L‘association Physicians for Social Responsability (PSR) [Médecins pour une Responsabilité Sociale] a été fondée en 1961 aux Etats-Unis, à l’époque où les bombes atomiques étaient encore testées dans l’atmosphère. L’association International Physicians for the Prevention of Nuclear War (IPPNW) [Médecins pour la Prévention de la Guerre Nucléaire] a vu le jour à Genève en 1980 comme un prolongement international de PSR, au moment où la guerre froide avait atteint son apogée. En 1985, PSR/IPPNW ont reçu le prix Nobel de la paix. IPPNW fédère des groupes de médecins, étudiants, personnels de santé et autres citoyens concernés dans 64 pays. Elle est dédiée à la prévention de la guerre nucléaire. Elle cherche à prévenir toutes les guerres, à promouvoir les moyens de résolution de conflit non violents, à minimiser les impacts des guerres sur la santé, le développement et l’environnement.
La section allemande d’IPPNW vient de publier un rapport sur les effets sanitaires des catastrophes de Tchernobyl et de Fukushima. La traduction en anglais du rapport (publié initialement en allemand), est en cours de réalisation et devrait sortir prochainement pour le 30ème anniversaire de la catastrophe de Tchernobyl. La partie sur Fukushima a été traduite en anglais pour le 5ème anniversaire de Fukushima. Les chapitres ci-dessous sont extraits de cette seconde partie du rapport initial. Le reste devrait suivre dans les mois qui viennent.
OG
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Vivre avec Fukushima depuis 5 ans
Résumé des effets sanitaires de la catastrophe nucléaire
par Dr. Alex Rosen, IPPNW Germany
et Dr. Angelika Claussen, IPPNW Europe
Titre original du rapport publié en février 2016 : « 30 Jahre leben mit Tschernobyl, 5 Jahre leben mit Fukushima : Gesundheiliche Folgender Atomkatastrophen vont Tschernobyl und Fukushima »
Version anglaise disponible ici
Traduction française : Odile Girard (Fukushima is still news) avec l’aimable autorisation des auteurs
5 ans : vivre avec Fukushima
Résumé des effets sanitaires de la catastrophe nucléaire
Le 11 mars 2016, le Japon et le monde commémorent le début de la catastrophe nucléaire de Fukushima. Plus de 200 000 personnes furent évacuées de la préfecture de Fukushima dans des camps de fortune, où vivent encore quelque 100 000 d’entre elles. Mais les conséquences de la catastrophe s’étendent bien au-delà des limites de la préfecture. Depuis le début, des millions de gens ont été exposés à une augmentation des doses de radiation, principalement dans les zones de fortes retombées radioactives. Les retombées radioactives affectent les personnes à travers l’exposition atmosphérique pendant les émissions de radioactivité ou les tempêtes qui soulèvent de la poussière radioactive, ainsi que via l’exposition directe à un sol et des surfaces contaminés. Tout le monde, y compris ceux qui vivent dans les régions moins contaminées du pays, a également été confronté à la radioactivité contenue dans l’eau de boisson et l’alimentation contaminées. Cette forme d’exposition est extrêmement inquiétante, car les particules radioactives peuvent être absorbées par les organes et les tissus internes et continuer à émettre des rayonnements ionisants pendant des dizaines d’années.
Selon le Premier ministre japonais de l’époque, ce n’est que grâce à une « divine Providence » que le Grand Tokyo, avec ses plus de 30 millions d’habitants, a évité la contamination et l’évacuation. Les autorités ayant omis de distribuer des comprimés d’iode, la population est restée sans protection face à l’iode radioactif, qui peut provoquer cancers thyroïdiens et hypothyroïdisme.
Cette tragédie se poursuit encore aujourd’hui. Chaque jour, quelque 300 tonnes d’eau radioactive se déversent de manière incontrôlée dans l’océan. La catastrophe de Fukushima est déjà responsable de la plus grave contamination radioactive des océans dans l’histoire de l’humanité.
