18 juillet 2012 3 18 /07 /juillet /2012 00:39
anthropocène
Dans ce numéro, François Diaz Maurin, ancien ingénieur dans l'industrie nucléaire, présente un article très intéressant intitulé « Fukushima : limites anthropologiques à la complexité et risque d'effondrement sociétal ». En voici un large extrait, la suite pouvant être lue sur le site d’origine. Pour l’auteur, l'humanité ne semble plus capable de poursuivre son expansion telle que nous la connaissons depuis deux siècles en recourant au même mécanisme de complexification de la société.
Entropia, revue d’étude théorique et politique de la décroissance, consacre sa dernière édition « à l’appréhension de la catastrophe de Fukushima comme dévoilement de l’Anthropocène ».
 
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Fukushima : limites anthropologiques à la complexité et risque d'effondrement sociétal 
 
(Version de prépublication, se référer à la version de l’éditeur pour citation)
 
 
Anthropocène, complexité et énergie
 
 
 
L'Anthropocène, c'est l'ère de l'appropriation grandissante par l'homme de l'ensemble du système terrestre et de ses attributs à l’œuvre depuis la révolution industrielle à la fin du XVIIIème siècle. Mais l'Anthropocène c'est aussi l'ère de la complexification de la société au sens culturel du terme. Selon l'historien et anthropologue américain Joseph Tainter (1988) la complexité culturelle d'une société se mesure par sa différentiation structurelle et organisationnelle présentant plus d'éléments constitutifs (par exemple, de nouvelles institutions) et/ou plus de types d'éléments constitutifs (par exemple, de nouvelles fonctions au sein d'institutions existantes).
 
 
 
Dans la vision progressiste du développement des civilisations, le processus de complexification est souvent considéré comme intentionnel, c'est-à-dire comme étant le résultat de l'imagination de nos ancêtres et plus ou moins facilité par les circonstances du moment (Tainter, 2011). Selon cette même vision progressiste, la complexification de la société a lieu par ce qu'elle le peut. De la même façon qu'une jeune pousse émerge de la terre lorsque toute les conditions de température, d'humidité, de nutriments et de rayonnement solaire sont réunies, la complexification de la société devient possible lorsque de plus grandes quantités de ressources naturelles sont disponibles et que le surplus énergétique (quantité d'énergie délivrée à la société par le secteur de production d'énergie et dissipée ensuite au sein des autres secteurs) croît. La vision progressiste établit ainsi une relation linéaire de cause à effet entre énergie et complexité, considérant la première comme précédant la seconde et lui permettant d'émerger.
 
 
 
Pourtant, de nombreuses civilisations avant nous, comme la Rome Antique ou la Mésopotamie Ancienne, ont bénéficié d'un niveau d'organisation structurelle – et donc d'une complexité – relativement avancé (Tainter, 1988). Ces mêmes civilisations n'ont pour autant jamais bénéficié d'un surplus énergétique aussi important que celui dont notre « civilisation à haute énergie » (Smil, 2004) bénéfice depuis deux siècles. L'ère de l'Anthropocène représente à ce titre une période unique – et très courte – dans l'histoire de l'humanité. La relation linéaire de cause à effet entre énergie et complexité n'est donc pas suffisante pour expliquer le développement des civilisations anciennes.
 
 
 
Pour comprendre toute l'ambiguïté de cette relation entre énergie et complexité, il faut d'abord étudier le rôle essentiel que joue la complexité dans la durabilité d'une société. Selon Tainter (1988, 2004, 2011), qui a fait de cette question l'une de ses principales lignes de recherche, la complexité est un outil fondamental de résolution des problèmes rencontrés par une société et qui se dressent comme obstacles à son désir de continuité. Confrontée à de tels problèmes, la société développe alors de nouvelles technologies et institutions, ou ajoute des éléments constitutifs supplémentaires à celles déjà existantes, menant logiquement à sa complexification. La durabilité d'une civilisation dépend ainsi de sa capacité à résoudre les problèmes qu'elle rencontre à l'aide de ce processus de complexification tout en étant capable d'en absorber les contraintes (coûts financiers, énergétiques, etc.).
 
