8 décembre 2012 6 08 /12 /décembre /2012 01:50

Luc_Oursel.jpgDans une dépêche de l’AFP, on apprend que « Luc Oursel, président du directoire du groupe français Areva, estime que le Japon aura du mal à se passer d'énergie nucléaire et à recourir rapidement aux renouvelables, malgré l'accident traumatisant de Fukushima ».

Le patron de l’entreprise connue pour favoriser la dissémination du plutonium sur toute la surface de la planète ne semble pas au courant de l’actualité… Une occasion de faire le point.

 


L. O. : « Je pense que l'énergie nucléaire continuera à garder une place dans la production énergétique japonaise pour un temps important. »

 

Pourtant il faudra bien que M. Oursel comprenne un jour que les Japonais ne veulent plus de l’énergie nucléaire. Beaucoup d’entre eux manifestent dans de nombreuses villes depuis 6 mois avec la même volonté inébranlable. De plus, pas plus tard que hier matin, le séisme de magnitude 7,3 a rappelé à tout le Japon que cette terre n’était pas du tout adaptée à cette énergie.

 

 

L. O. : « Il est en effet difficile d'imaginer un approvisionnement énergétique compétitif en s'en passant totalement. »

 

Effectivement, il est difficile pour l’avenir d’Areva d’imaginer qu’il ne pourra plus être possible de vendre du MOX au Japon. Pourtant, avec la rallonge de 2 milliards nécessaire pour construire le réacteur EPR de Flamanville, il est désormais démontré que cette énergie n’est plus compétitive. La construction de cette centrale, dont le coût était programmé à l’origine à 3,3 milliards d’euros, est finalement passée à 8,5 milliards d'euros, soit une multiplication de la facture par 2,5. Les énergies renouvelables concurrencent désormais le nucléaire : l’électricité nucléaire coûtera autour de 70 à 100 euros / mégawattheure alors que l'éolien terrestre se situe actuellement entre 80 et 85 euros.

Pour bien faire, il faudrait aussi compter le coût du prochain accident, probable, qui pourrait ruiner la France : selon une étude récente de l’IRSN, ce coût pourrait approcher 430 milliards d'euros !

 

 

L. O. : « Le maintien des projets de retraitement et de construction de réacteurs montre que l'énergie nucléaire continuera à jouer un rôle dans la production électrique. »

 

Cela montre surtout que cette énergie, comme en France, est imposée à la population…

 

 

L. O. : « L'impact de l'accident de Fukushima sur nos affaires est finalement limité. »

 

Ca c’est le discours de façade, mais dans la réalité, Areva ne fait pas de si bonnes affaires que ça dans le nucléaire. Récemment, l’opérateur CEZ, qui prévoit de construire 2 nouveaux réacteurs dans la centrale de Temelin en République tchèque, a rejeté l’offre d’Areva pour ce projet d'une valeur d'environ 8 milliards d'euros. Par ailleurs, si Areva affiche un bon carnet de commande fin 2012, c’est aussi grâce aux énergies renouvelables : « La croissance soutenue du chiffre d'affaires sur la période est tirée par les activités récurrentes dans l'énergie nucléaire d'une part, et le développement de nos activités dans les énergies renouvelables d'autre part. » (source)

 

Luc Oursel prend soin de ne pas parler du déclin actuel du nucléaire : arrêt programmé de la centrale nucléaire de Kewaunee aux Etats-Unis en 2013, choix de ne pas avoir de centrale nucléaire en Lituanie, arrêt de la centrale de Santa Maria de Garoña en Espagne, fermeture de la centrale de Gentilly 2, l’unique centrale nucléaire du Québec, abandon des projets nucléaires au Mexique, renoncement du stockage de déchets nucléaires en Mongolie, abandon du nucléaire par le groupe Siemens, etc. (source)

 

 

L. O. : « Areva joue même un rôle majeur dans la mise à niveau de sûreté de la flotte mondiale de réacteurs. »

 

Malheureusement, Areva augmente son chiffre d’affaire grâce aux accidents. L’accident génère un retour d’expérience, qui lui-même génère des travaux qui boostent les activités de l’entreprise…



L. O. : « Areva propose aussi des solutions d'énergie renouvelable, mais le Japon est un pays dont les caractéristiques naturelles ne favorisent pas leur développement, compte tenu de l'absence de surfaces étendues pour le déploiement de parcs photovoltaïques ou de plates-formes éoliennes de très grandes puissance. »

 

M. Oursel ne semble pas très bien informé. La géothermie, la biomasse, l’éolien, le solaire… pas pour le Japon ? Si !


L. O. : « Si l'on veut massivement avoir recours à des énergies dont la compétitivité n'est pas encore suffisante, on s'expose à des surcoûts colossaux, comme c'est le cas en Allemagne. »

 

Le surcoût colossal, c’est surtout une catastrophe comme Fukushima ! Actuellement, Tepco est contraint d’indemniser 1,5 millions de personnes. Le coût est estimé par l’opérateur à 100 milliards d’euros. Mais en fait, cela coûtera beaucoup plus cher. Pour comparaison, la catastrophe de Tchernobyl a déjà coûté 200 milliards de dollars, et il faudra compter le coût de la construction du nouveau sarcophage (1,5 milliards d’euros). Combien coûtera le démantèlement de Fukushima sur 40 ans (au moins !) et l’impact sanitaire sur la population ?


