Le ministre français du redressement productif, Arnaud Montebourg, a déclaré dimanche dernier : « Le nucléaire est une filière d’avenir ». Il n’aurait
jamais entendu parler de Fukushima cet homme-là ? S’il avait la moindre dignité, il devrait au moins présenter des excuses publiques pour avoir tenu ces propos indécents, eu égard à ce qui
se passe actuellement dans la région de Fukushima. Là, toute une population est prise en otage par le village nucléaire qui fait tout pour minimiser les problèmes
sanitaires.
Le constat de la contamination en mars 2011
Deux semaines après la catastrophe de Fukushima, un groupe d'experts gouvernementaux avait conduit des contrôles auprès de 1149 enfants âgés de moins de 15 ans.
Ces enfants étaient résidants de trois municipalités voisines de la centrale nucléaire accidentée de Fukushima, Iwaki, Kawamata et Iitate, où des niveaux élevés de radiations avaient été
constatés. Au total, 44,6% des 1080 enfants dont les tests étaient valides, ont présenté une contamination au niveau de la thyroïde. En effet, l’iode 131 va généralement se fixer dans
cette glande, augmentant le risque de développer un cancer ultérieurement. C’est le second crime des autorités japonaises (le premier étant d’avoir laisser s’installer les conditions de la
catastrophe) : elles n’ont pas donné suffisamment et clairement l’ordre de prendre les pastilles d’iode dans les territoires contaminés.
Etudes épidémiologiques lancées en juin 2011
A la fin du mois de juin 2011, les autorités sanitaires ont mis en place des études épidémiologiques afin d’évaluer l’état de santé des
personnes qui ont été exposées aux rejets radioactifs et de suivre son évolution. En théorie, les résultats de ces études épidémiologiques devraient permettre de disposer d’informations sur
l’incidence de certaines pathologies au sein de la population japonaise (cancers, leucémies, troubles psychologiques, thyroïdiens, hépatiques, rénaux, diabète, etc.) et d’évaluer les conséquences
sanitaires de l’exposition de la population aux retombées radioactives. Prévues pour une durée d’environ 30 ans, le pilotage de ces études a été confié à l’Université médicale de Fukushima,
présidée par le très controversé Shinichi Yamashita.
Parmi ces études, l’une consiste à réaliser un bilan thyroïdien pour tous les enfants âgés de moins de 18 ans qui se trouvaient dans la
préfecture de Fukushima pendant la phase des rejets : cette étude, qui a pour principal objectif la mise en évidence d’une éventuelle augmentation des cancers de la thyroïde telle qu’elle a
été observée chez les enfants exposés aux retombées radioactives de l’accident de Tchernobyl, portera sur environ 360 000 enfants nés jusqu’au 1er mars 2012.
Les âges des enfants testés au 31 décembre 2011
Premiers résultats en janvier 2012 : inquiétants
L’étude publiée par la préfecture de Fukushima en janvier 2012 montrait que sur 3755 enfants, 1143 d’entre eux, soit 30,4% des enfants testés,
avaient des nodules ou des kystes de taille variable (jusque 20,1 mm). Or, cet état sanitaire qui doit servir d’« état zéro » était déjà inquiétant au vu du témoignage de ce
médecin : « En 30 ans de pratique de médecine générale en milieu rural français, je n'ai pas rencontré d'enfant ayant un nodule thyroïdien. (Juste quelques gonflements de le thyroïde à
la puberté; phénomène banal). Je peux confirmer que les nodules thyroïdiens chez l'enfant sont rares. 30 % c'est beaucoup. Dans la littérature médicale on parle de 0,2 à 1,4% pour les moins de 18
ans (ce chiffre monte à 3,5 % si on réalise des examens systématiques par échographie). On aurait donc un facteur 10 ».