 
 
La relation entre énergie et complexité apparaît alors comme étant auto-catalytique, c'est-à-dire que la présence d'un surplus d'énergie permet à la complexité d'émerger (vision progressiste), complexité qui en retour produit de nouveaux types de problèmes qui n'existaient pas auparavant. Or, résoudre de tels problèmes requière une complexification supplémentaire de la société et donc un surplus d'énergie d'autant plus grand. Energie et complexité sont ainsi imbriquées dans une relation de causalité à double sens (réciprocité).
 
 
 
L'existence d'un surplus d'énergie étant une condition sine qua non à l'émergence de la complexité, celui-ci joue donc le rôle de contrainte limitative à cette relation de réciprocité et donc in fine à l'évolution d'une société complexe. Ce point, pourtant essentiel, n'est pas toujours bien compris dans les discussions ayant trait à la durabilité. Cela vient du fait que vivre à l'ère de l'Anthropocène où l'énergie est à la fois bon marché et abondante nous donne l'impression (biaisée) que ce surplus d'énergie est quelque chose de tout à fait normal et d'immuable. Rappelons-nous toutefois que ces périodes d'abondance énergétique ont été à la fois rares et de courte durée à l'échelle de l'histoire de l'humanité. Or, notre civilisation s'apprête à devoir affronter une double contrainte qui menace sa durabilité : la multiplication grandissante – et évidente – des problèmes et une crise énergétique globale réduisant sa capacité à résoudre ces problèmes.
 
 
 
 
 
Fukushima, complexité et énergie nucléaire
 
 
 
Dans ce contexte de l'Anthropocène, l'énergie nucléaire est de loin le système de génération d'énergie le plus complexe jamais conçu par l'homme. Il tient sa complexité de la nature même de cette source d'énergie à la fois très diluée à l'état primaire (minerai d'uranium) et très concentrée lors de la génération des vecteurs énergétiques (chaleur puis électricité) directement utilisable par la société. Toute la difficulté de la production d'électricité à l'aide de l'énergie nucléaire (fission) réside alors dans deux tâches suivantes : la concentration de l'uranium depuis son état naturel à son état de combustible (processus amonts de production du combustible) suivis du contrôle de cette énergie fortement concentrée (centrale nucléaire et processus avals de gestion des déchets). Ces deux étapes impliquent la multiplication des processus industriels, des capitaux (financiers, humains et matériels), des décisions, et de la connaissance scientifique indispensables pour faire fonctionner ce système énergétique. A titre de comparaison, l'exploitation des énergies renouvelables (rayonnement solaire, vent, marrées, etc.) qui sont également très diluées à l'état primaire ne requièrent que des efforts de concentration de façon à obtenir un vecteur énergétique (électricité) directement utilisable par la société, ce qui leur donne un avantage considérable par rapport à l'énergie nucléaire en terme de compétitivité biophysique (basée sur des données énergétiques et physique, et non pas sur des données monétaires comme c'est le cas des études économétriques conventionnelles).
 
 
 
L'énergie nucléaire est sans doute la source primaire d'énergie qui illustre le mieux l'ère hautement complexe qu'est l'Anthropocène. Cependant, comme tout système complexe, l'énergie nucléaire est également un système fragile comme récemment illustré par les accidents de Fukushima.
 
