Texte de HORI Yasuo, rédigé le 31 décembre 2013.
traduit de l'espéranto par Ginette MARTIN
avec les conseils de Paul SIGNORET
Il fait de plus en plus froid au Japon, et certainement on use davantage d'électricité pour le chauffage. A présent ici, plus aucun réacteur nucléaire ne fonctionne, mais on ne manquera pas d'électricité. En vérité le Japon n'a pas besoin d'énergie nucléaire, mais cependant, en dépit de tout, les compagnies d'électricité et le gouvernement veulent remettre en route le plus possible de réacteurs. Étrange! Ils n'ont rien appris du très grave accident de Fukushima. Si nous n’en tirons aucun enseignement, la catastrophe restera à jamais une catastrophe, mais dans le cas contraire, nous pourrons changer la catastrophe en leçon et en nouvelle étape pour créer une société meilleure.
J'ai eu 72 ans le 17 décembre. J'apprends parfois la mort de tel ou tel de mes anciens camarades de classe, alors j'ai commencé à me préparer pour cette échéance, en remettant en ordre de vieilles affaires et en jetant certaines d’entre elles. J'aime écrire et j'ai souvent envoyé des essais et des commentaires à divers journaux. Parmi les articles conservés, j'en ai trouvé un, concernant l'énergie nucléaire. Je vais commencer par sa traduction.
A propos de l'énergie nucléaire, qui impose des souffrances à la population
paru le 9 juillet 1981 dans le journal Maïnichi
par Hori Yasuo, 39 ans, enseignant
Récemment, M. Fukuda Hajime, le président de la Chambre des députés, s’est exprimé en ces termes dans la ville de Tsuruga, Préfecture de Fukui : "J'entends dire que des travailleurs ont été exposés à des rayonnements radioactifs dans l'accident nucléaire, mais je n'ai jamais entendu dire que quelqu'un soit mort à cause de la radioactivité. Près de 10 000 personnes meurent chaque année à cause des accidents de circulation". Un tel sophisme est habituel chez les membres du Parti libéral-démocrate, mais comment les citoyens de Tsuruga ont-ils réagi ?
* Dans et autour de Tsuruga se trouvent maintenant 10 réacteurs nucléaires.
Ce qu’il y a de terrifiant dans la radioactivité, c’est que les gens qui y ont été soumis deviennent des "non-humains". Elle affecte non seulement la personne exposée, mais aussi ses fils et filles et ses petits-enfants. C’est un processus comparable à la création d’espèces végétales mutantes par la radioactivité. En fait il y a dans les centrales nucléaires des travailleurs qui ne veulent pas avoir d'enfants, craignant l'influence de la radioactivité. Ce Fukuda ne sait-il rien de la terreur qu’elle inspire ?
Il a comparé les accidents nucléaires aux accidents de circulation. Il dit que les victimes des premiers sont moins nombreuses que celles causées par le trafic, et que c’est donc sans gravité. Selon sa logique, toutes les contaminations environnementales deviendront bénignes, donc les gens devront les accepter. Je ne peux pas laisser sa déclaration sans réagir.
TEPCO a décidé l'arrêt des réacteurs 5 et 6
Dans la centrale nucléaire n°1 de Fukushima se trouvaient (et se trouvent encore) 6 réacteurs. En raison de l'accident nucléaire, 4 réacteurs (les n°1, 2, 3 et 4) ont été complètement détruits, c’est pourquoi la compagnie TEPCO a décidé de les démanteler, mais il reste les deux autres. En septembre, le Premier ministre Abe a proposé que TEPCO démantèle également ces deux réacteurs, et le 19 décembre, il a officiellement publié que le 31 janvier 2014 il les mettra hors fonctionnement.
TEPCO ne les démantèlera pas, mais les utilisera comme laboratoires pour la très difficile destruction des quatre réacteurs endommagés. Les réacteurs n° 5 et 6 sont identiques à ceux-ci, donc la compagnie s’en servira pour rechercher, examiner et tester des procédures efficaces. Elle envisage, en 2014, de mettre au point des machines télécommandées pour la dépollution dans les réacteurs, en 2015 et 2016, elle explorera la manière d'atteindre l’enceinte de confinement des réacteurs, et en 2018 et 2019, elle créera des robots pour extraire les substances nucléaires fondues.
La préfecture de Fukushima exige l'enlèvement des quatre réacteurs de la centrale nucléaire n° 2 de Fukushima, mais TEPCO n'a pas encore publié son avis.
Le gouvernement a proposé l'achat de districts contaminés
Le 14 décembre, le gouvernement a proposé à la préfecture de Fukushima et à trois petites villes : Ōkuma, Futaba et Naraha, que les lieux de stockage provisoire des produits pollués soient construits sur leur sol, et c'est pourquoi il va acheter 19 kilomètres carrés de terrain. Le gouvernement envisage de construire des entrepôts en avril prochain avec un budget de cent milliards de yens (soit un milliard d’euros). Des lieux de stockage sont nécessaires, parce que partout dans Fukushima on garde les substances polluées tout à fait provisoirement sur les collines, dans les champs et même dans les jardins privés. Cependant, cela pose de graves problèmes :
1. Peut-être ne pourrons-nous jamais construire les entrepôts définitifs, alors, peut-être ces "entrepôts provisoires" deviendront-ils des "entrepôts perpétuels".
2. Les personnes qui possèdent ces terrains perdront leur maison pour toujours. Elles ne pourront jamais habiter chez elles. Faudra-t-il que ces gens, déjà durement éprouvés, endurent des souffrances supplémentaires au bénéfice des autres ?
3. Pour transporter une grande quantité de déchets radioactifs vers les lieux de stockage, des problèmes de circulation se présenteront. Si l'on doit conserver les déchets pour ainsi dire éternellement, des détériorations pourront se produire dans les lieux de stockage.
État actuel des réfugiés à Fukushima
Dans la préfecture de Fukushima en raison des tremblements de terre et du tsunami du 11 mars 2011, 1603 personnes sont mortes et 207 personnes ont disparu. Et par la suite, jusqu'au 19 décembre 2013, 1604 personnes sont mortes, principalement des personnes âgées, pendant le transport, par insuffisance de soins et désespoir.
L'ensemble des réfugiés du tsunami et de l'accident nucléaire se compose de ceux restés à l'intérieur du département (90 384 personnes) et de ceux partis hors du département (49 558 personnes).
52 783 des personnes réfugiées dans le département vivent dans des maisons prêtées par la préfecture, 28 921 dans des maisons provisoires, 5 473 dans des maisons communales, et les 3 252 autres chez des parents ou connaissances. On trouve des gens partis hors du département dans chacune des 47 préfectures. La plupart, soit 6 865 personnes, vivent à Tokyo (voir la carte).
Ces réfugiés veulent rentrer chez eux, mais en raison de la radioactivité ils ne le peuvent pas. Dans certains endroits, la radioactivité n'est pas aussi intense, mais beaucoup ne peuvent pas revenir s’installer dans des quartiers sans hôpitaux, sans magasins et sans voisins. Encore beaucoup d'anciens habitants de Fukushima sont las de vivre en nomades, se plaignant qu'ils ne peuvent pas prévoir quelle vie ils auront à l'avenir, et que le temps passe sans apporter de solution.
Finalement je vous offre, avec un peu de retard, une carte de Noël que j'ai dessinée.
Je souhaite que tous ceux qui souffrent à cause de l'accident nucléaire et du tsunami aient une nouvelle année pleine d'espoir.
Merci, lecteurs, pour votre soutien chaleureux.