Suite à la parution en mars 2012 du livre de Jean-Louis Basdevant
« Maîtriser le nucléaire ; sortir du
nucléaire après Fukushima », Jean-Marc Royer en a réalisé une analyse critique qui a toute sa place dans le blog de Fukushima. Il y est relevé, entre
autres, que « deux des trois cœurs ont fondu, deux subissant une fusion totale avec percement des cuves et des soubassements : le melt-through et le melt-out redoutés ». Cette information, également donnée lors d’une conférence au CERN en août 2011 par J.-L. Basdevant, si elle est confirmée par l’auteur lui-même ou un autre
physicien nucléaire, devrait être à la une de tous les journaux !
En effet, jamais Tepco
n’a révélé l’existence d’un melt-out à Fukushima ! Les physiciens français auraient-ils accès à des informations confidentielles sur la catastrophe ? Le terme
melt-out, dans la
phrase citée, ne prête à aucune confusion puisqu’il y est expliqué comme la « fusion totale avec percement des cuves et des soubassements ». Les physiciens nucléaires connaissent-ils la vérité à ce sujet, laissant à Tepco et au gouvernement japonais le soin de la diffuser ? Si cela était le
cas, ce serait tout à l’honneur de J.-L. Basdevant, qui reste un pro-nucléaire convaincu, que de rompre ce silence coupable.
-oOo-
Maîtriser le nucléaire… ou fermer
toutes les centrales nucléaires du monde
par Jean-Marc Royer
Jean-Louis Basdevant, Ecole normale supérieure, Dr au CNRS, professeur honoraire
à l’école Polytechnique, a travaillé au CEA, au CERN, au Fermi National Laboratory, avait Georges Charpak pour ami et vient de publier un gros livre intitulé « Maîtriser le nucléaire ; sortir
du nucléaire après Fukushima ». Ce livre émane d’un
physicien qui, malgré les constatations accablantes qu’il fait à propos de Fukushima, réalise la prouesse de rester pro-nucléaire. Je ne recense ici que les chapitres 6 à 9, les autres, que j’ai
lus, traitant soit des bases de la physique nucléaire, soit … des réacteurs du futur (sic) et des dangers de la prolifération. Les citations, que je souligne parfois, sont en italique et sont
référées à la pagination du livre. A noter que si l’auteur n’abandonne pas son point de vue fondamental qui consiste en une expansion
illimitée de la maîtrise rationnelle [1], le
sous-titre précédent était : que sait-on et que peut-on faire après Fukushima ? On devine une évolution, certes infinitésimale, mais on se
demande si elle émane de l’auteur ou de l’éditeur. Synthèse et commentaires.
Un des soucis majeurs de JL
Basdevant, et comment pourrait-on l’éviter, concerne les accidents nucléaires.
« Une part notable du
déclenchement ou de l’aggravation de ces accidents provient de facteurs humains. Il y a bien entendu, des manques d’attention, ou des effets d’incompétence. Mais beaucoup de causes d’accidents
proviennent d’un excès de compétence et d’habitude forgé au cours du temps » p. 134. Ainsi apparaît en filigrane ce qui pose problème à l’industrie nucléaire :
entre le manque ou le trop de compétences, c’est l’être humain qui, quelle que soit sa conduite, ne serait pas à la hauteur de cette technoscience. Plus loin, JL Basdevant écrit, suite à
l’accident de Three Miles Island, « toutes les procédures de conduite accidentelle ont été revues avec une approche totalement nouvelle : ne
plus demander aux opérateurs de comprendre ce qui se passe (car il y a une très grande probabilité pour qu’ils se trompent, aussi compétents soient-ils), mais leur donner des actions à faire en
fonction des paramètres dont ils disposent : pression, température, niveaux d’eau, taux de radioactivité ou autres. C’est ce qui s’appelle « l’approche par états », qui est
aujourd’hui suivie dans de très nombreuses centrales nucléaires de par le monde » p. 140. Or c’est exactement la procédure qui était en vigueur à Fukushima. Mettre les inévitables
incidents propres à ces Macro-Systèmes Techniques [2] et au nucléaire sur le compte des êtres humains est une pratique courante depuis
cinquante-cinq ans, mais qui perd de sa crédibilité au fur et à mesure des catastrophes. A mieux y réfléchir, c’est de facto l’être humain que le nucléaire aimerait bien formater à l’aune de sa
démesure ou bien l’évincer de ses processus. Comme si l’homme était en trop, en quelque sorte.