 
 
Le 11 mars 2011, un violent séisme suivi d'un fort tsunami s’abattaient sur la côte Est du Japon mettant en péril 4 des 6 unités appartenant au site de production d'électricité de Fukushima-Daiichi. Plus précisément, ce sont trois cœurs de réacteur qui sont entrés en fusion partielle, ainsi qu'une piscine de stockage de combustible usagés d'un autre réacteur qui a subi un incendie1  . L'ensemble de ces événements a obligé les autorités japonaises à classer la catastrophe nucléaire d'accident majeur – le niveau maximum sur l'échelle de l'INES (niveau 7) – toutefois plus d'un mois après le début des accidents. Il a d'ailleurs été largement admis que la gestion de la catastrophe nucléaire a démontré d'importantes lacunes que ce soit de la part de l'exploitant de la centrale TEPCO, des autorités japonaises ou de l'Agence Internationale de l'Energie Atomique (Brumfiel, 2011a) dont la principale conséquence a été le manque d'informations – parfois retenues intentionnellement (Taira et Hatoyama, 2011) – au sujet de l'état des réacteurs, de la situation sanitaire et de la radioactivité à l'échelle locale et globale. Cette mauvaise gestion de crise montre également la fragilité de ce système dont les enjeux et conséquences sont pourtant globaux.
 
 
 
Pour prendre la mesure de la gravité de la catastrophe, il ne suffit pas de regarder les conséquences immédiates des accidents (radioactivité dans l'air et évacuation des populations) – qui ne sont que la partie émergée de l'iceberg – mais bel et bien l'ensemble des conséquences sanitaires, économiques et sociales que ces accidents auront à long terme. Pour rendre la situation encore plus dramatique, les accidents ne peuvent pas encore à ce jour – l'article a été écrit en décembre 2011, soit près d'un an après le début des accidents – être considérés comme techniquement terminés et resteront actifs tant que les réacteurs ne seront pas complètement refroidis, ce qui est normalement prévu pour le début de l'année 2012 (Brumfiel, 2011b).
 
 
 
Compte tenu de l'ampleur de la catastrophe nucléaire de Fukushima, on est en droit – et même dans le devoir – de s'interroger sur les raisons d'une telle catastrophe. Qu'a-t-il permis la perte totale de contrôle sur ces centrales et qui en porte la véritable responsabilité ? Ces questions sont d'autant plus importantes puisqu'elles concernent la viabilité et la désirabilité de l'énergie nucléaire qui entend être une source d'énergie alternative dans un contexte de crise globale de l'énergie. Pour répondre à cette question, je propose de discuter deux aspects : les phénomènes naturels qui ont provoqué les accidents de Fukushima et les méthodes employées pour estimer les risques liés à ces phénomènes.
 
 
 
A l'origine de la catastrophe nucléaire de Fukushima, il y a deux phénomènes naturels : un séisme et d'un tsunami. C'est la combinaison de ces deux phénomènes naturels – bien connus des géologues pour être dans certains cas couplés entre eux – qui est le plus souvent annoncée comme étant la cause des accidents. Or, les dernières expertises font état du fait que le séisme, seul, aurait été responsable des principaux dommages causés à la centrale et notamment aux pompes de secours qui étaient déjà hors d'état de fonctionner avant le tsunami – information retenue intentionnellement par TEPCO et délivrée aux institutions gouvernementales seulement 6 mois après le début des accidents (Taira et Hatoyama, 2011). A ce stade, qu'un séisme seul – pourtant pris en compte dans les études de risques – soit la cause principale d'une telle catastrophe nucléaire réduit d'autant plus le caractère de « jamais vu » utilisé pour décrire la catastrophe naturelle. Certes, le séisme lui-même était d'une magnitude inégalée dans la région, il n'en est pas moins qu'un séisme de magnitude supérieure à 9.0 a lieu tous les 6 ans environ dans le monde. Cela démontre les limites des études de risques vis-à-vis des phénomènes naturels, que ce soit au niveau de leur localisation, de leur amplitude et de leur récurrence.
 
