18 juillet 2012 3 18 /07 /juillet /2012 00:39
anthropocène
Dans ce numéro, François Diaz Maurin, ancien ingénieur dans l'industrie nucléaire, présente un article très intéressant intitulé « Fukushima : limites anthropologiques à la complexité et risque d'effondrement sociétal ». En voici un large extrait, la suite pouvant être lue sur le site d’origine. Pour l’auteur, l'humanité ne semble plus capable de poursuivre son expansion telle que nous la connaissons depuis deux siècles en recourant au même mécanisme de complexification de la société.
Entropia, revue d’étude théorique et politique de la décroissance, consacre sa dernière édition « à l’appréhension de la catastrophe de Fukushima comme dévoilement de l’Anthropocène ».
 
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Fukushima : limites anthropologiques à la complexité et risque d'effondrement sociétal 
 
(Version de prépublication, se référer à la version de l’éditeur pour citation)
 
 
Anthropocène, complexité et énergie
 
 
 
L'Anthropocène, c'est l'ère de l'appropriation grandissante par l'homme de l'ensemble du système terrestre et de ses attributs à l’œuvre depuis la révolution industrielle à la fin du XVIIIème siècle. Mais l'Anthropocène c'est aussi l'ère de la complexification de la société au sens culturel du terme. Selon l'historien et anthropologue américain Joseph Tainter (1988) la complexité culturelle d'une société se mesure par sa différentiation structurelle et organisationnelle présentant plus d'éléments constitutifs (par exemple, de nouvelles institutions) et/ou plus de types d'éléments constitutifs (par exemple, de nouvelles fonctions au sein d'institutions existantes).
 
 
 
Dans la vision progressiste du développement des civilisations, le processus de complexification est souvent considéré comme intentionnel, c'est-à-dire comme étant le résultat de l'imagination de nos ancêtres et plus ou moins facilité par les circonstances du moment (Tainter, 2011). Selon cette même vision progressiste, la complexification de la société a lieu par ce qu'elle le peut. De la même façon qu'une jeune pousse émerge de la terre lorsque toute les conditions de température, d'humidité, de nutriments et de rayonnement solaire sont réunies, la complexification de la société devient possible lorsque de plus grandes quantités de ressources naturelles sont disponibles et que le surplus énergétique (quantité d'énergie délivrée à la société par le secteur de production d'énergie et dissipée ensuite au sein des autres secteurs) croît. La vision progressiste établit ainsi une relation linéaire de cause à effet entre énergie et complexité, considérant la première comme précédant la seconde et lui permettant d'émerger.
 
 
 
Pourtant, de nombreuses civilisations avant nous, comme la Rome Antique ou la Mésopotamie Ancienne, ont bénéficié d'un niveau d'organisation structurelle – et donc d'une complexité – relativement avancé (Tainter, 1988). Ces mêmes civilisations n'ont pour autant jamais bénéficié d'un surplus énergétique aussi important que celui dont notre « civilisation à haute énergie » (Smil, 2004) bénéfice depuis deux siècles. L'ère de l'Anthropocène représente à ce titre une période unique – et très courte – dans l'histoire de l'humanité. La relation linéaire de cause à effet entre énergie et complexité n'est donc pas suffisante pour expliquer le développement des civilisations anciennes.
 
 
 
Pour comprendre toute l'ambiguïté de cette relation entre énergie et complexité, il faut d'abord étudier le rôle essentiel que joue la complexité dans la durabilité d'une société. Selon Tainter (1988, 2004, 2011), qui a fait de cette question l'une de ses principales lignes de recherche, la complexité est un outil fondamental de résolution des problèmes rencontrés par une société et qui se dressent comme obstacles à son désir de continuité. Confrontée à de tels problèmes, la société développe alors de nouvelles technologies et institutions, ou ajoute des éléments constitutifs supplémentaires à celles déjà existantes, menant logiquement à sa complexification. La durabilité d'une civilisation dépend ainsi de sa capacité à résoudre les problèmes qu'elle rencontre à l'aide de ce processus de complexification tout en étant capable d'en absorber les contraintes (coûts financiers, énergétiques, etc.).
 
 
 
La relation entre énergie et complexité apparaît alors comme étant auto-catalytique, c'est-à-dire que la présence d'un surplus d'énergie permet à la complexité d'émerger (vision progressiste), complexité qui en retour produit de nouveaux types de problèmes qui n'existaient pas auparavant. Or, résoudre de tels problèmes requière une complexification supplémentaire de la société et donc un surplus d'énergie d'autant plus grand. Energie et complexité sont ainsi imbriquées dans une relation de causalité à double sens (réciprocité).
 
 
 
L'existence d'un surplus d'énergie étant une condition sine qua non à l'émergence de la complexité, celui-ci joue donc le rôle de contrainte limitative à cette relation de réciprocité et donc in fine à l'évolution d'une société complexe. Ce point, pourtant essentiel, n'est pas toujours bien compris dans les discussions ayant trait à la durabilité. Cela vient du fait que vivre à l'ère de l'Anthropocène où l'énergie est à la fois bon marché et abondante nous donne l'impression (biaisée) que ce surplus d'énergie est quelque chose de tout à fait normal et d'immuable. Rappelons-nous toutefois que ces périodes d'abondance énergétique ont été à la fois rares et de courte durée à l'échelle de l'histoire de l'humanité. Or, notre civilisation s'apprête à devoir affronter une double contrainte qui menace sa durabilité : la multiplication grandissante – et évidente – des problèmes et une crise énergétique globale réduisant sa capacité à résoudre ces problèmes.
 
 
 
 
 
Fukushima, complexité et énergie nucléaire
 
 
 
Dans ce contexte de l'Anthropocène, l'énergie nucléaire est de loin le système de génération d'énergie le plus complexe jamais conçu par l'homme. Il tient sa complexité de la nature même de cette source d'énergie à la fois très diluée à l'état primaire (minerai d'uranium) et très concentrée lors de la génération des vecteurs énergétiques (chaleur puis électricité) directement utilisable par la société. Toute la difficulté de la production d'électricité à l'aide de l'énergie nucléaire (fission) réside alors dans deux tâches suivantes : la concentration de l'uranium depuis son état naturel à son état de combustible (processus amonts de production du combustible) suivis du contrôle de cette énergie fortement concentrée (centrale nucléaire et processus avals de gestion des déchets). Ces deux étapes impliquent la multiplication des processus industriels, des capitaux (financiers, humains et matériels), des décisions, et de la connaissance scientifique indispensables pour faire fonctionner ce système énergétique. A titre de comparaison, l'exploitation des énergies renouvelables (rayonnement solaire, vent, marrées, etc.) qui sont également très diluées à l'état primaire ne requièrent que des efforts de concentration de façon à obtenir un vecteur énergétique (électricité) directement utilisable par la société, ce qui leur donne un avantage considérable par rapport à l'énergie nucléaire en terme de compétitivité biophysique (basée sur des données énergétiques et physique, et non pas sur des données monétaires comme c'est le cas des études économétriques conventionnelles).
 
 
 
L'énergie nucléaire est sans doute la source primaire d'énergie qui illustre le mieux l'ère hautement complexe qu'est l'Anthropocène. Cependant, comme tout système complexe, l'énergie nucléaire est également un système fragile comme récemment illustré par les accidents de Fukushima.
 
 
 
Le 11 mars 2011, un violent séisme suivi d'un fort tsunami s’abattaient sur la côte Est du Japon mettant en péril 4 des 6 unités appartenant au site de production d'électricité de Fukushima-Daiichi. Plus précisément, ce sont trois cœurs de réacteur qui sont entrés en fusion partielle, ainsi qu'une piscine de stockage de combustible usagés d'un autre réacteur qui a subi un incendie1  . L'ensemble de ces événements a obligé les autorités japonaises à classer la catastrophe nucléaire d'accident majeur – le niveau maximum sur l'échelle de l'INES (niveau 7) – toutefois plus d'un mois après le début des accidents. Il a d'ailleurs été largement admis que la gestion de la catastrophe nucléaire a démontré d'importantes lacunes que ce soit de la part de l'exploitant de la centrale TEPCO, des autorités japonaises ou de l'Agence Internationale de l'Energie Atomique (Brumfiel, 2011a) dont la principale conséquence a été le manque d'informations – parfois retenues intentionnellement (Taira et Hatoyama, 2011) – au sujet de l'état des réacteurs, de la situation sanitaire et de la radioactivité à l'échelle locale et globale. Cette mauvaise gestion de crise montre également la fragilité de ce système dont les enjeux et conséquences sont pourtant globaux.
 
 
 
Pour prendre la mesure de la gravité de la catastrophe, il ne suffit pas de regarder les conséquences immédiates des accidents (radioactivité dans l'air et évacuation des populations) – qui ne sont que la partie émergée de l'iceberg – mais bel et bien l'ensemble des conséquences sanitaires, économiques et sociales que ces accidents auront à long terme. Pour rendre la situation encore plus dramatique, les accidents ne peuvent pas encore à ce jour – l'article a été écrit en décembre 2011, soit près d'un an après le début des accidents – être considérés comme techniquement terminés et resteront actifs tant que les réacteurs ne seront pas complètement refroidis, ce qui est normalement prévu pour le début de l'année 2012 (Brumfiel, 2011b).
 
 
 
Compte tenu de l'ampleur de la catastrophe nucléaire de Fukushima, on est en droit – et même dans le devoir – de s'interroger sur les raisons d'une telle catastrophe. Qu'a-t-il permis la perte totale de contrôle sur ces centrales et qui en porte la véritable responsabilité ? Ces questions sont d'autant plus importantes puisqu'elles concernent la viabilité et la désirabilité de l'énergie nucléaire qui entend être une source d'énergie alternative dans un contexte de crise globale de l'énergie. Pour répondre à cette question, je propose de discuter deux aspects : les phénomènes naturels qui ont provoqué les accidents de Fukushima et les méthodes employées pour estimer les risques liés à ces phénomènes.
 
 
 
A l'origine de la catastrophe nucléaire de Fukushima, il y a deux phénomènes naturels : un séisme et d'un tsunami. C'est la combinaison de ces deux phénomènes naturels – bien connus des géologues pour être dans certains cas couplés entre eux – qui est le plus souvent annoncée comme étant la cause des accidents. Or, les dernières expertises font état du fait que le séisme, seul, aurait été responsable des principaux dommages causés à la centrale et notamment aux pompes de secours qui étaient déjà hors d'état de fonctionner avant le tsunami – information retenue intentionnellement par TEPCO et délivrée aux institutions gouvernementales seulement 6 mois après le début des accidents (Taira et Hatoyama, 2011). A ce stade, qu'un séisme seul – pourtant pris en compte dans les études de risques – soit la cause principale d'une telle catastrophe nucléaire réduit d'autant plus le caractère de « jamais vu » utilisé pour décrire la catastrophe naturelle. Certes, le séisme lui-même était d'une magnitude inégalée dans la région, il n'en est pas moins qu'un séisme de magnitude supérieure à 9.0 a lieu tous les 6 ans environ dans le monde. Cela démontre les limites des études de risques vis-à-vis des phénomènes naturels, que ce soit au niveau de leur localisation, de leur amplitude et de leur récurrence.
 
 
 
Ce type de scénario – séisme et/ou tsunami – est bien connu et régulièrement pris en compte dans les calculs de sureté des installations nucléaires. Pourtant, malgré leur prise en compte dans le cas des réacteurs de Fukushima, cela n'a pas empêché d'aboutir à l'une des pires catastrophes nucléaires depuis le début de son développement. Cela signifie que les hypothèses prises au moment du développement de ces réacteurs dans les années 1970 ne furent pas suffisantes pour contenir les événements survenant en 2011 au large du Japon. Nous sommes ici en présence d'un scénario à faibles probabilités mais à grandes conséquences pour l'homme et pour l'environnement. Cette très grande sensibilité aux hypothèses critiques est caractéristique des projets complexes et représente leur fragilité. La fragilité de la sûreté des réacteurs nucléaires peut se résumer ainsi : l'énergie nucléaire est sûre jusqu'à ce qu'un accident survienne. L'exploitation de centrales nucléaires actuelles implique ainsi une inévitable situation de dualité en passant d'une sûreté totale à une situation de chaos juste par le fait que certaines hypothèses critiques peuvent être dépassées.
 
 
 
L'implication des hypothèses de calculs comme source profonde des accidents de Fukushima – les deux événements naturels n'étant que les facteurs déclencheurs – fait donc indéniablement porter la responsabilité sur l'industrie nucléaire en charge de ces calculs, et sur les autorités de régulation en charge de leur validation. Plus largement ce sont les méthodes probabilistes utilisées pour évaluer les risques liés à ce type de phénomènes – naturels ou non – qui peuvent être critiquées. On peut se demander en effet si la conception de telles centrales est faite en pleine connaissance des risques encourus. La réponse est de toute évidence négative, puisque de telles études sont affectées par la présence inévitable de « véritable ignorance » – ou « incertitude » – que l'on doit différencier de la simple « indétermination probabiliste » (Knight, 1921 ; Diaz Maurin, 2011b). Le physicien Richard P. Feynman, lauréat du prix Nobel de physique, disait à ce sujet en 1963 qu' « il est d'une importance primordiale, afin de faire progresser [la science], que nous reconnaissions cette ignorance et ce doute » (Feynman, 1998). Cela s'applique également au domaine de la technologie et donc de l'énergie nucléaire pour laquelle il est essentiel de reconnaître la présence d'ignorance et d'en identifier les sources. Or, l'une des principales sources est l'ignorance systémique affectant l'ensemble des études de risques indépendamment du type de réacteur nucléaire – à la conception aussi avancée soit-elle2   – et de sa localisation (Diaz Maurin, 2011b). De telles études de risques conventionnelles basées sur des calculs probabilistes ne peuvent donc pas – et ne devraient pas – être utilisées dans des situations où la présence d'ignorance est avérée, comme dans le cas de la sûreté nucléaire. Et si c'est encore le cas, compte tenu de la présence inévitable d'ignorance – comme lorsque l'on mène un projet à large échelle pour la première fois – il n'est pas recommandé de seulement se baser sur l'avis de « l'expert » qui n'a pas plus de raison d'être immunisé contre l'ignorance que n'importe quelle autre personne.
 
 
 
La présence de « véritable ignorance » pose donc la question de la désirabilité de l'énergie nucléaire pour laquelle on ne peut connaître les risques encourus. Poursuivre l'expérience à grande échelle de l'énergie nucléaire, d'une part, tout en refusant d'admettre les sources d'ignorance évidentes, d'autre part, démontre une certaine fermeture d'esprit loin de la sagesse et de l'imagination que requière la gestion de la crise énergétique globale qui représente sans doute la plus grande menace de l'ère de l'Anthropocène.
 
 
 
En effet, rien n'indique que la transition énergétique et sociétale impliquant une diminution rapide de la qualité de l'énergie – et donc de la quantité disponible pour la société – se passe nécessairement sans heurts vis-à-vis de l'organisation sociétale actuelle (Smil, 2008, 2010 ; Tainter, 2004). Il semble même très probable que la transition énergétique s'accompagne d'un « effondrement sociétal » global.
 
 
 
 
 
Risque d'effondrement sociétal
 
 
 
La notion d'effondrement sociétal est familière des lecteurs d'Entropia qui lui a consacré son numéro 7 avec un dossier intitulé L'Effondrement : et après ? Toutefois, ce terme n'y était pas clairement défini. Par effondrement sociétal j'entends ici la perte rapide de la complexité sociale, politique et économique (Tainter, 2004). Ce type d'effondrement est un phénomène récurrent de l'histoire des civilisations et a été synonyme de leur déclin. Un tel effondrement sociétal, selon Tainter, apparaît lorsque la résolution des problèmes n'est plus possible par l'usage du processus de complexification de la société décrit précédemment. Or, même si l'on admet la thèse de Tainter à savoir que l'énergie n'est pas la cause première de l'effondrement des civilisations anciennes mais bel et bien leur incapacité à poursuivre dans la résolution des problèmes par le recours à toujours plus de complexité, on doit néanmoins se rappeler que la complexification d'une société n'est possible que parce qu'un surplus d'énergie croissant est disponible. C'est à ce titre que la crise énergétique globale – de par le déclin du surplus énergétique qu'elle impliquera – représente un véritable risque d'effondrement sociétal.
 
 
 
La question n'est alors plus de savoir si un effondrement de notre société est possible – l'histoire nous a montré que oui – ou de savoir ce qu'il y aura après l'effondrement – compte tenu de notre ignorance vis-à-vis de cette question et du caractère auto-évolutif et non planifiable d'une société – mais la question est avant tout autre chose de connaître les implications d'un tel processus d'effondrement, et notamment de savoir s'il est désirable, évitable et, si tel n'est pas le cas, de savoir comment s'y préparer.
 
(…)
 
 
 
 
 
 
1  Il est important de préciser qu'il s'agit bien de 4 accidents distincts du point de vue de la sûreté nucléaire (études de risques), et ce, bien que la cause initiatrice et que la centrale nucléaire soient les mêmes (Diaz Maurin, 2011a).
 