Les premiers résultats (graphique IRSN)
Derniers résultats d’avril 2012 : alarmants
Michiyuki Matsuzaki, docteur en médecine à l’hôpital de Fukagawa (Hokkaido), s’est penché sur l’étude publiée le 26 avril 2012 qui concernait
38 114 enfants. Comme il ne disposait pas d’état zéro ‒ en effet, celui-ci n’existe pas réellement puisque les tests ont débuté seulement 7 mois après la contamination ‒ il a repris une
étude réalisée en 2006 dans la préfecture de Nagasaki, co-écrite par Shinichi Yamashita, qui montre que sur 250 enfants âgés de 7 à 14 ans, deux enfants seulement (0,8%) avaient des kystes
thyroïdiens.
Or, selon les résultats d’avril 2012, 13 380 enfants, soit 31,1 % des enfants testés, ont un kyste thyroïdien, ce qui confirme les
résultats de janvier 2012. Même si les kystes liquidiens ne signifient pas qu'il y ait une chance immédiate de cancer de la thyroïde, quelque chose d’anormal se passe dans la glande thyroïde de
ces enfants. D’où l’inquiétude légitime des parents.
Une lettre de pression sur les médecins
En janvier 2012, alors qu’il commençait à publier les premiers résultats, le chef des opérations, Shinichi Yamashita, a envoyé une lettre aux
spécialistes des maladies thyroïdiennes dans tout le Japon, leur demandant de ne pas établir d’autre diagnostic pour les familles concernées. La demande de Yamashita est pourtant un acte
contraire à la loi médicale qui prévoit qu’en aucun cas un médecin ne doit refuser un examen. Ainsi, par cette démarche, ce « scientifique » démontre encore une fois sa totale
soumission au village nucléaire : il veut rester le maître absolu des résultats. Pas question d’établir d’autres mesures qui pourraient contredire les données officielles. Une raison de plus
pour s’inquiéter quand on a un enfant qui a des grosseurs anormales dans la thyroïde !
De fait, comme le rapporte un article du Mainichi daté du 26 août 2012, les examens supplémentaires sont systématiquement refusés. Par exemple,
Pour ses 2 enfants, une mère de 38 ans qui se refugie à Aizuwakamatsu-shi a téléphoné vainement à 5 hôpitaux qui se trouvent à Fukushima. Un pédiatre de Fukushima avoue : « Si mon
diagnostic est différent de celui de l’Université Médicale de Fukushima, cela provoquera des confusions ». Un autre de la région Aizu explique : « Ce n’est pas le rôle d’une
clinique privée de faire disparaître des angoisses des parents ». Un troisième, qui s’occupe des examens du département de Fukushima, affirme : « Le suivi réalisé par l’Université
Médicale de Fukushima sera le premier et le plus utile pour montrer des effets de la radioactivité sur le corps humain. S’ils vont dans d’autres hôpitaux au lieu de venir à l’examen organisé par
l’université, cela perturbera cette précieuse recherche.»
Des parents désemparés
Rien ne vaut le vécu des gens pour comprendre ce qui se passe réellement pour les réfugiés de Fukushima. Voici la traduction de
quelques messages de mamans inquiètes (traduction
Kazumi) :
1. J’ai emmené mon deuxième fils qui souffre d’une thyroïde enflée à l’hôpital connu pour les traitements de la thyroïde, Le médecin lui a
touché la thyroïde, et a écrit effectivement sur le dossier qu’il a des kystes. Je lui ai dit que nous étions de Fukushima, alors il m’a dit qu’il n’avait pas le droit de donner son avis aux
refugiés de Fukushima.
2. Mon fils a toujours la thyroïde enflée, pas d’appétit. Malgré tout, il faut l’autorisation soit de la préfecture de Fukushima, soit de
l’Université Médicale de Fukushima pour le traitement. Je suis prête à payer beaucoup d’argent pour le suivi, mais ce n’est pas une question d’argent car évidemment, mon fils est couvert de la
sécurité sociale. Salaud !
3. Bonjour. On m’a dit « Demandez d’abord à l’Université Médicale de Fukushima et attendez la réponse ». Autrement dit, aucun médecin
ne peut rien faire avec les habitants et les refugiés de Fukushima sans autorisation. Par conséquent, mon médecin ne m’a donné ni diagnostic, ni l’état actuel de ma thyroïde.