 
 
Ce type de scénario – séisme et/ou tsunami – est bien connu et régulièrement pris en compte dans les calculs de sureté des installations nucléaires. Pourtant, malgré leur prise en compte dans le cas des réacteurs de Fukushima, cela n'a pas empêché d'aboutir à l'une des pires catastrophes nucléaires depuis le début de son développement. Cela signifie que les hypothèses prises au moment du développement de ces réacteurs dans les années 1970 ne furent pas suffisantes pour contenir les événements survenant en 2011 au large du Japon. Nous sommes ici en présence d'un scénario à faibles probabilités mais à grandes conséquences pour l'homme et pour l'environnement. Cette très grande sensibilité aux hypothèses critiques est caractéristique des projets complexes et représente leur fragilité. La fragilité de la sûreté des réacteurs nucléaires peut se résumer ainsi : l'énergie nucléaire est sûre jusqu'à ce qu'un accident survienne. L'exploitation de centrales nucléaires actuelles implique ainsi une inévitable situation de dualité en passant d'une sûreté totale à une situation de chaos juste par le fait que certaines hypothèses critiques peuvent être dépassées.
 
 
 
L'implication des hypothèses de calculs comme source profonde des accidents de Fukushima – les deux événements naturels n'étant que les facteurs déclencheurs – fait donc indéniablement porter la responsabilité sur l'industrie nucléaire en charge de ces calculs, et sur les autorités de régulation en charge de leur validation. Plus largement ce sont les méthodes probabilistes utilisées pour évaluer les risques liés à ce type de phénomènes – naturels ou non – qui peuvent être critiquées. On peut se demander en effet si la conception de telles centrales est faite en pleine connaissance des risques encourus. La réponse est de toute évidence négative, puisque de telles études sont affectées par la présence inévitable de « véritable ignorance » – ou « incertitude » – que l'on doit différencier de la simple « indétermination probabiliste » (Knight, 1921 ; Diaz Maurin, 2011b). Le physicien Richard P. Feynman, lauréat du prix Nobel de physique, disait à ce sujet en 1963 qu' « il est d'une importance primordiale, afin de faire progresser [la science], que nous reconnaissions cette ignorance et ce doute » (Feynman, 1998). Cela s'applique également au domaine de la technologie et donc de l'énergie nucléaire pour laquelle il est essentiel de reconnaître la présence d'ignorance et d'en identifier les sources. Or, l'une des principales sources est l'ignorance systémique affectant l'ensemble des études de risques indépendamment du type de réacteur nucléaire – à la conception aussi avancée soit-elle2   – et de sa localisation (Diaz Maurin, 2011b). De telles études de risques conventionnelles basées sur des calculs probabilistes ne peuvent donc pas – et ne devraient pas – être utilisées dans des situations où la présence d'ignorance est avérée, comme dans le cas de la sûreté nucléaire. Et si c'est encore le cas, compte tenu de la présence inévitable d'ignorance – comme lorsque l'on mène un projet à large échelle pour la première fois – il n'est pas recommandé de seulement se baser sur l'avis de « l'expert » qui n'a pas plus de raison d'être immunisé contre l'ignorance que n'importe quelle autre personne.
 
 
 
La présence de « véritable ignorance » pose donc la question de la désirabilité de l'énergie nucléaire pour laquelle on ne peut connaître les risques encourus. Poursuivre l'expérience à grande échelle de l'énergie nucléaire, d'une part, tout en refusant d'admettre les sources d'ignorance évidentes, d'autre part, démontre une certaine fermeture d'esprit loin de la sagesse et de l'imagination que requière la gestion de la crise énergétique globale qui représente sans doute la plus grande menace de l'ère de l'Anthropocène.
 
 
 
En effet, rien n'indique que la transition énergétique et sociétale impliquant une diminution rapide de la qualité de l'énergie – et donc de la quantité disponible pour la société – se passe nécessairement sans heurts vis-à-vis de l'organisation sociétale actuelle (Smil, 2008, 2010 ; Tainter, 2004). Il semble même très probable que la transition énergétique s'accompagne d'un « effondrement sociétal » global.
 
