Texte de HORI Yasuo, rédigé le 9 décembre 2013.
Traduit de l'espéranto par Paul Signoret
Dangereuse est la « Loi pour la protection de secrets spécifiques »
Le 6 décembre une « Loi pour la protection de secrets spécifiques » a été approuvée par le parti au pouvoir, le Parti Libéral Démocratique (LDP) et par le parti allié Koomeï. Cette loi autorise désormais les ministres à définir des « choses à ne pas divulguer », dans quatre domaines – la défense, la diplomatie, le terrorisme et l’espionnage – en tant que « secrets spécifiques ».
La presque totalité des médias, journalistes, chercheurs, avocats, écrivains, organisations pacifistes et féministes, ainsi que plus de la moitié des gens ayant répondu à une enquête, ont exprimé une opinion défavorable à cette loi, car on ne sait pas, de façon claire, ce que recouvre le mot "secret" et que même la liste de ces secrets restera un secret. Tous craignent que le gouvernement, et donc la police, n’aient le pouvoir d’entraver à leur guise le libre exercice de l’action des citoyens, et que, à la faveur de cette loi, ne s’instaure à nouveau une société sans liberté et qu’enfin n’éclate une guerre, comme cela s’était produit avec le deuxième conflit mondial.
Pourtant, le secrétaire général de LDP, Ishiba, a écrit dans son twitter, que les démonstrations bruyantes, organisées tous les jours autour du Parlement, ressemblent à une action terroriste. Ce qui montre clairement que même des manifestations pacifiques pourront désormais être interdites, et leurs participants arrêtés.
Ayant ses raisons, le gouvernement a insisté pour que soit approuvée cette loi. Le premier ministre Abe, entend faire du Japon “un pays ordinaire, qui a le droit de faire la guerre et qui de fait peut la faire, sur ordre des USA”. Cet homme est très dangereux, mais en décembre dernier le peuple japonais, trop désillusionné par le précédent gouvernement de Parti Démocratique, a voté pour le LPD, et donc pour cet homme.
Cette loi a trait également aux affaires nucléaires. Elle permettra au gouvernement de déclarer certaines informations relatives au nucléaire comme étant secrets spécifiques, car il importe de protéger les centrales contre les terroristes et les espions et parce que le nucléaire a un rapport étroit avec la diplomatie et la défense du Japon. À présent déjà, le gouvernement et TEPCO tentent de dissimuler le plus possible de choses au public, et donc, si cette loi s’applique, nous cesserons d’être informés. Il leur sera possible de passer sous silence un accident grave suivi d’effluences d’eau polluée, et ainsi laissés dans l’ignorance nous pourrons alors être exposés à des radiations nucléaires au risque de notre vie.
Le nucléaire ne doit pas relever du secret
Le 11 novembre 2013, dans le journal Fukushima-Minpoo a paru un article concernant M. Naka Yukiteru, un ingénieur de 72 ans, qui depuis quarante ans s’occupe de centrales nucléaires. En voici la traduction :
Sa compagnie compte quarante employés, dont quatre travaillaient à la centrale nucléaire n°1 de Fukushima au moment de l’accident.
Le gouvernement dit qu’appartiendront aux “secrets spécifiques” les plans de surveillance des centrales, mais non le plan de construction des réacteurs, ni les informations relatives aux accidents. Toutefois beaucoup craignent qu’à l’avenir un nombre de renseignements de plus en plus grand ne relève du secret spécifique.
M. Naka confie : « Avant l’accident nucléaire de Fukushima, émettre un doute sur la sécurité des centrales relevait du tabou, si bien que sont nés, d’une part le mythe concernant la sécurité et d’autre part l’habitude de dissimuler accidents et problèmes, et au bout du compte la catastrophe est arrivée. ».
Au cours des travaux, les employés voient les accidents et ont connaissance des problèmes. « Si la loi définit ce qui touche au nucléaire comme secret, les ingénieurs et les ouvriers auront peur, si bien qu’ils ne pourront pas dire la vérité des choses, ce qui par voie de conséquence portera atteinte à la sécurité. Or les gens ont le droit d’avoir, sur tout ce qui touche au nucléaire, des informations fiables, car celles-ci concernent directement la vie. ».
Selon la loi, si des fonctionnaires publics et des membres des compagnies concernées révèlent un secret, ils seront condamnés à une peine maximale de dix ans de travail obligatoire. Or à l’heure actuelle, dans la centrale n°1, beaucoup de gens s’emploient de tout leur cœur à la réparation du site. « Il y a, parmi eux, de nombreux jeunes gens de Fukushima même, qui se sont donné pour mission de reconstruire leur ville. Je redoute qu’ils ne perdent cette forte motivation, si à l’avenir on les suspecte de vouloir « révéler des secrets ».
Dans sa compagnie, des employés de plus en plus nombreux ont déjà dépassé la limite de la norme d’exposition aux radiations et travaillent donc dans un autre secteur. « Déjà, dans la centrale, la main d’œuvre manque et par suite le niveau technique s’est abaissé. Or avoir des travailleurs est le problème majeur de l’industrie nucléaire. Si la loi nous ligote, le recrutement deviendra encore plus difficile. ».
Et il ajoute que le moyen de lutte le plus efficace contre les terroristes est de renforcer les clôtures, d’installer des caméras de vidéosurveillance, des détecteurs de métaux, etc « Cette loi peut avoir une incidence sur le plan de démantèlement de la centrale n°1 et aussi sur la remise en marche de réacteurs. Aussi devons-nous en poursuivre la discussion. ».
Hélas, en dépit des craintes et du souhait de M. Naka, la loi a été approuvée sans une discussion approfondie. Le 6 décembre 2013 est peut-être le jour où le Japon s’est mis en marche vers sa perte, en ce qui concerne la démocratie et la sécurité des centrales nucléaires.
Suppression de la « Suppression des centrales nucléaires »
Le même jour, le 6 décembre 2013, le Ministère de l’Économie et de l’Industrie a rendu public un plan drastique, relatif au nouveau projet énergétique. Après l’accident nucléaire de 2011, le gouvernement, alors aux mains du Parti Démocratique, avait décidé la suppression de tous les réacteurs d’ici à 2040. Mais après la victoire éclatante, en décembre dernier, de son parti, le Parti Libéral Démocratique, le premier ministre Abe déclara sans tarder son intention de remettre en question la politique énergétique du précédent gouvernement.
Ce nouveau plan énergétique peut se résumer ainsi :
« Grâce à l’énergie nucléaire on peut produire de façon stable et efficace, une électricité dont le prix de revient est bas et varie peu, et de surcroît le fonctionnement des centrales se fait sans émission de gaz à effet de serre. Ces raisons font que le nucléaire est une très importante source d’énergie de base, qui assure un système stable de livraison et de consommation d’énergie. »
« Sur la base d’un fonctionnement hautement sécurisé des centrales, le Japon continuera à utiliser l’énergie nucléaire. »
Le gouvernement et le monde industriel sont complètement stupides. Ils n’ont tiré aucune leçon de Fukushima. Ils continuent à croire et à nous faire croire que l’électricité produite par énergie nucléaire est bon marché et que sa production ne nuit pas à l’environnement. Ils n’apportent aucune réponse à notre question : Comment se débarrasser des déchets nucléaires ? Si l’actuel gouvernement se maintient, un deuxième Fukushima pourra se produire, et même dans le cas contraire, le Japon va devenir un pays inhabitable, où des montagnes de dangereux déchets seront une menace pour la vie.