L. O. : « En septembre 2011, six mois après l'accident, la centrale était encore en situation de crise. Aujourd'hui, c'est un site industriel organisé, avec des contrôles rigoureux de la radioactivité des personnels, des systèmes de refroidissement robustes, des bâtiments renforcés, même si la radioactivité y reste forte par endroits. »

 

On a envie d’y croire mais, désolé, on n’y croit plus. Tepco a tellement caché d’informations depuis le début de la catastrophe que ces belles paroles font sourire. Tomohiko Suzuki en a été témoin. Nous en avons tous été témoins depuis 20 mois.


L. O. : « Il y a en outre une plus grande ouverture, extrêmement bénéfique, envers des coopérations internationales. Il est important pour l'ensemble du secteur de savoir ce qu'il se passe à Fukushima. Pour les Japonais, cela peut être un élément de crédibilité et de rétablissement de la confiance sérieusement altérée. »

 

Pour être crédible, Tepco devrait commencer par lever le blackout qui pèse sur la nature des explosions des bâtiments réacteurs 3 et 4. Au fait, pourquoi la vidéo de l’explosion incroyable du réacteur 4 est toujours censurée, presque 2 ans après la catastrophe ?


L. O. : « Areva propose plusieurs technologies, pour établir des cartes détaillées de la radioactivité, pour le tri et le traitement des sols contaminés. »

 

Effectivement, Areva développe des technologies permettant d’établir rapidement la cartographie détaillée de zones contaminées. Areva prévoit tout : la fabrication du poison, sa dissémination, et maintenant sa cartographie. N’est-ce pas fabuleux ? L’empoisonneur mondial qui se fait de l’argent en cartographiant son poison répandu.   



L. O. : « Si les populations reviennent habiter la région dans des conditions de sûreté acceptables, ce sera un événement très important qui différenciera nettement l'accident de Fukushima de celui de Tchernobyl, prouvant que son impact aura été maîtrisé dans la durée. »

Mais qui fixe les « conditions de sûreté acceptables » ? Ce sont les pollueurs. Le programme
Ethos est sensé faire accepter aux populations la vie en territoire contaminé. Mais ça, M. Oursel, c’est criminel. Le résultat de ce programme, c’est une augmentation continue de pathologies graves.



___________

Photo d'entête : Luc Oursel (wikipédia)

