17 août 2011
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Depuis le début de l’accident, la centrale de Fukushima Daiichi n’a jamais cessé de
produire de la vapeur. Elle provient des piscines de refroidissement des combustibles usés et des réacteurs arrosés en continu pour refroidir les cœurs nucléaires. Or par nature, la vapeur d’eau
est un gaz totalement invisible. On sait que de la vapeur s’échappe dans l’atmosphère uniquement parce qu'elle se condense en fines gouttelettes au contact d’un air froid. Elle se transforme
alors en quelque chose de visible : un brouillard.
Ceux qui observent les images fournies par la webcam de Tepco connaissent bien ce
phénomène : on n’aperçoit ces brouillards au dessus de la centrale qu’à certaines heures, et spécialement la nuit, lorsque la température baisse ou que les vents du Pacifique apportent
soudainement un air froid venant du large.
C’est pourquoi durant les jours d’été, quand il fait chaud, on ne la voit pas forcément. Mais
ce n’est pas pour autant qu’il n’y en a pas. En fait, en augmentant le contraste de certaines photos ou vidéo, on peut mieux mettre en évidence ce dégagement de vapeur, par exemple avec cette
photo, tirée d’une série
donnée par Lucas Whitefield Hixson.
Mais les faits qui suivent sont de nature différente, car la
vapeur semble provenir d’ailleurs. La vidéo de la nuit du 4 août montre par exemple d’énormes dégagements de vapeur, accompagnés d’effets lumineux. Cette séquence a été vue plus de
100 000 fois sur YouTube. C’est dire si elle est impressionnante.
On voit des lumières intenses se dégager à droite de l’écran,
et beaucoup de brouillard. Certains ont interprété cet événement comme l’incendie de la piscine commune de combustible usé, car ces lumières sont dans sa direction. En effet, cette piscine
est située derrière le réacteur 4, à une cinquantaine de mètres à l’ouest, donc à la droite des réacteurs sur l’image de la webcam.
Or, il faut savoir que la piscine commune a été visitée par
l’AIEA le 27 mai dernier. On peut la voir dans une vidéo faite à
l’occasion, et dont la photo suivante est tirée.
On peut constater au passage que cette piscine n’est pas en bon état : sa bordure est défectueuse,
peut-être des dégâts dus au tsunami ou au tremblement de terre. En fait, sous ces 3000 m3 d’eau calme reposent plus de 1000 tonnes de combustible usé (6375 assemblages exactement selon
les sources officielles, soit plus de 400 000 crayons d’uranium-plutonium). Cette piscine est donc un lieu très sensible, car il ne faut pas qu’elle perde son eau. Si c’était le cas, le
combustible s’échaufferait et pourrait finir par brûler, ce qui provoquerait une pollution radioactive sans précédent. Mais pour l’instant, Tepco n’a pas signalé de fuite d’eau au sujet de cette
piscine, donc tant que le combustible est immergé complètement, il ne peut pas s’échauffer. Il semble donc qu’il faille chercher d’autres raisons à ces lumières.
En fait, les projecteurs utilisés pour éclairer les réacteurs sont très puissants. Si la lumière rencontre
une nappe de brouillard, elle va être très atténuée car dispersée par chaque gouttelette, et elle formera un halo de lumière. Songez par exemple aux phares de voiture que vous ne voyez qu’au dernier moment dans le brouillard, ou aux halos lumineux au-dessus des villes la
nuit.
Dans la vidéo, on distingue bien des halos au-dessus de l’emplacement des projecteurs. Pourquoi ces halos
changent-ils d’aspect comme s’il s’agissait d’un incendie ? Tout simplement parce que le brouillard semble avoir des intensités très changeantes. On peut expliquer ce phénomène par des
jets de vapeur qui pourraient provenir du sol non loin de ces projecteurs, ou alors directement des réacteurs 2, 3 et 4. Il faut aussi garder à l’esprit que cette vidéo est accélérée (on visionne
1 heure en seulement 3 minutes) et que les effets sont ainsi accentués.
Des jets de vapeur provenant du sol ont en effet été signalés par des travailleurs qui sont quelquefois
obligés d’évacuer temporairement les lieux (source). Car c’est de la vapeur radioactive.
Ce brouillard ne viendrait pas cette fois-ci de l’océan, mais bien de la vapeur abondante qui sortirait des antres de la centrale. Un
corium
en est vraisemblablement responsable. D’autant plus qu’il semble être actif (réaction nucléaire en cours) puisque l’on trouve du Neptunium-239 à 38 km à l’ouest de la centrale
(source).
Cet élément radioactif est en effet un pur descendant de l’activation de l’uranium 238. Très instable ‒ le Neptunium-239 a une période de 2,4 jours ‒ il se transforme rapidement en Plutonium-239.
Or, qui dit réaction nucléaire, dit fort dégagement de chaleur. Si le corium a atteint la nappe phréatique, c’est normal que de la vapeur soit produite en quantité et s’échappe par la moindre
faille, fissure, cavité ou tuyau qu’elle rencontre dans le sol.
S’il s’avère que c’est dû au corium, il continuera de produire de la vapeur radioactive encore pendant
longtemps, empêchant parfois la présence de l’homme sur le site, et retardant les travaux de façade. Et en hiver, il est probable que l'on ne puisse plus apercevoir la centrale car l'air
froid continuel pourrait provoquer un brouillard permanent.
Autre vidéo avec apparition subite de brouillard : 10
jours plus tard, le 14 août, la « vapeur » s’est encore manifestée, cette fois-ci en plein jour.
Publié par Pierre Fetet
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dans
Au Japon