 
2  A ce titre, l'empressement de l'industrie nucléaire au lendemain des accidents de Fukushima pour annoncer à la population que les nouveaux réacteurs « auraient résisté à une telle situation » ne fait que repousser le seuil d'incertitude sans régler pour autant le problème de fond qu'est la présence d'incertitude. De plus, de telles déclarations sont complètement hors sujet puisque aucun de ces « nouveaux réacteurs » n'est en fonctionnement à l'heure actuelle dans le monde et il faudra attendre encore plusieurs dizaines d'années avant qu'ils représentent une part significative de la production d'électricité de la filière nucléaire – si toutefois ils étaient commandés, financés et finalement construits ce qui est de moins en moins envisagés dans les pays développés – et donc avant que l'on puisse les prendre en considération dans les discussions relatives à la sûreté nucléaire.
 
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Francois-Diaz-Maurin.jpgQui est François Diaz Maurin ?
 
Ancien ingénieur de l'industrie nucléaire en France et aux Etats-Unis, François Diaz Maurin  est aujourd’hui chercheur à l'Institut des Sciences et Technologies Environnementales (ICTA) à Université Autonome de Barcelone.
 
Contact : Francois.Diaz (a) uab.cat
 
 
 
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En savoir plus sur la revue Entropia
 
entropia12 c 370x590pxavbordf7622e-a6605« Loin de l’agitation médiatique et des surenchères de promesses électorales inhérentes au rituel quinquennal de l’Hexagone, cette publication semestrielle a choisi, pour sa douzième livraison, de consacrer son dossier à l’appréhension de la catastrophe de Fukushima comme dévoilement de l’Anthropocène. Notre ambition est ici de faire connaître à des lecteurs curieux et exigeants l’ampleur de la signification de ce mot nouveau qui, pour l’heure, reste largement méconnu. Cette ère est caractérisée par une espèce humaine devenue force géologique par la transformation systématique que ses activités font subir à la nature. Si Hiroshima en est le seuil, Fukushima sera-t-il le déclic qui détermine de nouveaux imaginaires, empêche l’amnésie et réveille l’insurrection devant l’illusion d’une croissance sans fin ? »
 
 
Sommaire du n°12
Anthopo(s)cène
 
La Grande Accélération
L’entropie, maladie mortelle de l’Anthropocène. Agnès Sinaï
Le concept d’Anthropocène, son contexte historique et scientifique.Jacques Grinevald
Le climat de l’Histoire : quatre thèses. Dipesh Chakrabarty
La faim de l’Anthropocène. Jean-Claude Besson-Girard
 
L’ère des démesures
Par-delà l’empire du marché, la technoscience. Simon Charbonneau
Géo-ingénierie : le retour des apprentis sorciers. Paul Lannoye
Pas de fin de l’Anthropocène sans fin du nucléaire. Xavier Rabilloud
 
L’effondrement et au-delà
Fukushima : limites anthropologiques à la complexité et risque d’effondrement sociétal. François Diaz Maurin
Ivan Illich au Japon. De Yokohama à Fukushima. Silvia Grünig Iribarren
Comment démanteler la mégamachine ? Philippe Bihouix
Depuis Fukushima : confirmation du désastre, lucioles d’espoir ? Marc Humbert
 
Intermezzo
Nécessité de la poésie
Poèmes extraits de Souffles du présent. Annie Salager
Poèmes inédits. Henri Droguet
 
Hors champ
Le Titanic de la technologie. Jean-Claude Dumoncel
 
Chronique des démesures ordinaires
Roulette russe planétaire. Entretien avec Pat Mooney
 
 
 

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24 juin 2012 7 24 /06 /juin /2012 14:29
basdevantSuite à la parution en mars 2012 du livre de Jean-Louis Basdevant « Maîtriser le nucléaire ; sortir du nucléaire après Fukushima », Jean-Marc Royer en a réalisé une analyse critique qui a toute sa place dans le blog de Fukushima. Il y est relevé, entre autres, que « deux des trois cœurs ont fondu, deux subissant une fusion totale avec percement des cuves et des soubassements : le melt-through et le melt-out redoutés ». Cette information, également donnée lors d’une conférence au CERN en août 2011 par J.-L. Basdevant, si elle est confirmée par l’auteur lui-même ou un autre physicien nucléaire, devrait être à la une de tous les journaux !
 
En effet, jamais Tepco n’a révélé l’existence d’un melt-out à Fukushima ! Les physiciens français auraient-ils accès à des informations confidentielles sur la catastrophe ? Le terme melt-out, dans la phrase citée, ne prête à aucune confusion puisqu’il y est expliqué comme la « fusion totale avec percement des cuves et des soubassements ». Les physiciens nucléaires connaissent-ils la vérité à ce sujet, laissant à Tepco et au gouvernement japonais le soin de la diffuser ? Si cela était le cas, ce serait tout à l’honneur de J.-L. Basdevant, qui reste un pro-nucléaire convaincu, que de rompre ce silence coupable.
 
 
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Maîtriser le nucléaire… ou fermer toutes les centrales nucléaires du monde
 
par Jean-Marc Royer
 
 
Jean-Louis Basdevant, Ecole normale supérieure, Dr au CNRS, professeur honoraire à l’école Polytechnique, a travaillé au CEA, au CERN, au Fermi National Laboratory, avait Georges Charpak pour ami et vient de publier un gros livre intitulé « Maîtriser le nucléaire ; sortir du nucléaire après Fukushima ». Ce livre émane d’un physicien qui, malgré les constatations accablantes qu’il fait à propos de Fukushima, réalise la prouesse de rester pro-nucléaire. Je ne recense ici que les chapitres 6 à 9, les autres, que j’ai lus, traitant soit des bases de la physique nucléaire, soit … des réacteurs du futur (sic) et des dangers de la prolifération. Les citations, que je souligne parfois, sont en italique et sont référées à la pagination du livre. A noter que si l’auteur n’abandonne pas son point de vue fondamental qui consiste en une expansion illimitée de la maîtrise rationnelle [1], le sous-titre précédent était : que sait-on et que peut-on faire après Fukushima ? On devine une évolution, certes infinitésimale, mais on se demande si elle émane de l’auteur ou de l’éditeur. Synthèse et commentaires.
 
Un des soucis majeurs de JL Basdevant, et comment pourrait-on l’éviter, concerne les accidents nucléaires.
« Une part notable du déclenchement ou de l’aggravation de ces accidents provient de facteurs humains. Il y a bien entendu, des manques d’attention, ou des effets d’incompétence. Mais beaucoup de causes d’accidents proviennent d’un excès de compétence et d’habitude forgé au cours du temps » p. 134. Ainsi apparaît en filigrane ce qui pose problème à l’industrie nucléaire : entre le manque ou le trop de compétences, c’est l’être humain qui, quelle que soit sa conduite, ne serait pas à la hauteur de cette technoscience. Plus loin, JL Basdevant écrit, suite à l’accident de Three Miles Island, « toutes les procédures de conduite accidentelle ont été revues avec une approche totalement nouvelle : ne plus demander aux opérateurs de comprendre ce qui se passe (car il y a une très grande probabilité pour qu’ils se trompent, aussi compétents soient-ils), mais leur donner des actions à faire en fonction des paramètres dont ils disposent : pression, température, niveaux d’eau, taux de radioactivité ou autres. C’est ce qui s’appelle « l’approche par états », qui est aujourd’hui suivie dans de très nombreuses centrales nucléaires de par le monde » p. 140. Or c’est exactement la procédure qui était en vigueur à Fukushima. Mettre les inévitables incidents propres à ces Macro-Systèmes Techniques  [2] et au nucléaire sur le compte des êtres humains est une pratique courante depuis cinquante-cinq ans, mais qui perd de sa crédibilité au fur et à mesure des catastrophes. A mieux y réfléchir, c’est de facto l’être humain que le nucléaire aimerait bien formater à l’aune de sa démesure ou bien l’évincer de ses processus. Comme si l’homme était en trop, en quelque sorte.
 
Analyse de la catastrophe de Fukushima
« D’une part, sa cause est un phénomène naturel, il ne provient ni d’un malheureux concours de circonstances ni d’une absurdité bureaucratique. D’autre part, il est plus complexe, plus total [que Tchernobyl] : il a impliqué plusieurs réacteurs ainsi que des piscines de refroidissement du combustible usagé » p. 152.
On peut s’interroger sur « les phénomènes naturels » en question : qu’y a-t-il de naturel à installer une centrale le plus près possible du bord et du niveau de la mer ? Qu’y a-t-il de naturel à implanter des groupes électrogènes dans les sous-sols des réacteurs ? Qu’y a-t-il de naturel à se contenter d’un mur de protection de 5,5 m de haut alors que des vagues de tsunamis cinq à sept fois plus hautes sont répertoriées dans les archives : « En 2009, des géologues japonais avaient mis en garde contre le risque d’un tsunami majeur : ils rappelaient qu’en 1896 et en 1933, des vagues de 38m et 29m s’étaient abattues sur la côte du Japon. » p. 157. Qu’y a-t-il de naturel à implanter des centrales nucléaires dans un pays où se chevauchent cinq plaques tectoniques (Tokyo se trouve sur une mini plaque découverte il y a peu) et qui enregistre 10% de l’ensemble des tremblements de Terre ? Qu’y a-t-il de naturel, de surcroît, à les implanter sur la façade Est du pays, une des subductions tectoniques les plus actives de la planète ? Qu’y a-t-il de naturel enfin à édifier des centrales nucléaires lorsque l’on sait qu’il est impossible de construire des bâtiments du type des réacteurs nucléaires qui soient capable de résister aux accélérations au sol [3] énormes qui se sont déjà produites et se reproduiront dans ce pays ?
Ma thèse est que si l’on veut comprendre l’état des choses au Japon (et en France), il faut en rechercher l’explication dans son Histoire depuis 1945 : ces 55 réacteurs on été construits sur les failles de la mémoire !
 
« Lundi 14 et mardi 15 mars 2011. Cette émission soudaine et importante de fumée indiquait que le corium était bel et bien en contact avec l’eau souterraine. Des pluies noires se produisent » p. 154. « On a détecté une contamination au Plutonium en deux endroits de la centrale » p. 153. Une des explications plausibles de ce phénomène, d’après Arnie Gundersen, c’est que le bâtiment N°3 a subi une puissante détonation d’Hydrogène combinée à un accident de criticité dans sa piscine de refroidissement. D’autre part l’étanchéité de la cuve de ce réacteur, chargé en MOX depuis septembre 2010, a vraisemblablement été atteinte par l’énorme puissance de cette détonation.
 
« Lundi 28 mars 2011. On annonce un taux d’iode mille fois supérieur à la normale dans l’océan au voisinage immédiat de la centrale. […] cinq échantillons, ont mis en évidence la présence de Plutonium 238, 239 et 240. La présence de Plutonium autour de la centrale de Fukushima est inquiétante, car elle prouve l’existence de fuites dans le cœur d’un réacteur [et/ou d’accidents de criticité dans plusieurs piscines de refroidissement] » p. 156-7.
 
« Vendredi 1er avril 2011. Les nouvelles à propos du travail des liquidateurs de la centrale sont alarmantes. Six cent personnes travaillent dans les décombres des réacteurs où l’on ne parle que de radioactivité élevée […] Plusieurs de ces travailleurs ont mené leurs activités sans avoir été équipés de dosimètres […] encore une fois le ministère de la santé décide d’examiner le mode opératoire de la compagnie Tepco. Les travailleurs dorment dans des salles de réunion ou dans les couloirs, s’enveloppant de couvertures contenant du plomb pour limiter l’exposition aux radiations » p. 158. En fait, de nombreux journaux japonais ont rapporté l’activité de mafias japonaises qui recrutent des journaliers et des SDF, parfois de force, pour le compte de Tepco durant cette période. On se doute des procédures de suivi médical de ces « travailleurs » plus que précaires. Entre les méthodes de recrutement des liquidateurs néolibérales ou soviétiques, il y a comme une ressemblance : serait-ce une des caractéristiques principales de toute industrie nucléaire que de s’affranchir ainsi de toute préoccupation de santé publique ?
 
La cause : Séisme et tsunami
« Une commission gouvernementale d’enquête, présidée par le professeur Yotaro Hatamura, a été constituée par le gouvernement japonais pour étudier la catastrophe de Fukushima dans tous ses détails. Son premier rapport d’étape a été publié le 26 décembre 2011. […] Le président de cette commission révèle que c’est le séisme et non le tsunami résultant qui a causé le désastre » p. 164-5. Mais Tepco, s’appuyant sur une simulation informatique, continue d’affirmer que seul le tsunami est à l’origine de la catastrophe :
« dans l’analyse publiée dans l’édition de septembre du magazine Kagaku (La Science), Mitsuhiko Tanaka [ancien ingénieur nucléaire qui a participé à la conception de l’équipement de pressurisation du R4] critique la simulation informatique conduite par Tepco. [… Pour Tanaka]les temps utilisés dans la simulation informatique pour les changements de niveaux d’eau dans l’équipement principal et [ceux utilisés pour simuler] les changements de pression dans la cuve n’étaient pas ceux enregistrés en temps réel pendant le déroulement de l’accident. Il y a eu tricherie. La simulation de Tepco a été sciemment falsifiée par des données contraires à la réalité : les temps utilisés dans cette simulation diffèrent énormément des temps réels mesurés. Ces derniers mènent à une forte probabilité qu’une partie importante de la tuyauterie ait été endommagée par le tremblement de terre avant que le tsunami n’arrive » p. 172-73. Ce qui est confirmé par le fait connu que seuls les réacteurs sont conçus avec des normes antisismiques importantes.
«  Le séisme a endommagé les réacteurs et les circuits. Un signal d’alerte aux radiations s’est déclenché sur le site avant l’arrivée du tsunami [4]. De nombreux témoignages de personnes présentes l’attestent. Le détecteur, réglé sur des taux de radiation élevés, était situé à environ 1,5 km du réacteur N°1 et s’est mis en marche à 15h29, plusieurs minutes avant l’inondation par le tsunami. Ces faits on été connus des autorités qui les ont volontairement passés sous silence » p. 165.
« L’affirmation que seul le tsunami, d’une force exceptionnelle, était responsable du désastre a tout de suite constitué un dogme pour Tepco. En effet, l’hypothèse que le séisme lui-même aurait pu jouer un rôle important, sans le déclenchement du tsunami, aurait suscité une méfiance sévère sur la fiabilité et la sécurité non seulement de Fukushima 1, […] mais sur toutes les centrales de la compagnie. […] Les autorités gouvernementales elles-mêmes ont admis qu’il fallait éviter d’annoncer qu’un tremblement de terre pouvait endommager un réacteur nucléaire. Cela aurait déclenché une vague de méfiance, voire de panique, au Japon, pays doté de cinquante réacteurs nucléaires et sujet à des séismes fréquents » p. 170-71.
 
Bilan de la catastrophe de Fukushima
1 - « On sait maintenant que deux des trois cœurs ont fondu, deux subissant une fusion totale avec percement des cuves et des soubassements : le melt-through et le melt-out redoutés » p. 159. Sans parler des piscines de refroidissement…
« Les explosions ont entraîné des rejets radioactifs importants. Ces rejets ont d’abord été atmosphériques, puis par écoulement d’eau fortement contaminée [ils ont atteint]le milieu marin et, après percement des cuves et radiers, le sol et les nappes phréatiques. […] Le gouvernement a demandé à Tepco de construire une barrière en ciment sous les réacteurs pour stopper l’effusion du corium qui a atteint les nappes phréatiques et menace l’océan. Tepco a refusé en prétextant la lenteur de la diffusion, le coût de l’opération et le risque de voir sa cotation en Bourse s’effondrer. […] Le 24 mai Junichi Matsumoto, porte parole de Tepco, a confirmé qu’en effet la fusion du cœur s’était produite dans les trois réacteurs [dès le 11 mars]. […]Le 7 juin, le gouvernement le reconnait dans un rapport de 750 pages destiné à l’ONU » p. 168-9.
 
2 - « Un problème grave est celui de l’eau contaminée qui inonde les bâtiments des réacteurs 1, 2 et 3 jusqu’à 1,5m de hauteur. Elle provient principalement des fuites et des débordements de l’eau de mer injectée par les pompiers [qui] s’écoule dans la mer et s’infiltre dans les sols, polluant la nappe phréatique » p. 159. « Comment se débarrasser de l’eau polluée hautement radioactive qui s’est accumulée dans les bâtiments des réacteurs, les sous-sols et les fossés (environ 100 000 tonnes) » p. 174. «  … la contamination du sol, du sous-sol, des nappes phréatiques et, par conséquent, de tout le système de circulation d’eau douce par le césium 137, est unique en son genre. […] cela signifie qu’une fraction notable de l’eau douce peut rester impropre à la consommation comme à l’agriculture pendant deux siècles » p. 174. Des phénomènes de la même ampleur se sont déjà produits à Mayak-Kychtym, Tomsk-7 et Krasnoïarsk-26 en Sibérie. Noter que cette « continuité historique » pourrait aider JL Basdevant à prendre conscience de leur nature …
 
3 - « Le rejet radioactif en mer (estimé à 27 000 TéraBq par l’IRSN) représente le plus important apport ponctuel de radionucléides artificiels pour le milieu marin jamais observé. Il est vingt fois plus important que l’estimation faite par l’opérateur japonais Tepco, publiée en juin. Dans la globalité du pacifique, cette quantité de césium serait deux fois supérieure aux retombées des essais nucléaires atmosphériques des années 1960 » p. 173.
 
