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Sources : Kaleidscope blog : 24 mai 2012, 6 juin 2012, 19 juin 2012, et NHK : émissions spéciales du 15 janvier 2012, 10 juin 2012 « Qu’est-ce qui se passe à la rivière ? »
Liens vers le blog japonais :
http://kaleido11.blog111.fc2.com/blog-entry-1297.html