Selon le Japan Times du 18 juin 2013, l’autorité de réglementation nucléaire japonaise (NRA) vient de faire savoir que, suite à l’inspection du bâtiment réacteur 1, le tremblement de terre du 11 mars 2011 n’aurait pas endommagé la tuyauterie du condenseur d’isolement, système qui permet le refroidissement du réacteur. Cette enquête a pour origine le constat d’une fuite d’eau qui aurait pu avoir causé l’arrêt du système de refroidissement avant l’arrivée du tsunami. Un ouvrier témoin avait affirmé que cette fuite n’était pas de la vapeur, ce qui signifie, selon ce média, qu'il serait peu probable que les tuyaux des condenseurs aient été endommagés, car ils sont censés contenir uniquement de la vapeur.
Pourtant, il y avait bien de la vapeur qui s’échappait de la centrale de Fukushima Daiichi au moment de l’arrivée du tsunami, évènement que j’ai pu observer récemment en visionnant une vidéo restée inaperçue jusqu’à maintenant.
J’ai trouvé ces images de la chaîne japonaise FNN au hasard de mes recherches. Elles ne semblent pas avoir été très diffusées, allez savoir pourquoi. C’est une vidéo de l’arrivée du tsunami sur la centrale de Fukushima Daiichi, vue du sud. La prise de vue est réalisée avec un téléobjectif, probablement depuis un éperon rocheux à 6 km au sud, ce qui permet d’avoir cet angle de vue. On voit les quatre cheminées du site nucléaire, l’unité n°4 qui est juste derrière la plus grosse cheminée en premier plan, l’unité 1 qui se dégage car décalée par rapport aux unités 2, 3 et 4, et les unités 5 et 6 en arrière-plan surélevé.
Ce qui est très intéressant dans cette vidéo, c’est sa relative netteté et les informations nouvelles qu’elle met au jour : hormis la violence des vagues frappant la falaise, on peut observer très nettement que le site, au niveau des unités 1-2-3-4, laisse échapper des panaches de vapeur provenant de deux endroits différents. Au temps 3’28, une réplique sismique a lieu et immédiatement se forme un énorme panache côté est. Il est possible qu’à ce moment-là, au moins un panneau-évent était déjà tombé et que la vapeur provenait directement de cette ouverture de sûreté. Cette observation tend à montrer qu’au moment du tsunami, il existait déjà une grande chaleur dans au moins un des bâtiments réacteurs et donc que le tsunami n’était pas responsable de ces rejets de vapeurs.
Ca démontre aussi que l’accident nucléaire a commencé au moment du séisme et non pas suite au tsunami, car en fonctionnement normal, une unité de production ne produit pas de tels panaches de vapeur. Il semble que dès 15h37, au moment de l’arrivée du tsunami, soit 3 quarts d’heure après le séisme, les réacteurs 1 et 2 avaient des problèmes de confinement.
Etant donné qu’il n’est pas possible qu’une piscine se soit déjà réchauffée à ce point en seulement 45 minutes, il est fortement probable que cette vapeur ce soit échappée soit du circuit de refroidissement, soit de l’enceinte de confinement.
Cette information est capitale car Tepco, le gouvernement et l’AIEA ont toujours affirmé que la catastrophe avait débuté avec le tsunami. A ce propos, seule la commission d’enquête indépendante de la Diète a émis des réserves sur les conclusions empressées des protagonistes du village nucléaire :
Nous concluons que TEPCO a été trop rapide à avancer le tsunami comme cause de l'accident nucléaire et à nier que le séisme ait causé des dégâts. Nous croyons que le séisme a probablement endommagé l'équipement nécessaire pour assurer la sécurité et qu’il est possible qu’il y ait eu une légère perte du liquide de refroidissement dans le réacteur 1. Nous espérons que ces points seront examinés de façon plus approfondie par une prochaine enquête.
Même si les deux catastrophes naturelles – le séisme et le tsunami qui a suivi - ont été les causes directes de l’accident, il reste plusieurs points dans le déroulement des événements qui n’ont pas été éclaircis. La raison principale en est que presque tout l’équipement directement lié à l’accident se trouve à l’intérieur de l’enceinte des réacteurs, qui sont inaccessibles et le resteront encore de longues années. Un examen complet et une analyse exhaustive sont donc impossibles actuellement.
TEPCO n’a cependant pas hésité à attribuer l'accident au tsunami, et à conclure que le séisme n'était pas responsable des dommages à l'équipement nécessaire à la sécurité (même s’il a ajouté « dans la mesure où l’information a pu être confirmée », une phrase qui apparaît dans les rapports de TEPCO au gouvernement et à l'AIEA). Cependant, sans preuve de fond, il est impossible de considérer le tsunami comme la cause directe de l’accident. La Commission estime qu'il s'agit là d'une tentative pour éviter toute responsabilité en mettant tout sur le compte de l’inattendu (la hauteur du tsunami), comme il est écrit dans le rapport intermédiaire, et non pas sur le séisme, plus prévisible.
Grâce à notre enquête, nous avons vérifié que les personnes impliquées étaient au courant du risque de séisme et de tsunami. En outre, les dommages causés au réacteur 1 ont été causés non seulement par le tsunami, mais aussi par le séisme, une conclusion établie après avoir examiné les faits suivants :
1) La plus grande onde de choc du séisme a frappé après l'arrêt automatique (SCRAM) [des réacteurs].
2) La JNES a confirmé la possibilité d’un accident localisé de perte de liquide de refroidissement.
3) Les opérateurs du réacteur 1 se sont inquiétés de la fuite de liquide de refroidissement de la soupape de sécurité.
4) La soupape de décharge ne fonctionnait pas.