Analyse de la catastrophe de
Fukushima
« D’une part, sa cause est un
phénomène naturel, il ne provient ni d’un malheureux concours de circonstances ni d’une absurdité bureaucratique. D’autre part, il est plus complexe,
plus total [que Tchernobyl] : il a impliqué plusieurs réacteurs ainsi que des piscines de refroidissement du combustible usagé » p. 152.
On peut s’interroger sur « les phénomènes naturels » en
question : qu’y a-t-il de naturel à installer une centrale le plus près possible du bord et du niveau de la mer ? Qu’y a-t-il de naturel à implanter des groupes électrogènes dans les
sous-sols des réacteurs ? Qu’y a-t-il de naturel à se contenter d’un mur de protection de 5,5 m de haut alors que des vagues de tsunamis cinq à sept fois plus hautes sont répertoriées
dans les archives : « En 2009, des géologues japonais avaient mis en garde contre le risque d’un tsunami majeur : ils rappelaient qu’en
1896 et en 1933, des vagues de 38m et 29m s’étaient abattues sur la côte du Japon. » p. 157. Qu’y a-t-il de naturel à implanter des centrales nucléaires dans un pays où se chevauchent
cinq plaques tectoniques (Tokyo se trouve sur une mini plaque découverte il y a peu) et qui enregistre 10% de l’ensemble des tremblements de Terre ? Qu’y a-t-il de naturel, de surcroît, à
les implanter sur la façade Est du pays, une des subductions tectoniques les plus actives de la planète ? Qu’y a-t-il de naturel enfin à édifier des centrales nucléaires lorsque l’on sait
qu’il est impossible de construire des bâtiments du type des réacteurs nucléaires qui soient capable de résister aux accélérations au sol [3] énormes qui se sont déjà produites et se reproduiront dans ce pays ?
Ma thèse est que si l’on veut comprendre l’état des choses au Japon (et en
France), il faut en rechercher l’explication dans son Histoire depuis 1945 : ces 55 réacteurs on été construits sur les failles de la mémoire !
« Lundi 14 et mardi 15 mars 2011. Cette émission soudaine et importante de fumée indiquait que le corium était bel et bien en contact avec l’eau
souterraine. Des pluies noires se produisent » p. 154.
« On a détecté une contamination au Plutonium en deux endroits de la centrale » p. 153. Une des explications plausibles de ce phénomène,
d’après Arnie Gundersen, c’est que le bâtiment N°3 a subi une puissante détonation d’Hydrogène combinée à un accident de criticité dans sa piscine de refroidissement. D’autre part l’étanchéité de
la cuve de ce réacteur, chargé en MOX depuis septembre 2010, a vraisemblablement été atteinte par l’énorme puissance de cette détonation.
« Lundi 28 mars 2011. On annonce un taux d’iode mille fois supérieur à la normale dans l’océan au voisinage immédiat de la centrale.
[…] cinq échantillons, ont mis en
évidence la présence de Plutonium 238, 239 et 240. La présence de Plutonium autour de la centrale de Fukushima est inquiétante, car elle prouve l’existence de fuites dans le cœur d’un
réacteur [et/ou d’accidents de criticité dans plusieurs piscines de refroidissement] » p. 156-7.
« Vendredi 1er avril 2011. Les nouvelles à propos du travail des liquidateurs de la centrale sont alarmantes. Six cent personnes travaillent dans
les décombres des réacteurs où l’on ne parle que de radioactivité élevée […] Plusieurs de ces travailleurs ont mené leurs
activités sans avoir été équipés de dosimètres […] encore une fois le ministère de la santé décide d’examiner le mode opératoire de la compagnie
Tepco. Les travailleurs dorment dans des salles de réunion ou dans les couloirs, s’enveloppant de couvertures contenant du plomb pour limiter l’exposition aux radiations » p. 158. En
fait, de nombreux journaux japonais ont rapporté l’activité de mafias japonaises qui recrutent des journaliers et des SDF, parfois de force, pour le compte de Tepco durant cette période. On se
doute des procédures de suivi médical de ces « travailleurs » plus que précaires. Entre les méthodes de recrutement des liquidateurs néolibérales ou soviétiques, il y a comme une
ressemblance : serait-ce une des caractéristiques principales de toute industrie nucléaire que de s’affranchir ainsi de toute préoccupation de santé publique ?