4. Mon fils s’est fait refuser dans un hôpital qui se trouve à Nagano. J’avais déjà eu la même expérience ailleurs aussi. Le médecin m’a dit
qu’il peut soigner un petit rhume ou une blessure, mais pas la thyroïde ni les maladies qui seraient liées à la radioactivité. Il m’a aussi montré une fiche « Avis sur le suivi de la santé
des habitants de Fukushima » délivrée par la préfecture de Fukushima.
5. Pour soigner les refugiés et les habitants de Fukushima, il faut absolument une autorisation de la préfecture de Fukushima qui dit que c’est
eux qui prennent l’entière responsabilité de la santé et de la radioactivité de tous les habitants « à vie ». C’est absurde ce qu’ils disent...
Une population cobaye : l’horreur en 2012
Le Japon a ainsi choisi délibérément de faire des expériences médicales pouvant causer la mort sur une partie de sa population.
Les gens de Fukushima et les réfugiés nucléaires sont devenus des indésirables ‒ tels les hibakusha suite aux bombardements de 1945 ‒ qui n’auraient pas les mêmes droits que les
autres citoyens. Malgré les résultats connus de la triste « expérience » de Tchernobyl, on laisse des centaines de milliers de personnes vivre en territoire contaminé, et on leur enlève
le droit de se faire examiner librement. Troisième crime impardonnable contre l’humain. MM Montebourg, Valls et consorts, c’est ça le bel avenir que vous nous promettez ? Le soutien
inconditionnel à l’énergie nucléaire fait glisser petit à petit nos sociétés vers la barbarie, sous couvert de raison d’état ou de raison économique. On sait parfaitement que les premiers cancers
de la thyroïde apparaîtront d’ici deux ou trois ans, mais on ne fait rien. On fait semblant de ne pas savoir. Tout cela est écœurant, révoltant. Les responsables de ces actes criminels devront
être jugés un jour.
Le programme ETHOS
Pire, le crime est organisé, et bien rôdé. On l’a déjà testé en Biélorussie de 1996 à 2001 et ça marche. Pourquoi ne pas
recommencer au Japon avec des moyens encore plus sophistiqués ? Le programme ETHOS, financé par l’Europe, qui visait entre autres au « développement d'une culture du risque
radiologique pratique au sein de la jeunesse par l'école » n’est autre qu’un programme destiné à faire accepter à la population de vivre dans une zone contaminée. La décontamination d’un
territoire qui a subi des retombées radioactives étant impossible et l’évacuation des habitants étant trop coûteuse, le village nucléaire international a trouvé la solution : faire croire à
la population qu’on peut vivre en zone contaminée sans danger. Résultat des courses : malgré le programme ETHOS dont tous les participants officiels se sont félicités de la réussite, la
courbe de progression des pathologies n’a cessé de croître et aujourd’hui, 40
à 80 % des enfants vivants en territoire contaminé dans la région de Tchernobyl sont malades.
Au Japon, on fait semblant de ne pas
savoir. On crée des programmes de décontamination qui ne marchent pas, on demande aux gens de retourner vivre chez eux, dans un environnement
radioactif permanent. Et surtout, on envoie M. Jacques Lochard, qui dirigeait le projet ETHOS en Biélorussie et qui est aujourd’hui président du CEPN (1), s’occuper des populations
japonaises ! Je vous laisse en compagnie du docteur Michel Fernex pour vous expliquer ce qu’il en est, sans langue de bois :
Il est clair que les Japonais doivent être sensibilisés aux dangers du programme ETHOS. Ce genre d’action est fait pour
neutraliser
les associations indépendantes et pour endormir la population avec des actions inefficaces. Et au final, on risque de se retrouver avec un détournement d’argent
public au profit d’une organisation qui ne sera même plus là pour compter les victimes dans quelques années.
(1) Le Centre d’étude sur l’Evaluation de la Protection dans le domaine Nucléaire (CEPN) est une association à but non lucratif, fondée en 1976, pour
évaluer la protection de l’homme contre les dangers des rayonnements ionisants, sous ses aspects techniques, sanitaires, économiques et sociaux.