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commentaires

P
A 50 000 euros / mois, les absurdités sont chères !
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C
C'est toujours effarant d'entendre des absurdités pareil de la part de "grands" patron...
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B
@ djPessoa<br /> C'est tout-à-fait dans le contexte.
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D
Hélas,<br /> mes billets d'humour noir toujours autant d'actualité !<br /> <br /> http://partenulle.blogspot.fr/2012/11/viva-fukushima.html<br /> <br /> http://partenulle.blogspot.fr/2012/11/viva-fukushima_18.html<br /> <br /> J'ai vraiment du mal à comprendre ces suicidaires...
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B
J'avais lu autrefois un roman de SF assez bien documenté qui imaginait un séisme de degré 12 : à ce niveau-là ce sont toutes les plaques tectoniques qui sont désorganisées. En fait, si pendant trop<br /> longtemps la contrainte entre deux plaques se renforce, faute de petites secousses correctives, le jour où la contrainte éclate elle ne connaît plus de bornes.<br /> <br /> N'est-ce pas à Tokyo même, qu'un big one est envisagé ? Le dernier (7,8) date de 1923. Celui-ci pourrait être pire.
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L
Ok ! trouvée l'info, il s'agit du journal de la NHK en anglais parlant d'un colloque de spécialistes japonais qui semblent d'accord pour un magnitude 10 plus qui libérerait une énergie trente fois<br /> celle du séisme du Chili ( 9.5 ) et durerait plus de dix mn, sachant que le 9 du Japon a sévi pendant 2.50 mn...<br /> http://www.youtube.com/watch?v=8cEDrOYDnx8<br /> Passionné de SF, je m'avoue vaincu.
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L
Stéphane peux tu nous donner de plus amples infos sur les risques dont tu parles ? Un article de Gen4 relevant les propos d'un spécialiste japonais parle d'un possible M8 ce qui risque d'avoir des<br /> conséquences incalculables suite aux déséquilibres provoqués par ceux du 11.3 et fragilisation de toutes les infrastructures ne s'étant pas effondrées.<br /> On peut également ajouter les risques de mobilité des sols par liquéfaction, ce qui s'est également produit et ne peut que s'accentuer...<br /> Une telle puissance ( M10 ) est-elle seulement possible ? Sachant que l'échelle s'exprime je crois de façon arithmétique...
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L
L'éternel argument français porte sur la "trahison" des allemands et leur future impasse énergétique !<br /> Or le débat est faussé puisqu'en fait très régulièrement l'Allemange livre de l'électricité à la France ( à chaque pointe de froid ou de chaleur... ) certes en faisant tourner les turbines à fioul<br /> ou à charbon qui... effet-de-serre...blablabla.<br /> D'une part d'énormes progrès ont été faits en matière d'émissions de fumées mais la pollution certaine engendrée par ces deux énergies "d'un ancien temps" sont de loin préférables aux diverses<br /> contaminations nucléaires, fonctionnelles ou accidentelles contre lesquelles nous n'avons pas le moindre recours !<br /> Si ! Peut-être creuser...<br /> Creusons !
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R
@ Stéphane B - Merci pour ce précieux rappel. Nous sommes dominés, voire écrasés par la discordance des temps. L'accident majeur (peut-être le big one), prévu par les géophysiciens, dans un temps<br /> court, s'oppose au temps très long, dont nous avons besoin pour maîtriser les suites de la catastrophe nucléaire. Pourrons-nous échapper à ce "grand écart" ?
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B
Vers un Big-One, sur la côte orientale de l'île de Honshu ?<br /> <br /> <br /> <br /> En outre, la chaine volcanique sous marine de Kashima, d'axe Est-Nord-Est/Ouest-Sud-Ouest, avec le Kashima Tablemount culminant à -3.622 mètres, à 220 kilomètres au Sud-Sud-Ouest de l'hypocentre du<br /> 7 Décembre 2012, est engagée dans la fosse de subduction du Japon et une telle conjoncture, favorisant les blocages, au niveau de la dite fosse de subduction, risque, à plus ou moins brève<br /> échéance, de déclencher un Big-One cataclysmique, magnitude supérieure à 9.5, voire supérieure à 10.0, avec rupture et effondrement partiel du plateau continental oriental de l'Île de Honshu.
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M
Très bon conseils, 20g de sel par jour c'est énorme, conciliables avec le régime sans sel des hypertendus ....???
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N
Le discours officiel ne donne pas "envie de sourire", mais plutôt "envie de pleurer" !<br /> Vu qu'il faut s'attendre très prochainement à un séïsme de très grosse envergure au Japon, il faut s'attendre à d'avantage de radioactivité. Il est criminel de la part des autorités de ne pas<br /> préparer la population à cette situation. Si les politiques n'ont toujours pas compris qu'il ne faut pas jouer avec le feu nucléaire, vu que l'Homme ne sait pas maîtriser l'énergie nucléaire -<br /> contrairement à ce que les Autorités l'affirment - ils auront à faire face à une catastrophe mondiale humanitaire gigantesque que nul ne pourra gérer, raison suffisante pour s'abstenir du<br /> nucléaire. Protéger la Vie sur Terre devrait être une priorité. Malheureusement, cela n'est pas le cas ; les discours officiels le démontrent. Reste à apprendre à se protéger contre la<br /> radioactivité : (entre autres) boire de l'eau argilée tous les jours à jeun pour détoxiquer le corps, consommer 20 g de sel marin pour saturer la thyroïde en iode.
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R
Toujours la même approche ! Areva n'a cure de la discordance des temps, de l'activité sismique, des menaces liées au réveil du mont Fuji. La centrale de Daichi demeure un chef d'oeuvre<br /> d'instabilité, libérant ses poisons. Les choix effectués étendent la contamination. Le Japon doit sortir du nucléaire, se doter d'un nouveau bouquet énergétique, s'attacher à maîtriser les suites<br /> de la triple tragédie de Fukushima, à accompagner les victimes de la catastrophe nucléaire, à favoriser la reconversion des agriculteurs, des pêcheurs, à développer les programmes de recherche sur<br /> les mutations induites par la tragédie. Je souhaite que le scrutin du 16 décembre apporte un réel renouvellement du personnel politique, favorise la formation d'un gouvernement courageux, plaçant<br /> au centre de son programme les suites du drame, la quête de la solidarité internationale, afin de répondre aux questions essentielles qui pèsent sur les Japonais et les Terriens.
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B
L'impression qui se dégage de telles affirmations, c'est l'incommensurable insensibilité de ce natif de l'X, car il est fort probable qu'il en soit sorti. Sans doute pour lui ne sont-ce là que des<br /> chiffres, des courbes, des probabilités : en aucun cas des personnes vivantes, et pas que les personnes d'ailleurs. Même les végétaux paient leur tribut à la radioactivité.<br /> <br /> C'est d'autant plus aberrant, que si certaines piscines se sentent mal, c'est lui-même qui peut en subir directement les conséquences, et encore plus ses enfants s'il en a. Il aime jouer à la<br /> roulette russe ?<br /> <br /> "Chatouiller la queue du dragon", c'est ainsi que les ingénieurs de Los Alamos désignaient leurs expériences. Désormais, on sait que le dragon peut nous dévorer tous. Mais chez Areva, on est si<br /> intelligents que cela ne peut pas arriver. Et quand bien même? L'important n'est-il pas dans les résultats de la société?
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