Quand le bâtiment réacteur n°3 de Fukushima Daiichi a explosé le 14 mars 2011, il y avait 566 assemblages dans la piscine de refroidissement : 514 de combustible usé et 52 de combustible neuf. Depuis, ces 100 tonnes de combustible sont restées une menace dans un bâtiment déstructuré, malgré l’habillage récent, sans enceinte de confinement. Avec quelques années de retard par rapport aux prévisions, Tepco vient de commencer à retirer ces assemblages pour les transférer dans la piscine commune du site.
Or, malgré tous ses efforts de communication, Tepco n’a jamais expliqué la succession d’explosions qui ont eu lieu en 2011 dans ce bâtiment réacteur n°3 en provoquant l’émoi du monde entier. L’opérateur n’a pas plus montré l’état des combustibles de la piscine de refroidissement, sinon par de rares photos prises à quelques endroits de la piscine. C’est pourquoi il est intéressant de suivre l’évolution de ce transfert d’assemblages, opération qui est programmée pour durer deux ans.
PF
Comme pour le réacteur 4, Tepco a reconstruit une toiture sur le bâtiment détruit en 2011 et a installé de nouveaux équipements permettant le transfert : une machine de chargement de combustible qui transfère les assemblages et une grue sur pont roulant qui transporte les conteneurs du niveau 5 au niveau du sol.
Un crochet au bout d’un long bras permet de sortir chaque assemblage de son logement dans les paniers. Sept assemblages de combustible neuf ont été gérés du 15 au 23 avril 2019 ; ils ont été placés un à un dans un conteneur de transport à l'aide de la machine de chargement de combustible. Ce conteneur est un grand fût cylindrique blindé de plomb. Une fois chargé, il est fermé, sorti de la piscine et chargé sur un camion qui le mène à la piscine commune. Là, il est plongé dans l’eau, ouvert, et les assemblages sont placés dans un panier.
Ce transfert va prendre beaucoup de temps car le bâtiment réacteur 3 est encore fortement radioactif et tout se fait à distance avec des grues radiocommandées. Or ces manipulations nécessitent une très grande attention car tout se joue au millimètre ; il faut éviter tout choc ou précipitation. Voici une série de captures d’écran tirées d’une vidéo de Tepco montrant les différentes phases.
Les opérateurs travaillent à 500 m de distance de la piscine (capture vidéo Tepco). Il faut dire qu’il ne fait pas bon rester trop longtemps au bord de cette piscine où l’on enregistre toujours, malgré le nettoyage et la protection de l‘eau, une dose de plus de 700 µSv/h.
On remarque qu’il existe des dépôts solides clairs en forme de gouttes collés sur les parois extérieures du panier dont la taille varie entre 2 et 8 cm. Le site Simply Info estime qu’il s’agit de la même substance dont on a constaté visuellement la présence dans l’enceinte de confinement sous la cuve du réacteur en 2015. Simply Info explique qu’il pourrait s’agir d’éclaboussures de matière ressemblant à de la pierre ponce qui aurait pu se former avec la fonte du béton du fond de l’enceinte de confinement lors du melt-through. Cette hypothèse de formation de rhyolithe est intéressante ; toutefois, on imagine mal quel trajet auraient pu prendre ces éclaboussures entre le fond de l’enceinte de confinement et la piscine de combustible, alors que l’on a constaté que les dalles antimissiles surmontant de puits de cuve étaient restées en place.
Assemblage placé dans le conteneur de transfert dans la piscine de combustible du réacteur 3 (capture vidéo Tepco)
On remarque deux choses sur cette image de l’assemblage : 1. Sa base a une couleur noire puis une couleur grise différente de la couleur générale de l’enveloppe. Ces différences de couleur sont également visibles sur une autre image au moment de la sortie du conteneur d’un autre assemblage. Une hypothèse est que ce niveau noir corresponde à un niveau de vase en fond de piscine qui pourrait provenir de résidus qui sont tombés dans la piscine le jour de l’explosion ; on se souvient que le nuage provoqué par l’explosion principale était très sombre et que beaucoup de choses avaient atterri dans la piscine, dont la machine de chargement de combustible.
2. L’assemblage a subi une corrosion : on remarque deux trous. Etant donné qu’il s’agit d’assemblages de combustible neuf, on peut se demander de quelle manière ils ont pu être détériorés. Tepco nous donnera peut-être un jour une explication.
Le camion portant le conteneur s’approche de la piscine commune (capture vidéo aérienne Kyodo news).