23 décembre 2012 7 23 /12 /décembre /2012 18:50

plutoniumstrontiumLe plutonium est assez difficile à étudier car les radiations alpha qu’il émet sont très difficiles à détecter. C’est pourquoi on étudie plus volontiers les retombées des césiums, plus abondants, et dont l’activité gamma est très facile à mesurer.

Pourtant, à Fukushima, avec l’explosion d’un réacteur fonctionnant au MOX (mélange uranium-plutonium), les choses auraient pu être faites autrement. On aurait dû beaucoup plus étudier les retombées de plutonium. Car ce radiotoxique est mortel et en cas de pollution accidentelle, il y a un grave danger sanitaire. Mais souhaite-t-on vraiment protéger la population ? On peut en douter.

Les données rassurantes fournies jusqu’à maintenant par les autorités et Tepco pourraient aujourd’hui être remises en cause.

 

Le ratio

 

Quand une catastrophe nucléaire advient, beaucoup de radionucléides sont libérés dans l’environnement en plus ou moins grande quantité. La proportion entre un élément et un autre donne un ratio que l’on devrait retrouver plus ou moins à l’identique d’un échantillon à un autre. La valeur de ce ratio change avec le temps car chaque élément a une période radioactive différente ; on se sert donc de ce ratio pour déterminer l’origine temporelle et spatiale d’une pollution.

 

Des données rares et éparses

 

Fin mars 2011, on apprenait par Tepco que des traces de plutonium (238, 239 et 240) avaient été détectées dans le sol de la centrale. Mais l’entreprise avait mis ça sur le compte des anciens essais nucléaires atmosphériques. L’information était à l’époque impossible à vérifier puisque Tepco ne fournissait ni chiffre, ni ratio. Juste après la catastrophe, le 21 avril 2011, un prélèvement avait été effectué par un universitaire près de la centrale qui donnait 0,078 Bq/kg. Cette fois-ci, on annonçait que ce plutonium provenait bien de la centrale de Fukushima Daiichi. Mais on avait aussitôt déclaré que cela n’avait aucune incidence sur la santé.

 

Plus tard, fin septembre 2011, les autorités ont diffusé des données sur les retombées de plutonium et de strontium, relayées sous forme d’une carte par l’Asahi Shimbun, toujours en assurant que les quantités étaient infimes. Enfin, en novembre 2011, le ministère de l’industrie (METI) a réalisé une carte des relevés de plutonium sur la préfecture de Fukushima : en moyenne, 0,19 à 0,77 Bq/kg, ce qui pour cette dernière mesure est 10 fois plus important que la mesure d’avril. Toutefois, on sait que ces données restent suspectes car ces résultats sont en contradiction avec les données sur le neptunium, précurseur du plutonium, issues des prélèvements effectués à Iitate en avril 2011.

 

Les dernières mesures

 

Fukushima Diary et Enenews apportent un nouvel éclairage à ce que l’on savait jusqu’à maintenant. Selon le premier site, du Pu 239, du Pu 240 et du strontium ont été relevés dans le sol et dans des copeaux de bois à Otsuchi cho (préfecture d’Iwate, à plus de 200 km au nord de la centrale de Fukushima Daiichi). C’est lors de tests effectués en octobre 2012 par les villes (Kashiwazaki et Sanjo de la préfecture de Niigata) qui ont accepté des débris d’Otsuchi cho que le plutonium et le strontium ont été détectés. L’intérêt de cette info est qu’elle donne les mesures du strontium et du plutonium dans un même document, ce qui permet d’en déduire le ratio.

 

tabjap.jpg

 

Le second site, Enenews, a réalisé la traduction des tableaux en anglais ; les voici maintenant en français.