Cinq ans après la fusion des cœurs, on ne connaît toujours pas avec certitude ses effets sur la santé de la population japonaise. Premièrement, on ne sait pas exactement combien de radiation a été réellement émise en mars et avril 2011, et combien s’est échappée depuis les ruines des réacteurs et du site de la centrale. Comment l’expliquer?
- Des études indépendantes indiquent parfois des émissions radioactives
considérablement plus importantes
- Tous les isotopes radioactifs n’ont pas été mesurés, en particulier le
strontium-90
- Les premiers rejets n’ont pas été inclus dans l’évaluation des impacts
sanitaires.
En d’autres termes, les informations de base concernant la contamination du sol, de l’océan et de la nourriture sont encore un sujet de controverse entre le lobby nucléaire et les scientifiques indépendants.
Propagande gouvernementale en faveur de la consommation de produits possiblement contaminés : le Premier ministre Shinzo Abe mange du poisson de Fukushima en décembre 2014. Source : REUTERS / Issei Kato
Deuxièmement, le gouvernement pro-nucléaire du Japon et le tout-puissant lobby nucléaire font tout ce qu’ils peuvent pour minimiser et dissimuler les conséquences de la catastrophe. Même l’Université de Médecine de Fukushima, qui coordonne le programme de dépistage du cancer de la thyroïde, a des liens avec le lobby nucléaire et a reçu de l’argent de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA). On a l’impression que l’idée est de refermer au plus vite le dossier de Fukushima et de s’assurer que le public japonais retrouve une attitude positive vis-à-vis de l’énergie nucléaire.
Toutefois, les données montrent un tableau assez différent. Non seulement des fuites radioactives périodiques en provenance des réacteurs dévastés ainsi que des épisodes de recontamination dans toute la région continuent à se produire, mais la perception de l’énergie nucléaire a aussi changé et une majorité de Japonais rejettent désormais le nucléaire. L’étude controversée relative aux cancers de la thyroïde n’a pas envoyé le signal de fin d’alerte tant espéré par le lobby nucléaire. Au contraire, 116 enfants de la préfecture de Fukushima ont déjà été diagnostiqués comme souffrant d’un cancer de la thyroïde agressif et à évolution rapide, ou déjà au stade des métastases. Dans une population de cette taille, on attendrait normalement environ un cas par an. Pour 16 de ces enfants, on peut exclure l’effet du dépistage (« screening effect »), étant donné que leur cancer s’est déclaré au cours des deux dernières années.
Ce qui est encore plus inquiétant que les résultats de l’étude, c’est qu’à part l’incidence des cancers de la thyroïde chez les enfants de la préfecture de Fukushima, le Japon n’a pas commencé d’autres enquêtes scientifiques à grande échelle sur les maladies liées à la radioactivité.
L’origine d’un cancer est difficile à étiqueter et la cause d’un cancer individuel ne peut être reliée par un lien de causalité à un incident spécifique. Les autorités japonaises sont parfaitement conscientes de ce fait et n’ont pas cherché les augmentations de fausses couches, de malformations fœtales, de leucémies, de lymphomes, de tumeurs solides et de maladies non cancéreuses parmi la population qui a été touchée par les retombées radioactives. Or on sait que le taux d’augmentation de toutes ces maladies avait été significatif après l’accident de Tchernobyl.
Quand nous parlons de la population affectée au Japon, nous la divisons en quatre sous-groupes :
- Plus de 25 000 personnes ayant participé au nettoyage et aux secours ont reçu les doses de radiations les plus fortes doses et risqué leur vie, en empêchant l’escalade de la situation sur le site de la centrale. Si l’on en croit les données fournies par l’opérateur TEPCO, une centaine d’ouvriers contracteront un cancer dû aux doses excessives de radioactivité, cancer qui sera fatal dans 50 pour cent des cas. Cependant, les véritables niveaux de dose sont très probablement bien plus élevés, car l’opérateur n’hésite pas à manipuler les données afin d’éviter les demandes de compensation ; l’entreprise est ainsi capable d’engager des travailleurs temporaires non enregistrés, de trafiquer les dosimètres et même d’avoir recours à des faux grossiers.
