Texte de HORI Yasuo, rédigé le 10 septembre 2013.
Le 10 septembre 2013
Gravissime est l’état actuel de Fukushima
HORI Yasuo
Traduit de l'espéranto au français par Paul Signoret
Niveau 3
Le 20 août, TEPCO a publié une information faisant état de l’écoulement de 300 tonnes d’eau polluée ayant fui des réservoirs et contenant 24 000 milliards de becquerels de matières radioactives. Ayant pris connaissance de ce rapport, le 21 août, l’Autorité de Régulation Nucléaire a constaté que l’état actuel de la centrale nucléaire n° 1 de Fukushima s’inscrivait au niveau 3 de l’échelle internationale des accidents nucléaires en raison du flux énorme d’eau polluée et de l’impact sur le milieu.
Détérioration des réservoirs à eau polluée
400 tonnes d’eau souterraine affluent chaque jour dans le sol de la centrale nucléaire n°1 et se mêlent à l’eau polluée du site. La compagnie TEPCO est obligée de conserver cette eau, et dans ce but elle a construit, et continue à construire, à la fois des aires de stockage et des réservoirs.
Il y a quelques mois de cela, l’eau contenue dans des bacs bâtis sans trop de soin commença à suinter. TEPCO transporta cette eau dans des réservoirs. À présent, le site de la centrale est couvert de ces réservoirs.
Le 31 août, TEPCO a fait savoir qu’en quatre endroits de l’aire de stockage des réservoirs, une très forte radioactivité avait été enregistrée. Celle-ci excédait 1800 millisieverts, intensité capable de tuer quelqu’un au bout de quatre heures*. Les joints d’assemblage des plaques d’acier des cuves sont en caoutchouc. Dans la centrale nucléaire n°1, sur 930 réservoirs, 350 sont du même modèle que celui qui a fui. TEPCO ne nie pas la possibilité que l’eau des fuites ait pu atteindre la mer.
Le président de la compagnie qui a fourni ces réservoirs a confié au journal Maïnitshi : “ Nous avons dû les fabriquer très vite et au moindre coût. Au départ, ils n’avaient pas été conçus pour un usage prolongé. Leur durée de vie est de seulement cinq ans. Si on tient compte de leur structure, le fait qu’ils fuient n’est pas surprenant. Des ingénieurs de TEPCO déjà redoutaient la chose.”
Donc dorénavant, de plus en plus d’eau polluée va pouvoir s’échapper de réservoirs de plus en plus nombreux. TEPCO envisage d’en faire de plus résistants, mais pour cela il lui faut du temps et de l’argent. Que pourra-t-elle faire ?
Le gouvernement japonais a décidé de financer
Le 3 septembre, le gouvernement japonais a décidé de financer à hauteur de 4,7 milliards de yens (soit 470 millions d’euros) le problème des fuites d’eau polluée. Il estimait, jusqu’à présent, que TEPCO portait la responsabilité de l’accident et il intervenait donc peu ; cependant la situation devenait gravissime, et en outre il a craint que ce problème ne compromette les chances de Tokyo d’être choisie comme ville des Jeux Olympiques de 2020.
Avec cet argent, le gouvernement projette :
1. de construire des murs de terre gelée autour des réacteurs afin d’empêcher l’envahissement des eaux souterraines (3,2 milliards de yens)
2. de mettre sur pied une installation plus performante que ALPS, qui retraite les divers déchets nucléaires (1,5 milliards de yens)
3. de fabriquer des réservoirs à eau polluée plus sûrs (à la charge de TEPCO)
Il n’est cependant pas certain que ces murs de terre gelée soient efficaces. Jamais encore on n’a tenté d’en édifier à si grande échelle. De plus les travaux demanderont plus d’une année. En ce qui concerne ALPS, en supposant même qu’on puisse la faire, cette installation ne pourra pas extraire le tritium. Le gouvernement a l’intention de rejeter l’eau contenant du tritium dans la mer, mais les pêcheurs et aussi la Chine et la Corée y sont fermement opposés. Le Japon devra conserver cette énorme quantité d’eau pour l’éternité.
Lors de la réunion du Comité Olympique International, le premier ministre Abe a clairement indiqué que le gouvernement japonais interviendrait et pèserait de tout son poids pour résoudre le problème, si bien que les membres du Comité ont voté pour Tokyo, croyant, de façon bien optimiste, qu’il serait capable de le faire. Mais dire et faire sont deux choses fort différentes. Ses discours, ou mieux ses fanfaronnades, ne pourront venir à bout de la difficulté.
La Corée a interdit l’importation de produits japonais
Le 6 septembre, la Corée a décidé d’interdire l’importation de produits de la pêche en provenance de huit districts situés au voisinage de Fukushima. En outre, elle renforce l’examen de la radioactivité des poissons et des viandes originaires d’autres districts.
Les gouvernants coréens affirment que leurs concitoyens sont inquiets de l’afflux quotidien de plusieurs centaines de tonnes d’eau polluée dans la mer, et ils ont exigé que le gouvernement japonais publie davantage d’informations vraies.
Ma vie
Je vis de façon très normale dans le district de Gunma, voisin de celui de Fukushima, mais ce problème d’eau polluée m’obsède constamment. Nul ne sait ce qui se passe dans le cœur de ces réacteurs, et donc nul ne sait ce qu’il convient de faire. Pourrons-nous vraiment résoudre ce problème ? Dans sept ans, quand se dérouleront les Jeux Olympiques à Tokyo, le Japon ne sera-t-il pas submergé d’eau polluée ? Un accident nucléaire est terrifiant, et pourtant le gouvernement japonais vise à remettre en marche le plus possible de réacteurs.
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* Précision du blog de Fukushima : cette mesure de 1800 mSv est réelle mais incomplète. Il s’agit en fait de 1800 mSv/h de rayonnement bêta en dose équivalente au niveau de la peau à une distance de 70 µm. Ce qui signifie que ce rayonnement, facilement arrêté, ne peut pas tuer quelqu’un en 4 heures, contrairement à ce qu’ont écrit quasiment tous les médias. Voir les mises au point d’Ultraman (original en anglais ici, traduction en français par Hélios là) et de Kna (en français).