 
 
 
 
Risque d'effondrement sociétal
 
 
 
La notion d'effondrement sociétal est familière des lecteurs d'Entropia qui lui a consacré son numéro 7 avec un dossier intitulé L'Effondrement : et après ? Toutefois, ce terme n'y était pas clairement défini. Par effondrement sociétal j'entends ici la perte rapide de la complexité sociale, politique et économique (Tainter, 2004). Ce type d'effondrement est un phénomène récurrent de l'histoire des civilisations et a été synonyme de leur déclin. Un tel effondrement sociétal, selon Tainter, apparaît lorsque la résolution des problèmes n'est plus possible par l'usage du processus de complexification de la société décrit précédemment. Or, même si l'on admet la thèse de Tainter à savoir que l'énergie n'est pas la cause première de l'effondrement des civilisations anciennes mais bel et bien leur incapacité à poursuivre dans la résolution des problèmes par le recours à toujours plus de complexité, on doit néanmoins se rappeler que la complexification d'une société n'est possible que parce qu'un surplus d'énergie croissant est disponible. C'est à ce titre que la crise énergétique globale – de par le déclin du surplus énergétique qu'elle impliquera – représente un véritable risque d'effondrement sociétal.
 
 
 
La question n'est alors plus de savoir si un effondrement de notre société est possible – l'histoire nous a montré que oui – ou de savoir ce qu'il y aura après l'effondrement – compte tenu de notre ignorance vis-à-vis de cette question et du caractère auto-évolutif et non planifiable d'une société – mais la question est avant tout autre chose de connaître les implications d'un tel processus d'effondrement, et notamment de savoir s'il est désirable, évitable et, si tel n'est pas le cas, de savoir comment s'y préparer.
 
(…)
 
 
 
 
 
 
1  Il est important de préciser qu'il s'agit bien de 4 accidents distincts du point de vue de la sûreté nucléaire (études de risques), et ce, bien que la cause initiatrice et que la centrale nucléaire soient les mêmes (Diaz Maurin, 2011a).
 
 
2  A ce titre, l'empressement de l'industrie nucléaire au lendemain des accidents de Fukushima pour annoncer à la population que les nouveaux réacteurs « auraient résisté à une telle situation » ne fait que repousser le seuil d'incertitude sans régler pour autant le problème de fond qu'est la présence d'incertitude. De plus, de telles déclarations sont complètement hors sujet puisque aucun de ces « nouveaux réacteurs » n'est en fonctionnement à l'heure actuelle dans le monde et il faudra attendre encore plusieurs dizaines d'années avant qu'ils représentent une part significative de la production d'électricité de la filière nucléaire – si toutefois ils étaient commandés, financés et finalement construits ce qui est de moins en moins envisagés dans les pays développés – et donc avant que l'on puisse les prendre en considération dans les discussions relatives à la sûreté nucléaire.
 
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Francois-Diaz-Maurin.jpgQui est François Diaz Maurin ?
 
Ancien ingénieur de l'industrie nucléaire en France et aux Etats-Unis, François Diaz Maurin  est aujourd’hui chercheur à l'Institut des Sciences et Technologies Environnementales (ICTA) à Université Autonome de Barcelone.
 
Contact : Francois.Diaz (a) uab.cat
 
 
 
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En savoir plus sur la revue Entropia
 
entropia12 c 370x590pxavbordf7622e-a6605« Loin de l’agitation médiatique et des surenchères de promesses électorales inhérentes au rituel quinquennal de l’Hexagone, cette publication semestrielle a choisi, pour sa douzième livraison, de consacrer son dossier à l’appréhension de la catastrophe de Fukushima comme dévoilement de l’Anthropocène. Notre ambition est ici de faire connaître à des lecteurs curieux et exigeants l’ampleur de la signification de ce mot nouveau qui, pour l’heure, reste largement méconnu. Cette ère est caractérisée par une espèce humaine devenue force géologique par la transformation systématique que ses activités font subir à la nature. Si Hiroshima en est le seuil, Fukushima sera-t-il le déclic qui détermine de nouveaux imaginaires, empêche l’amnésie et réveille l’insurrection devant l’illusion d’une croissance sans fin ? »
 