- La population évacuée, soit 200 000 personnes, qui a été initialement exposée à des doses radioactives considérables, vit maintenant pour la majeure partie en-dehors de la préfecture de Fukushima.
- Les populations non évacuées des zones irradiées continuent à être exposées chaque jour à des doses accrues de radioactivité.
- La population du reste du Japon est exposée à des doses accrues de radiation provenant de retombées radioactives minimales, ainsi que d’aliments et d’eau contaminés.
Des réfugiés évacués d'une maison de repos située dans le secteur d'évacuation près de la centrale nucléaire de Fukushima Daini, à Koriyama, le 13 mars 2011. Source : rfi.fr, Kim Kyung-Hoon / Reuters
Ce qui est absolument nécessaire à présent, c’est de réaliser une série d’études épidémiologiques pour examiner les conséquences sanitaires de l’exposition aux doses excessives de radioactivité, en particulier les maladies qui peuvent être détectées et traitées de manière précoce. Ces études doivent être guidées par les enquêtes déjà publiées, exposées dans le présent rapport, sur les animaux, les oiseaux et les insectes touchés par la catastrophe et qui montrent des effets hématologiques, une élévation des taux de mutation dans la seconde génération et une augmentation des taux de mortalité. Mais comme ce genre d’études – et l’image négative de l’énergie nucléaire qu’elles véhiculeraient – ne sont pas politiquement désirables, nous ne connaîtrons sans doute jamais l’ampleur réelle des effets sur la santé de la catastrophe de Fukushima et nous devons nous limiter à faire des estimations fondées sur les émissions radioactives connues ou présumées et sur les voies d’exposition.
Si l’on se base sur les chiffres du Comité scientifique des Nations Unies pour l’étude des effets des rayonnements ionisants (UNSCEAR), qui est un organisme pro-nucléaire, qui estimait la dose collective à vie à environ 48 000 personne-Sieverts et si l’on utilise les facteurs de risque reconnus au niveau international dans le rapport BEIR-VII, on peut attendre un excès d’incidence de cancers d’un peu moins de 10 000 au Japon dans les décennies à venir (intervalle de confiance allant de 4 300 à 16 800 cas). Si l’on prend en compte des données et des facteurs de risque plus modernes, les estimations de l’augmentation des taux de cancer sont nettement plus élevées, à savoir quelque 66 000 cas de cancers supplémentaires, dont environ la moitié seraient mortels.
Un employé de Tepco subit un test de radiations après une intervention dans la centrale de Fukushima, le 20 février 2012. – Source : Yomiuri/AP/SIPA
Est-ce beaucoup ?
Certainement pas en regard d’une population de presque 127 millions de personnes et un risque “normal” de cancer de 50 % au cours de la vie. Mais est-ce négligeable ? Vu que dix mille personnes vont développer un cancer uniquement suite à une « catastrophe causée par l’homme » à Fukushima (c’est ainsi que l‘a qualifiée la Commission d’enquête indépendante de la Diète nationale), certes non. Le destin de ces personnes et de leur famille n’est ni « négligeable » ni « non significatif », comme voudraient nous le faire croire le lobby de l’industrie nucléaire, l’AIEA et l’UNSCEAR.
Le discours public sur la catastrophe de Fukushima ne doit pas se laisser guider par le profit économique et l’influence politique, mais doit se concentrer sur la santé et destin des populations affectées, ceux qui ont tout perdu, qui craignent pour leur santé et celle de leurs enfants, et qui ne demandent rien de plus que de pouvoir vivre sans la peur incessante des radiations.
Les risques sanitaires pour la population japonaise doivent être étudiés par des scientifiques indépendants et de manière à exclure toute influence indue de la part de l’industrie nucléaire et de ses soutiens politiques. Des études extensives sont nécessaires pour comprendre les conséquences sanitaires sur la population affectée, pour identifier les maladies à un stade précoce et améliorer la protection des générations futures en approfondissant nos connaissances sur les effets des rayonnements ionisants. Le débat sur les conséquences de la catastrophe de Fukushima va bien au-delà du principe de l’indépendance de la recherche et de la résistance à l’influence des tout-puissants groupes de pression. Il s’agit ici du droit universel de chaque être humain à la santé et à vivre dans un environnement sain.
