Monsieur l’Ambassadeur,
Nous voici deux ans après le début de la catastrophe atomique de la centrale nucléaire de Fukushima : un bien triste anniversaire. Nous sommes en pensée avec le peuple japonais qui a enduré tant de souffrances depuis le début du désastre, le 11 mars 2011.
Cependant, nous déplorons le caractère dérisoire des mesures prises pour protéger les populations, notamment les enfants et les femmes enceintes. Actuellement des populations, à qui le gouvernement japonais avait imposé l’évacuation, sont sommées de retourner dans les territoires contaminés pour y vivre sous des doses de 20mSv par an. Ce sont des doses de travailleurs du nucléaire, la dose de rayonnement "admissible" pour le public doit être inférieure ou égale à 1mSv par an. D’après la très pro nucléaire CIPR (Commission Internationale de Protection Radiologique) 1 mSv par an correspond à 17 cancers dont la moitié de mortels pour 100 000 personnes exposées.
Malgré les protestations de la population japonaise qui subit de près ou de loin la contamination radioactive tant externe qu’interne et face à la menace permanente d’un nouveau séisme, d’une erreur humaine, d'une défaillance technique, le gouvernement précédent a décidé de redémarrer les deux réacteurs de la centrale d’Ohi, décision que le nouveau gouvernement récemment élu n’a pas remise en question.
Nous remercions beaucoup le Japon d’avoir fait la preuve, après le terrible tremblement de terre de 2011, qu’un grand pays industrialisé et fortement nucléarisé pouvait arrêter immédiatement ses réacteurs nucléaires sans revenir ni à la bougie ni au Moyen Âge.
Au même titre que nous demandons l’arrêt immédiat du nucléaire en France, nous sommes solidaires avec les populations des territoires contaminés et les personnes et associations qui sont en lutte au Japon pour le non-redémarrage des centrales et pour l’arrêt total et définitif du nucléaire.
Les graves dangers de cette industrie et les très graves conséquences sanitaires des catastrophes nucléaires (Tchernobyl et Fukushima) ne connaissent ni de frontières géographiques, ni de limites de temps. Pour Tchernobyl, l'Académie des Sciences de New York a publié dans ses Annals (Vol. 1181, December 2009) une étude très complète, intitulée "Chernobyl. Consequences of the catastrophe for People and the Environment", qui synthétise près de 5000 articles et recherches de terrain. Les auteurs estiment à 985 000 le nombre de décès survenus à cause de Tchernobyl dans le monde entier entre 1986 et 2004. Vous savez déjà que Fukushima fera dans les 70 ans à venir des centaines de milliers de morts et presque autant de cancers non mortels. Nous considérons que la responsabilité de votre gouvernement, comme celle de tous gouvernements qui prônent le maintien et la poursuite du nucléaire, est engagée.
Les populations victimes du début de la catastrophe de Fukushima et celles non évacuées ou celles qui retournent vivre à Fukushima vont subir dans les années à venir une augmentation des leucémies, des cancers, des maladies du cœur et des vaisseaux, maladies du foie, des reins, de la glande thyroïde, altérations du système immunitaire, mutations génétiques, malformations congénitales, etc…
Au minimum le gouvernement japonais devrait :
- évacuer et dédommager les populations qui, en vivant normalement sur un territoire, subiraient une irradiation interne et externe cumulée supérieure à 1 mSv/an ;
- tout faire pour contenir la radioactivité dans les zones interdites, donc ne pas exporter les gravats et les ruines vers d'autres préfectures, et partout interdire de brûler les déchets contaminés ;
- ne pas distribuer, commercialiser, ou mélanger, à de la nourriture propre, les productions contaminées par Fukushima.
Nous vous demandons également que soient libérés les cinq militants arrêtés par la police d'Osaka, et toujours détenus pour avoir mis en avant leurs revendications antinucléaires.
Nous vous prions de bien vouloir transmettre ce courrier à Monsieur Shinzo Abe, premier Ministre du Japon, en nos noms.
Dans l’espoir d’être entendus, nous vous remercions et nous vous prions de croire, Monsieur l’Ambassadeur à notre plus haute considération.
Les signataires