4 - « On est frappé par le degré d’amateurisme et d’improvisation de l’organisation des secours et des mesures de sécurité face à l’accident et son développement. Cela contraste avec l’attitude légendaire du peuple japonais vis-à-vis des tremblements de terre et des tsunamis. Le fait qu’il n’existe aucun protocole d’intervention bien défini, comme il en existe pour les incendies, les catastrophes ferroviaires ou dans l’industrie chimique, est révélateur. Cette remarque vaut pratiquement pour tous les pays équipés d’installations nucléaires, sans quoi des propositions d’aide auraient été faites » p. 174. Ainsi donc, nous n’avons pas été les seuls à remarquer cette improvisation. La différence, c’est que nous pensons qu’elle est criminelle et devrait être jugée comme telle.
 
5 - Il est plus qu’incroyable que dans ce bilan JL Basdevant ne dise pas un mot des énormes dangers que recèle la piscine de refroidissement du réacteur N°4, y compris dans la seconde édition du livre. Comme quoi il ne suffit pas d’être scientifique pour être clairvoyant. Mais à ce niveau de myopie, c’est pour le moins une grave faute professionnelle, morale et philosophique.
 
Conclusions
1 - « C’est une contre-vérité accablante que d’utiliser le désastre imminent du réchauffement climatique pour en justifier un autre [le désastre nucléaire] » p. 189. Voici une remarque que nous ne pouvons qu’approuver, pourvu qu’elle ne soit pas oubliée dans la suite du raisonnement et ... du livre.
 
2 - [Mettre en place],« tout d’abord, des protections contre le melt-out du corium, qui permettent à celui-ci de se refroidir en s’épanchant latéralement, sur une assise épaisse et de grande étendue latérale. […] Ensuite adapter des dispositifs puissants et autonomes de refroidissement d’urgence en cas de panne des systèmes prévus à cet effet. Ces deux adjonctions, certainement coûteuses aux réacteurs déjà existants constituent un minimum indispensable. Si une raison quelconque empêche de les mener à bien, il faut arrêter le réacteur correspondant et procéder à son démantèlement » p. 194. Chiche ! Nous prenons les paris, sans risque de nous tromper au vu du dernier rapport de l’ASN en ce qui concerne le parc français : cette proposition ne sera suivie d’aucun effet. JLB sera-t-il pour autant aux avant-postes pour demander la fermeture immédiate de tous les réacteurs ? D’autant plus que quelques pages plus haut il écrit : « Notons et c’est important, que le radier, c'est-à-dire la chape de béton sur laquelle repose l’enceinte de confinement de la cuve, a une épaisseur de trois mètres, alors que, sur les REP du parc français, l’épaisseur correspondante n’est que d’un mètre » p. 162-3.
 
3 - « Le danger grave du nucléaire réside pratiquement entièrement dans la fusion des cœurs ou, de façon équivalente, dans la sécurité et la fiabilité des systèmes de refroidissement et de contrôle éventuel du corium. […] La question des déchets est loin d’être résolue, ni quant à sa technique ni quant à son prix. De façon inexorable, les déchets s’accumulent dans les piscines aux alentours des réacteurs ou dans des dépôts de fûts vitrifiés. […] une façon radicale de supprimer un symptôme est d’en supprimer la cause. La sortie pure et simple du nucléaire est une solution à ce problème. Il apparaît de plus en plus vraisemblable que, pour un temps, (sic) c’est la seule. Elle aura un coût, mais ce coût sera inférieur à celui de la persévérance dans le danger. Nos sociétés ne sont pas mûres pour utiliser l’électronucléaire dans les conditions technologiques actuelles, c’est à dire avec des réacteurs REP ou REB actuellement en service dans le monde » p.191-192. Au-delà de ces rodomontades dont la vraie motivation s’affiche dans les lignes ci-dessous, il faut bien entendre le premier fondement de cette soudaine radicalité : ce sont les sociétés humaines qui ne seraient pas mûres ! Gageons que les chercheurs en « Transhumanités » sauront nous fabriquer des êtres à la mesure des industries nucléaires.
 
4 – Et voici le second fondement qui pointe le bout du nez : « En France, l’objectif de réduire la part du nucléaire de 75% à grosso modo 50% d’ici à 2025 ou 2030 est parfaitement tenable. Cela inclut, bien entendu, le remplacement d’anciens réacteurs par des réacteurs EPR. Le futur du nucléaire sera, ensuite, beaucoup plus indécis. Il est tout à fait possible […] que le nucléaire s’estompe progressivement. Il est aussi possible qu’après un creux, il reparte de plus belle avec des réacteurs de la génération 4 ou 5, pourquoi pas. Encore une fois : personne ne peut prévoir ce que sera la physique dans soixante ans ! » p. 191. Décidemment, ces scientifiques sont comme ces vieux staliniens qui ne peuvent se résoudre à la chute du mur parce qu’elle met en cause non seulement toute leur vie, mais aussi toutes leurs anciennes valeurs. Rappelons juste à JL Basdevant que le dernier rapport de la cour des comptes permet de comprendre que plus de 225 milliards d’euros 2010 ont été dépensés depuis 1945 pour tenter d’analyser et de circonvenir les dangers recelés par le nucléaire, avec les brillants résultats que l’on connait.
 
5 - « Un collègue japonais me disait un jour : si EDF et Areva sont tellement sûrs de leurs centrales, pourquoi ne pas en installer une sous la place de la Concorde ? Grâce à la cogénération, cela permettrait d’améliorer considérablement le chauffage urbain à Paris » p. 191. Voilà une remarque judicieuse que l’on aurait aimé entendre de la bouche de nos experts et de nos politiques gaulois !
 
6 - « Le plus grave est la pénétration de masses radioactives dans les nappes d’eau souterraines et dans la mer à la suite du melt-out. La radioactivité s’épanche dans les nappes phréatiques. L’eau douce, l’eau potable, l’eau de l’agriculture, vont devenir radioactives pendant trois cents ans sur une étendue considérable ! » p. 200. [De plus, Fukushima …] « est la première catastrophe civile qui se soit développée au contact de la mer ! L’évolution et l’issue de cet aspect des choses sont d’une importance primordiale. Cet aspect avait été négligé, on le comprend, dans les bombardements d’Hiroshima et Nagasaki » p. 197. Cette remarque est intéressante car ces deux villes sont situées sur un delta en bord de mer ; c’est un des multiples aspects que les commissions militaires états-uniennes se sont empressées « d’oublier » dans leurs études, dès septembre 1945.
 
7 - « Au vu des expertises et des témoignages divers dont nous avons parlé, il est malheureusement probable que le maintien du parc nucléaire japonais dans l’état actuel de sa technologie a de fortes chances de transformer le pays en un vaste marécage radioactif avant la fin du siècle » p. 184. On aurait aimé que JL Basdevant en tire toutes les conséquences et sur tous les plans car tout ceci ne l’empêche pas de continuer à rêver, non pas au bonheur de l’humanité, ni à la manière d’éviter les catastrophes à venir, mais plutôt à la génération IV et V des réacteurs nucléaires, à la maîtrise de la fusion thermonucléaire (chapitre X) et à la manière d’en faire bénéficier le tiers-monde (p. 198). Les professeurs Folamour ont ceci de commun avec les vieux staliniens que le monde peut bien s’écrouler, ils continueront de penser de la même manière. Peut-on leur rappeler ce que disait un scientifique un peu plus philosophe : on ne résout pas un ancien problème avec de vieux arguments. C’est la notion même d’énergie, comme vision prédatrice d’un monde fini qu’il faudrait qu’ils commencent à remettre en cause, et en conséquence la notion de croissance illimitée [5].
 
Jean-Marc Royer, juin 2012
 
 
______________________________________________
 
[1] Concept philosophique de Cornélius Castoriadis exposé entre autres livres dans Le monde morcelé, Paris, Seuil, 1990.
 
[2] Concept développé par le philosophe Alain Gras dans un livre éponyme et que JL Basdevant confirme de facto : « Il est apparu qu’un accident de ce genre [TMI] provient de la conjonction inattendue et imprévisible de défaillances multiples dans un système complexe » p. 140. Et plus loin : « L’accident de TMI est l’archétype de ce que Charles Perrow nomme les accidents normaux des systèmes complexes : des accidents qui sont inévitables, quelque soit l’efficacité des systèmes de sécurité conventionnels » p. 182.
 
[3] Les effets d’un séisme ne sont pas seulement fonction de sa magnitude, mais dépendent d’une foule de facteurs. Un des plus importants, est l’accélération au sol horizontale, qui fut énorme le 11 mars 2011. Consulter la documentation du bureau régional géologique et minier à ce propos.
 
[4] Japan’s Fukushima Reactor May Have Leaked Radiation Before Tsunami Struck, By Yuji Okada, Tsuyoshi Inajima and Shunichi Ozasa. http://www.bloomberg.com/news/2011-05-19/fukushima-may-have-leaked-radiation-before-quake.html
 
[5] Certains scientifiques seraient bien avisés de tirer toutes les conséquences de ce qu’il faut nommer le principe entropique, issu du second principe de la thermodynamique, lequel est l’objet d’un gigantesque « trou de mémoire » dont les effets sont phénoménaux.
 
 
 

 

 

Jean-Marc Royer-copie-1Qui est Jean-Marc Royer ?

Jean-Marc ROYER est diplômé de l’Ecole nationale d’aviation civile et de l’université Paris-VIII en histoire, ex-cadre supérieur d’ADP, ancien dirigeant du syndicat des cadres CGT d’Orly, contributeur dans deux séminaires de l’EHESS, rédacteur du livre « La science, creuset de l’inhumanité. Décoloniser l’imaginaire occidental » (cf. ci-dessous) et de l’appel :  Hiroshima, Tchernobyl Fukushima : des crimes contre l’Humanité.

Contact : jean-marc_royer (a) orange.fr

 

 

 

La science, creuset de l’inhumanité. Décoloniser l’im« La science, creuset de l’inhumanité. Décoloniser l’imaginaire occidental »

 

Jean-Marc Royer

 

En 1610, Galilée promeut un mode de connaissance qui se veut une lecture mathématique de l'Univers. Face à lui, l'Eglise. Un long combat s'engage alors, lois contre lois. Un siècle et demi plus tard, tandis que naît la fabrique industrielle basée sur le charbon, les philosophes optent pour ces "lumières". Ce savoir qui voulait mettre la subjectivité à distance aura réussi au-delà de toute espérance : c'est l'être humain que la rationalité calculatrice a rendu obsolète.

 

« C’est un chant général que nous espérons, un cantique, orchestré par un Mikis Theodorakis sur un livret de Patrick Chamoiseau, Edouard Glissant, Viviane Forrester, André Velter, Armand Gatti, Beaudoin de Bodinat. C’est d’un Sophocle, d’un Euripide ou d’un Eschyle dont nous aurions besoin pour mettre en scène la tragédie, unique, que l’humanité et le monde sont en train de vivre. »

 

Table des matières

 

Télécharger la présentation détaillée du livre « La science, creuset de l’inhumanité. Décoloniser l’imaginaire occidental »

 

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23 juin 2012 6 23 /06 /juin /2012 10:59

 

Bertell.jpg“Il n’y a rien de tel qu’une exposition à la radioactivité pour faire des dégâts. La probabilité que les cellules soient endommagées est de 100%. La question suivante est : de quelle atteinte vous souciez-vous ?”  Dr. Rosalie Bertell, 1990

 

Eminente scientifique américaine et expert international sur le rayonnement, la militante écologiste Rosalie Bertell est décédée le 14 juin 2012. Elle avait 83 ans. Voici quelques extraits d’un article la présentant sur le site Global Research (1).

 

 

En 1985, son premier livre, " No Immediate Danger: Prognosis for a Radioactive Earth ", a été publié à Londres et acclamé par la critique. Le livre décrit en détail les effets de la radioactivité - pas seulement les taux élevés de cancers incurables - mais aussi la façon dont l’exposition aux rayonnements ionisants (pénétrants et créés par l'homme) affecte le corps humain. En 1986, Rosalie Bertell faisait partie de l'équipe d'enquête sur Tchernobyl, et elle a travaillé avec des milliers de survivants de la catastrophe du réacteur nucléaire.

 

Dans un discours prononcéen 1990 à Oslo, en Norvège, elle notait que la radioactivité augmente la susceptibilité à « beaucoup de maladies différentes, y compris les déficiences du système immunitaire, les malformations congénitales, les fausses couches, les maladies chroniques à long terme, les mutations génétiques (ce qui implique des atteintes continues et la dégradation du patrimoine génétique, c’est-à-dire de l'avenir), ainsi que les leucémies et autres maladies du sang. »

 « Prenez par exemple un seul atome de plutonium dans un tissu pulmonaire. En se désintégrant, il projette des particules d'énergie à travers des cellules vivantes. Comme vous le savez, une cellule n'est pas vide ; c’est un système vivant rempli de différents types de matière, avec des tâches distinctes à effectuer dans le corps. Nous ne pouvons rien ressentir de cette désintégration au niveau cellulaire. Mais elle provoquera des dégâts.... Le dégât qui est susceptible de causer le plus de problèmes dans un système global comme l’être humain, c’est le dégât qui frappe le noyau de la cellule. Parce qu’à l'intérieur du noyau, il y a le matériel chromosomique qui conserve le modèle de ce que doit faire la cellule. Si vous changer cela, vous changez ce que la cellule produit. Si vous modifiez une cellule, et qu’elle est encore capable de se reproduire, cela fera deux cellules avec des chromosomes endommagés, ce qui peut provoquer une croissance exponentielle de cellules qui ne travaillent plus correctement. »

(…)

 

En 2007, « Tchernobyl : L'héritage caché » de Pierpalo Mittica est publié. Rosalie Bertell en était l'un des co-auteurs. Elle y a contribué par un important rapport sur la dévastation que ce réacteur nucléaire continue de provoquer sur la population ukrainienne ainsi que sur le reste du monde. Comme pour la terrible catastrophe nucléaire de Fukushima en 2011, la quantité de radioactivité reste avec nous pour toujours ; non seulement pour la population japonaise, mais pour le monde entier.

(…)

 

À 83 ans, et malgré une maladie grave ces deux dernières années, Rosalie Bertell était toujours active, « écrivant des articles et répondant au courrier, travaillant avec le grand public pour continuer à l’informer sur les risques et les dangers des essais environnementaux militaires et l’industrie nucléaire ». Elle considère que sa récompense la plus gratifiante fut d'avoir « découvert tant de personnes sensées, concernées à travers le monde, qui demandent seulement à mener une vie décente et à élever paisiblement leurs enfants, en partageant les richesses de la planète avec tout le monde et avec tous les êtres vivants ! J'ai trouvé ces gens-là dans chacun des plus de 60 pays où j'ai travaillé. Les gens ordinaires savent que  nos politiques environnementales actuelles sont basées sur la cupidité, qu’elles ne sont pas faites pour les êtres vivants et ne sont pas durables. »

 

 Lire l'article complet en anglais 

 

 

 

 

Rosalie-Bertell.jpgQui est Rosalie Bertell ?

Sœur des Nonnes Grises du Sacré-Cœur, Rosalie Bertell était titulaire de cinq doctorats honoris causa. Elle comptait, parmi ses nombreuses récompenses, le Prix Right Livelihood1986, connu sous le nom de Prix Nobel Alternatif ; le Prix de la Paix du mouvement World Federalist ; le Prix Innovateur pour la Santé du Conseil de la Santé du Premier Ministre de l’Ontario ; le Prix du Programme pour l’Environnement Global500 des Nations Unies et le Prix Sean Mac Bride International de la Paix. En 2005, elle a été l'une des 1000 Femmes de Paix nominées pour le Prix Nobel de la Paix. Elle a publié plus de 100 articles, et fut rédactrice de la revue « Perspectives Internationales en matière de Santé Publique ».

 

 

 

 

ber dangerLe premier livre de Rosalie Bertell  : No Immediat Danger ? Prognosis for a Radioactive Earth, paru en 1985, a été traduit et publié en français en 1988 (2ème tirage en 1989) sous le titre Sans danger immédiat ? L'avenir de l'humanité sur une planète radioactive  (Ed. La pleine Lune). Il est encore possible de se le procurer.

 

 

 

 

 

 

(1) Merci à Cécile Monnier pour la traduction française !

