Comme pour des millions de Japonais et de Japonaises, le 11 mars 2011 a fait basculer Fonzy dans un nouveau monde, celui de l’angoisse de la radioactivité dans les aliments. Son témoignage rappelle que la catastrophe de Fukushima ne s’est pas arrêtée à l’ « arrêt à froid » des réacteurs décrété en décembre 2011, mais que 3 ans plus tard, la contamination est rampante. Le nuage radioactif est passé sur Tokyo et plus rien ne sera comme avant.
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« Ma vie a complètement changé depuis le 11 mars 2011 »
J’habite dans une banlieue de Tokyo, à 280 km de la centrale de Fukushima Daiichi. Ma vie a complètement changé depuis le 11 mars 2011 bien que le séisme n’ait guère touché la ville où j’habite.
J’ai mesuré le taux de la radioactivité avec mon compteur Geiger (qui m’a coûté 35 euros et qui ne mesure que les rayons gamma) presque tous les jours pendant la première année. Maintenant je ne mesure presque plus, parce que premièrement le taux n’est jamais extrêmement haut ; il oscillait entre 0,05 et 0,09 micro Sv /h. Deuxièmement j’ai trouvé une personne qui habite dans mon quartier et qui mesure le taux avec un compteur Geiger plus performant (qui mesure aussi les rayons bêta). Il publie ses résultats tous les jours sur Twitter, et selon lui c’est normalement entre 0,08 et 0,12 micro Sv /h. Troisièmement, de toute façon, je continue à vivre ici malgré le résultat des mesures de la radioactivité.
Je ne mange que des plats cuisinés chez moi, avec des produits en provenance soit de l’ouest du Japon, soit de l’étranger. Il y a très peu d’aliments dont les taux de césium soient mesurés bien que l’Etat ait promis de le faire. Avant, c’était mon plaisir de sortir manger dans un restaurant, mais maintenant c’est fini. Je n’achète plus de pain ni de sandwich un peu partout comme avant ; je ne fais plus confiance aux ingrédients. Ça fait trois ans que je ne mange plus de sushi, ni de shiitake, ni de fruits de bois. Je ne bois même pas le fameux thé vert japonais, parce que les feuilles risquent d’être fortement contaminées. Il m’arrive de devoir manger dans un restaurant avec des collègues qui se fichent de la radioactivité. C’est un cauchemar ! Je fais semblant de manger tout en écartant les aliments susceptibles d’être contaminés. Si seulement les autorités mesuraient les niveaux de contamination dans tous les produits ...
Le riz ‘White rice’ que j’achète chez White Food (http://www.whitefood.co.jp/) qui contrôle ses produits avec un détecteur à semi-conducteur CANBERRA GC2520 (jusqu'à 0,5 Bq/kg)
Normalement je ne dis pas ouvertement aux autres que je fais très attention à la radioactivité. Hélas, il y a très peu de gens qui soient vigilants. En plus, ce genre de remarques risque souvent de gâcher l’ambiance. Pourtant je n’ai pas envie de me taire. En tant que hibakusha (irradiée ou contaminée) de Fukushima, c’est mon devoir de témoigner de ce que j’ai vécu et de ce que je vis actuellement, et je continuerai de parler.
(à suivre)