En outre, il y a eu deux causes à la perte d'alimentation externe, toutes deux liées au séisme: il n'y avait pas de systèmes redondants et diversifiés, ni de résilience parasismique pour les alimentations électriques externes, et par ailleurs, le poste de transformation de ShinFukushima n'était pas résistant aux séismes.
Chronologie et analyse de la vidéo
14h46 : au moment du tremblement de terre, les alarmes fonctionnent normalement. Les barres de contrôle se relèvent automatiquement et mettent à l’arrêt les 3 réacteurs en fonctionnement. Les piscines se remplissent d’eau pour éviter toute surchauffe.
14h52 : un système de refroidissement de secours se met en route automatiquement. Les opérateurs estiment qu’un refroidissement trop rapide du cœur pourrait endommager la cuve et arrêtent le système. L’alerte au tsunami prédit une vague de 3 m à Fukushima.
15h27 : une première vague de 4 m arrive. La digue de la centrale étant à 5m70, cette première vague n’atteint pas les installations.
15h35 : une autre série de vagues d’une hauteur de 14 à 15 m inonde le bâtiment des turbines et percute la pompe d’eau de mer. 11 groupes électrogènes sur 12 sont mis hors service.
C’est à ce moment précis que commence la vidéo, et plus exactement quelques secondes plus tard.
Séquence 1 : 0:16 à 1:11 (c’est-à-dire 15:35:20 à 15:36:15)
Pour bien faire, il ne faut pas regarder les vagues impressionnantes qui ont lieu sur des falaises situées en premier plan à 3 km au sud de la centrale. Il faut fixer son attention sur le site nucléaire lui-même.
Mais avant tout, voici une analyse de la silhouette de l’usine nucléaire, on verra que la localisation précise des bâtiments réacteurs (BR) est importante à connaître pour situer les différents panaches.
Revenons à la chronologie fine.
15 :35 :21 : un panache de vapeur apparaît entre le BR1 et le BR2. Ce panache ne peut être confondu avec une vague car celui-ci se déplace lentement de l’ouest vers l’est, alors que l’eau d’un ressac projetée vers le haut retombe de manière verticale.
15:35:58 : un nouveau panache situé entre le BR1 et le BR2 confirme que de la vapeur fuit en masse.
La vidéo attachée à un timing (horaire local) s’arrête à 1:10, soit à 15:36:13 selon le timing visible au début de la séquence, puis flouté. Les autres séquences de la vidéo de FNN n’indiquent pas le timing, mais on peut l’évaluer en observant les évènements et le niveau de la mer.
Séquence 2 : 1:11 à 2:02
La deuxième séquence montre un zoom sur la centrale. On voit une vague se fracasser sur le côté sud-est de la centrale, mais la vision est insuffisante pour savoir où a lieu l’impact, qui probablement est situé plus au sud que ce qu’on pense.
Puis on voit un panache de vapeur semblant provenir de l’espace entre le BR1 et le BR2.
La mer est haute, mais il est difficile de savoir si la séquence 2 est antérieure ou postérieure à la séquence 1. Toutefois, selon le choix chronologique du montage de cette vidéo, il est probable que la séquence 2 soit postérieure à la séquence 1.
Un détail permet de faire un raccord avec la séquence suivante : une cheminée située sur le BR6 est en train de fumer à la fin de la séquence 2 (à partir de 1:40) et on la retrouve identique au début de la séquence 3. Le BR6, dont Tepco ne parle quasiment jamais, a donc eu aussi un problème suite au séisme qui a provoqué ou nécessité un relâchement de gaz.
Séquence 3 : 2:02 à 3:14
La mer est en train de se retirer, et une réplique a lieu à 2:04-2:06. Puis la vidéo passe en vitesse accélérée montrant l’océan reprendre sa place habituelle.
A 2:25, on observe encore un panache de vapeur, mais cette fois-ci provenant de l’arrière du BR1 (nord du bâtiment).
A 2:31, une image est insérée pour faire une comparaison du niveau de la mer pendant et après le tsunami. La vapeur est encore visible derrière le BR1 à 2:35.
Séquence 4 : 3:14 à 3:50
La mer est à un niveau bas. A 3:28, une grosse réplique secoue la caméra. Immédiatement, cela provoque le dégagement d’un gros panache de vapeur, provenant du côté nord du BR1. Qu’est-ce qui peut provoquer de la vapeur quand on le secoue ?
La réplique enregistrée est peut-être celle de 15h48 ou celle de 16h10.
Séquence 5 : 3:50 à 4:29
Zoom sur la côte et ses vagues. Vision tronquée et embrumée de la centrale.
Séquence 6 : 4:29 à 5:09
Vision générale de la côte rocheuse et ses vagues.
Conclusion
Ma conclusion aura la forme de questions :
Quelle est l’origine de ces panaches de vapeur, à deux endroits différents de la centrale ?
Pourquoi le BR6 a une cheminée qui dégage de la fumée peu après le tsunami ?
Quelle est la nature de ces rejets atmosphériques, et sont-ils volontaires ?
Tepco doit le savoir évidemment, pourquoi n’a-t-il jamais rien dévoilé sur ces sujets ?
Pourquoi cela reste-t-il caché ?
Cette vidéo compromettante pour l’industrie nucléaire ne va sans doute pas faire long feu. Amis de la vérité, sauvegardez-la avant que les nettoyeurs de la révision historique ne passent à l’action ! Je viens de me rendre compte que sur les 2 vidéos que je proposais dans un de mes premiers articles en avril 2011, 100% ont été supprimées (cf. ci dessous). C’étaient des comptes youtube, et à l’époque, je ne savais pas télécharger une vidéo. L’une montrait la vague arriver sur la centrale, l’autre montrait les dégâts causés sur les quais de la centrale. Encore un bel exemple de la « transparence » de l’industrie nucléaire.
Pierre Fetet