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En savoir plus sur les travaux de Rosalie Bertell

 

 

Articles

 

Fukushima nuclear Catastrophe : a Message from Dr. Rosalie Bertell  ( 3-24-11)
http://www.rense.com/general93/fuk.htm

 

Chernobyl: An Unbelievable Failure to Help

(International Journal of Health Services, Volume 38, Number 3, Pages 543-560, 2008)

Tchernobyl : L'Incroyable Echec de l'Aide Humanitaire
une critique des Trois Agences ONUsiennes : AIEA, OMS et UNSCEAR
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Article à télécharger  >>> ici (en anglais) <<< ou >>> là (en français) <<< 




Vidéos

1)   Rosalie Bertell   presentation at the IICPH's 25th anniversary celebration.
(International Institute of Concern for Public Health). Recorded in Toronto, Ontario, September 19, 2009. (4 videos)

IICPH's 25th - Rosalie Bertell - part 1

Rosalie Bertell part des études d' Alice Stewart (anglaise) , études de l'épidémiologiste J.F Viel ( français)  autour de la Hague, études allemandes  Spix, Korblein  et coll autour des centrales allemandes en fonctionnement normal

http://www.youtube.com/watch?v=uSS7T33pLk8&feature=relmfu


IICPH's 25th - Rosalie Bertell - part 2

étude sur les faibles doses sur le cerveau de Loganosky  (Ukraine ), effets neurologiques.

http://www.youtube.com/watch?v=C9H8oJsWU0g&feature=relmfu


IICPH's 25th - Rosalie Bertell - part 3

conséquences sanitaires dû à l'utilisation Uranium appauvri : guerre du Golf  en Irak,
 les différents effets de rayonnement Alaph, bêta, gamma , les effets de proximité ( bystander effect)

http://www.youtube.com/watch?v=d_PHOR35zq4&feature=relmfu


IICPH's 25th - Rosalie Bertell - part 4

propositions pour le futur.

http://www.youtube.com/watch?v=hLi_SdFb-LQ&feature=relmfu

2) Rosalie Bertell - Planet Earth Weapon (3 parties)

 

Rosalie Bertell - Planet Earth Weapon - Part 1/3

http://www.youtube.com/watch?v=MX4135On36E&feature=related

Rosalie Bertell - Planet Earth Weapon - Part 2/3

http://www.youtube.com/watch?v=1utheAlBGaE&feature=relmfu

Rosalie Bertell - Planet Earth Weapon - Part 3/3
http://www.youtube.com/watch?v=HzWPoltsC8Y&feature=relmfu


3) Chemtrails: Sr. Rosalie Bertell, PhD

http://www.youtube.com/watch?v=hh4iS_P5aBw&feature=related

Présentation de son livre : Planet Earth : the latest weapon of war , a critical study into the military and the environment

4) DEPLETED URANIUM IN THE HUMAN BODY - Rosalie Bertell, PhD

http://www.youtube.com/watch?v=FzsR0M1Eu90




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21 juin 2012 4 21 /06 /juin /2012 22:10

explosion3J’ai eu mal aux oreilles ce matin en écoutant, sur les ondes de France-Inter, notre nouveau président de la république française. Il s’était déplacé hier au sommet de Rio+20 pour faire un discours dont voici un extrait :

« Personne ne peut gagner seul contre les autres la grande bataille de l'environnement. Ou nous la gagnerons ensemble, ou nous la perdrons ensemble.

Etre un responsable public utile, c'est d'être capable de parler au nom de la planète et de préparer l'avenir. Nous sommes tous conscients ici, et je ne vous apprendrai rien, que nous sommes mortels, mais notre dignité d'homme et de femme, c'est de permettre à d'autres de vivre après nous et mieux que nous. »

 

D’abord on préfèrerait qu’il parle en notre nom plutôt qu’au nom de la planète, parce qu’une fois notre espèce disparue, la planète continuera à exister sans peine. Le problème, ce n’est pas la planète, c’est l’homme.

 

Ensuite, la « grande bataille de l’environnement », elle se trouve actuellement à Fukushima : une malheureuse secousse un peu trop forte risque de faire basculer notre monde dans un enfer radioactif mondial. La priorité devrait être là pour tous les chefs d’états : éviter que cet évènement n'arrive. Toutes les intelligences devraient se concentrer sur la manière la plus efficace et la plus rapide pour récupérer le combustible des piscines menaçantes de Fukushima Daiichi.

 

Mais au lieu de tout faire pour sortir de cette crise sans précédent, notre nouveau président a fait acte d’allégeance à Areva dès le 12 juin 2012 en se prononçant  pour une accélération de la mise en exploitation de la future mine géante d’uranium d’Imouraren (Niger), prévue fin 2013 :

« Si ça peut aller plus vite, nous y sommes favorables. Tout ce qui peut être fait pour le développement, pour l’activité économique doit être réalisé dans les meilleurs délais ».

 

Double langage. D’un côté on promet aux Nigériens un avenir pollué, et de l’autre on fait des beaux discours sur l’environnement. D’un côté on favorise l’énergie nucléaire partout dans le monde avec le plutonium d’Areva, et de l’autre on clame qu’on aimerait « permettre à d'autres de vivre après nous et mieux que nous » !

 

Pourtant, l’énergie nucléaire, c’est exactement l’inverse : cette énergie égoïste permet de donner de l’électricité à quelques humains durant quelques dizaines d’années et condamne toutes les générations futures à l’empoisonnement durant des milliers d’années.

 

Oui, toutes les centrales nucléaires produisent du plutonium. Oui le MOX fabriqué par Areva contient du plutonium. Oui, l’unité n°3 de Fukushima Daiichi fonctionnait au MOX. Oui, elle a explosé le 14 mars 2011. Oui, le Japon est contaminé. Non les enfants ne sont pas évacués, ils portent des dosimètres. Oui, l’Europe est contaminée par l’explosion de Tchernobyl en 1986. Non les enfants d’Ukraine, de Biélorussie et de Russie ne portent pas de dosimètres. Oui, ils sont 80% à ne plus être en bonne santé. Non, les responsables ne sont jamais inquiétés. Oui, les enfants ont plus de leucémies s’ils vivent près des centrales nucléaires. Non la centrale de Fessenheim n’est pas encore fermée. Oui, j’ai mal aux oreilles !

 

 

 

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19 mai 2012 6 19 /05 /mai /2012 23:56
DSCF5413 - CopieJ’ai rencontré des héros. Pas des héros de cinéma, pas des héros de bande dessinée. Des vrais, en chair et en os. Des femmes et des hommes qui se battent, chacun dans leur pays, pour faire connaître la vérité. Au risque du dénigrement, du mépris, voire de la prison, au risque de leur santé, de leur vie, ils se donnent sans relâche, certains depuis 26 ans, d’autres depuis 1 an. Mais ils ont la même volonté d’alerter leurs semblables avant qu’il ne soit trop tard. Faire la lumière sur les risques sanitaires de l’énergie atomique : tel est leur objectif. Ils ne sont pas nombreux, mais en se réunissant à Genève les 12 et 13 mai 2012, ils ont renforcé leur détermination à dénoncer l’horreur. Dans l’indifférence générale du bruit de la vie du monde,  ils étaient là, ensemble, debout, vivants. Ils ont délivré un message, nous avons été plus de 200 à en être les témoins. Ecoutez-les.
 
 
DSCF53791. Alexei Yablokov
Docteur ès Sciences biologiques,
conseiller de l’Académie des Sciences de Russie
 
De 1986 à 1989, il était interdit de publier sur Tchernobyl en Union Soviétique. Après Hiroshima, les Etats-Unis avaient fait la même chose en interdisant toute publication avant 1950. L’atome, historiquement, a toujours été le monde du secret.
A cause de cette interdiction, personne aujourd’hui ne peut déterminer les conséquences de la contamination par l’iode 131 de Tchernobyl. C’est pourquoi on se base sur les césiums qui ont une période radioactive plus longue. C’est le seul moyen disponible et objectif dont on dispose : la mesure des taux de césium dans l’organisme.
 
25 ans après le début de la catastrophe sanitaire de Tchernobyl, plus de dix-mille travaux scientifiques ont déjà été publiés dans différents pays, la plupart en Russie, en Ukraine et au Bélarus. Mais ces sources sont rarement utilisées par la communauté scientifique internationale.
Pourtant, l’ensemble de ces publications permet aujourd’hui de dresser un tableau général objectif des altérations de la santé des groupes de population qui ont reçu l’irradiation supplémentaire de Tchernobyl.
 
D’abord, il est clair que tous les systèmes de l’organisme sont détériorés par l’irradiation, ce qui a été mis en évidence par une augmentation de l’incidence et de la prévalence de la morbidité pour :
- le système circulatoire
- le système immunitaire
- le système génito-urinaire
- le système squelettique
- le système nerveux central
- l’appareil visuel
 
Il a été aussi démontré d’autres effets de la pollution radioactive :
- un pic de nouveau-nés atteints par la trisomie 21 a été constaté en 1986, et le niveau est resté ensuite plus élevé qu’avant la catastrophe ;
- dans le monde entier, le nombre des cancers a augmenté après 1986 ;
- le nombre des malformations congénitales a augmenté, par exemple dans le district de Luginy en Ukraine ;
- le vieillissement des individus est prématuré dans les territoires contaminés ;
- la fréquence des mutations dans les tissus somatiques et générateurs a augmenté ;
- il y a eu un changement dans le sex-ratio secondaire : jusqu’à un million de décès d’embryons et de fœtus de sexe masculin.
 
DSCF5380
Augmentation des cancers entre 1982 et 1999 en Russie et dans les régions de Kaluga et Bryansk
 
Au cours des 15 années qui ont suivi la catastrophe de Tchernobyl, il y a eu, dans les territoires contaminés (taux de césium 137 supérieur ou égal à 40 kBq/m²) au Belarus, en Ukraine et en Russie, une augmentation de la mortalité totale de 4%, soit 273 000 décès supplémentaires. Ce nombre est évidemment à comparer avec l’estimation mensongère de 9000 morts supplémentaires de l’OMS-AIEA jusqu’en 2056 !
 
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Augmentation des malformations congénitales dans le district de Luginy en Ukraine
 
En réalité, le taux de mortalité périnatale progresse dans de nombreux pays (1) et, sans compter la mortalité in utero, Alexei Yablokov estime, sur la base des informations officielles, que la catastrophe de Tchernobyl a provoqué la mort de près d’un million de personnes entre 1987 et 2004.
 
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Mortalité supplémentaire due à Tchernobyl sur 15 ans dans le monde.
 
On ne peut pas aborder la catastrophe de Fukushima et ses conséquences en ignorant les travaux d’Alexei Yablokov. C’est pourtant ce qu’est en train de faire le gouvernement japonais.
 
 
 
chernobyl consequencesAlexei Yablokov  est un des co-auteurs du livre “Chernobyl: Consequences of the Catastrophe for People and the Environment” que l’on peut télécharger en version anglaise ici. Des versions japonaise et française seront bientôt disponibles.
 
 
Interview d'Alexei Yablokov :  
 
 
(1) En France par exemple, de 2002 à 2009, le taux de mortalité périnatale est passé de 10 à 13,3 et le taux de morti-natalité de 8,2 à 11,7 (Taux de mortalité périnatale : décès d'enfants de moins de 7 jours et d'enfants sans vie pour 1 000 naissances totales (nés vivants + enfants sans vie) ; taux de mortinatalité : nombre d'enfants sans vie pour 1 000 naissances totales)
 
 
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11 avril 2012 3 11 /04 /avril /2012 00:10

RAPPORT.jpg

L’Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN) a rendu en janvier un rapport de plus de 500 pages sur les inspections des centrales nucléaires françaises que peu de personne ont lu en entier. Jean-Marc Royer, rédacteur de l’appel  « Hiroshima, Tchernobyl, Fukushima : des crimes contre l’humanité », a fait cet important travail de lecture et a réalisé un résumé de ce document, ainsi qu’une analyse très intéressante. Sa synthèse vous est présentée intégralement dans cette page.

 

 

Le rapport de l’ASN est consultable en ligne iciou téléchargeable (6,29 Mo)

 

Le texte de Jean-Marc Royer est aussi téléchargeable en fichier PDF (285 Ko)

 

 

___________________________

 

 

Synthèse et commentaire des inspections conduites en 2011 par l’ASN

 

par Jean-Marc ROYER

 

Suite à l’accident de Fukushima, des inspections et « évaluations complémentaires de sûreté » (ECS) ont été conduites entre le printemps et l’automne 2011 ; elles ont porté sur :

1 - Les dispositions de sûreté : sont-elles conformes aux cahiers des charges en cours aussi appelé « référentiel EDF » ?

2 - Au-delà de cette conformité basique, ces dispositions sont-elles adaptées « aux situations extrêmes » ?

3 - Seraient-elles à même de pallier aux effets cumulatifs qui caractérisent les situations accidentelles ?

4 - Quelles dispositions seraient susceptibles d'améliorer le niveau de sûreté des installations dans ces cas là (13) ?

 

Les sujets abordés lors de ces inspections concernaient :

- la protection contre les inondations et les séismes ;

- la perte des sources de refroidissement ;

- la perte des alimentations électriques ;

- la gestion des situations d’urgence (15).

 

J’ai eu à gérer des questions de « sûreté/sécurité industrielle » sur de grandes installations en France et à l’étranger, et j’ai dû connaître le fonctionnement « des autorités indépendantes » et le type de rapports qu’elles produisent à destination du public. Il y aurait beaucoup à dire, sur le fond et sur la forme à la lecture du rapport de l’ASN. C’est pourquoi je me suis tenu très près du texte (la plupart du temps en le citant in extenso) mais en le traduisant en langage compréhensible lorsque cela était nécessaire. Le résumé qui suit, très synthétique, issu de ce rapport de 524 pages, situe toujours la source de ce qui est écrit ou cité par le N° de page (affiché entre parenthèses) auquel il se réfère.

Tout cela concerne la première partie de ce texte. Il n’empêche qu’il faut également savoir repérer les non-dits de cette littérature qui sont aussi importants que ce qui est écrit : c’est un exercice digne de ceux que les soviétologues faisaient au temps de la Pravda, un exercice ingrat mais indispensable dans lequel il faut savoir remettre la technoscience à sa place et surtout n’avoir soi-même rien à vendre, pas même une expertise. Ceci fait l’objet de la seconde partie du texte.

 

En ce qui concerne les dangers induits par les inondations

 

La Règle Particulière de Conduite est déclinée avec des retards de plusieurs années, avec des « écarts » et de manière incomplète ou incohérente, en contradiction avec le Plan d’Urgence Interne ou sans convention d’alerte avec Météo France ; certains « retours d’expérience » ne sont pas renseignés, le ruban bleu revenant aux sites de Cruas et du Tricastin qui n’ont toujours pas intégré qu’ils pouvaient être isolés par une inondation et même, pour ce dernier site, en perdre son alimentation électrique.

Les suivis météorologiques ainsi que la détection des seuils d’alerte laissent à désirer, tandis que les exercices annuels de simulation sont bâclés, ce qui augure mal du « lancement des actions appropriées dans les délais » en cas de nécessité. Les moyens de protection - en particulier la Protection Volumétrique, les Moyens Mobiles de Pompage et leur alimentation - ne sont pas correctement entretenus (notamment les joints « waterstop » de la PV) ou surveillés (certaines galeries inter bâtiments ne sont pas étanches et un affaissement de pointe de digue a été constaté lors d’une inspection). Par ailleurs, l’ASN se plaint de ce que les échéances convenues pour effectuer des travaux à la suite de « l’évènement du Blayais » ne soient pas respectées sans qu’aucune mesure compensatoire n’ait été prise (25 à 32).

L’ASN, faisant le constat que des « effets falaise » (effets cumulatifs) peuvent se produire très près des niveaux d’inondation retenus dans le « référentiel EDF », demande à l’exploitant de revoir toutes ses estimations (fournir le détail de la méthodologie et les justifications utilisées pour caractériser le modèle d’inondation retenue), de se prononcer lui-même sur l’adéquation des bâtiments à ces évaluations et lui prescrira de revoir sa copie concernant Belleville et Tricastin, notamment en cas de rupture des digues amont.

Concernant des « effets falaise » possibles suite à une inondation (perte totale de source froide et/ou des alimentations électriques), l’ASN pense que ni les rapports d’Evaluation Complémentaires de Sûreté, ni les compléments présentés par EDF en cours d’instruction, ne sont de nature à les éviter et lui demande de revoir là aussi ses copies (122, 124, 128, 130, 137 et 139).

 

Pour les dangers liés aux séismes majeurs

 

Un constat : la règle en vigueur (FS I.3.b) n’est pas respectée, l’instrumentation est insuffisante ou mal positionnée, son entretien et sa maintenance laissent à désirer, de même que sa qualification, son étalonnage et son réglage. De plus, les exercices ne sont pas réalisés et les opérateurs ne savent pas utiliser cette instrumentation sismique ou en interpréter les données en salle de commande ce qui les mettrait dans l’impossibilité de se faire une idée juste sur l’état du réacteur (40). « Les exploitants du site du Tricastin auraient des difficultés à gérer une situation accidentelle consécutive à un séisme majeur, du fait de la perte des alimentations électriques, des moyens de communication, de la supervision de l'installation ou encore du non dimensionnement au séisme de locaux annexes, des locaux de crise ou de repli, et des locaux abritant les moyens et les hommes de la Formation Locale de Sécurité » (67). Sur d’autres sites, les moyens d’alimentation électrique de secours seraient généralement indisponibles en cas de séisme. (79).

