Le 29 juin 2011, Damien THIERY, député fédéral belge, a adressé une question orale à Monsieur Paul MAGNETTE, Ministre du Climat et de l’Energie. Cette question, a été posée en Commission de l’Intérieur du Parlement belge.
En voici le texte intégral.
" Monsieur le Ministre,
Concerne : la situation à Fukushima et les initiatives prises ou à prendre par la communauté internationale
Je reviens sur ce dossier qui, malheureusement, connaît une certaine indifférence médiatique depuis quelques semaines.
Le 12 mai dernier, Tepco annonce officiellement la fusion totale du combustible du réacteur N°1.
Le 24 mai, la société nippone annonce la fusion totale des réacteurs 2 et 3.
De plus, le 25 mai, nous apprenons que Tepco reconnaît que la cuve du réacteur 1 est troué par un orifice 7 cm de diamètre et que plusieurs trous de 10 cm de diamètre affectent la cuve du réacteur 2.
La radioactivité sur le site semble demeurer très importante : le taux de radioactivité dégagée par les réacteurs 1 et 2 est de l’ordre de 4 sieverts/heure !
Outre ces faits, il a été avéré que Tepco a reconnu que les cœurs des réacteurs étaient fusionnés dans les 24H suivant le tremblement de terre ;la société reconnait aussi avoir tronqué les chiffres de radiation les 12 et 13 mars derniers.
Vers la mi-juin, Tepco annonce que les cœurs des trois réacteurs avaient non seulement fusionné mais également percé leurs cuves 79 heures après le séisme !
Enfin, en ce moment, Tepco tente de commencer à pomper et filtrer l'eau hyper contaminée qui risque de déborder des sous-sols des trois réacteurs."
La situation au Japon semble catastrophique sur le plan environnemental.
On parle de 20.000km² gravement contaminés par divers nucléides dont du plutonium.
Outre le fait que les radiations s’étendent au fur et à mesure des jours qui passent, la question de la contamination de l’air de l’hémisphère nord ainsi que de l’océan est une réalité.
C’est ainsi que, par exemple, les 4 et 5 avril derniers, on a relevé dans du lait produit à San Francisco un taux d’iodine-131, 26 fois supérieur à la norme. On apprend également que l’océan Pacifique est gravement pollué à 100 km au large de la centrale.
Il me revient également que l’institut météorologique du Japon arrête ses projections sur cartes des émissions des substances radioactives.
Tout ce qui précède semble indiquer que la situation mérite de se poser les questions que notre population se pose.
La crise ne concerne pas uniquement le Japon mais l’ensemble de la planète.
La gestion de celle-ci semble poser de nombreux problèmes à l’opérateur de la centrale, qui par ailleurs connaît une très grave situation financière. On parle d’un déficit cumulé de 45 milliards de dollars
En conséquence, monsieur le ministre peut-il me faire savoir :
a) quelles sont les initiatives mises en place par la communauté internationale pour tenter d’aider le Japon à juguler et maîtriser une situation qui apparaît, de plus en plus, hors de contrôle ?
b) Si cela n’est déjà fait, est-il envisageable de proposer la mise en place urgente et nécessaire d’une cellule de réflexion et d’intervention internationale composée des plus grandes éminences scientifiques et technologiques en la matière ?
c) Est-il envisageable de proposer aussi un financement international de cette cellule qui travaillerait bien sûr sous l’égide de l’ONU et avec l’aide de l’AIEA ? En discutez-vous au niveau européen ?
d) Par ailleurs, est-il envisageable de demander au Japon de maintenir les informations accessibles au public comme les taux de radioactivités émises par la centrale ainsi que les projections cartographiques des substances radioactives dans l’atmosphère, et ce par souci de transparence ? "
Réponse de la ministre de l’Intérieur, Annemie Turtelboom :
Monsieur le président,
dès le début de l'accident de Fukushima, les structures d'assistance se sont mises en place. On peut citer le réseau d'assistance de l'Agence internationale de l'Énergie atomique, connu sous le nom de RANET, qui permet de mettre rapidement à disposition du pays affecté les moyens d'aide provenant d'autres États. Des offres d'aide bilatérale ont également été faites, en particulier par les États-Unis, dont les réacteurs affectés sont originaires, ou par la France, qui dispose d'un know-how étendu en la matière. Le Japon a accepté ces offres, particulièrement au niveau des expertises pointues relatives au type de réacteur concerné.
La Belgique avait également proposé l'envoi d'experts du SCK mais celui-ci n'a pas été retenu par le Japon. Dans le cadre de cette mise à disposition, l'expertise scientifique et technique est déjà disponible. Du point de vue de l'intervention sur place, c'est l'État souverain affecté qui reste responsable d'organiser ses moyens d'intervention et d'y intégrer des moyens étrangers s'il le souhaite.
Suite à cette catastrophe, plusieurs États, dont la Belgique, ont plaidé pour plus de solidarité en cas d'accident. La création au niveau adéquat, comme l'AIEA, d'une force d'intervention internationale en cas d'urgence, composée d'experts internationaux et dotée des moyens techniques nécessaires, pourrait répondre à ce besoin. Les conclusions de la récente conférence de l'AIEA sur la sûreté nucléaire vont d'ailleurs dans ce sens et soulignent également la nécessité de renforcer les standards internationaux relatifs à la sûreté nucléaire et d'évaluer les risques et la sûreté des installations nucléaires au niveau international.
Au niveau européen, j'ai demandé qu'un mécanisme d'intervention soit développé spécifiquement en cas d'accident nucléaire. Cela optimaliserait également la coordination avec le niveau international. Sur la base des résultats de la Conférence de Vienne, l'IAEA établira un plan d'action visant à répondre aux conséquences de l'accident de Fukushima en termes de renforcement de la sûreté du parc mondial des centrales nucléaires, de préparation et de capacité de réponse en cas d'accident. Il sera discuté avec les États membres et présenté au Conseil des gouverneurs de l'IAEA et à sa conférence générale en septembre prochain.
Enfin, lors de cette conférence, les experts ont estimé que le Japon fournissait tous les efforts nécessaires en vue de produire une information continue pertinente des données relatives à l'accident vers la communauté internationale. Il a été demandé au Japon, et spécialement au régulateur, de poursuivre ces efforts en toute transparence et en toute indépendance.
Réponse de Damien Thiéry :
Madame la ministre,
je comprends bien que l'État est souverain en matière d'intervention sur place. C'est lui qui a le droit de dire s'il désire de l'aide internationale ou non. C'est logique, surtout lorsqu'il s'agit d'un séisme qui concerne le pays même. Ici, malheureusement, on se retrouve dans un système où les conséquences du séisme vont toucher ou pourraient toucher de nombreux autres pays. Je ne dis pas qu'il faille mettre le Japon sous monitoring mais le check par les différentes instances internationales devait être régulier. Si je comprends bien, il l'est.
Je suis plus inquiet au sujet de la transparence des informations. Vous me dites qu'une information, entre autres sur les taux de radioactivité émis par les centrales, passe régulièrement aux instances internationales et que nous avons accès à ces informations. Je demande la plus grande rigueur au vu des informations qui ont été transmises les 12 et 13 mars à cette commission et qui venaient entre autres de la société en question. Il a été reconnu relativement tard que les chiffres relatifs aux taux de radiation avaient été tronqués et que ce n'était pas les bons chiffres. On peut se demander si c'était volontaire ou pas. J'appelle, par conséquent, à la plus grande vigilance et je demande que l'on ait accès à des informations transparentes et correctes de manière hebdomadaire.
Suite : réaction de Guy de Halleux