Les membres actuels de l’Association sont au nombre de quatre : Electricité de France (EDF), l’Institut de Radioprotection et de Sûreté
Nucléaire (IRSN), le Commissariat à l’Energie Atomique et aux Energies Alternatives (CEA) et AREVA.
Un homme se bat
Pour conclure cet article, je ne peux m’empêcher d’évoquer le combat d’un homme, Nelson Surjon, Français expatrié au Japon avant la
catastrophe, réfugié nucléaire à présent, qui n’a jamais cessé de réclamer l’évacuation des enfants de Fukushima. Il a réalisé une série de 7 vidéos sur ce thème, en exposant la situation du Japon d’une manière remarquable et a lancé une pétition internationale pour demander l’évacuation des enfants de Fukushima. Il est
important de soutenir aussi ce combat en apportant son soutien ici, car les enfants sont les premières victimes du nucléaire : ils sont infiniment plus sensibles aux
radiations.
Sources :
- A propos du risque de cancérisation important des nodules thyroïdiens de l'enfant, « Les nodules thyroïdiens de l'enfant »
de R. Coutant du Département de Pédiatrie du CHU d'Angers, publié en 2002 dans la Revue internationale de pédiatrie : http://cat.inist.fr/?aModele=afficheN&cpsidt=13977118
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Annexe : la vraie nature de M. Yamashita !
Entretien avec Shunichi Yamashita
Où il est clair que la sauvegarde de l’économie prime sur la santé de la population
- Quel est l’objectif de l’examen?
- C’est un service que Fukushima offre pour assurer la santé des habitants, ce n’est pas du tout des recherches. D’après les estimations de
l’OMS, la dose de la radioactivité des habitants de Fukushima serait de 100 mSv au maximum, et on ne sait pas encore quelles conséquences une dose si petite aura sur le corps humain. Je dirai,
comme les autres scientifiques dans le monde, que cela devra être minime.
- Il y a de plus en plus des parents qui demandent une « seconde opinion » hors de
Fukushima...
- Il faudra faire quelque chose. Les soucis des parents sont différents de ceux des médecins. Je vais quand même les écouter avec respect et
j’essaie d’avoir une bonne relation avec eux.
- M. Yamashita, que pensez-vous des effets de la radioactivité sur nous ?
- Il faut attendre plus de 10 ans pour dire quelque chose là-dessus. Ce qui est important maintenant, c’est qu’il ne faut pas détériorer la
relation avec les habitants de Fukushima. Mais ce qui est plus important, c’est qu’il faut sauver le Japon, il faut que le Japon ne s’écroule pas. Après Tchernobyl, il y a eu de nombreux procès à
propos de l’état de santé, et les dédommagements a ruiné le budget national de l’Ukraine.
Texte original :
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−−検査の目的は。
◆県民の健康増進のための医療サービスで、決して調査研究ではない。WHO(世界保健機関)の推計で、福島住民の被ばく線量はどんなに高くても100ミリシーベルト。100ミリシーベルト以下の健康リスクは明らかには証明されていない、または非常に小さいというのが科学者の国際的合意だ。
−−県外でセカンドオピニオンを求める保護者が増えているが。
◆改善策を考えなければならない。医師の考え方とお母さんの立場にギャップがある。謙虚に声を聞き、信頼関係を築きたい。
−−放射線の影響をどう判断するのか。
◆小さながんも見つかるだろうが、甲状腺がんは通常でも一定の頻度で発症する。結論の方向性が出るのは10年以上後になる。県民と我々が対立関係になってはいけない。日本という国が崩壊しないよう導きたい。チェルノブイリ事故後、ウクライナでは健康影響を巡る訴訟が多発し、補償費用が国家予算を圧迫した。そうなった時の最終的な被害者は国民だ。
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Articles sur le sujet des problèmes thyroïdiens
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En savoir plus sur ETHOS au Japon
Exposé de Sunichi Tanaka
Rapport de Yoshiyuki Mizuno
Le site ETHOS in Fukushima