 

Concernant les dangers liés à la perte de la source froide (nommée : H1)

 

Encore des « écarts au référentiel », des disparités dans le suivi des équipements, des « anomalies de maintenance ou d’essais périodiques » et des relations problématiques entre les services centraux d’EDF et les centrales. Mention spéciale pour La Hague où il est nécessaire d’améliorer la maintenance et de vérifier la tenue dans le temps des équipements de refroidissement (échangeurs, aérothermes, tuyauteries) ou de ventilation naturelle des entreposages des colis compactés de coques et embouts (Areva NC) dont l’efficience semble remise en cause au vu des écarts constatés en inspection (41 à 44 et 71).

De plus, les dispositions proposées par EDF visent essentiellement à permettre des appoints (au circuit secondaire, au circuit primaire, et aux piscines combustible) pour prolonger l’autonomie des réacteurs et des piscines, ce qui permet de retarder la fusion du cœur mais pas nécessairement de l’éviter (181) en quelques heures (175).

L’ASN considère donc qu’EDF doit « conforter ses conclusions quant à la capacité des centrales à gérer une situation dégradée de type H1 sur plusieurs tranches simultanément, y compris lorsqu’une autre tranche connaît un accident grave » (177).

 

Les dangers liés à la perte des alimentations électriques (H3)

 

L’ASN a relevé là aussi des écarts sur la conformité, l’entretien (corrosion interne ou externe des tuyauteries et des réservoirs de carburant sur une majorité de sites) et les contrôles périodiques, qui affectent la robustesse des groupes électrogènes de secours.

L’ASN a donc demandé à EDF de revoir sa copie et de :

Fournir les informations sur la capacité et la durée des batteries ;

Indiquer combien de temps le site peut faire face à la perte des alimentations électriques externes et des sources d’énergie de secours, sans intervention extérieure, avant qu’un endommagement grave du combustible ne soit inévitable ;

Préciser quelles actions (extérieures) sont prévues pour prévenir la dégradation du combustible ;

Identifier les moments où les principaux effets falaise se produisent ;

Indiquer si des dispositions peuvent être envisagées pour prévenir ces effets falaise ou pour renforcer la robustesse de l’installation (modification de conception, modification des procédures, dispositions organisationnelles, etc.). (46, 152)

De plus, « l’ASN constate que les ECS mettent en évidence des « effets falaise » de court terme, caractérisés par un délai avant découvrement du cœur inférieur au délai prévu pour la mise en œuvre des moyens de la Force d’Action Rapide Nucléaire (160) et recommande de mettre en œuvre sans délai les moyens proposés par EDF pour répondre à ces dangers » (161).

Dans l’attente du déploiement progressif de dispositions qui prendra plusieurs années, l’ASN prescrira la mise en place de dispositions provisoires dès 2012, telles que des groupes électrogènes mobiles (226).

A La Hague, la disponibilité problématique des moyens de secours et la corrosion avancée de certains équipements des groupes électrogènes commandent une action palliative rapide (74), tandis que sur plusieurs « autres sites » (hors centrales) la perte des alimentations électriques conduirait à moyen terme à la perte des moyens de surveillance en salle de commande et à la perte des moyens de communication (75).

 

Quelle « gestion des accidents graves » ?

 

Moyens matériels et organisation

EDF indiquant que :

- la disponibilité des moyens matériels nécessaires à la gestion de crise, (Matériels Mobiles de Sûreté, les matériels PUI et les Matériels du Domaine Complémentaire), ne peut être garantie dans les situations extrêmes (187) ;

- l'arrivée des astreintes est impossible pendant les 24 premières heures suivant une situation de grande ampleur touchant tout le site (186), [ce qui correspond au délai maximal de mise en œuvre de la future « Force d’Action Rapide Nucléaire »] ;

- les moyens de communication utilisés lors du gréement de l'organisation peuvent être défaillants (189) ;

- la tenue aux situations extrêmes de l’instrumentation technique et environnementale nécessaire à la gestion de crise n’est pas garantie (p 193),

 

et l’ASN, considérant que :

- EDF n’a pas achevé l’analyse des points faibles de l’organisation en fonction de l’ampleur de la crise, et n’a pas évalué les conséquences des phénomènes dangereux liés à la dégradation des voies de communication et des canalisations dans les situations extrêmes (190) ;

- une analyse approfondie devra être menée sur les conditions d’intervention spécifiques aux situations accidentelles (difficultés lors de la prise de décision, suffisance des ressources, compétences requises, accessibilité et habitabilité des locaux, stress et fatigue des intervenants, ambiance sonore, calorifique et radiologique, 224),

- et nonobstant l’installation prévue par EDF d’une instrumentation dédiée à la gestion des accidents graves permettant de détecter la percée de la cuve et de détecter la présence d’hydrogène dans l’enceinte,

 

l’ASN va prescrire à EDF d’intégrer dans le « noyau dur » les éléments indispensables à la gestion de crise, c'est-à-dire :

- Les locaux, les moyens matériels, les moyens de communication et l’instrumentation technique (notamment la détection de l’entrée en AG) et environnementale ;

- Les moyens de dosimétrie opérationnelle, les instruments de mesures pour la radioprotection et les moyens de protection individuelle et collective en quantité suffisante ;

- L’accessibilité, l’opérabilité, l’habitabilité des salles de commande en cas de rejets de substances dangereuses ou radioactives (184), notamment après ouverture du système de filtration U5, lequel pose une série de problèmes non résolus à ce jour. En effet :

. il n’est pas « robuste aux séismes majeurs » ;

. il ne peut être utilisé pendant les premières 24h suivant un AG pour éviter le rejet des aérosols ;

. par la condensation ou la présence d’oxygène dans sa tuyauterie, il induit des risques de déflagration de l’Hydrogène ;

. son ouverture oblige les personnels à évacuer les salles de commande dans les 24h suivantes ;

. son efficacité de filtrage laisse à désirer, surtout s’il est utilisé par deux réacteurs simultanément (184 à 207).

Par ailleurs, l’ASN a prescrit à EDF le renforcement du radier de Fessenheim, avant le 30 juin 2013 (205).

 

Le cas particulier des piscines

Les centrales de Bugey et Fessenheim présentent un risque particulier d’endommagement de la piscine en cas de chute d’un emballage de transport de combustible (210). 

Compte tenu de la difficulté, voire de l’impossibilité, de la mise en place de moyens efficaces de limitation des conséquences d’un dénoyage prolongé des assemblages combustibles (confinement statique et filtration inefficaces), l’ASN imposera à EDF des prescriptions pour renforcer les mesures de prévention et la robustesse de l’installation afin de limiter la possibilité d’un tel accident (213).

 

La Sous-traitance

« L’ASN considère qu’EDF n’apporte pas la démonstration que les différentes périodes d’arrêt de réacteur qui ont lieu au cours de l’année sur chacun des CNPE engendrent au total des surcroîts saisonniers qui justifieraient le recours à la sous-traitance. Par ailleurs, le recours à la sous-traitance pose la question du maintien des compétences internes au sein de l’organisation de l’exploitant, en particulier dans un contexte de prolongation éventuelle de la durée d’exploitation des installations nucléaires existantes et de renouvellement important des effectifs » (p 216) et « l’ASN considère que la surveillance des sous-traitants exécutant des activités importantes pour la sûreté doit être renforcée, et en particulier que cette surveillance ne peut pas être déléguée » (230).

 

Conclusions du rapport ASN

L’analyse des rapports d’ECS d’EDF a montré que certains scénarios de perte de la source froide et de perte des alimentations électriques peuvent conduire, en l’absence de toute intervention, « à une fusion du coeur dans un délai de quelques heures pour les cas les plus défavorables » (p 226). Or, « l’accident de Fukushima a montré que la capacité de l’exploitant et, le cas échéant, de ses prestataires à s’organiser pour travailler en cas d’accident grave est un élément essentiel de la maîtrise d’une telle situation », (13) [ce qui ne semble pas être le cas].

Par ailleurs, « l’ASN considère, pour ce qui concerne la gestion de crise, que les exploitants du groupe AREVA ont dressé un état des lieux sommaire et n’ont pas tiré les conclusions pratiques des constats effectués » (342).

« Au premier trimestre de 2012, l’ASN imposera donc aux exploitants un ensemble de dispositions de sûreté relatives à la prévention des risques de séisme et d’inondation, à la prévention des risques liés aux autres activités industrielles, à la surveillance des sous-traitants et au traitement des non conformités. Par la suite, l’ASN s’assurera du respect par les exploitants de la centaine de prescriptions qu’elle aura édictées, ainsi que de la prise en compte des nouveaux référentiels qu’elle aura approuvés » (16).

 

 

Quelques commentaires et réflexions philosophiques subséquentes

 

Il n’y a pas une seule installation qui ne fasse l’objet d’une remarque d’inspection ou d’une recommandation importante. Qu’il s’agisse, en temps normal, ou en situation extrême (ou afin de l’éviter) :

- des estimations et des méthodes qui sont à la base des « référentiels nationaux » de sécurité de l’exploitant,

- de la déclinaison obligatoire des Règles Particulières de Conduites sur les sites ou de la gestion des « écarts » à ces règles,

- des conditions nécessaires à l’efficience de ces règles « en amont et en aval » (prédiction et retour d’expérience),

- du suivi, de l’entretien et de la maintenance des systèmes, des équipements et des matériels, y compris des groupes de secours,

- de la capacité à mettre en place et à utiliser une instrumentation spécifique (séisme, intégrité du confinement et entrée en AG),

- de la capacité du système de filtrage U5 et de ses dangers intrinsèques,

- du danger très particulier porté par les piscines de stockage dans le bâtiment réacteur,

- de l’analyse des situations internes et externes porteuses de dangers,

- de l’analyse des effets cumulatifs de toutes natures propre aux situations extrêmes et des moyens de les éviter,

- de l’organisation humaine ou matérielle locale et nationale, en particulier de l’usage de la sous-traitance,

- des moyens de mobiliser rapidement les personnels d’astreinte,

- de l’accessibilité, de l’opérabilité ou de l’habitabilité des locaux de commande, de crise ou de repli,

- des moyens de mesure et de radioprotection individuelle et collective en quantité suffisante,

- de la pérennité des moyens de communication,

- du respect des engagements de sûreté pris avec l’ASN.

 

Depuis la conception, l'accident majeur n'a jamais été pris en compte

 

-1- Qu’est-ce que ce rapport vient démontrer ? A sa lecture, on réalise peu à peu ce qui se lit entre les lignes : les ingénieurs nucléaires, leurs commanditaires industriels, politiques et militaires se refusaient à penser, il y a quarante ans, qu’un accident majeur puisse un jour arriver. Les centrales ont été construites sur ce postulat : la probabilité de survenue d’un accident majeur était considérée comme nulle ou bien trop minime pour justifier des dispositions jugées trop coûteuses au regard de ce qui fût qualifié de « risque résiduel ». Poussé par Tchernobyl et Fukushima, c’est ce à quoi ce rapport se confronte, et à quoi il tente de pallier un peu tard, par des moyens et des méthodes dont on peut se demander ce qu’ils deviendront une fois traduits sur les sites par l’exploitant, étant donné la manière dont les prescriptions en cours sont appliquées.

 

Le nucléaire français « au bord de la falaise » !

 

-2- Il n’y a pas un seul des sujets abordés par l'ASN qui ne pose problème, alors que l’exploitant, l’industrie dans son ensemble et les politiques qui les soutiennent nous serinent depuis des lustres que les centrales françaises sont les plus sûres ! Quel démenti cinglant et argumenté en détail ! Ce ne sont plus seulement des manques ou des négligences, mais une suite d’aveux, qui, mis bout à bout constituent justement le lit d’un accident majeur ! Un véritable gouffre, un précipice au bord duquel se trouve effectivement toute l’industrie nucléaire, guettée par « un effet falaise » (les acronymes et les euphémismes sont un des traits majeurs de la novlangue) qui lui est consubstantiel (voir plus bas). Sans pouvoir malheureusement le démontrer dans ce cadre, il est évident qu'il se produira un accident nucléaire majeur en France. Intégrer cela dans le domaine de la pensée pose certes quelques difficultés, mais devient à mon sens plus que nécessaire.

Ce qui suit n'est certes pas une illustration centrale de cette hypothèse, mais elle en illustre l'accroissement de la probabilité (l'invention du MOX est récente).

 

Silence, on MOX !

 

-3- Un des silences assourdissant de ce rapport (il aurait été facile de l’introduire dans ces « stress-test ») concerne l’utilisation dans 22 réacteurs, et avec l’accord de l’ASN, du MOX pour « Mixed Oxydes », un composé d’environ 6 à 7 % de dioxyde de plutonium au lieu de l’enrichissement classique à 4,2% d’235U. D’une part il accroît notablement les dangers d’accidents majeurs car :

- la conduite des réacteurs avec MOX est nettement plus délicate ;

- il accélère le processus de vieillissement des réacteurs ;

- il a un processus de fusion plus bas et plus rapide : dans une configuration accidentelle, le risque de criticité, est donc plus important et plus rapidement atteint ;

- il aggrave toute situation accidentelle car l’eau mélangée au bore qui sert à atténuer les effets d’échauffement de la radioactivité en absorbant les neutrons, est d’une efficacité moindre avec le MOX.

D’autre part ce plutonium est issu du retraitement de l’uranium nucléaire usé, ce qui suppose le transport délicat et fréquent de matériaux hautement radioactifs des centrales vers les usines et retour.

Le plutonium fait non seulement partie des éléments présentant une radiotoxicité très élevée, mais tous les isotopes et autres composés issus du plutonium sont également très toxiques et radioactifs. En voie aérienne, on estime qu’une quantité de l’ordre du dixième de milligramme peut provoquer le décès rapide d’une personne.

 

Une gestion « statistico-probabiliste » du risque bien pratique …

 

-4- De plus, à faire pour la première fois cet exercice d’imagination, on s’aperçoit que tout l’appareil technico-politique du nucléaire nous donne à voir l’ampleur, non seulement des « écarts » (comme ils disent) avec les préconisations de sécurité de base, mais aussi et surtout :

- l’impossible maîtrise tous azimuts des aléas propres aux « Macro Systèmes Techniques » (1) ;

- l’incapacité de voir (ou d’imaginer) les effets cumulatifs possibles de ces éventualités (baptisées « effets falaise ») tant la dénégation des dangers majeurs a contribué à les refouler depuis des décennies ;

- et de plus, le refus de prendre en compte les hypothèses les plus pessimistes parce que le rapport coût/bénéfice est « économiquement défavorable » et que la probabilité d’occurrence d’un accident majeur est jugée négligeable.

En réalité, ce type de calcul a trouvé son inspiration au cœur de la science physique atomiste, laquelle a amplement légitimé l’extension d’un nouveau mode de mesure - statistique et probabiliste - et non plus strictement déterministe (2). Or, ce type d’évaluation - qui de surcroît repose sur des hypothèses en arborescence et des modélisations ad hoc - présente l’insigne avantage d’être manipulable à l’infini, donc de se prêter à tous les désirs des industriels qui veulent nous faire croire à la soit-distante sûreté de ces manipulations nucléaires.

 

Les centrales nucléaires : des Macro-Systèmes Techniques intrinsèquement dangereux

 

-5- Force est de constater une fois de plus les fragilités (et les dangers qui s’en suivent) de tous ces MST constitués d’un entrelacs de techniques, de technologies, de process et d’interfaces multiples dont on veut nous faire croire que leurs complexités inévitables ne sont que le signe de la modernité et de la sûreté technoscientifiques.

La sophistication extrême des matériaux utilisés (bétons et aciers spéciaux …) et le contrôle fin de leurs caractéristiques que cela suppose, la difficulté de leur mise en œuvre étant donné la précision de leurs spécifications, la complexité de la construction des parcs nucléaires et de leurs raccordements, les problèmes dus à l’interdépendance de multiples technologies entre-elles (mécanique, électrotechnique, électronique, pneumatique, hydraulique, informatique …), les questions de conduite opérationnelle ordinaire et extraordinaire, la gestion des urgences et des situations de crise, l’adéquation des interfaces hommes/machines à toutes les situations, la qualification des personnels intervenants, les opérations de maintenance et de réparations (compliquées et parfois dangereuses), la gestion du vieillissement tous azimuts des installations, la qualité de tous les contrôles opérant à tous les niveaux depuis la mise en service nominale jusqu’au démantèlement, la gestion des déchets … Ce listing élémentaire et générique donne une petite idée du nombre de process corrélés entre eux et des répercutions possibles d’un manquement ou d’une simple défaillance, pour peu que ceux-ci soient imprévus et se produisent sur une interface délicate.

-6- En plus de ces fragilités intrinsèques et des dangers dus aux aléas climatiques et géologiques, il en est d’autres qui ont été introduits depuis trente ans par la pression actionnariale et qui conduisent soit à la sous-traitance massive, soit à des malversations dans le but de faire des économies sur l’entretien et la maintenance (Cf. les dossiers publiés concernant Tepco), soit à des politiques de « risques calculés » dont on a pu constater l’inanité à plusieurs reprises au Japon, en France et ailleurs.