Dr. Alex Rosen, médecin, vice-président, IPPNW Allemagne
Catherine Thomasson, médecin, directrice exécutive, PSR (États-Unis)
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Introduction
Le 11 mars 2016, le Japon et le monde entier commémoraient le début de la catastrophe de Fukushima il y a cinq ans. D’énormes quantités de radioactivité ont été rejetées dans l’environnement, suite à la fusion de 3 réacteurs à la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi, à plusieurs explosions qui ont fissuré les cuves des réacteurs, à des incendies, des fuites et le rejet contrôlé d’éléments radioactifs. Plus de 200 000 personnes ont été évacuées de la préfecture de Fukushima vers des camps de fortune, où quelque 100 000 d’entre elles vivent encore aujourd’hui. Depuis le début de la catastrophe, des millions de gens ont été exposés à des doses de radiation accrues, surtout dans les zones de fortes retombées nucléaires, et ceux qui vivent dans les régions moins contaminées du pays sont exposés à l’eau de boisson et aux aliments contaminés par la radioactivité.
Un gymnase de Yamagata, dans le nord du Japon, transformé en centre d'hébergement (Source : Yuriko Nakao / Reuters)
L’Association internationale des médecins pour la prévention de la guerre nucléaire (IPPNW), est tout à fait consciente de l’étroitesse des liens qui unissent l’industrie nucléaire militaire et celle du nucléaire civil et des risques inhérents aux deux secteurs nucléaires. Nous estimons qu’une évaluation scientifique doit concerner les effets sanitaires de toute la chaîne nucléaire, depuis l’extraction de l’uranium jusqu’aux déchets nucléaires. Les catastrophes nucléaires civiles, comme celles de Three Mile Island, Tchernobyl et Fukushima, fournissent des exemples particulièrement saisissants de l’impact nocif de l’industrie nucléaire sur le public. En tant que médecins et scientifiques, nous devons poser les questions suivantes pour éclairer pleinement la catastrophe de Fukushima :
- Comment cette catastrophe a-t-elle pu se produire ?
- Combien de radioactivité a été rejetée ?
- Comment cela va-t-il affecter l’environnement ?
- Quelles conséquences sanitaires peut-on attendre dans la population affectée ?
Telles sont les questions que nous nous proposons d’appréhender dans la présente publication.
Chapitre 1
Le début de la catastrophe nucléaire
Le 11 mars 2011, un séisme de magnitude 9 sur l’échelle de Richter s’est produit juste au large de la côte est du Japon. Le séisme de Tohoku a provoqué un tsunami qui a dévasté la zone côtière. Plus de 15 000 personnes ont été les victimes directes du séisme et du tsunami, et plus de 500 000 autres ont dû être évacuées. Cette catastrophe naturelle a affecté plusieurs centrales nucléaires situées sur la côte japonaise. Les autres centrales se sont mises automatiquement à l’arrêt, mais leur système de refroidissement d’urgence a continué à fonctionner. Mais la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi a été sévèrement endommagée par le séisme : l’approvisionnement électrique de la centrale, notamment le système de refroidissement, s’est interrompu.
Le tsunami généré par le séisme a provoqué la perte des générateurs diésel d’urgence qui alimentaient en eau de refroidissement les réacteurs et les piscines de stockage de combustible usé, avec pour résultat la fusion du cœur des réacteurs 1, 2 et 3. L’opérateur de la centrale, Tokyo Electric Power Company (TEPCO) a alors commencé à relâcher de la vapeur des bâtiments réacteurs afin de réduire la pression grandissante dans les réacteurs et de prévenir ainsi des explosions plus importantes. Mais la vapeur a également transporté de vastes quantités de particules radioactives dans l’atmosphère, un risque considéré sur le moment comme un moindre mal. Malgré cela, les trois réacteurs ont subi de nombreuses explosions.
