Heureusement j’étais assis quand j’ai entendu à la radio le président de l’Autorité de Sûreté Nucléaire (l’ASN), Pierre Franck Chevet, annoncer sans être contredit que l’accident de Fukushima avait été classé au niveau 6 de l’échelle internationale INES !
Effectivement l’ASN s’était empressée le 15 mars 2011 de classer l’évènement au niveau 6, alors même que des explosions et des incendies se produisaient encore dans les bâtiments réacteurs 2 et 4. Mais un mois plus tard, l’accident avait été reclassé au niveau 7 par les autorités japonaises, ce que reporte le propre site de l’ASN ou celui de l’IRSN. Pierre-Franck Chevet ne peut pas ne pas en être au courant !
Arriver à un tel point de désinformation au sommet des structures françaises est insupportable. Celui qui a la responsabilité de la sûreté nucléaire en France a été pris en flagrant délit de manipulation de l’opinion sur une chaîne publique nationale. Il participait à l’émission « Le téléphone sonne » (Questions sur l’état de la sureté des installations nucléaires) le 17 avril 2013 sur France Inter, avec son collègue Jacques Repussard, directeur général de l’IRSN.
Tous deux étaient là pour désinformer et minimiser. Mais surtout pour marteler que « L’accident nucléaire est possible en France ». Non pas pour faire peur et faire changer la politique énergétique de la France, mais pour trois raisons évidentes :
- habituer les Français à l’idée d’un accident nucléaire,
- justifier leurs activités de protection de l’industrie nucléaire,
- rendre nécessaire l’augmentation des dépenses de sécurité, donc des propres recettes de leurs organismes.
Ils n’étaient pas vraiment là pour répondre aux questions des auditeurs, lisez plutôt :
Question d’un auditeur :
- S’il se passe un accident majeur en France, combien de millions de Français seront impactés ?
PAS DE REPONSE
Question d’un auditeur :
- Quelles sont les mesures que vous pouvez nous conseiller pour protéger nos familles, particulièrement les enfants, en cas d’accident majeur ?
PAS DE REPONSE
Question d’un auditeur :
- Si subitement l’ASN ordonne la fermeture de plusieurs centrales, est-ce que la France peut remplacer au pied levé l’énergie qu’elles produisaient ?
PAS DE REPONSE, sinon un Nième « nous travaillons sur ce scénario »…
Florilège de citations
Quelques évidences, d’abord sur la possibilité d’un accident en France :
Jacques Repussard : « Ces technologies qui ont été inventées il y a 40 ans, 50 ans maintenant, elles ont la possibilité de créer ces accidents très graves. »
Jacques Repussard : « On a laissé des impasses dans le système, on est en train de les combler. »
Quelques justifications économiques :
Jacques Repussard : « On a besoin de travailler sur la préparation de cet accident »
Jacques Repussard : « La bonne santé économique d’EDF, c’est pour moi l’une des clés de la sûreté de notre parc [nucléaire] »
Quelques énormités :
Jacques Repussard : « Quand les accidents comme cela se produisent, c’est forcément une conjonction tout à fait extraordinaire et peu prévisible de différents facteurs indépendants les uns des autres. Un tsunami + un séisme + une centrale qui avait vieilli prématurément, qui n’avait pas mise à l’état de l’art, tout ça ensemble a créé l’accident. »
Alors que justement, un tremblement de terre et un tsunami ne sont pas des éléments indépendants ou imprévisibles au Japon, alors que la centrale de Fukushima n’avait pas vieilli plus « prématurément » que les centrales nucléaires françaises, on se demande vraiment ce que veut dire Jacques Repussard ! La catastrophe de Fukushima était totalement prévisible, comme l’a démontré le rapport de la commission indépendante de la Diète japonaise sur Fukushima.
Pierre-Franck Chevet (à propos de l’échelle de gravité des accidents nucléaires) : « Ca va de 1, l’incident qui est rendu public mais qui est de niveau le plus bas, à 7. Tchernobyl : 7. Fukushima : 6. »
J’en ai déjà parlé dans l’intro, ce mensonge est d’une grande gravité.
