Lors de l’arrêt automatique des réacteurs le 11 mars 2011 à 14h46 (heure du séisme), les barres de combustible ont, d’après Tepco, continué à être refroidies par le système de refroidissement de secours. Mais à 15h30, une vague de 15 m de hauteur a mis hors service ce système de secours et le cœur a donc cessé d’être refroidi.
D’après Chris Allison, au bout de 3 heures et demi de non refroidissement, un cœur de ce type fond entièrement et se retrouve au fond de la cuve du réacteur. A Fukushima, le 11 mars à 19h00, les cœurs avaient donc déjà fondu. Toujours d’après ce même expert, une heure plus tard, la masse fondue (corium), constituée d’uranium, de plutonium et de divers métaux constituant les assemblages, a une température de 1650°C, soit la température de fusion de l’acier de la cuve du réacteur. Combien faut-il de temps pour que ce corium traverse une cuve qui a une épaisseur de 26 cm ? Sans doute moins que la théorie. Car concrètement, au fond de la cuve, il y a déjà une multitude de trous.
En effet, le fond de la cuve d’un réacteur à eau bouillante (BWR en anglais) est percé de nombreux trous qui servent à faire passer les barres de contrôle (control rods). A Fukushima Daichi, la cuve du réacteur 1 a ainsi 97 trous, les cuves des réacteurs 2, 3, 4 et 5 ont chacune 137 trous, et la cuve du réacteur 6 en a 185. Autant dire que pour le corium qui arrive là, il est facile de se frayer un chemin (il suffit de 300°C pour endommager un joint).
Barre de contrôle traversant le fond de la cuve (document GE)
Si l’on suit la logique, étant donné que Tepco n’a commencé à injecter de l’eau de mer que le lendemain 12 mars à 20h20, il est évident que le corium a eu le temps de sortir de la cuve, et cela au moins pour les 3 réacteurs en service (1, 2 et 3). Pour les réacteurs 5 et 6 qui avaient encore respectivement 94 tonnes et 132 tonnes de combustible dans leurs cœurs, on peut imaginer qu’il en a été de même puisque ces masses devaient également continuer à être refroidies, même avec le réacteur l’arrêt.
Selon un article du Mainichi du 25 mai 2011, Tepco est finalement arrivé à la conclusion qu’il y aurait plusieurs trous dans les enceintes de confinement des réacteurs 1 et 2. Cela confirmerait que le corium a traversé le fond des cuves en acier, qu’il est descendu dans le fond de l’enceinte, et qu’il l’a percé. Un trou aurait un diamètre de 7 cm pour le réacteur 1 et plusieurs trous de 10 cm pour le réacteur 2. A moins que le tremblement de terre n’ait provoqué ces trous ? Avec Tepco, il faut toujours deviner !
On peut se demander pourquoi Tepco lâche seulement maintenant ces informations alors que ces évènements ont probablement eu lieu dans les jours qui ont suivi le tsunami. Tout simplement parce que jusqu’à maintenant, personne ne lui demandait rien et il avait tout intérêt à cacher la situation pour sauvegarder une image acceptable de l’énergie nucléaire. Mais depuis hier, l’AIEA fait une enquête sur l’accident de Fukushima (ils ont mis le temps !), alors Tepco ne peut plus soutenir ses mensonges, il va désormais être obligé de dire la vérité.
Sources :
http://forums.futura-sciences.com/actualites/463203-explosion-a-fukushima-80.html
http://enenews.com/reactor-no-2-has-multiple-4-inch-holes-in-containment-vessel
http://mainichi.jp/select/weathernews/20110311/nuclear/news/20110525k0000m040135000c.html
http://www.lepoint.fr/monde/et-pendant-ce-temps-la-au-japon-20-05-2011-1333323_24.php