Dans une dépêche de l’AFP, on apprend que « Luc Oursel, président du directoire du groupe français Areva, estime que le Japon aura du mal à se passer d'énergie nucléaire et à recourir rapidement aux renouvelables, malgré l'accident traumatisant de Fukushima ».
Le patron de l’entreprise connue pour favoriser la dissémination du plutonium sur toute la surface de la planète ne semble pas au courant de l’actualité… Une occasion de faire le point.
L. O. : « Je pense que l'énergie nucléaire continuera à garder une place dans la production énergétique japonaise pour un temps
important. »
Pourtant il faudra bien que M. Oursel comprenne un jour que les Japonais ne veulent plus de l’énergie nucléaire. Beaucoup d’entre eux manifestent dans de nombreuses villes depuis 6 mois avec la même volonté inébranlable. De plus, pas plus tard que hier matin, le séisme de magnitude 7,3 a rappelé à tout le Japon que cette terre n’était pas du tout adaptée à cette énergie.
L. O. : « Il est en effet difficile d'imaginer un approvisionnement énergétique compétitif en s'en passant totalement. »
Effectivement, il est difficile pour l’avenir d’Areva d’imaginer qu’il ne pourra plus être possible de vendre du MOX au Japon. Pourtant, avec la rallonge de 2 milliards nécessaire pour construire le réacteur EPR de Flamanville, il est désormais démontré que cette énergie n’est plus compétitive. La construction de cette centrale, dont le coût était programmé à l’origine à 3,3 milliards d’euros, est finalement passée à 8,5 milliards d'euros, soit une multiplication de la facture par 2,5. Les énergies renouvelables concurrencent désormais le nucléaire : l’électricité nucléaire coûtera autour de 70 à 100 euros / mégawattheure alors que l'éolien terrestre se situe actuellement entre 80 et 85 euros.
Pour bien faire, il faudrait aussi compter le coût du prochain accident, probable, qui pourrait ruiner la France : selon une étude récente de l’IRSN, ce coût pourrait approcher 430 milliards d'euros !
L. O. : « Le maintien des projets de retraitement et de construction de réacteurs montre que l'énergie nucléaire continuera à jouer un rôle dans la production électrique. »
Cela montre surtout que cette énergie, comme en France, est imposée à la population…
L. O. : « L'impact de l'accident de Fukushima sur nos affaires est finalement limité. »
Ca c’est le discours de façade, mais dans la réalité, Areva ne fait pas de si bonnes affaires que ça dans le nucléaire. Récemment, l’opérateur CEZ, qui prévoit de construire 2 nouveaux réacteurs dans la centrale de Temelin en République tchèque, a rejeté l’offre d’Areva pour ce projet d'une valeur d'environ 8 milliards d'euros. Par ailleurs, si Areva affiche un bon carnet de commande fin 2012, c’est aussi grâce aux énergies renouvelables : « La croissance soutenue du chiffre d'affaires sur la période est tirée par les activités récurrentes dans l'énergie nucléaire d'une part, et le développement de nos activités dans les énergies renouvelables d'autre part. » (source)
Luc Oursel prend soin de ne pas parler du déclin actuel du nucléaire : arrêt programmé de la centrale nucléaire de Kewaunee aux Etats-Unis en 2013, choix de ne pas avoir de centrale nucléaire en Lituanie, arrêt de la centrale de Santa Maria de Garoña en Espagne, fermeture de la centrale de Gentilly 2, l’unique centrale nucléaire du Québec, abandon des projets nucléaires au Mexique, renoncement du stockage de déchets nucléaires en Mongolie, abandon du nucléaire par le groupe Siemens, etc. (source)
L. O. : « Areva joue même un rôle majeur dans la mise à niveau de sûreté de la flotte mondiale de réacteurs. »
Malheureusement, Areva augmente son chiffre d’affaire grâce aux accidents. L’accident génère un retour d’expérience, qui lui-même génère des travaux qui boostent les activités de l’entreprise…
L. O. : « Areva propose aussi des solutions d'énergie renouvelable, mais le Japon est un pays dont les caractéristiques naturelles ne favorisent pas leur développement, compte tenu
de l'absence de surfaces étendues pour le déploiement de parcs photovoltaïques ou de plates-formes éoliennes de très grandes puissance. »
M. Oursel ne semble pas très bien informé. La géothermie, la biomasse, l’éolien, le solaire… pas pour le Japon ? Si !
L. O. : « Si l'on veut massivement avoir recours à des énergies dont la compétitivité n'est pas encore suffisante, on s'expose à des surcoûts
colossaux, comme c'est le cas en Allemagne. »
Le surcoût colossal, c’est surtout une catastrophe comme Fukushima ! Actuellement, Tepco est contraint d’indemniser 1,5 millions de personnes. Le coût est
estimé par l’opérateur à 100 milliards d’euros. Mais en fait, cela coûtera beaucoup plus cher. Pour comparaison, la catastrophe de Tchernobyl a déjà coûté 200 milliards de dollars, et il faudra compter le coût de la construction du nouveau sarcophage (1,5
milliards d’euros). Combien coûtera le démantèlement de Fukushima sur 40 ans (au moins !) et l’impact sanitaire sur la population ?
L. O. : « En septembre 2011, six mois après l'accident, la centrale était encore en situation de crise. Aujourd'hui, c'est un site industriel
organisé, avec des contrôles rigoureux de la radioactivité des personnels, des systèmes de refroidissement robustes, des bâtiments renforcés, même si la radioactivité y reste forte par
endroits. »
On a envie d’y croire mais, désolé, on n’y croit plus. Tepco a tellement caché d’informations depuis le début de la catastrophe que ces belles paroles font
sourire. Tomohiko
Suzuki en a été témoin. Nous en avons tous été témoins depuis 20 mois.
L. O. : « Il y a en outre une plus grande ouverture, extrêmement bénéfique, envers des coopérations internationales. Il est important pour l'ensemble
du secteur de savoir ce qu'il se passe à Fukushima. Pour les Japonais, cela peut être un élément de crédibilité et de rétablissement de la confiance sérieusement altérée. »
Pour être crédible, Tepco devrait commencer par lever le blackout qui pèse sur la nature des explosions des bâtiments réacteurs 3 et 4. Au fait, pourquoi la vidéo
de l’explosion incroyable du réacteur 4 est toujours censurée, presque 2 ans après la catastrophe ?
L. O. : « Areva propose plusieurs technologies, pour établir des cartes détaillées de la radioactivité, pour le tri et le traitement des sols
contaminés. »
Effectivement, Areva développe des technologies permettant d’établir rapidement la cartographie détaillée de zones contaminées. Areva prévoit tout : la fabrication du poison, sa dissémination, et maintenant sa cartographie. N’est-ce pas fabuleux ? L’empoisonneur mondial qui se fait de l’argent en cartographiant son poison répandu.
L. O. : « Si les populations reviennent habiter la région dans des conditions de sûreté acceptables, ce sera
un événement très important qui différenciera nettement l'accident de Fukushima de celui de Tchernobyl, prouvant que son impact aura été maîtrisé dans la durée. »
Mais qui fixe les « conditions de sûreté acceptables » ? Ce sont les pollueurs. Le programme Ethos est sensé faire accepter aux populations la vie en territoire contaminé. Mais ça, M. Oursel, c’est criminel. Le
résultat de ce programme, c’est une augmentation continue de pathologies graves.
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Photo d'entête : Luc Oursel (wikipédia)