Quoique les plans de secours d’urgence de gestion des catastrophes pour les séismes et les tsunamis au Japon soient parmi les meilleurs au monde, les autorités japonaises se sont trouvées complètement débordées par la fusion des trois réacteurs et le rejet des nuages radioactifs. Le premier ordre d’évacuation a été donné le soir du 11 mars pour une zone de 3 km. Le soir du 12 mars, cette zone a été élargie à 12km autour des réacteurs dévastés. À ce moment-là, la première explosion d’hydrogène avait déjà détruit le réacteur 1. Un total de 200 000 personnes ont reçu l’ordre de quitter leur domicile (1). Naoto Kan, qui était le Premier ministre du Japon à l’époque, a déclaré plus tard que les 30 millions d’habitants de Tokyo n’avaient été épargnés par la contamination radioactive que « de justesse ».
Dans les premiers jours de la catastrophe nucléaire, le vent soufflait principalement vers l’est, ce qui a permis d’estimer que 76 % des retombées radioactives se sont dispersées au-dessus du Pacifique (2). Un seul jour, le 15 mars 2011, le vent a tourné vers le nord-ouest, répandant la contamination radioactive jusqu’au petit village d’IItate, distant de plus de 40 km. Si le vent avait soufflé du nord ne serait-ce qu’une journée, de larges parties de Tokyo auraient été contaminées et le gouvernement aurait été obligé d’évacuer la capitale. L’ancien Premier ministre Kan a admis que cela aurait signifié « l’effondrement de notre pays » et cité « une série d’heureuses circonstances » qu’il a qualifiées de « Providence divine » pour expliquer comment ce désastre ne s’est pas produit (3).
Les 14 et 15 mars, les réacteurs 2 et 3 ont été détruits par plusieurs explosions qui ont également provoqué un incendie dans la piscine de stockage du combustible usé du réacteur 4. Afin de refroidir les assemblages contenus dans les réacteurs, TEPCO a pris la décision controversée d’injecter de l’eau de mer dans les bâtiments réacteurs. Mais cette manœuvre n’a guère contribué à empêcher la température de continuer à monter, car les barres de combustible étaient déjà exposées. Selon TEPCO et les chercheurs de l’Université de Nagoya, 100 % des assemblages du réacteur 1 ont fondu, entre 70 et 100 % de ceux du réacteur 2 et 63 % de ceux du réacteur 3 ont également fondu (4-5). L’eau de refroidissement a été contaminée par la radioactivité dans le réacteur avant de se déverser en grande quantité dans l’océan via les nappes phréatiques.
Le 25 mars, on a demandé aux personnes habitant dans un rayon de 30 km de la centrale de quitter volontairement leur domicile et la région contaminée. Le 12 avril, la sévérité de la fusion nucléaire de Fukushima a été déclarée de niveau 7 sur l’Échelle internationale de classement des évènements nucléaires (INES), c’est-à-dire le niveau de gravité le plus élevé possible, qui n’avait jusqu’alors été assigné qu’à la catastrophe de Tchernobyl. Le 22 avril, le gouvernement japonais a finalement étendu ses recommandations d’évacuation pour couvrir les municipalités de Katsurao, Namie, Iitate et certaines parties de Kawamata et de Minamisoma, faisant ainsi passer le rayon d’évacuation à 50 km autour des bâtiments réacteur dévastés.
Au moment de l’accident, les autorités ont décidé de ne pas distribuer de pastilles d’iode qui auraient empêché l’absorption d’iode 131 radioactif par la thyroïde, laissant la population sans protection. L’Organisation mondiale de la Santé (l’OMS) a critiqué cette omission dans son Rapport sur Fukushima, et indiqué que l’omission de cette mesure préventive vitale allait augmenter l’incidence anticipée des cancers de la thyroïde pour l’ensemble de la population (6). Dans son rapport officiel de juin 2012, la Commission d’enquête indépendante sur l’accident nucléaire de la Diète nationale du Japon (NAIIC) a conclu que l’accident de Fukushima n’était pas simplement le résultat d’une catastrophe naturelle, mais très largement un désastre d’origine humaine.
