En ce mois de mars 2012, comme un écho au combat des 100 femmes de Fukushima, un nouvel appel vient d’être lancé, l’Appel
des Femmes pour l’Arrêt Immédiat du Recours à l’Énergie Atomique.
« Certaines d’entre nous sont connues. D’autres moins. D’autres pas du tout. Certaines sont des militantes de longue date. D’autres ne militeront jamais. Certaines sont des amies proches. D’autres affichent de profonds désaccords entre elles sur quantité de terrains.
Mais, toutes, nous partageons désormais la conviction de la nécessité vitale d’un arrêt immédiat du recours à l’énergie nucléaire. Qu’il s’agisse de production d’électricité ou d’armement (…) »
Lire la suite de l’appel, connaître les signataires, signer : une seule adresse !
A cette occasion, je voudrais faire connaître deux témoignages qui m’ont touché, ceux de Cécile et d’Aizen, toutes deux engagées dans la lutte antinucléaire par diverses actions, en particulier l’information. Il n’est pas inutile ni futile de savoir ce que ressentent les gens. Depuis Fukushima, leur vie a changé, et elles ne sont pas les seules à penser et à vivre différemment depuis mars 2011.
Le témoignage de Cécile
(texte original en anglais ici, traduit par Bibou Gaiga Kaunta)
« Je ne suis pas japonaise, et je ne vis même pas au Japon. Mais la catastrophe nucléaire de Fukushima Daiichi a changé ma vie ...
Lorsque le tremblement de terre et le tsunami sont survenus, j'ai été choquée et accablée par la tragédie du peuple japonais.
Et puis, c'est arrivé ...
A ce moment là, je ne savais rien du tout sur l'énergie nucléaire. Bien que je sois française,... enfant à l'époque de Tchernobyl, j'étais juste aveugle...
Lorsque Fukushima a commencé, j'étais un adulte. J'ai pu trouver des informations par moi-même. Maintenant, je vois ...
Je vois la souffrance des personnes au Japon ...
Je vois des enfants froidement sacrifiés pour le profit ...
Je vois des parents aux prises avec la peur ...
Je vois le silence étouffant ...
J'entends le cri long et profond de l'homme face à l'injustice ...
Et, juste au-dessus de cette montagne de colère et de douleur, je te vois, mon fils, entouré par l'horreur et le danger ... Le monde était plein de fleurs et de papillons, il est maintenant un
endroit pour les radionucléides et les larmes ...
Et c'est de ma faute, parce que je n'ai jamais rien fait pour éviter cela ...
Le 11 mars 2012, comme chaque jour depuis 2011, levons-nous !
... De sorte que tous les gens qui vivent au Japon savent que nous pensons terriblement à eux,
... Afin que tous les différents pouvoirs publics dans le monde sachent que nous ne pourrons jamais pardonner leurs crimes contre le peuple du Japon,
... Nous allons nous battre ensemble pour exiger l'arrêt des centrales nucléaires à travers le monde.
Alors tous nos enfants pourront jouer dans un grand jardin,
plein de fleurs et de papillons ...
C'est peut-être notre dernière chance ... »
Le témoignage d’Aizen
« Cette année a été la plus longue, la plus usante, la plus éreintante que j’ai jamais connue. Je crois que par la force des choses, j’ai enfin appris ce que voulait dire l’expression :
se battre pour une cause qui nous tient à cœur.
(…)
Au delà même de la tristesse que je ressens face à la catastrophe de Fukushima, souvent, ce qui me fait le plus de peine, c’est de constater un déni constant de réalité chez bien des individus. Régulièrement on m’a traitée de fataliste. Mais je ne le suis pas, je suis simplement lucide.
J’aime le Japon plus que quiconque. C’est ma patrie, je suis née là bas, j’ai de la nostalgie, un amour incommensurable pour ce pays. Mais l’amour ne me rend ni aveugle, ni inconsciente.
Les gens ont souvent peur de voir la réalité en face. Ils aimeraient que les choses ne soient pas aussi cruelles, ils espèrent toujours qu’il puisse exister des circonstances atténuantes. Seulement voilà: il ne peut y avoir de circonstances atténuantes face à une catastrophe nucléaire. On peut se battre pour et contre beaucoup de chose, sauf contre la radioactivité.
C’est logique, implacable, mathématique : il faut évacuer les zones contaminées. La limite autorisée pour l’exposition de la population aux rayonnements artificiels, en France est de 1 mSv/an/personne. Je vous laisse faire vous même le calcul des zones potentielles à évacuer au Japon. Relever les limites d’exposition est un crime. Je ne cesserai à jamais de le dénoncer.
Dimanche, je n’ai pas commémoré les 1 an de Fukushima, parce que je n’ai cessé de commémorer toute l’année. 1 an vient de passer mais rien n’est terminé. J’ai peur qu’après cet anniversaire les gens puissent oublier plus facilement. Tout ne fait que commencer. Le 11 mars 2012, je l’ai passé avec mes proches, dans un recueillement silencieux.
Je ne prie plus depuis longtemps, car je sais que mes prières n’auront jamais aucune influence sur la radioactivité, mais je médite pour évacuer ma rage, mon indignation, ma colère face à ce gouvernement japonais irresponsable et laxiste, face à Tepco qui cache les informations, face à la désinformation dans le monde entier, face aux négationnistes qui constamment se permettent de minimiser les conséquences et la souffrance d’un peuple…
Mais j’évacue mes ressentiments, car pour aider les autres et ce monde, il ne peut y avoir de place pour la haine. Il faut apprendre alors à avoir de la compassion même pour nos ennemis… »
(…)
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