On se souvient encore du SOS lancé sur YouTube en mars dernier par Katsunobu Sakurai,
maire de la ville de Minamisoma (70 000 habitants avant l’accident), qui lui a valu une notoriété mondiale. Dominique Leglu en avait fait l’écho dans son blog en relevant cette phrase : « Même les gens qui veulent nous aider et les médias ont peur de venir
dans notre ville qui se trouve à 25 km de la centrale nucléaire de Fukushima ». Le réalisateur de la vidéo, Kenichiro Nakata, cité par l’agence Kyodo news dans une dépêche du 1er avril,
avait expliqué à l’époque que les résidents victimes du désastre ne savaient même pas s’ils devaient rester ou évacuer.
Quatre mois plus tard, la contamination de la ville est avérée, mais suite à l’annonce du
gouvernement de la reprise en main de la centrale nucléaire, le maire demande à ses concitoyens évacués de revenir dans la ville. Un membre du conseil municipal, Koichi Ohyama, n’est pas du tout
de cet avis. Et pour se faire entendre, il utilise le même canal d’information que son maire, YouTube, pour dénoncer le manque cruel d’information sur la contamination réelle de la localité. Il
s’oppose en fait au retour des personnes évacuées tant que toutes les mesures n’auront pas été prises pour mettre la population hors de danger, en particulier les enfants. « Les gens perdent
l'habitude de se protéger contre la contamination », prévient Koichi Ohyama. C’est effectivement très dangereux. La radioactivité est invisible mais elle va rester dangereuse durant des
dizaines d’années. Les territoires contaminés par l’accident de Tchernobyl sont confrontés aux mêmes problèmes : les gens reviennent.
Il est évident que cet homme a raison de protester contre le retour de la population évacuée,
car c’est la condamner à la maladie future. Le cas de Minamisoma ne va pas être un cas isolé malheureusement. La pression économique va conduire à de fortes tensions dans la population entre ceux
qui sont pour un retour rapide à une vie normale, quitte à « oublier » la radioactivité, et ceux qui ne conçoivent pas la vie sans une information transparente et une prise de
précaution maximum, jusqu’à une évacuation définitive le cas échéant.
Au-delà du drame de cet homme et de cette ville, c’est le problème de l’exode définitif d’une
partie de la population japonaise qui va se poser. Ceux qui connaissent les dangers réels de la radioactivité, ceux qui sont bien informés, ceux qui ont les moyens de partir : tous ces gens
sont déjà partis ou sont en train de se préparer à partir. Si Koichi Ohyama estime qu’il y a trop de danger à rester et se décide à quitter sa ville, qui continuera à s’inquiéter de la santé de
la population ?
Voici donc la vidéo de Koichi Ohyama, diffusée le 18 juillet 2011 sur YouTube. Elle est suivie
par la traduction en français de son discours, réalisée par Pom’Verte du groupe Fukushima
Informations. Mille mercis à elle pour cet important travail qui permet aux francophones de connaître la réalité.
Nouvel SOS de Minamisoma, Fukushima
« Bonjour les amis, je m'appelle Koichi Ohyama, et je suis membre indépendant du conseil municipal de Minamisoma, dans la
Préfecture de Fukushima.
Ma ville pâtit encore gravement de contamination radioactive, et les gens continuent d'avoir peur du danger en cours venant de la
centrale nucléaire de Fukushima Daiichi, qui est à peu près à 30 kilomètres de notre Mairie.
Vous qui m'écoutez, vous, tous les habitants de Minamisoma et de la Préfecture de Fukushima, vous, tous les gens du Japon et tous les
gens du monde entier, j'aimerais que vous sachiez ce qui est en train de se passer ici, à Minamisoma.
Le 8 juillet, M. Katsunobu Sakurai, le Maire de Minamisoma, cité dans la liste des 100 personnalités les plus influentes du Time, a
demandé aux résidents de la ville qui avaient été évacués de la zone de 20km à 30km autour de Fukushima, de rentrer chez eux.
Alors, beaucoup d'inquiétudes des résidents me sont parvenues depuis lors. Leurs inquiétudes sont :
- Les abris temporaires ou les appartements mis à disposition par la Ville sont dans la zone des taux de doses (de radiation)
élevées.
- La Ville a construit des bâtiments scolaires temporaires sans enlever la surface de sol contaminée.
- Le Gouvernement ne vérifie ni les taux d'irradiation de mon puits ni ceux des légumes produits pour ma propre consommation (les
légumes non destinés à la vente).
- La vérification des taux d'irradiation de ma maison évacuée, et le nettoyage de sa contamination sont-ils à ma charge (sous ma
responsabilité) ?
Et tant d'autres sujets d'inquiétudes.