 

De multiples conséquences supportées par les populations du monde entier

 

-7- Evidemment, la puissance dévastatrice intrinsèque des MST nucléaires (liée à ses fragilités) exige une « sûreté totale », c'est-à-dire un système politique du type « totalitarisme démocratique postmoderne » (3) intériorisé dans les imaginaires des populations du monde entier. Un des multiples aspects de ces penchants, peu étudié, se niche dans le « droit nucléaire international » forgé sur mesure dans les années 60 en dérogation à tous les usages conventionnels (4). Le nucléaire a ceci de particulier qu'il n'a pu se mettre en place qu'en bénéficiant (de la part des Etats) de régimes dérogatoires dans de nombreux domaines. Par contrecoup, ses répercutions se sont fait sentir dans tous les domaines de l'activité humaine, y compris le politique, la philosophie et la morale (5). En voici une petite illustration.

-8- Un accident nucléaire majeur rend obsolètes et dérisoires tous les plans et les mesures de sécurité (on se souviendra longtemps des tuyaux d’arrosage à l’eau de mer dérisoirement inadaptés à refroidir des cœurs de réacteurs en fusion partielle à Fukushima, 60% de l’eau étant dissipée en évaporation et 20% ratant sa cible). Les possibilités d’un Etat (et du secteur privé plus encore) ne seront jamais à la mesure de la catastrophe ; c’est ce que la limitation des responsabilités de l’industrie nucléaire, actée dès ses débuts par diverses lois et conventions confirme de manière éclatante (6). De ce point de vue, le droit prenait en compte, noir sur blanc, les gigantesques dangers consubstantiels au nucléaire que les pouvoirs s’efforçaient, en même temps qu’ils négociaient ces conventions, de nier devant les opinions mondiales. Sans ce report des responsabilités sur le corps social, aucun investisseur, aucun industriel au monde n’aurait investi un seul centime dans cette industrie.

 

Déconstruire le nucléaire, décoloniser l'imaginaire occidental

 

-9- L’énergie nucléaire n’est que secondairement une technologie ; elle est avant tout « la fille aînée de la science ». Aucune technique n’aurait jamais permis une telle intrusion dans la composition de la matière. Autrement dit, « l’énergie nucléaire », n’en déplaise à beaucoup, n’est qu’une conséquence du mode de connaissance scientifique spécifique de l’Occident et du rapport à la nature (à l’écosphère) que cela sous-tend. D’un seul coup, en 1945, cette « création scientifique » a rendu totalement obsolètes toutes les critiques philosophiques qui s’en tenaient à celle des techniques, comme si d’ailleurs les techniques n’étaient pas un attribut inévitable de toute vie en société depuis la nuit des temps.

-10- Tous ces Macro Systèmes Techniques ont en commun la volonté de défier et de maîtriser au-delà des « lois de la Nature » (que la science a par ailleurs encensées à une certaine époque pour s’affirmer face aux croyances religieuses dominantes), ce qui s’apparente de facto à une activité fondamentalement transgressive que l’on baptise Progrès pour en faire oublier le caractère prométhéen. Mais il ne faut pas oublier que ces Macro Systèmes Techniques ont un but : faire de l’homme moderne un homme appareillé dont il suffira un jour de le débrancher pour mettre fin à son existence.

 

Les trous du rapport de l’ASN

 

Outre l’utilisation du MOX qui réduit les marges de sécurité et dont l’ASN avalise ainsi de facto l’usage, il est toujours utile de se poser les questions suivantes : qu’est-ce que le document passe sous silence, ou omet de rapporter publiquement ? Car il y a toujours deux versions de ce type de rapport, bien évidemment : une version professionnelle et une pour « le grand public ». Par ailleurs, ces inspecteurs, que n’ont-ils pas vus, pu voir, ou pas voulu voir ou écrire ?

- Tout d’abord, la chose le plus surprenante dans la conception des centrales, ce qui est certainement un héritage des « trente béates » nucléaires, c’est que les salles de contrôle-commande, non seulement ne sont pas doublées, mais qu’elles ne sont pas suffisamment isolées, protégées ou autonomes en cas d’accident majeur très radioactif. Rien n’est dit à ce propos dans le rapport de l’ASN. (7)

- En 2011, Arnie Gundersen avait attiré l’attention sur le fait que les batteries de dernier secours prévues pour durer 8h à Fukushima, n’ont pas tenu tout ce temps, et il avait recommandé que cette autonomie (de 4h aux Etats-Unis) soit augmentée en urgence. Or la disponibilité des batteries est très dépendante de leur entretien et de leur maintenance dont on a vu dans le rapport de l’ASN comment ils étaient assurés en France dans certains sites. Or rien ne filtre sur cette question du secours en CC dans le rapport de l’ASN, ce qui est fort curieux. (8)

- « Notons, et c’est important, que le radier, c'est-à-dire la chape de béton sur laquelle repose l’enceinte de confinement de la cuve, a une épaisseur de trois mètres, alors que, sur les REP du parc français, l’épaisseur correspondante n’est que d’un mètre. » (9) Ainsi s’exprime JL Basdevant, …….. Mise à part la recommandation concernant le radier de Fessenheim, rien n’est dit non plus à ce sujet dans le rapport de l’ASN.

- Pourquoi les « ECS » qui envisagent un accident grave sont-ils muets sur leurs conséquences alors que « en France, l’ASN coordonne depuis 2005 une réflexion sur la gestion des suites d’un accident nucléaire (10) » et que « nous travaillons sur le post-accident, avec l’idée de se préparer aux conséquences pour la population et l’environnement, une fois que les émissions radioactives ont cessé (sic) (11) » ? Il faut bien lire cette phrase, tous les mots ont leur importance pour bien comprendre dans quelle direction l’ASN travaille. Est-ce pour cela que cette réflexion n’est pas publique ?

- Pourquoi n’est-il rien dit sur les effluents émis quotidiennement par les centrales ? Et pourquoi, alors que la transparence est devenue un crédo largement partagé, l’ASN ne propose-t-elle pas l’installation de balises de surveillance des émissions radioactives des 58 réacteurs (12) dont les mesures seraient visibles H24 sur internet par tout un chacun : cela ne serait-il pas une aide à la protection des populations en cas d’accident majeur, puisque l’ASN doit savoir maintenant, après Tchernobyl et Fukushima, que les tous premiers jours sont décisifs de ce point de vue ?

 

Jean-Marc Royer version 2 en juillet 2012.

 

 

__________________________

 

 (1) Concept clé du philosophe Alain Gras, « Que sais-je », 1997. Voir point 5.

 

 (2) On appréciera d’autant plus ce type de raisonnement que l’on connaît la « ligne de défense » de l’industrie nucléaire et de l’OMS : ils demandent aux victimes de prouver un rapport déterministe entre les effets des radiations (notamment les contaminations aux faibles doses) et les maladies induites.

 

 (3) Le film Food Inc en est une bonne illustration : l’auteur y montre comment, de manière totalement « démocratique » des lois sont votées dans certains états des Etats-Unis qui empêchent toute critique publique des industries agroalimentaires et des trusts de fast-food afin de protéger leur chiffre d’affaires. Il s’agit là, pour résumer, de l’utilisation des moyens démocratiques contre la démocratie, ce qui tend à devenir systématique en Occident. Une autre forme en est la dénégation des votes populaires rejetant les différents traités européens ou pire, les « ajustements » législatifs et constitutionnels des pouvoirs exécutifs afin de se soustraire aux poursuites judiciaires encourues à la suite d’agissements délictueux ou criminels ou, plus récemment, la nomination de banquiers à la tête de responsabilités gouvernementales en dehors de tout processus démocratique.

 

 (4) http://www.oecd-nea.org/law/isnl/10th/isnl-10th-anniversary-f.pdf

 

 (5) Lire le philosophe Günther Anders à ce sujet.

 

 (6) Conventions de Paris (juillet 1960) et Bruxelles (janvier 1963), amendées par les Protocoles de janvier 1964, novembre 1982 et février 2004. Loi d’octobre 1968 modifiée par celle du 16 juin 1990 …

 

(7) Mais c’est une des décisions annoncées lors de sa conférence de presse du 28 juin par l’ASN !

 

(8) Là aussi l’ASN a pris des décisions annoncées le 28 juin 2012 !

 

(9) JL Basdevant, Maitriser le nucléaire. Sortir du nucléaire après Fukushima, Eyrolles, 2012, p162-3.

 

(10) Délibération ASN N° 2011-DL-0021 du 21 mars 2011 sur l’accident de Fukushima et ses suites.

 

(11) Comme le disait un membre de l’ASN dans le monde du 2 avril 2011.

 

(12) Un réseau existe déjà, mais outre qu’il ne dit rien des émissions quotidiennes des centrales, il est incomplet du point de vue des analyses effectuées. Voir les remarques de la CRIIRAD à ce sujet.

 

 

 

 

(mise à jour du 22 juillet 2012)

 

 

 

 

 

 

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9 avril 2012 1 09 /04 /avril /2012 17:17
Ces deux reportages sont très intéressants à mettre en vis-vis.
 
L’un parle des conditions mises en place dans le « village nucléaire » japonais qui ont permis à la catastrophe de Fukushima de se produire. « Bien que la cause directe de l’accident était le tsunami, de façon plus significative, l’erreur a été les mesures de sécurité requise qui n’ont pas été prises », explique l’ex-premier ministre du Japon, Naoto Kan.
 
« Le mensonge de Fukushima », documentaire de Johannes Hano diffusé sur la chaîne allemande ZDF le 7 mars 2012, sous-titré en français par Kna.
 
 
 
L’autre parle des conditions actuelles du « village nucléaire » français. On y apprend que le ministre actuel de l’économie, François Baroin, fait pression pour « accélérer les efforts de redressement de la rentabilité » de l’électricité nucléaire, ce qui amoindrit mécaniquement la sécurité des centrales, car on oublie le facteur humain : 80 % des travailleurs du nucléaire sont aujourd’hui salariés d’entreprises de sous-traitance, et on ne leur donne plus aujourd’hui les moyens de travailler de manière efficace.
 
« Nucléaire, la bombe humaine », reportage d’Elsa Fayner diffusé sur France 5
le mardi 10 avril 2012 à 20h35
ou visible sur le net à l’adresse suivante jusqu’au 17 avril 2012
bombe-humaine.jpg
 
 
 
 

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29 mars 2012 4 29 /03 /mars /2012 00:20

Il y a un mois, j’ai adressé à chaque candidat républicain un questionnaire concernant Fukushima. Voici les réponses de ceux qui ont accepté de participer à cette tribune. Pour permettre à tous les candidats de s’exprimer, cette page sera mise à jour régulièrement jusqu’au jour de l’élection présidentielle.

 

(Précision : l’ordre des candidats est celui qui a été déterminé par le Conseil Constitutionnel)

 

 

Mme Eva Joly (Europe Ecologie Les Verts)

 

1. Quelle a été votre première pensée quand vous avez appris qu’une centrale nucléaire avait explosé au Japon ?

 

L’effroi d’abord. Ensuite, une inquiétude tenace, à laquelle il était impossible d’apporter une réponse. Elle a été longue et elle n’a pas disparu aujourd’hui encore. Car on ne savait pas ce qui se passait vraiment, donc il était  difficile de comprendre les conséquences avérées ou potentielles.

 

2. Que pensez-vous de l’annonce de l’arrêt à froid des réacteurs de la centrale nucléaire de Fukushima en décembre dernier par le gouvernement japonais ?

 

Que c’est une belle tentative de manipulation. L’arrêt à froid est un terme qui s’applique pour un réacteur dans un état normal. En l’occurrence, cela ne signifie rien. C’est plutôt un slogan qui cherche à masquer la réalité puisque personne ne sait exactement l’état de la situation : où est le corium ? pourquoi la température a réaugmenté temporairement dans le réacteur numéro 2 ? pourquoi n’y a-t-il que 60 cm d’eau dans le réacteur 2 quand on en attendait plusieurs mètres ?...

 

La réalité est que nous ne savons pas l’essentiel. Cela vaut pour les réacteurs, mais aussi pour les piscines, notamment celle du réacteur 4. J’ai appris récemment, avec effroi, que si la piscine du réacteur 4 est restée remplie d’eau, cela est le pur fruit de la chance. En effet, il y avait une fuite, totalement fortuite, avec un autre bassin surélevé. Cette fuite au niveau de la porte de séparation des deux bassins n’aurait pas dû exister. C’est elle qui a permis d’éviter le scénario catastrophe d’un embrasement des barres de combustible. Mais la question de la piscine du réacteur 4 est loin d’être résolue : il y a des raisons importantes de rester inquiets, tant sa fragilité est grande.

 

Il nous faudra des décennies pour déconstruire la centrale. Alors seulement, on pourra dire que la catastrophe est finie.

 

3. Que pensez-vous de l’idée de la création d’une commission d’experts internationaux qui prendrait en charge le suivi du site de Fukushima ?

 

Je suis favorable au développement d’une expertise internationale, pour Fukushima, et pour le nucléaire en général. Il faut multiplier les sources d’expertises, avec différents types d’indépendances (vis-à-vis du politique, vis-à-vis des puissances économiques, vis-à-vis des fiertés nationales…) et avec de la transparence. C’est le seul moyen de créer des débats d’experts contradictoires seuls à même de renforcer la sûreté.

 

Aujourd’hui, en France, on se gargarise d’une expertise « indépendante », mais elle n’est ni plurielle, ni contradictoire, ni transparente, ni indépendante en de nombreux points (pressions économiques d’entreprises publiques, porosité avec l’industrie nucléaire, prédominance des grands corps d’Etat…).

 

4. Pensez-vous que les femmes de Fukushima ont raison de se mobiliser pour avoir les moyens d’évacuer leurs enfants des zones contaminées ?

 

Evidemment. J’ai rencontré certaines de ces femmes, quand je me suis déplacée à Fukushima. Cela m’a bouleversé. L’ennemi invisible de la radioactivité change votre regard sur le monde : comment se protéger et protéger les êtres qu’on aime le plus au monde ? comment y échapper ? comment être sûr que l’on y échappe ? Ce sont des questions très concrètes, qui amènent des familles à se séparer ou à quitter définitivement leur vie passée. C’est humainement dramatique.

 

Le discours, largement relayé en France, selon lequel la radioactivité diffuse du type de celle rencontrée autour de Fukushima n’aurait pas d’impact sur la santé m’est insupportable. Certains affirment même que les impacts sanitaires sont liés au stress, une sorte d’effet placebo ! C’est mépriser ces populations victimes, qui n’ont rien demandé, et qui paient un prix élevé. Et c’est mépriser les sciences et des centaines ou milliers d’études, de multiples origines disciplinaires, qui montrent le contraire. Les parangons du nucléaire sont la caricature du positivisme productiviste qui refuse de croire à la faillibilité de l’homme : une dose d’humilité leur ferait beaucoup de bien. 

 

5. Suite à la catastrophe nucléaire, des Japonais ont quitté leur pays car ils ne s’y sentent plus en sécurité. Seriez-vous favorable à la création d’un statut international de réfugié environnemental ?

 

Oui. Cela s’appliquerait pour le cas du nucléaire, mais également pour les réfugiés climatiques. Ou bien ceux victimes de l’exploitation des ressources naturelles.

C’est dramatique d’en être arrivé à un tel impératif…

 

6. Lors de la catastrophe, le gouvernement japonais a fait évacuer une zone de 20 puis de 30 km en utilisant des cercles concentriques autour du site nucléaire. En France, en cas d’accident nucléaire, les Plans Particuliers d’Intervention prévoient l’évacuation d’une zone de 2 km, et le confinement de la population dans un rayon de 10 km. Pensez-vous que ces mesures de sécurité soient suffisantes ?

 

Evidemment non. Nous demandons un renforcement drastique des procédures (en particulier des PPI), une amélioration de la transparence et des pouvoirs des Commissions Locales d’Information.

 

La sûreté et la sécurité doivent être drastiquement renforcées à court terme, bien au-delà des recommandations de l’ASN. Mais la seule véritable solution pour supprimer le risque est de sortir du nucléaire.

 

7. La catastrophe de Fukushima vous a-t-elle fait évoluer sur l’idée que vous vous faisiez de la sûreté nucléaire ?

 

Non, pas fondamentalement. Je suis confortée dans mes idées, et dans la conviction qu’il y a urgence à agir. Je ne cesse de me battre pour cela.

 

8. Selon vous, pourquoi n’a-t-on jamais demandé aux Français quelle énergie ils voulaient utiliser en priorité ? Seriez-vous favorable à l’organisation en France d’un débat national sur l’énergie suivi d’un référendum afin que la population choisisse en connaissance de cause les risques qu’elle est prête à assumer ?

 

Car le nucléaire a d’abord été une entreprise militaire, et que le nucléaire civil s’est imposé en conséquence, à la fois à des fins de justification des moyens nécessaires au nucléaire militaire et pour prouver que le nucléaire allait dans le « sens du progrès ».

 

De plus, la France est largement dirigée par une administration composée par les « Grands corps d’Etat » (corps des Mines, corps des Ponts notamment). Je pense que ces serviteurs de l’Etat sont persuadés d’agir pour le bien commun. Ils sont aussi persuadés que les enjeux complexes dépassent les capacités des citoyens. Ce qui est évidemment dangereux et absurde.