 
Sommaire du n°12
Anthopo(s)cène
 
La Grande Accélération
L’entropie, maladie mortelle de l’Anthropocène. Agnès Sinaï
Le concept d’Anthropocène, son contexte historique et scientifique.Jacques Grinevald
Le climat de l’Histoire : quatre thèses. Dipesh Chakrabarty
La faim de l’Anthropocène. Jean-Claude Besson-Girard
 
L’ère des démesures
Par-delà l’empire du marché, la technoscience. Simon Charbonneau
Géo-ingénierie : le retour des apprentis sorciers. Paul Lannoye
Pas de fin de l’Anthropocène sans fin du nucléaire. Xavier Rabilloud
 
L’effondrement et au-delà
Fukushima : limites anthropologiques à la complexité et risque d’effondrement sociétal. François Diaz Maurin
Ivan Illich au Japon. De Yokohama à Fukushima. Silvia Grünig Iribarren
Comment démanteler la mégamachine ? Philippe Bihouix
Depuis Fukushima : confirmation du désastre, lucioles d’espoir ? Marc Humbert
 
Intermezzo
Nécessité de la poésie
Poèmes extraits de Souffles du présent. Annie Salager
Poèmes inédits. Henri Droguet
 
Hors champ
Le Titanic de la technologie. Jean-Claude Dumoncel
 
Chronique des démesures ordinaires
Roulette russe planétaire. Entretien avec Pat Mooney
 
 
 