Je pense que les inquiétudes des résidents sont très raisonnables [valables], que le Maire ne devrait pas leur demander de repartir,
et que le Gouvernement ne devrait pas supprimer la Zone de Préparation à l'Évacuation d'Urgence, qui est de 20km à 30 km autour de Fukushima Daiichi, avant d'en assurer la sécurité.
Aucune information détaillée sur la sécurité de la zone de 20 km à 30 km n'a été fournie, c'est pourquoi l'annonce du Maire provoque
beaucoup d'inquiétude et de la colère chez les résidents.
Dans cette situation, dans le cadre de mon devoir d'annonce publique en tant que membre du Conseil Municipal, j'ai décidé de fournir
des informations importantes sur Minamisoma par le biais de YouTube, suivant en cela l'exemple du Maire.
À notre avis, la chose la plus dangereuse est la contamination au plutonium, au strontium, et à tous les 31 autres sortes de matières
radioactives, répertoriées officiellement au tableau n°5 du rapport de l'AIEA adressé le 6 juin au Gouvernement japonais.
Le Gouvernement a officiellement admis que ces matières sont "venues par les airs" de Fukushima Daiichi, mais il n'a pas fait
d'enquête, ni annoncé où elles ont "atterri". J'ai demandé directement au Maire et aux membres du Parlement Japonais d'enquêter sur leur contamination, mais je n'ai eu aucune réponse.
En hiver, il souffle à Minamisoma de puissants vents saisonniers en provenance des hauts plateaux de l'ouest. Une partie de ces hautes
terres sont dans le village de Itate, où les taux relevés sont si élevés qu'on demande à tous les habitants d'évacuer. Donc si des vents violents viennent de ces hauts plateaux hautement
contaminés, notre ville sera de nouveau lourdement polluée au prochain hiver.
Et si nous enlevons maintenant les matières radioactives de la ville, nous serons de nouveau contaminés en hiver. Notre eau potable
provient également de ces hauts plateaux.
Où sont ces quantités massives de 31 sortes de matières radioactives très dangereuses, dangereuses au possible ? On peut consulter le
tableau et les chiffres dans les sites officiels, mais ni la télévision ni les journaux n'en parlent. C'est totalement injuste.
Le Gouvernement et le Maire n'ont pas le droit de mettre les habitants en danger en supprimant la zone restreinte avant d'en avoir
contrôlé et assuré la sécurité, tout particulièrement pour la santé des jeunes. Ils sont notre trésor.
Nous ne devrions pas poursuivre la restauration économique suite à la catastrophe nucléaire avant d'avoir assuré la sécurité de notre
vie.
Les parents ne peuvent pas assurer la sécurité de leurs enfants sans une déclaration de sécurité fiable et responsable du Premier
Ministre, du Gouverneur, et du Maire. Et au final, c'est le Gouvernement qui doit fournir l'assurance et la responsabilité de la sécurité.
Or à Minamisoma, les gens perdent l'habitude de se protéger contre la contamination simplement parce que beaucoup de temps est passé
depuis le 11 mars. Ils ont tendance à penser qu'il y aura moins de risques sans le sol, qu'ils n'ont plus besoin de masques, et parfois ils sont au milieu de la poussière dangereuse sans aucune
protection.
Nous devons tous demander au Gouvernement d'enquêter et d'annoncer publiquement où se trouvent les 31 sortes de matières radioactives
dangereuses en provenance de Fukushima Daiichi.
D'abord, nous devons connaitre les faits. Ensuite, nous devons y faire face.
Nous ne pouvons pas attendre jusqu'à ce qu'il soit trop tard pour notre santé et notre vie. Le Gouvernement et le Maire ne doivent pas
compromettre la santé et la vie des habitants au nom de l'économie.
L'avenir de nos enfants dépend maintenant de notre choix et de notre action. Nous devons être responsables de notre santé et de la vie
à venir. C'est tellement critique maintenant.
S'il vous plait, faites connaitre cette situation à vos voisins et à vos amis, et demandez de l'aide.
Merci beaucoup de votre attention. »
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En savoir plus avec d’autres
articles:
Dans Ecocentric, un blog du Time (langue anglaise)
un article de Krista Mahr du 21 Juillet 2011 consacré à Koichi Ohyama
« Is This Mike On?
Another YouTube SOS from Fukushima »
Dans le site de l’Express
un article de Philippe Mesmer du 22 juillet 2011 consacré à Katsunobu Sakurai
Japon: le maire qui veut sauver sa ville après
Fukushima
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Ce n’est pas le seul SOS lancé par un Japonais, je vous avais déjà fait part de l’appel à
l’aide des habitants de la ville de Fukushima début juillet :
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Note : le titre de cette page a été emprunté à la chanson du groupe The police :
« Message in a bottle »