 

La France n’a jamais eu de débat réel sur l’énergie. Jusqu’à peu encore (peut être est-ce encore le cas ?), nos dirigeants sont persuadés qu’énergie est synonyme d’électricité, donc de nucléaire. Ils ont découvert, sans tout comprendre d’ailleurs (souvenez-vous du débat entre M. Sarkozy et Mme Royal il y a cinq ans), que le nucléaire ce n’est que 17% de l’énergie finale en France, et 2,2% de l’énergie finale dans le monde.

 

Nous avons besoin de faire de l’enjeu énergétique une question de société, dans lequel la question nucléaire fait partie, mais ne s’y résume pas. Nous pourrons montrer comment les énergies renouvelables et surtout les réductions de consommations par l’efficacité et la sobriété sont autrement plus puissantes que le nucléaire. Nous pourrons montrer que la lutte pour la protection du climat et la réponse à la raréfaction des ressources fossiles n’ont pas besoin du nucléaire. Nous pourrons montrer, bien au contraire, que le nucléaire porte un risque insupportable pour un bénéfice négligeable et qu’il bloque les alternatives.

 

Nous pensons qu’un référendum risquerait de simplifier à outrance la question de la transition énergétique et qu’une grande loi d’orientation permettrait davantage de garantir et de concrétiser la sortie du nucléaire et la réduction des émissions de gaz à effet de serre.

 

9. Souhaitez-vous ajouter autre chose sur le sujet de la catastrophe de Fukushima ?

 

Les conséquences de cette catastrophe, je les ai vues de mes yeux. Je les garde en mémoire et elles font partie de ces souvenirs révoltants qui me donnent le courage de continuer à me battre.

 

 

 

M. Nicolas Sarkozy (Union pour un Mouvement Populaire)

Réponse non communiquée

 

 

M. Jean-Luc Mélenchon (Front de Gauche)

Réponse non communiquée

 

 

M. Philippe Poutou (Nouveau Parti Anticapitaliste)

 

1. Quelle a été votre première pensée quand vous avez appris qu’une centrale nucléaire avait explosé au Japon ?

 

Que l’horreur absolue était en train d’arriver

 

2. Que pensez-vous de l’annonce de l’arrêt à froid des réacteurs de la centrale nucléaire de Fukushima en décembre dernier par le gouvernement japonais ?

 

C'est une annonce politique à la tonalité rassurante qui ne correspond pas à la réalité et confine à la désinformation. Dans le cas des trois réacteurs de Fukushima, l’arrêt à froid signifie que l’eau est en-dessous de 100°C et que le risque d’une reprise de la réaction de fission est écarté. Cependant beaucoup d’inconnues demeurent sur l’état des réacteurs : leur combustible a fondu et a formé un corium qui est tombé au fond de la cuve, puis l'a probablement traversée.. Personne ne sait aujourd'hui où se trouve  exactement ce corium et nul ne peut présager de ce qui va se produire dans les semaines, mois ou années à venir.

 

3. Que pensez-vous de l’idée de la création d’une commission d’experts internationaux qui prendrait en charge le suivi du site de Fukushima ?

 

Nous n’avons pas confiance dans les « experts » internationaux qui sont pour la plupart inféodés au lobby nucléaire et en particulier les « experts » français. Si une telle commission devait être créée, elle devrait comprendre pour moitié au moins, des scientifiques militants dans les groupes d’opposition au nucléaire. Ce ne sera jamais le cas. Les japonais ne doivent compter que sur leur mobilisation et sur notre solidarité pour pousser les autorités à dire la vérité qui est connue des opérateurs.

 

4. Pensez-vous que les femmes de Fukushima ont raison de se mobiliser pour avoir les moyens d’évacuer leurs enfants des zones contaminées ?

 

Bien entendu !

 

5. Suite à la catastrophe nucléaire, des Japonais ont quitté leur pays car ils ne s’y sentent plus en sécurité. Seriez-vous favorable à la création d’un statut international de réfugié environnemental ?

 

Absolument

 

6. Lors de la catastrophe, le gouvernement japonais a fait évacuer une zone de 20 puis de 30 km en utilisant des cercles concentriques autour du site nucléaire. En France, en cas d’accident nucléaire, les Plans Particuliers d’Intervention prévoient l’évacuation d’une zone de 2 km, et le confinement de la population dans un rayon de 10 km. Pensez-vous que ces mesures de sécurité soient suffisantes ?

 

Elles sont tout simplement ridicules. Le gouvernement français a toujours fait preuve d’une inconséquence dramatique et potentiellement meurtrière en la matière.

 

7. La catastrophe de Fukushima vous a-t-elle fait évoluer sur l’idée que vous vous faisiez de la sûreté nucléaire ?

 

Non, nous étions déjà profondément antinucléaires et ne nous faisions aucune illusion sur la sûreté. Hélas nous avions raison.

 

8. Selon vous, pourquoi n’a-t-on jamais demandé aux Français quelle énergie ils voulaient utiliser en priorité ? Seriez-vous favorable à l’organisation en France d’un débat national sur l’énergie suivi d’un référendum afin que la population choisisse en connaissance de cause les risques qu’elle est prête à assumer ?

 

En réponse à la 1ère question, la raison est simple : nous évoluons dans une fausse démocratie dirigée en fait par le marché, les grands groupes et la classe politique à leur service. Les gens sont réduits à de simples électeurs pour ceux qui dirigent et décident et ne sauraient être considérés en tant qu'acteurs.

Sur le 2ème point : imaginer un vrai débat public national où toutes les positions auraient la même liberté de s'exprimer est d'une grande naïveté : aujourd'hui le pouvoir est totalement inféodé à Aréva et aux multinationales dont l'intérêt est de vendre des centrales nucléaires coûte que coûte. Les drames que le nucléaire provoque ne sont pour ces gens-là que des dégâts collatéraux nécessaires. Dans ce contexte, l'organisation d'un référendum est une mascarade de démocratie. Non seulement c'est un leurre de penser que les gens pourraient décider en connaissance de cause tant la propagande menée par les classes dirigeantes est puissante, mais ça devient un mensonge de laisser croire que ces mêmes classes dirigeantes respecteraient le résultat du vote si celui-ci leur était défavorable. (cf. le traité constitutionnel européen).

 

Pour nous, en France (comme dans le monde entier d’ailleurs) nous devons imposer la sortie du nucléaire par nos mobilisations qui devront être encore plus massives que vient de l'être la chaîne humaine du 11 mars. Pour nous y aider, les partis politiques devraient faire des propositions crédibles pour sortir du nucléaire et montrer que c’est techniquement et socialement possible. C’est ce que fait le NPA en popularisant un plan de sortie en 10 ans argumenté et chiffré.

Au NPA, nous ne nous retranchons pas comme certains derrière une proposition de référendum pour masquer notre absence de position sur la question.

 

9. Souhaitez-vous ajouter autre chose sur le sujet de la catastrophe de Fukushima ?

 

Oui, après la catastrophe de Fukushima où rien n'est définitivement sous contrôle, et malgré les efforts des travailleurs japonais qui tentent au péril de leur vie, d'empêcher un désastre encore plus grand, l'humanité est toujours sous la menace du pire. Cette tragédie a révélé au monde de façon encore plus évidente l'urgence absolue à se mettre à l'abri des méfaits du nucléaire. Accidents aux conséquences gravissimes, effets de la radioactivité sur la santé, production de déchets hautement nocifs et ingérables, énormes difficultés pour le démantèlement des centrales, pollution des rivières indispensables au refroidissement des réacteurs, production d'armes nucléaires..., les raisons de sortir du nucléaire sont multiples.

Il faut une voix pour le crier et dire qu'il est tout à fait possible de sortir rapidement du nucléaire. Hélas, à l'exception de quelques associations, le NPA est bien seul dans le monde politique pour faire des propositions en ce sens. Nous continuerons néanmoins et invitons tous ceux qui le souhaitent à prendre connaissance de notre scénario de sortie en 10 ans à cette adresse : http://www.npa2009.org/content/8-pages-npa-comment-sortir-du-nucl%C3%A9airepdf

 

 

Mme Nathalie Arthaud (Lutte Ouvrière)

Réponse non communiquée

 

 

M. Jacques Cheminade (Solidarité & Progrès)

Réponse non communiquée

 

 

M. François Bayrou (Mouvement Démocrate)

Réponse non communiquée

 

 

M. Nicolas Dupont-Aignan (Debout la République)

Réponse non communiquée

 

 

M. François Hollande (Parti Socialiste)

Réponse non communiquée

 

 

 

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15 mars 2012 4 15 /03 /mars /2012 01:35
vue de côté reacteur 3 cryptoem 5 avrilUn an après la catastrophe, la désinformation bat son plein !
Courrier International a publié récemment la traduction d’un article du Daily Telegraph intitulé « Tsunami : 20 000 morts - Fukushima Daiichi : zéro mort », repris par de nombreux sites. Cet article est choquant : d’une part c’est faux, il n’y a pas eu zéro mort à Fukushima, d’autre part c’est insultant vis-à-vis des familles des victimes japonaises.
 
L’auteur de cet article, le journaliste Michael Hanlon, est régulièrement l’invité des télés et radios en tant qu’ « expert scientifique ». Les lecteurs britanniques, et à présent les internautes francophones, sauront-ils reconnaître ses mensonges sur Fukushima ? 
 
« Fukushima Daiichi : zéro mort ». C’est faux. La catastrophe nucléaire a déjà provoqué des centaines de morts directs ou indirects. Cet article les ignore, c’est de la pure désinformation. Le triste décompte des premiers morts dus à la catastrophe nucléaire se fait ici : « Les premiers morts de la catastrophe de Fukushima », avec toutes les références nécessaires. Et c’est sans compter les disparus
 
 Il n’y a pas que le titre de son article qui est mensonger : « La centrale de Fukushima Daiichi, bien qu’obsolète, criblée de défauts de conception et frappée par des forces géologiques supérieures aux prévisions du cahier des charges, a remarquablement résisté », rapporte-t-il. C’est faux. La centrale n’a pas « remarquablement bien résisté ». Au contraire, il s’y est produit au moins 4 explosions  provoquant de graves pollutions radioactives, et 3 cœurs de réacteur ont fondu quasi simultanément, ce qui représente la pire configuration d’accident nucléaire de tous les temps. Le confinement n’est plus assuré. La nappe phréatique est contaminée. L’océan pacifique subit la pire des pollutions radioactives de l’histoire. Au moins 8% du territoire japonais est  contaminé au césium pour 300 ans. Du plutonium a été répandu dans l’atmosphère.
 
« Les réacteurs ont été détruits, mais les radiations n’ont pas causé de morts à Fukushima Daiichi et ne devraient pas en causer au cours des cinquante prochaines années », lit-on encore dans cet article. C’est complètement faux. Pourtant, en tant que scientifique, Michael Hanlon sait bien que les radiations ne tuent pas immédiatement. Elles provoquent de nombreuses maladies et provoquent des cancers des années après. A Tchernobyl, les premiers cancers de la thyroïde dus à l’iode 131 sont apparus au bout de 3 ans. Il ne faut pas attendre 50 ans pour compter les morts comme le prétend cet article négationniste. Entre 1986 et 2004, on estime à 985 000 le nombre de morts dus à la catastrophe de Tchernobyl (source : Chernobyl : Consequences of the Catastrophe for People and the Environment).
 
Il n’y a pas que ce journaliste qui désinforme, en France nous avons aussi des gens qui profitent de leur position pour diffuser des contre-vérités dans l’unique but de défendre l’industrie nucléaire. Dans les ministères, on se bouscule pour suivre la voix du président. On connaissait déjà Eric Besson, ministre de l’industrie, qui annonçait le 12 mars 2011, après l’explosion du bâtiment réacteur n°1 de Fukushima Daiichi que ce n’était  « pas une catastrophe nucléaire ». A présent, c’est au tour de Gérard Longuet, ministre de la défense, de lancer cette phrase incroyable : « [Le nucléaire] est une économie sans production de CO2. C'est une énergie qui n'a tué personne ». C’est insoutenable. Au-delà de la catastrophe de Fukushima qui est en cours, le ministre français semble nier les centaines de milliers de victimes de Tchernobyl…
 
Il faut dénoncer par tous les moyens ces paroles insensées, car elles contribuent à chaque fois à  mettre en péril l’avenir de l’humanité. L’énergie nucléaire est une énergie extrêmement dangereuse, sa maîtrise est un mythe ‒ Fukushima l’a définitivement prouvé ‒ et on ne doit pas laisser les apprentis-sorciers dire n’importe quoi sans réagir.
 
Le site « lepoint.fr » désinforme également en annonçant dans l’article Fukushima un an après : manifestations antinucléaires à Tokyo  : « Un millier d'opposants se sont rassemblés dans la capitale japonaise, un an après la catastrophe de Fukushima ». C’est faux. Comme le rapporte justement le journal le Monde, il y avait plusieurs milliers de manifestants à Tokyo, répartis dans plusieurs manifestations. Le Point.fr  ne rapporte pas non plus la manifestation à Kôriyama rassemblant 16 000 personnes… une information qui a pourtant toute son importance !
 
 
 
 
 

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12 mars 2012 1 12 /03 /mars /2012 23:27

On ne doit plus attendre le prochain accident nucléaire sans rien faire. Pour changer la donne mondiale, il faudrait mettre sur pied un tribunal international jugeant les crimes atomiques contre l’humanité. Rédigé par Jean-Marc Royer et signé par des personnalités reconnues, cet appel international est à diffuser sans modération, en français dans cette page ou en anglais dans cette autre page : International Appeal : Hiroshima, Chernobyl, Fukushima, Crimes Against Humanity

 

 

Télécharger la version française (pdf)

 

Télécharger la version anglaise (pdf)

 

 

 

 

 

Appel international

Hiroshima, Tchernobyl, Fukushima : des crimes contre l’humanité

 

Depuis 1945, plus de 2 400 explosions – dont la puissance de certaines[1]équivalait à plusieurs milliers de fois celle d’Hiroshima – ont eu lieu, sans parler des « ratés » et des dizaines d’accidents catastrophiques dont les premiers connus datent de l’automne 1957 à Windscale (UK) et Maïak (ex-URSS), respectivement classés 5 et 6 sur l'échelle INES. Mais qui en connaît précisément les conséquences ? Aucune enquête épidémiologique internationale digne de ce nom n’ayant été diligentée à ce propos, un comité européen sur les risques de l'irradiation (CERI)[2] a étudié, à la demande des députés verts, et confirmé l’impact de l’activité atomique depuis 65 ans sur les populations mondiales, ce dont on pouvait se douter puisqu’on en retrouve les traces jusque dans les glaces du pôle Sud[3]. Les enjeux sont tellement énormes que les effets pathologiques de toutes ces contaminations à petites doses et au long cours sont farouchement niés de concert par tous les pays ou les organisations internationales.

 

Tchernobyl : irradiations et multicontaminations « à rebonds »

Tout comme le 6 août 1945, le 26 avril 1986 est une date historique pour l’ensemble de l’Humanité[4]. Dès les débuts du cataclysme, les irradiations furent violentes, multiples, complexes et pérennes, selon la distance du lieu de l’accident : c’est une des particularités de Tchernobyl.

En explosant, le réacteur n°4 de la centrale Lénine de Tchernobyl n’a pas seulement rejeté des gaz et des aérosols divers issus de la désintégration atomique du combustible, comme le ferait une bombe, mais il a également rejeté « des particules chaudes solides »[5]de combustible : ce sont des fragments de toutes tailles qui, combinés avec d’autres radionucléides, sont retombés sur le site ou à proximité de la centrale. Par la suite, des « particules chaudes liquides » se sont également formées dans le sol après les pluies. Lorsque ces particules pénètrent dans l’organisme par l’eau et les aliments ingérés ou par l’air inhalé, elles produisent, même longtemps après leur émission, des doses élevées d’irradiation ponctuelle interne. Cette remarque est importante pour la compréhension de la suite et des suites de l'accident.

 

Depuis le jour de la catastrophe, les irradiations ont été peu à peu supplantées par des contaminations de long terme et la situation radiologique évolue d’une manière que nul ne pouvait prédire. Deux exemples :

- Suite aux processus de désintégration du plutonium 241, la formation naturelle de l’américium 241, puissant émetteur de rayons gamma, va constituer un aspect important de la contamination de nombreux territoires. A cause de cette désintégration progressive, les territoires dont le niveau de rayonnements gamma était faible sont devenus à nouveau dangereux.

- Par ailleurs, il y eut une forte redistribution des radionucléides dans les écosystèmes du fait de leur concentration par les organismes vivants (bioaccumulation) et de leur migration, après quelques années, dans les parties du sol où plongent les racines : ces radionucléides sont alors devenus de plus en plus accessibles aux végétaux, qui les reportent pour la deuxième fois à la surface du sol. C’est une des causes de l’expansion et de l’aggravation de la morbidité et de la mortalité atomiques dans les territoires contaminés.

 

Quelques-unes des maladies (outre cancers et leucémies) provoquées par Tchernobyl :

- La contamination radiologique de Tchernobyl a influé sur le fonctionnement de tous les organes du système endocrinien. L’effondrement de la fonction hormonale du thymus joue le rôle principal dans le développement de la pathologie du système immunitaire.