La cause : Séisme et
tsunami
« Une commission gouvernementale
d’enquête, présidée par le professeur Yotaro Hatamura, a été constituée par le gouvernement japonais pour étudier la catastrophe de Fukushima dans tous ses détails. Son premier rapport d’étape a
été publié le 26 décembre 2011. […] Le président de cette commission révèle que c’est le séisme et non le tsunami résultant qui a causé le désastre » p. 164-5. Mais Tepco, s’appuyant sur une
simulation informatique, continue d’affirmer que seul le tsunami est à l’origine de la catastrophe :
« dans l’analyse publiée dans
l’édition de septembre du magazine Kagaku (La Science), Mitsuhiko Tanaka [ancien ingénieur nucléaire qui a participé à la conception de l’équipement de
pressurisation du R4] critique la simulation informatique conduite par Tepco. [… Pour Tanaka]les temps
utilisés dans la simulation informatique pour les changements de niveaux d’eau dans l’équipement principal et [ceux utilisés pour simuler] les
changements de pression dans la cuve n’étaient pas ceux enregistrés en temps réel pendant le déroulement de l’accident. Il y a eu tricherie. La simulation de Tepco a été sciemment falsifiée par
des données contraires à la réalité : les temps utilisés dans cette simulation diffèrent énormément des temps réels mesurés. Ces derniers mènent à une forte probabilité qu’une partie
importante de la tuyauterie ait été endommagée par le tremblement de terre avant que le tsunami n’arrive » p. 172-73. Ce qui est confirmé par le fait connu que seuls les réacteurs sont
conçus avec des normes antisismiques importantes.
« Le séisme a endommagé les
réacteurs et les circuits. Un signal d’alerte aux radiations s’est déclenché sur le site avant l’arrivée du tsunami [4]. De nombreux témoignages de personnes présentes l’attestent. Le détecteur, réglé sur des
taux de radiation élevés, était situé à environ 1,5 km du réacteur N°1 et s’est mis en marche à 15h29, plusieurs minutes avant l’inondation par le tsunami. Ces faits on été connus des autorités
qui les ont volontairement passés sous silence » p.
165.
« L’affirmation que seul le
tsunami, d’une force exceptionnelle, était responsable du désastre a tout de suite constitué un dogme pour Tepco. En effet, l’hypothèse que le séisme lui-même aurait pu jouer un rôle important,
sans le déclenchement du tsunami, aurait suscité une méfiance sévère sur la fiabilité et la sécurité non seulement de Fukushima 1, […] mais sur toutes les centrales de la compagnie.
[…] Les autorités gouvernementales
elles-mêmes ont admis qu’il fallait éviter d’annoncer qu’un tremblement de terre pouvait endommager un réacteur nucléaire. Cela aurait déclenché une vague de méfiance, voire de panique, au Japon,
pays doté de cinquante réacteurs nucléaires et sujet à des séismes fréquents » p. 170-71.
Bilan de la catastrophe de
Fukushima
1 - « On sait maintenant que deux des trois
cœurs ont fondu, deux subissant une fusion totale avec percement des cuves et des soubassements : le melt-through et le melt-out redoutés » p. 159. Sans parler des piscines de refroidissement…
« Les explosions ont entraîné des
rejets radioactifs importants. Ces rejets ont d’abord été atmosphériques, puis par écoulement d’eau fortement contaminée [ils ont atteint]le milieu marin et, après
percement des cuves et radiers, le sol et les nappes phréatiques. […] Le gouvernement a demandé à Tepco de construire une barrière en ciment sous les
réacteurs pour stopper l’effusion du corium qui a atteint les nappes phréatiques et menace l’océan. Tepco a refusé en prétextant la lenteur de la diffusion, le coût de l’opération et le risque de voir sa cotation en Bourse s’effondrer. […] Le 24 mai Junichi Matsumoto, porte parole de Tepco,
a confirmé qu’en effet la fusion du cœur s’était produite dans les trois réacteurs [dès le 11 mars]. […]Le 7 juin, le gouvernement le reconnait dans
un rapport de 750 pages destiné à l’ONU » p. 168-9.