La Commission conclut que la situation a continué à se détériorer parce que le système de gestion de crise du Kantei, (bureau du Premier ministre) des régulateurs et des autres organismes responsables n'a pas fonctionné correctement.
La Commission conclut que la confusion dans l'évacuation des résidents découle de la négligence des régulateurs, de l'échec persistant à mettre en œuvre les mesures adéquates contre une catastrophe nucléaire, ainsi que d'un manque d'action des gouvernements précédents et des régulateurs sur la gestion des crises. Le système de gestion de crise qui existait pour le Kantei et les régulateurs devait protéger la santé et la sécurité du public, mais il a échoué dans cette fonction. (7)
http://ddata.over-blog.com/xxxyyy/4/37/62/00/rapports/Rapport-NAIIC-V3.pdf
1 - International Atomic Energy Agency (IAEA). “Fukushima Nuclear Accident Update“, 12.03.11. www.iaea.org/newscenter/news/2011/fukushima120311.html
2 - Evangeliou N et al. “Global deposition and transport efficiencies of radioactive species with respect to modelling credibility after Fukushima (Japan, 2011)“. J Environ Radioact., 2015 Nov;149:164-75. http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/26254209
3 - Wagner W. „Ex-Premier Kan über Fukushima-Katastrophe: ‚Die Frage war, ob Japan untergeht‘“. Spiegel Online, 09.10.15. http://www.spiegel.de/politik/ausland/ex-premier-ueber-fukushima-die-frage-war-ob-japan-untergeht-a-1056836.html
4 - Japanese Atomic Information Forum (JAIF). “TEPCO: Melted fuel ate into containment vessel“. Earthquake Report No. 278, 01.12.11. www.jaif.or.jp/english/news_images/pdf/ENGNEWS01_1322709070P.pdf
5 - Kumai H. „Researchers: More than 70% of No. 2 reactor‘s fuel may have melted“. Asahi Shimbun, 27.09.15. http://ajw.asahi.com/article/0311disaster/fukushima/AJ201509270023
6 - World Health Organisation (WHO). “Preliminary dose estimation from the nuclear accident after the 2011 Great East Japan Earthquake and Tsunami”. 23.05.1212, p.49. http://whqlibdoc.who.int/publications/2012/9789241503662_eng.pdf
7 - The National Diet of Japan. „The official report of The Fukushima Nuclear Accident Independent Investigation Commission of the National Diet of Japan“. 05.07.12, p 18–19. http://www.nirs.org/fukushima/naiic_report.pdf
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Lire la suite de la traduction du rapport dans le blog de Georges Magnier « Vivre après Fukushima » :
Chapitre 2. Émissions et contaminations radioactives
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Extrait du rapport pp.33-34
Recommandations
Pour le Japon :
- Les populations affectées par la catastrophe nucléaire et leur droit
à vivre dans un environnement sain doivent être au centre de
toutes les discussions et des décisions sur les mesures à prendre.
Dans ce but, il convient de garantir que les groupes affectés
soient impliqués comme il se doit dans les processus décisionnels.
- Tous ceux qui ont été impliqués dans le nettoyage de la catastrophe
nucléaire, qu’ils aient été ou qu’ils doivent à l’avenir
être exposés à la radioactivité, doivent être équipés de
dosimètres fiables et être régulièrement examinés par des
médecins indépendants. Ceci s’applique également aux employés
des sous-traitants, aux travailleurs temporaires et aux volontaires.
Les opérateurs nucléaires comme TEPCO ne doivent plus influencer
les études et les données.
- Le gouvernement japonais doit établir et tenir des registres
semblables à ceux qui ont été mis en place par l’Union
soviétique après Tchernobyl, pour couvrir tous les groupes ayant
été exposés aux radiations suite à la catastrophe nucléaire de
Fukushima. Ceci concerne :- Tous les évacués des zones contaminées et ceux qui vivent encore en zone
contaminée ; - Les travailleurs de la centrale et ceux qui s’occupent du nettoyage et
de la décontamination.