 

Lieu de prélèvement

Strontium

Plutonium 238

Plutonium 239 + 240

Remarques

cendres (incinération avant test)

3,7

non détecté

0,019

cendre d’origine collectée le 25 août

cendres (incinération durant le test)

3,2

non détecté

0,016

cendre solidifiée collectée le 12 octobre

Unité utilisée : Bq / kg

 

 

Lieu du prélèvement

Strontium

Plutonium 238

Plutonium 239 + 240

Remarques

Copeaux de bois de la ville d’Otsuchi

0,71

non détecté

0,0019

abri temporaire de la ville de Yamada (prélevé le 3 octobre)

Sol du parc Shiroyama de la ville d’Otsuchi

0,84

non détecté

0,017

copeaux de bois autour de la cour (prélevé le 3 octobre)

Sol de la ville d’Otsuchi Inari Shrine

2,2

non détecté

0,13

copeaux de bois autour de la cour (prélevé le 3 octobre)

Unité utilisée : Bq / kg

 

Comme nous l’avons vu plus haut, c’est le ratio et non la mesure en elle-même qui est intéressante. Ici, nous allons nous focaliser sur le ratio strontium 90 / plutonium 239+240 :

 

 

 

Strontium

Plutonium 239 + 240

ratio Sr90/Pu239-240

3,7

0,019

194,74

3,2

0,016

200,00

0,71

0,0019

373,68

0,84

0,017

49,41

2,2

0,13

16,92

 

 

On peut constater que le ratio déduit est compris entre 16 et 374. Or, les ratios jusqu’alors communiqués par Tepco concernant les retombées de Strontium et Plutonium tournent autour de 20 000, et non autour de 200. La différence est énorme, avec un facteur 100. En clair, contrairement au ratio Sr90/Pu239-240 attendu, on a un ratio 100 fois plus petit, ce qui correspond grosso modo à un ratio Sr90/Pu239-240 de cœur de réacteur...  

 

Conclusion ? Il semble y avoir beaucoup plus de plutonium dans la nature que ce que les autorités veulent bien le dire. Il sera intéressant à l’avenir de rechercher d’autres analyses permettant de déduire ce ratio afin de les comparer.

 

 

_____________________

 

Sur le même sujet :

.

Le plutonium 239, c’est pas du chocolat ! (AIPRI)

 

et aussi

 

Plutonium et strontium en Amérique ?

Le plutonium de Fukushima Daiichi

Peut-on boire du plutonium sans danger ?

 

 

 

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L’avis d’Ultraman, sur le blog Ex-SKF :

 

#Radioactive Japan: Sanjo City's Detection of Plutonium in the Iwate Debris and Soil Causing Excitement on Twitter

 

 

 

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Illustration d'entête : carte des retombées de strontium et de plutonium (Asahi Shimbun, octobre 2011)

 

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commentaires

P
Des nouvelles du plutonium de Fukushima :<br /> http://www.fukushima-blog.com/article-les-retombees-du-plutonium-de-fukushima-113739169.html#anchorComment
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R
Excellent article, que je viens de lire et qui se trouve justement répondre exactement à mes préoccupations du moment: pourquoi est-on si discret sur cette contamination au plutonium, alors que de<br /> nombreux indices semblent montrer que contrairement à ce qui a été affirmé, cet élément a non seulement été projeté en grande quantité hors de la centrale lors des explosions, mais qu'il a été<br /> pulvérisé en nanoparticules suffisamment petites pour être répandues, nonobstant leur qualité d'élément lourd, à de grandes distances du foyer de l'accident, sans que le public, même équipé de<br /> compteurs Geiger (qui lisent un débit de dose en rayons gamma), puisse s'en rendre compte.<br /> Les conséquences pour la santé des populations sont effrayantes.
Répondre
R
Nous sommes toujours soumis aux mêles carences de l'information officielle. Le correctif interviendra-t-il pour les isotopes du plutonium comme pour le césium 137 ? Le bureau de l'AIEA pourrait<br /> peser sur l'exploitant afin que soient étables, comme pour le césium, de nouvelles cartes de la contamination.
Répondre

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