2 - « Un problème grave est celui de l’eau
contaminée qui inonde les bâtiments des réacteurs 1, 2 et 3 jusqu’à 1,5m de hauteur. Elle provient principalement des fuites et des débordements de l’eau de mer injectée par les
pompiers [qui] s’écoule
dans la mer et s’infiltre dans les sols, polluant la nappe phréatique » p. 159. « Comment se débarrasser de l’eau polluée hautement
radioactive qui s’est accumulée dans les bâtiments des réacteurs, les sous-sols et les fossés (environ 100 000 tonnes) » p. 174. « …
la contamination du sol, du sous-sol, des nappes phréatiques et, par conséquent, de tout le système de circulation d’eau douce par le césium 137, est unique en son genre. […] cela signifie qu’une fraction notable de l’eau douce peut rester impropre à la consommation comme à l’agriculture pendant deux siècles » p. 174. Des
phénomènes de la même ampleur se sont déjà produits à Mayak-Kychtym, Tomsk-7 et Krasnoïarsk-26 en Sibérie. Noter que cette « continuité historique »
pourrait aider JL Basdevant à prendre conscience de leur nature …
3 - « Le rejet radioactif en mer (estimé à
27 000 TéraBq par l’IRSN) représente le plus important apport ponctuel de radionucléides artificiels pour le milieu marin jamais observé. Il est vingt fois plus important que l’estimation
faite par l’opérateur japonais Tepco, publiée en juin. Dans la globalité du pacifique, cette quantité de césium serait deux fois supérieure aux retombées des essais nucléaires atmosphériques des
années 1960 » p. 173.
4 - « On est frappé par le degré d’amateurisme
et d’improvisation de l’organisation des secours et des mesures de sécurité face à l’accident et son développement. Cela contraste avec l’attitude légendaire du peuple japonais vis-à-vis des
tremblements de terre et des tsunamis. Le fait qu’il n’existe aucun protocole d’intervention bien défini, comme il en existe pour les incendies, les catastrophes ferroviaires ou dans l’industrie
chimique, est révélateur. Cette remarque vaut pratiquement pour tous les pays équipés d’installations nucléaires, sans quoi des propositions d’aide
auraient été faites » p. 174. Ainsi donc, nous
n’avons pas été les seuls à remarquer cette improvisation. La différence, c’est que nous pensons qu’elle est criminelle et devrait être jugée comme telle.
5 - Il est plus qu’incroyable que dans ce bilan JL
Basdevant ne dise pas un mot des énormes dangers que recèle la piscine de refroidissement du réacteur N°4, y compris dans la seconde édition du livre. Comme quoi il ne suffit pas d’être
scientifique pour être clairvoyant. Mais à ce niveau de myopie, c’est pour le moins une grave faute professionnelle, morale et philosophique.
Conclusions
1 - « C’est une contre-vérité accablante que
d’utiliser le désastre imminent du réchauffement climatique pour en justifier un autre [le désastre nucléaire] » p. 189. Voici
une remarque que nous ne pouvons qu’approuver, pourvu qu’elle ne soit pas oubliée dans la suite du raisonnement et ... du livre.
2 - [Mettre en place],« tout d’abord, des
protections contre le melt-out du corium, qui permettent à celui-ci de se refroidir en s’épanchant latéralement, sur une assise épaisse et de grande étendue latérale. […] Ensuite adapter des dispositifs puissants et autonomes de refroidissement d’urgence en cas de panne des systèmes prévus à cet effet. Ces deux adjonctions,
certainement coûteuses aux réacteurs déjà existants constituent un minimum indispensable. Si une raison quelconque empêche de les mener à bien, il faut arrêter le réacteur correspondant et
procéder à son démantèlement » p. 194. Chiche ! Nous prenons les paris, sans risque de nous tromper au vu du dernier rapport de l’ASN en ce qui concerne le parc français :
cette proposition ne sera suivie d’aucun effet. JLB sera-t-il pour autant aux avant-postes pour demander la fermeture immédiate de tous les réacteurs ? D’autant plus que quelques pages plus
haut il écrit : « Notons et c’est important, que le radier, c'est-à-dire la chape de béton sur laquelle repose l’enceinte de confinement de la
cuve, a une épaisseur de trois mètres, alors que, sur les REP du parc français, l’épaisseur correspondante n’est que d’un mètre » p. 162-3.
