En écho au précédent article publié sur les problèmes de thyroïde au Japon, voici un autre article paru au début du mois de mars 2013 qui fait état d’un scandale dont on a peu parlé jusqu’à maintenant : celui des mesures trafiquées de la radioactivité. Ce problème est récurrent au Japon depuis la catastrophe de 2011, et semble être devenu la norme. Nous avions déjà rapporté cette pratique sur le site nucléaire même de Fukushima Daiichi où les balises ont été entourées de murs pour faire baisser les taux. Par ailleurs, dans la zone interdite, les autorités prêtent aux visiteurs des radiamètres sous-calibrés qui indiquent des mesures deux fois moindres que la réalité. Ce n’est pas une rumeur, Janick Magne l’a constaté lors de son dernier passage à Futaba en février 2013.
Les bornes gouvernementales destinées à informer en continu la population de la radioactivité ambiante ont subi le même traitement, ce qui permet de faire croire que tout va bien. L’article dont quelques extraits sont reproduits ci-dessous en témoigne. Il est paru le 8 mars 2013 dans le journal japonais Friday, hebdomadaire d'information généraliste édité par Kodansha. Son auteur, Kirishima Shun, a réalisé une enquête et il en livre ici les résultats.
« Succession d’anomalies thyroïdiennes chez les enfants: les vraies causes?!
Révélations exclusives: FUKUSHIMA, LES MESURES DE RADIATION OFFICIELLES ETAIENT DIVISEES PAR DEUX.
Sur 38 114 examens de la thyroïde dans la préfecture de Fukushima en 2011, 3 cancers déclarés, 7 cancers possibles.
Au comité d’Inspection de la Santé des Habitants de la Préfecture de Fukushima, formé le 13 février dans la ville de Fukushima, un rapport fit l’effet d’une bombe. Les anomalies ont été décelées sur des personnes de 15 ans de moyenne d’âge, habitant tous dans la même zone. Un cas de cancer de la thyroïde sur un million d’enfants est déjà considéré comme un taux élevé.
De plus, on ne connaît pas encore toute l’étendue des dégâts. Yoshida Kunihiro, président de l’association à but non lucratif Anshin-Anzen Project [Projet Confiance et Sécurité, ndt], qui s’occupe de collecter des informations sur les dégâts provoqués par l’accident de la centrale Daiichi, participe le 2 février à une inspection thyroïdienne à Fukushima-ville. Il pointe du doigt ces anomalies infantiles.
« Sur 80 personnes examinées, un adulte est en observation pour un possible cancer de la thyroïde, et des kystes ont été décelés chez 60% des autres personnes, enfants et adultes. Plus particulièrement chez les enfants qui font du sport dehors, et des garçons qui pratiquent le base-ball quotidiennement en avaient même plusieurs. Le médecin qui examinaient affirme lui-même: »jamais on ne constaterait autant de kystes en temps normal », craignant un lien de cause à effet avec l’accident nucléaire ».
Le pays a toujours soutenu qu’à l’écart de la centrale, les taux de radiation de la région sont bas et leur influence sur le corps humain est faible. Ce qui lui permet de maintenir cette affirmation, c’est, entre autre, la présence des « monitoring posts » (ci-dessous: « poste »), appareils de mesure de radiation à écran installés par le ministère de la recherche juste après l’accident dans chaque zone de la région. Les chiffres annoncés sur ces postes sont une sorte de certificat de vérité pour le pays.
Listes des postes / mesures publiques / mesures du journal. Remarque 1: les mesures sont données en µSv/h.
Remarque 2: la valeur en gras est la plus haute mesurée par le journal.
Pourtant, ces mesures se révèlent mensongères. Le Colloque sur le Problème de l’Irradiation Interne des Citadins et Scientifiques, un groupe de chercheurs et de médecins, a effectué ses propres mesures à proximité de 117 postes sur les 570 placés dans la préfecture de Fukushima, et a ainsi indiqué une faiblesse anormale des données numériques officielles. Un membre du colloque, monsieur Yagasaki Katsuma, professeur émérite à l’Université des Ryukyu, explique :
« Entre août et octobre de l’année dernière, quand on tendait un de ces compteurs portables de haute précision utilisés par l’administration, entre autres, vers un poste, les mesures affichées par le compteur étaient très hautes, près du double de celles affichées publiquement. Une différence de 51% quand les alentours avaient été décontaminées, et de 56% quand elles ne l’avaient pas été. Avec une telle différence, impossible de prétendre qu’on était dans le domaine de la simple erreur. »
(…)
La mère d’un enfant de 8 ans, habitante de Fukushima-ville, raconte, le visage inquiet :
« J’ai acheté mon propre compteur et je mesure les radiations réelles. Je n’ai donc aucune confiance dans les chiffres des postes. Mon enfant est cardiaque et je me fais du souci. S’il arrive quelque chose à sa thyroïde, on ne pourra pas utiliser de médicament trop puissant. Je ne sais plus quoi faire, je suis perdue. »
Les mesures données en µGy/h (micro gray) peuvent être considérées comme équivalentes à celles de notre compteur , µSv/h (micro sievert).
Les radiations que nous avons constatées par nous-mêmes sur 23 emplacements étaient pour la plupart le double de celles indiquées par les postes, avec une différence de 56% en moyenne. Il est très difficile de dire que les rectifications étatiques évoquées par M. Yagasaki aient été faites correctement. Pourtant la cellule de crise du ministère de la recherche se justifie ainsi: « nous avons replacé les postes à des endroits optimaux. Ils ont subi des révisions et leurs batteries ont été changées. Nous les avons réglés pour qu’ils affichent des valeurs 10% au-dessus de la réalité. C’est pourquoi nous ne réfléchissons à aucune disposition supplémentaire pour le moment ». Le professeur Yagasaki s’indigne de voir ainsi le ministère traiter les choses avec une telle désinvolture:
« La plaque de métal qui se trouve entre le sol et le poste ne pose-t-elle pas un problème de confinement fondamental? Le fait d’engager de coûteux travaux et ne rien voir changer n’est qu’un alibi pour pouvoir dire que des mesures ont été prises. »
Tant que le gouvernement ne fera pas la lumière sur les radiations, les dégâts s’étendront. Le danger continuera de plomber la vie des enfants de Fukushima. »
Kirishima Shun, Friday du 8 mars 2013, Kodansha.
(Traduction sakana ôji)
Article sur le même sujet sur Fukushima Diary :
[Official monitoring post] "Comparing with personal dosimeter is banned" | Fukushima Diary
It's widely known that the official monitoring posts manipulate the radiation reading to make it look less than actual. (cf, Japanese gov admitted monitored radiation level is indicated to be 10% ...