- Tous les évacués des zones contaminées et ceux qui vivent encore en zone
- Les résidents des zones contaminées doivent être autorisés à
décider s’ils veulent continuer à y vivre ou s’ils préfèrent
déménager dans une région non contaminée. Un soutien financier
et logistique doit leur être fourni.
- Il faut mettre fin à la réinstallation forcée des évacués dans les
zones contaminées. En particulier ils ne doivent pas être menacés
de se voir retirer l’assistance financière s’ils ne veulent pas
retourner [avec leur famille] dans les zones contaminées.
- Des recherches épidémiologiques doivent être menées sur les effets
de la catastrophe nucléaire et les populations affectées doivent
avoir droit, régulièrement et gratuitement, à des bilans de santé
et aux traitements. Les risques sanitaires pour la population
japonaise doivent être évalués par des scientifiques indépendants
qui n’ont pas de conflit d’intérêt avec l’industrie
nucléaire ou ses soutiens politiques.
- Étant donné qu’une grande partie des retombées a touché l’Océan
Pacifique, une recherche systématique doit être effectuée sur la
vie marine ; le Japon et des instituts de recherche
océanographique internationaux doivent travailler en coopération.
- Les reportages et recherches sur les conséquences de la catastrophe nucléaire ne
doivent pas se heurter à la répression de l’État, comme la loi
controversée sur la “trahison des secrets d’État”.
- Après la fusion des cœurs à Fukushima, le Japon a arrêté toutes ses
centrales nucléaires et durant plusieurs années, le pays s’est
débrouillé sans énergie nucléaire. Le lobby nucléaire essaie
actuellement de redémarrer les réacteurs, contre la volonté de la
majorité de la population japonaise. Le Japon doit arrêter
définitivement ses quelque 50 réacteurs et investir à la
place dans la production d’énergie renouvelable et durable. Le
pays a un potentiel énorme en termes d’énergie solaire,
éolienne, hydraulique et géothermique et particulièrement dans le
domaine de l’efficacité et des économies énergétiques.
- En attendant, une enquête [par des instances parlementaires
indépendantes] s’impose sur l’énorme influence exercée par le
lobby nucléaire sur la politique japonaise et la corruption et la
collusion endémiques entre hommes politiques, opérateurs de
centrales et régulateurs, afin d’y mettre un terme et de prévenir
l’occurrence de nouveaux désastres comme Fukushima.
Pour l’Europe et le reste du monde :
- En Europe et aux États-Unis un peu moins de 300 réacteurs sont toujours en
fonctionnement ; la moyenne d’âge est entre 30 et 40 ans.
- L’IPPNW et PSR exhortent tous les États possédant des centrales nucléaires à
commencer à fermer et à démanteler leurs réacteurs et à
s’engager dans la production d’énergie renouvelable durable et
dans l’efficacité énergétique. Il existe au niveau
international un large consensus sur le fait que les combustibles
fossiles ne peuvent ni ne doivent jouer le moindre rôle dans la
production énergétique future. Mais le nucléaire ne représente
pas non plus une alternative acceptable.
- Pour l’IPPNW et PSR, la transition énergétique mondiale tendant vers 100 %
d’énergie renouvelable associée à l’efficacité et aux
économies énergétiques, ainsi qu’à la décentralisation de la
production de l’énergie, est la seule conséquence politique
raisonnable à tirer des catastrophes nucléaires de Tchernobyl et
de Fukushima.
Télécharger le rapport traduit en entier : ici
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Coordonnées
IPPNW Germany : Körtestraße 10, 10967 Berlin, Germany - Phone: +49.30.698.0740 - Fax : +49.30.693.8166 - email : ippnw (a) ippnw.de - Sites internet : www.ippnw.de ; www.fukushima-disaster.de
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Phone: +1.202.667.4260 - Fax: 202.667.4201 - email : psrnatl (a) psr.org - Site internet : www.psr.org