3 - « Le danger grave du nucléaire réside
pratiquement entièrement dans la fusion des cœurs ou, de façon équivalente, dans la sécurité et la fiabilité des systèmes de refroidissement et de contrôle éventuel du corium.
[…] La question des déchets est loin
d’être résolue, ni quant à sa technique ni quant à son prix. De façon inexorable, les déchets s’accumulent dans les piscines aux alentours des réacteurs ou dans des dépôts de fûts vitrifiés.
[…] une façon radicale de supprimer un symptôme est d’en supprimer la cause. La sortie pure et simple du
nucléaire est une solution à ce problème. Il apparaît de plus en plus vraisemblable que, pour un temps, (sic) c’est la seule. Elle aura un
coût, mais ce coût sera inférieur à celui de la persévérance dans le danger. Nos sociétés ne sont pas mûres pour utiliser l’électronucléaire dans les conditions technologiques actuelles, c’est à
dire avec des réacteurs REP ou REB actuellement en service dans le monde » p.191-192. Au-delà de ces rodomontades dont la vraie motivation s’affiche dans les lignes ci-dessous, il faut
bien entendre le premier fondement de cette soudaine radicalité : ce sont les sociétés humaines qui ne seraient pas mûres ! Gageons que les chercheurs en « Transhumanités »
sauront nous fabriquer des êtres à la mesure des industries nucléaires.
4 – Et voici le second fondement qui pointe le bout du nez : « En France, l’objectif de réduire la part du nucléaire de 75% à grosso modo 50% d’ici à 2025 ou 2030 est parfaitement tenable. Cela inclut, bien entendu, le
remplacement d’anciens réacteurs par des réacteurs EPR. Le futur du nucléaire sera, ensuite, beaucoup plus indécis. Il est tout à fait possible […] que le nucléaire s’estompe progressivement. Il est aussi possible qu’après un creux, il reparte de plus belle avec des réacteurs de la génération 4 ou 5, pourquoi
pas. Encore une fois : personne ne peut prévoir ce que sera la physique dans soixante ans ! » p. 191. Décidemment, ces scientifiques sont comme ces vieux staliniens qui ne
peuvent se résoudre à la chute du mur parce qu’elle met en cause non seulement toute leur vie, mais aussi toutes leurs anciennes valeurs. Rappelons juste à JL Basdevant que le dernier rapport de
la cour des comptes permet de comprendre que plus de 225 milliards d’euros 2010 ont été dépensés depuis 1945 pour tenter d’analyser et de circonvenir les
dangers recelés par le nucléaire, avec les brillants résultats que l’on connait.
5 - « Un collègue japonais me disait un
jour : si EDF et Areva sont tellement sûrs de leurs centrales, pourquoi ne pas en installer une sous la place de la Concorde ? Grâce à la cogénération, cela permettrait d’améliorer
considérablement le chauffage urbain à Paris » p. 191. Voilà
une remarque judicieuse que l’on aurait aimé entendre de la bouche de nos experts et de nos politiques gaulois !
6 - « Le plus grave est la pénétration de masses
radioactives dans les nappes d’eau souterraines et dans la mer à la suite du melt-out. La radioactivité s’épanche dans les nappes phréatiques. L’eau
douce, l’eau potable, l’eau de l’agriculture, vont devenir radioactives pendant trois cents ans sur une étendue considérable ! » p. 200. [De plus, Fukushima …] « est la première catastrophe civile qui se soit développée au contact de la mer ! L’évolution et l’issue de cet aspect des choses sont d’une importance
primordiale. Cet aspect avait été négligé, on le comprend, dans les bombardements d’Hiroshima et Nagasaki » p. 197. Cette remarque est intéressante car ces deux villes sont situées sur
un delta en bord de mer ; c’est un des multiples aspects que les commissions militaires états-uniennes se sont empressées « d’oublier » dans leurs études, dès septembre
1945.