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commentaires

F
Quand on en arrive à dire que les méchants psychopathes sont ceux qui - comme les 200 000 manifestants japonais soit dit en passant - veulent arrêter les réacteurs nucléaires, on est pas loin<br /> d'avoir atteint le point de non retour.<br /> <br /> Et si au lieu de désorienter, j'orientai simplement vers la solution la plus simple et la plus efficace pour résoudre le problème le plus vital qui se pose à l'espèce humaine depuis que la guerre<br /> froide a servi de prétexte pour générer la plus abominable des industries ?<br /> <br /> Il s'agit de pouvoir aller étendre son linge. De pouvoir nourrir ses enfants. Est-ce que vous comprenez que ce dont on parle ici, c'est une question vitale, de VIE ET DE MORT ? Votre coup de fil<br /> fictif à Areva, c'est typiquement un objet froid et glacé qui n'a rien de la VIE, un concept imaginé qui n'est que spectacle, comme la société dans laquelle on vit.
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R
Au Q.G. d'Areva, service des relations publiques.<br /> Sonnerie de portable, sur le thème "Boum! Quand vot' réacteur fait Boum!"<br /> <br /> - Monsieur le directeur?<br /> - Oui, dites moi, cette opération "Transparence", depuis le tsunami, où ça en est?<br /> - Ben, comme prévu, après la Libye et les présidentielles, l'attention des média s'est déplacée et notre cote de transparence remonte. Nous avons encore la Syrie pour nous assurer une période<br /> suffisante de mise au vert. Donc, aucune inquiétude.<br /> - Je pense à la toile, ces blogs, vous m'aviez promis qu'ils s'essoufleraient!<br /> - L'ami Noda, à Tokyo, n'est pas bien doué; ça remue là-bas et il n'a pas l'air de savoir s'y prendre pour créer des diversions comme nous le lui avons conseillé. Il a pu gagner les media du pays à<br /> notre transparence, mais c'est vrai que sur internet certains blogs continuent à ne pas jouer le jeu de notre transparence et se font régulièrement l'écho de ce bruit de rue intempestif.<br /> - Faites fermer ces sites.<br /> - Vous savez, Monsieur le directeur, que c'est une option impraticable qui se retournerait contre nous. Cependant, rassurez-vous, nous avons sur chaque site indocile un fidèle collaborateur<br /> générateur d'opacité chargé de pratiquer la surenchère, d'appeler au bouleversement immédiat et de semer le désarroi en accusant tous les intervenants d'être secrètement à notre service pour<br /> déplacer les objectifs. Ces intervenants, désorientés, travaillés par la suspicion mutuelle et le sentiment d'impuissance sombreront vite dans la résignation passive.<br /> - Excellente idée mon cher Gaston! Me voilà rassuré et vous avez bien mérité de la Transparence! Vous serez des nôtres ce soir au diner-sushi?<br /> - Euh ... ils sont pêchés où, Monsieur le directeur?
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F
Delphin, ce Monsieur Diaz vous dit clairement qu'il faut continuer la machine atomique, mais en incluant le paramètre "je ne sais pas", "j'ignore" qui serait une meilleure garantie de sûreté selon<br /> lui.<br /> <br /> Il vous mélange les concepts : "démocratie participative" au lieu de "démocratie", "pacte" au lieu de constitution.<br /> <br /> La dernière phrase du texte :<br /> "un tel pacte de société nécessite d'être démocratique et participatif impliquant un processus de négociation entre les différents acteurs sociaux puisque rien n'a jamais été aussi incertain<br /> qu'aujourd'hui".<br /> <br /> L'idée même de négociation est dangereuse pour moi. Parce que cela signifie qu'on s'empêche de mettre fin à l'exploitation de la radioactivité artificielle pour des raisons de domination du peuple<br /> et des raisons sanitaires. Négociation, cela signifie qu'on va couper la poire en deux, comme le fait Georges Chapark à propos des chiffres des morts imputables à Tchernobyl (voir cette analyse :<br /> http://coconne.over-blog.com/article-coconne-repare-l-adn-90983881.html).<br /> <br /> Bref, ce texte n'est absolument pas antinucléaire et je me demande bien pourquoi il obtient une telle promotion ici tandis que d'autres textes antinucléaires extrêmement importants foisonnent ces<br /> derniers mois en France et ils n'obtiennent aucun echo dans ces colonnes...
Répondre
R