Une parole insultante pour les Japonais contaminés :
Jacques Repussard : « [en cas d’accident nucléaire en France] il y aurait relativement peu de morts immédiats voire à terme si la situation est bien gérée et ce sera vraisemblablement le cas au Japon : il y aura probablement un faible impact - on ne le sait pas encore mais c’est assez vraisemblable- il y aura un faible impact sanitaire. »
Des réponses absolument pas rassurantes :
Question d’un auditeur : Les centrales françaises permettraient-elles d’empêcher la formation d’un corium et de son passage à travers le radier ?
REPONSE : NON
Effectivement, aucune centrale nucléaire française ne possède de récupérateur de corium et le syndrome de Fukushima peut se produire dans tous les sites.
Question d’un auditeur : Est-ce que la force d’action rapide est en place, le « GIGN du nucléaire » ?
Pierre-Franck Chevet : « Elle est partiellement en fonctionnement (…) mais on est encore loin du dispositif complet. »
Ce qui signifie que 2 ans après Fukushima, cette force n’est toujours pas opérationnelle.
Pierre-Franck Chevet : « [Dans le cas d’un accident de type Fukushima en France], quelques dizaines de km en Europe, ça touchera beaucoup de monde, et ça touchera, ça concernera aussi les pays frontaliers. »
Si on regarde Tchernobyl et Fukushima, on peut corriger et dire « quelques centaines de km ». Le directeur de l’ASN est trop modeste avec nos voisins européens qui seront touchés de plein fouet.
Pierre-Franck Chevet : « Il y a 20 ans, je travaillais à l’époque pour l’ASN, on a eu une anomalie concernant les couvercles de cuve ; on a été à deux doigts d’être dans cette situation [de devoir changer les couvercles de cuve de plusieurs réacteurs français, et donc de prendre la décision d’arrêter subitement entre 5 et 10 réacteurs]. »
Ah bon, on a été à deux doigts de changer des couvercles défaillants dans les années 90 ? On aurait aimé en savoir plus ! Finalement on n’a pas changé ces couvercles ? Ils ne sont plus défaillants ou bien ils sont encore utilisés aujourd’hui ? De quelles centrales s’agit-il ?
Et enfin à propos des déchets :
Quelle est la durée de vie radioactive du cœur d’un réacteur ?
Réponse de Jacques Repussard : « de l’ordre de la centaine de milliers d’années. »
Pierre-Franck Chevet : « Nous nous attachons à essayer de créer une filière… » JPC s’étrangle. Le projet CIGEO serait-il si embarrassant ?
Quelle est la durée du démantèlement d’une centrale nucléaire ?
Pierre-Franck Chevet : Il ne revient pas sur le « cas complexe » de Brennilis cité par un auditeur (démantèlement commencé il y a 28 ans !). Concernant la centrale de Chooz-A, « le démantèlement avance », mais on n’en saura pas plus !
Source
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Photo d’entête : Pierre-Franck Chevet prêtant serment devant la commission d’enquête du Sénat sur le coût réel de l’électricité le 9 mai 2012 (source)
PS : Veuillez m'excuser pour la présentation actuelle des articles et de la colonne de droite. La mise en page est assez nulle. Cela provient du fait que le site a migré de l'ancienne à la nouvelle plateforme overblog et que je ne maîtrise plus grand chose dans l'agencement. Va falloir que je m'y adapte, mais déjà je regrette les nombreuses fonctionnalités très accessibles qu'offrait l'ancienne version... Juste un exemple, Overblog a supprimé une centaine de liens (les veilleurs de Fukushima) et je n'ai pas accès pour le moment à la colonne de droite pour actualiser ce qui reste. PF
Fukushima : conférence du 7 juillet 2011 à l'ambassade de France au Japon.
Olivier Isnard et Bruno Cessac, de l' IRSN , ont donné une conférence intitulée " Accident de Fukushima : état des lieux et conséquences de l'accident sur l'environnement et les populations " ...
Dès 2011, l'IRSN prenait soin de minimiser les conséquences de la catastrophe de Fukushima en organisant une conférence à Tokyo.