7 - « Au vu des expertises et des témoignages
divers dont nous avons parlé, il est malheureusement probable que le maintien du parc nucléaire japonais dans l’état actuel de sa technologie a de fortes chances de transformer le pays en un
vaste marécage radioactif avant la fin du siècle » p. 184. On
aurait aimé que JL Basdevant en tire toutes les conséquences et sur tous les plans car tout ceci ne l’empêche pas de continuer à rêver, non pas au bonheur de l’humanité, ni à la manière d’éviter
les catastrophes à venir, mais plutôt à la génération IV et V des réacteurs nucléaires, à la maîtrise de la fusion thermonucléaire (chapitre X) et à la manière d’en faire bénéficier le
tiers-monde (p. 198). Les professeurs Folamour ont ceci de commun avec les vieux staliniens que le monde peut bien s’écrouler, ils continueront de penser de la même manière. Peut-on leur rappeler
ce que disait un scientifique un peu plus philosophe : on ne résout pas un ancien problème avec de vieux arguments. C’est la notion même d’énergie, comme vision prédatrice d’un monde fini
qu’il faudrait qu’ils commencent à remettre en cause, et en conséquence la notion de croissance illimitée [5].
Jean-Marc Royer, juin 2012
[2] Concept développé par le philosophe Alain Gras dans un livre
éponyme et que JL Basdevant confirme de facto : « Il est apparu qu’un accident de ce genre [TMI] provient de la conjonction inattendue et imprévisible de défaillances multiples dans un système complexe » p. 140. Et plus
loin : « L’accident de TMI est l’archétype de ce que Charles Perrow nomme les accidents normaux des systèmes complexes : des
accidents qui sont inévitables, quelque soit l’efficacité des systèmes de sécurité conventionnels » p. 182.
[3] Les effets d’un séisme ne sont pas seulement fonction de sa
magnitude, mais dépendent d’une foule de facteurs. Un des plus importants, est l’accélération au sol horizontale, qui fut énorme le 11 mars 2011. Consulter la documentation du bureau régional
géologique et minier à ce propos.
Qui est Jean-Marc Royer ?
Jean-Marc ROYER est diplômé de l’Ecole nationale d’aviation civile et de
l’université Paris-VIII en histoire, ex-cadre supérieur d’ADP, ancien dirigeant du syndicat des cadres CGT d’Orly, contributeur dans deux séminaires de l’EHESS, rédacteur du livre « La science,
creuset de l’inhumanité. Décoloniser l’imaginaire occidental » (cf. ci-dessous) et de l’appel : Hiroshima,
Tchernobyl Fukushima : des crimes contre l’Humanité.
Contact : jean-marc_royer (a) orange.fr
« La science, creuset de l’inhumanité. Décoloniser l’imaginaire occidental »
Jean-Marc Royer
En 1610, Galilée promeut un mode de connaissance qui se veut une lecture
mathématique de l'Univers. Face à lui, l'Eglise. Un long combat s'engage alors, lois contre lois. Un siècle et demi plus tard, tandis que naît la fabrique industrielle basée sur le charbon, les
philosophes optent pour ces "lumières". Ce savoir qui voulait mettre la subjectivité à distance aura réussi au-delà de toute espérance : c'est l'être humain que la rationalité calculatrice a
rendu obsolète.
« C’est un chant général que nous espérons, un cantique, orchestré par un Mikis Theodorakis sur
un livret de Patrick Chamoiseau, Edouard Glissant, Viviane Forrester, André Velter, Armand Gatti, Beaudoin de Bodinat. C’est d’un Sophocle, d’un Euripide ou d’un Eschyle dont nous aurions
besoin pour mettre en scène la tragédie, unique, que l’humanité et le monde sont en train de vivre. »
Table
des matières
Télécharger la présentation détaillée du livre « La science, creuset de l’inhumanité. Décoloniser l’imaginaire occidental »
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