On a bien le sentiment que Fukushima est un événement charnière, et que son impact sur les consciences prend une dimension sans précédent, même si son expression au niveau politique n'interviendra<br /> vraisemblablement qu'en dernier lieu. Pourquoi? Peut-être est-il encore trop tôt pour classer exactement les causes par ordre d'importance, mais on peut citer: choc des images brutes ineffaçables<br /> des explosions; rôle de l'internet avec blogs, communautés attentives et critiques et échec à la censure; image ébranlée du Japon qui était perçu comme soigneux, méticuleux et technomaniaque à la<br /> différence de la Russie de Tchernobyl qu'on a faussement voulu faire passer pour rustique; effet de saturation quand on comprend que toutes les catastrophes précédentes restent actuelles et leurs<br /> effets cumulatifs; brutale révélation du danger de ces concentrations critiques d'installations défectueuses aux réacteurs multiples rapprochés, au combustible de plus en plus chargé en éléments<br /> actifs au delà de toute échelle humaine, aux déchets ingérables démesurément accumulés de manière précaire, le tout sur des sites instables exposés à tous les risques; nombre croissant de<br /> spécialistes commençant à changer d'avis; grossière absurdité de plus en plus évidente des arguments avancés par la mafia du nucléaire; et finalement, prise de conscience qu'il ne s'agit pas<br /> d'accidents, mais de conséquences inévitables qui se renouvelleront ...
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D
Je pense que nous sommes à un tournant, où même les promoteurs de ces folies techniques commencent à se poser des questions.<br /> <br /> On ne peut demander à ces personnes, "coulées dans le moule", de franchir d'un coup toutes les barrières qui les ont fait devenir spécialistes spécialisants.<br /> <br /> Nous sommes nous-mêmes, à notre insu, prisonniers de nombreuses barrières.<br /> <br /> Delphin
Répondre
F
Commentaire au texte de F. Diaz Maurin intitulé "Fukushima : limites anthropologiques à la complexitéet risque d'effondrement sociétal"<br /> <br /> Extrait :<br /> "La fragilité de la sûreté des réacteurs nucléaires peut se résumer ainsi : l'énergie nucléaire est sûre jusqu'à ce qu'un accident survienne."<br /> <br /> Je pense qu'il faut citer toutes les qualifications de l'auteur, ingénieur, bac+5, bac+8, master à l'étranger, articles dans revues, pour comprendre comment on peut nous amener une telle découverte<br /> : "l'énergie nucléaire est sûre jusqu'à ce qu'un accident survienne".<br /> <br /> L'auteur dans tout cet article a juste oublié que les responsables de cette catastrophe sont ceux qui ont installé ces usines, ce sont les chefs de gouvernement, les cabinets ministériels, les<br /> chefs des grandes entreprises qui se sont partagés les juteux revenus de ces installations tandis que les peuples eux, n'ont qu'à payer, et pour longtemps.<br /> <br /> Oh, c'est juste un oubli. Pour l'auteur, la responsabilité de la catastrophe, c'est juste de l'incertitude et de l'ignorance.<br /> <br /> Extrait :<br /> "Pour ce faire, cela nécessite un nouveau pacte de société visant à discuter la question de soutenabilité de manière informée à l'aide des scientifiques devant accepter l'existence de l'ignorance<br /> et du doute. Enfin, un tel pacte de société nécessite d'être démocratique et participatif impliquant un processus de négociation entre les différents acteurs sociaux puisque rien n'a jamais été<br /> aussi incertain qu'aujourd'hui."<br /> <br /> En fait, il reformule sans le citer ce que Maurice Tubiana disait en 1957 pour l'OMS :<br /> « Du point de vue de la santé mentale, la solution la plus satisfaisante pour l’avenir des utilisations pacifiques de l’énergie atomique serait de voir monter une nouvelle génération qui aurait<br /> appris à s’accomoder de l’ignorance et de l’incertitude. »<br /> <br /> Ensuite, il parle de "processus démocratique et participatif", ce qui montre qu'il n'a rien compris à ce que signifie le mot démocratie, sinon il ne rajouterait pas le mot "participatif". Ensuite,<br /> il veut faire un "nouveau pacte" sans citer la Constitution Française. Un nouveau pacte pourquoi ? Parce que le monde est incertain !!!!! Pour moi, le simple fait de vouloir la démocratie justifie<br /> de faire une constituante. Quel qu'il y a de nouveau à l'ouest ? RIEN.<br /> <br /> “Nous voulons une Assemblée Constituante démocratique, DONC tirée au sort.”<br /> http://www.le-message.org
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Dossier sur le rejet des eaux contaminées dans le Pacifique

« Fukushima - Rejets dans le Pacifique : clarification et mise en perspective »

Une analyse critique des données concernant les rejets des eaux radioactives de la centrale de Fukushima Daiichi initiés en août 2023, dossier réalisé par la CRIIRAD qui tente de répondre à ces questions : Quels sont les principaux défis auquel est confronté l’exploitant de la centrale ? Quels sont les éléments radioactifs rejetés dans le Pacifique ? Les produits issus de la pêche sont-ils contaminés ? Est-il légitime de banaliser le rejet d’éléments radioactifs, notamment du tritium, dans le milieu aquatique ? Qu’en est-t-il en France ?

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« Sans le web, mémoire vive de notre monde, sans ces citoyens qui n’attendent pas des anniversaires, de tristes anniversaires, pour se préoccuper du sort des réfugiés de Fukushima, eh bien le message poignant de Monsieur Idogawa (maire de Futuba) n’aurait strictement aucun écho. » (Guy Birenbaum, Europe 1, 1er mars 2013)

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