- Les maladies des organes circulatoires sont une des causes principales d’invalidité et de mort des « liquidateurs ».

- Le vieillissement accéléré provoqué par la catastrophe de Tchernobyl a déjà touché des centaines de milliers de personnes et en touchera des millions dans le futur.

- Le saturnisme est devenu une des pathologies importantes de Tchernobyl. En effet, entre 2 400 et 6 720 tonnes de plomb ont été déversées au cours des opérations d’extinction. Une partie importante de ce plomb a été rejetée dans l’atmosphère suite à sa fusion, à son ébullition et à sa sublimation dans l’incendie du réacteur.

En outre, les conséquences génétiques causées par la catastrophe de Tchernobyl toucheront pendant des siècles des centaines de millions de personnes, dont :

- celles qui ont subi le premier choc radiologique (irradiation externe forte et brutale), parce que la quantité des radionucléides rejetés dans l’écosphère fut très importante ;

- celles qui vivent, et vivront pendant les 300 ans à venir, dans les territoires contaminés par le strontium 90 et le césium 137, ou celles qui vivront dans les territoires contaminés par le plutonium et l’américium pendant des milliers d’années ;

- les enfants des géniteurs irradiés, pendant des générations, où qu’ils vivent par la suite.

 

Le Secret, la falsification officielle des données et les malversations

Il n’y a pas de données instrumentées disponibles de la contamination de tous les pays d’Europe par l'ensemble des radionucléides de Tchernobyl, et désormais il n’y en aura plus jamais. S’appuyant sur ce manque, le rapport « Forum Tchernobyl » (2005) de l’AIEA et de l'OMS ne discute que des données concernant les territoires du Bélarus, de l’Ukraine et de la Russie d'Europe, passant sous silence la contamination des autres pays européens.

Or, même si la densité actuelle de la contamination n’est pas élevée dans un territoire, l’énorme contamination des premiers jours et des semaines qui ont suivi la catastrophe (on sait par reconstruction que, dans certains territoires, l’activité des retombées radioactives dépassait 10 000 fois les niveaux du fond naturel), jointe à la faible contamination persistant sur des décennies, ont pu influer et influeront considérablement sur la santé des habitants et sur l’environnement.

D’autre part, la suppression des institutions chargées d'examiner les suites pathologiques de Tchernobyl, le détournement des équipes de chercheurs de l’étude des problèmes engendrés par la catastrophe, le harcèlement et l’emprisonnement de certains médecins spécialisés, sont autant de tentatives concertées et persistantes pour cacher la vérité[6].

Aussi l’exigence avancée par les spécialistes de l’AIEA et de l’OMS de la nécessité d’une « corrélation certaine » entre la charge radioactive d’une personne concrète (jamais reconstituable avec précision, et pour cause) et l’atteinte à sa santé pour qu’il y ait démonstration évidente du lien de la maladie avec l’irradiation de Tchernobyl, relève-t-elle de manœuvres intellectuelles particulièrement malhonnêtes.

En plus de ces malversations, en ex-URSS, en Ukraine, au Bélarus, et au sein des principales organisations intergouvernementales concernées (CIPR, AIEA et OMS) les volontés de minimiser les conséquences de la catastrophe de Tchernobyl sont légion. En voici quelques exemples.

- Dans aucun des livrets des dizaines de milliers de militaires en service qui ont participé aux travaux de « liquidation » n’a été enregistré le dépassement de la norme de 25 rœntgens alors en vigueur. Mais l’examen clinique de 1 100 militaires liquidateurs a révélé chez 37 % d’entre eux les symptômes hématologiques de la maladie des rayons,  indiquant à l’évidence que ces personnes ont reçu plus de 25 rœntgens.

- La médecine officielle n’a commencé à reconnaître la fréquence de la cataracte « tchernobylienne » que 8 ou 9 ans après sa découverte.

- Même chose en ce qui concerne le cancer de la thyroïde, la leucémie et les affections du système nerveux central.

 

Les conséquences de Tchernobyl sur la santé publique

En résumant sommairement les données publiées dans le rapport du CERI, la contamination radioactive de Tchernobyl a touché près de 400 millions de personnes (205 millions en Europe et environ 200 millions hors d’Europe). L’analyse des courbes de la morbidité générale des enfants vivant dans les territoires contaminés de l’ex-URSS est particulièrement désespérante : seulement 20 % d’entre-eux sont en bonne santé. Dans certaines régions du Polessié il n’y en a plus un seul. En Allemagne, les dents des enfants nés après la catastrophe contenaient 10 fois plus de strontium 90, tout comme on retrouve de l’uranium dans les dents de lait des enfants anglais résidant près de Windscale (depuis rebaptisé Sellafield) 53 ans après cette autre catastrophe atomique. Le nombre des victimes de Tchernobyl croîtra pendant plusieurs générations. Au cours des 15 premières années suivant la Catastrophe, il peut être estimé de la manière suivante :

 

Bélarus, Ukraine, Russie d’Europe

237 000

Reste de l’Europe

425 000

Asie, Afrique, Amérique du Nord

323 000

Monde entier

985 000[7] 

 

Tchernobyl : une catastrophe nucléaire au temps de l’Anthropocène[8]

Les catastrophes atomiques ont ceci de particulier qu’elles délimitent toujours une fracture multidimensionnelle de l’histoire du vivant :

- La perte irrémédiable de tout un monde vivant sur d’immenses territoires, un printemps sans les cris des oiseaux, et des arbres roussis par un gigantesque et silencieux incendie.

- Une mortalité si nombreuse, et dans des conditions si inhumaines, que le travail de deuil s’avère impossible à réaliser, surtout « au temps de la mort sèche »[9].

- Un événement imprévu et inconcevable, qui dépasse nos facultés d’imagination, et dont les conséquences futures sont elles-mêmes imprédictibles.

- Des irradiés/contaminés subissant une atteinte aussi bien mentale que physique, dont certains effets s’étaleront sur plusieurs générations, pour donner naissance à des lignées d’êtres difformes.

Autrement dit, « un avant et un après » sans retour possible. Un trou dans la mémoire symbolique des humains, dans leur inconscient, ce qui nous prépare « un retour du refoulé » à la mesure de l’événement. Mais de plus, et c’est là le « double effet paradoxal » des catastrophes atomiques, elles n’ont pas de fin, pas de terme prévisible : c’est un monstre qui pousse et dévore de l’intérieur l’humanité, dont la morbidité persistante est difficilement évitable. La catastrophe atomique « colonise l’avenir et n’offre aucune possibilité d’échapper au destin tragique : aucune culture n’est prête à affronter ce pari »[10].

 

Le négationnisme et ses conséquences au temps de l’Anthropocène

Les Etats et les organisations internationales de l’ONU dont l’UNSCEAR, l’AEIA ont délibérément minimisé les conséquences sanitaires de Tchernobyl : ce parti pris des jugements concerne également l’OMS[11]et sa fameuse thèse d’une trentaine de morts jusqu’en 2005. Mais il y a bien pire depuis le 6 août 1945.

Figures de la défaite déshonorante du Japon, les « Hibakushas », assimilés aux pestiférés par peur d’une contagion fantasmée, furent l’objet de la honte publique, décourageant ainsi la plupart des rescapés de participer à un quelconque travail de mémoire, témoignages dont on a vu avec Primo Levi, Robert Antelme, David Rousset, Charlotte Delbo, Elie Wiesel, Jorge Semprun, Jean Améry et les autres survivants l’importance capitale dans l’Europe intellectuelle de l’après-guerre. Les édiles japonais procédèrent à une « reconstruction » rapide de la ville qui eut pour but d’effacer méticuleusement toutes les traces de leur défaite et… de ce crime effroyable[12]. Contrairement à ce qui s’est produit pour la Shoah, vainqueurs et vaincus se sont associés pour aveugler l’humanité, avec succès jusqu’à ce jour, sur la nature des crimes commis à Hiroshima et Nagasaki. Un exemple : avec l’aide des autorités japonaises, les Etats-uniens ont mené sur place des études sur les conséquences de ces bombardements, études qui furent versées dans les archives secrètes de Washington, longtemps inaccessibles. En plus du mépris des victimes en souffrance dont cela témoigne, ce sont sur ces mêmes archives que les Etats et les organisations internationales se basent encore aujourd’hui pour nier les effets des faibles doses à long terme !

Plus de traces, tel est le credo commun à tous les criminels et négationnistes (cf. ce qu’en dit plus précisément Günter Anders). Il en fut de même à Tchernobyl et en sera de même à Fukushima. Le travail de mémoire est ainsi forclos comme on tente d’enfermer un déchet radioactif dont on sait pertinemment qu’on en retransmet la dangerosité aux générations suivantes.

 

Un autre versant de la politique négationniste face à tous ces dangers consiste en un raisonnement de type scientiste qui les transforme en risques statistiques. Ce que vise à cacher cette manipulation intellectuelle du risque, c’est qu’en cas de catastrophe (« le risque résiduel »), ce sont toujours les Etats qui sont appelés à la rescousse car les moyens privés sont à l’évidence insuffisants pour y faire face. Mais depuis Tchernobyl et Fukushima les habitants de tous les pays de la planète doivent savoir qu’ils ne peuvent plus compter sur leurs gouvernements pour les protéger efficacement, ni avant et encore moins après une catastrophe atomique. C’est pourquoi nous pouvons dire que les populations du monde entier, après avoir été évacuées du choix politique – aucune société civile ne fut jamais consultée sur le nucléaire – courent le risque d’être évacuées de leurs territoires nourriciers, d’être « expulsées de leurs vies ».

 

La catastrophe de Tchernobyl aurait pu être encore plus grave

La catastrophe trouve son origine dans le projet inouï consistant à « expérimenter en vraie grandeur » : il s’agissait, dans le cas d'un arrêt d'urgence, d’utiliser l'énergie cinétique résiduelle du rotor du générateur pour une production supplémentaire d'énergie électrique ! Autrement dit, le monde vivant est devenu le laboratoire à grande échelle de la technoscience (et ce, depuis longtemps). Mais le rejet du seul réacteur n°4 a provoqué une contamination des dizaines de fois supérieure à la contamination due aux bombes lâchées sur Hiroshima et Nagasaki, et le « nuage de Tchernobyl » a fait au moins deux fois le tour de la Terre, ce qui fait de Tchernobyl la plus grande catastrophe technologique de l’Anthropocène à ce jour.

Mais il y a plus grave. Le Pr. Vassili Nesterenko, physicien nucléaire qui fut directement en charge des conséquences de la catastrophe, explique[13]que 1 400 kg[14] du mélange uranium-graphite au contact de l’eau constituaient une masse susceptible de provoquer une explosion atomique d'une puissance de 3 à 5 mégatonnes, soit environ 200 fois la puissance de l'explosion d'Hiroshima, si une quantité suffisante du corium, qui avait déjà percé la cuve du réacteur, avait transpercé la dalle de béton qui le séparait des masses d’eau contenues dans les sous-sols du réacteur. « Une explosion d’une telle puissance pouvait provoquer des radiolésions massives des habitants dans un espace de 300-320 km de rayon (englobant la ville de Minsk) et toute l’Europe pouvait se trouver victime d’une forte contamination radioactive rendant la vie normale impossible. […] Mon opinion est que nous avons frisé à Tchernobyl une explosion nucléaire. Si elle avait eu lieu, l’Europe serait devenue inhabitable ».[15]

 

Fukushima, une réplique de Tchernobyl

Au Japon, vu leur état, les systèmes de refroidissement ne pourront plus jamais être remis en service. Tandis que l’on injecte de l’eau borée dans les cuves et de l’azote pour inerter l’atmosphère des bâtiments, une énorme quantité d’eau y est quotidiennement déversée pour les refroidir afin d’éviter que les coriums transpercent l’enceinte et atteignent ces mêmes masses d’eau, ce qui pourrait être très grave. Et ce n’est pas un, mais quatre réacteurs, dont le n°3 qui fonctionnait au MOX[16]français, qui sont concernés. Sans parler des conséquences d’une éventuelle réplique sismique, que l’on ne peut malheureusement pas écarter vu l'emplacement de la centrale. Dans ces conditions, qui peut prédire les effets cumulatifs possibles de ce type de situation, au Japon ou ailleurs ? Or, ce qu’il fut possible de mettre en place à Tchernobyl pour éviter la catastrophe planétaire ne le sera vraisemblablement plus jamais nulle part sauf, peut-être pour quelque temps encore, en Chine. En ex-URSS, il était possible d’enrôler 800 000 « liquidateurs », les services de secours civils de tout un immense pays, des centaines de pompiers, dix mille mineurs, une armée encore puissante avec ses dizaines de milliers de réservistes, et ce sur ordre du secrétaire du Politburo. Le déploiement de tels moyens ne sera plus possible dans d’autres cas similaires, et il est douteux que l’appel aux autres pays soit suffisant : en démocratie libérale, il y aura peu de volontaires pour mourir dans des souffrances que l’on sait atroces. 

 

La perspective d’avoir à survivre en territoire contaminé ne peut être exclue

Dans les territoires contaminés par les dépôts de Tchernobyl, il est dangereux de s’occuper d’agriculture, il est dangereux d'arpenter les forêts, dangereux de pêcher le poisson et de chasser le gibier, il est dangereux de consommer les denrées produites localement sans contrôler leur radioactivité, dangereux de boire le lait et même l’eau. Tout ce qui constituait depuis des millénaires la plus sûre et la plus fidèle des sources de vie – l’air, les eaux naturelles, les fleurs, les fruits de la terre, les forêts, les fleuves et les mers – tout cela est devenu en quelques jours source de danger pour l’homme et l’animal. La catastrophe ukrainienne nous l’a enseigné, il faut également prendre en compte les effets délétères sur la santé des « faibles doses », inhalées ou ingérées via l’alimentation, qui vont ensuite produire leurs effets des années plus tard.

Les appareils automatiques de spectrométrie interne du corps humain, tels le SCRINNER en usage en Biélorussie, sont conçus pour mesurer l'activité des radionucléides dans le corps humain. Ces appareils devraient être d’usage courant dans tous les pays sous le vent de centrales atomiques en activité. Par ailleurs, dans de véritables prescriptions publiques à grande échelle, il faudrait préciser les avantages et les limites des pastilles d’iode et des mesures de confinement, les gestes qui sauvent, les « périmètres d’évacuation », les plans d’urgence… C’est pourquoi, dans tous les pays, les organisations de la société civile doivent considérer l’importance de la création d’un système de contrôles radiologiques indépendant du système officiel.

 

L’industrie nucléaire, une banalisation radicale du mal

A travers son concept de « banalité du mal », Hannah Arendt a démontré dans les années soixante que des crimes contre l’humanité avaient été perpétrés par des hommes ordinaires parce qu’ils ne se posaient pas de questions sur les fins de leurs « activités ». A partir du moment où ils étaient liés par un serment de fidélité à leur hiérarchie (ou à une idéologie, toutes choses qui sont aujourd’hui érigées en valeurs universelles par la raison calculatrice dans le monde du « travail » et ailleurs), ils tenaient ces activités pour légitimes.

Ce concept de « banalisation du mal » n’est pas issu de supputations sur une « nature humaine », mais bien d’une analyse socio-historique de ce qui s’est passé en Europe entre 1933 et 1945 et de ce qui en a préparé l’avènement. Soixante ans après, à moins de croire en un monde fixiste, il faut oser tirer les conclusions de ce qu'Hannah Arendt avait écrit.

Historiquement, la banalisation du mal occidental s’est répandue à grande échelle à partir du moment où le travail et les êtres humains ont été « industrialisés » avec l’appui massif de la technoscience, c'est-à-dire coupés de leur réalité nourricière, terrestre, pour être encasernés, prolétarisés, disqualifiés, déréalisés et finalement déshumanisés. A partir de ce moment, tout a été possible dans l’ordre de la banalisation et tout est devenu acceptable dans l’ordre du mal, puisque toutes les fins humaines ont été discréditées au seul profit de l’aliénation productiviste et marchande.

Les choses ne se sont pas arrangées depuis : cela est vérifiable sur tous les plans, y compris psychique[17]. Alors, il faut avoir le courage de dire que cette banalisation du mal est devenue omniprésente et que, en conséquence, nos sociétés ne sont plus que des « totalitarismes démocratiques » nous menant au(x) désastre(s) définitif(s), ce qui devrait être analysé comme tel dans l’ordre du politique. Porteuse de mort généralisée du vivant sur la planète, l’industrie nucléaire en est un exemple particulièrement frappant. Mais les gouvernements et la plupart des médias occidentaux (la guerre froide, qui devait durer quarante ans, y a bien pourvu) ont tout fait pour recouvrir, les 6 et 9 août 1945, cette défaite historique de l’humanité d’un épais manteau d’admiration et de dévotion devant le génie et la puissance des chercheurs, de la science, de la technique, de l’industrie… Un nouveau dieu est apparu ce 6 août 1945, à la puissance inquiétante certes, comme tous les dieux, et à la gloire duquel de nouveaux hymnes ont été forgés illico presto. Le largage des bombes atomiques, puis « l’expérience Tchernobyl », furent non seulement un crime contre l’humanité mais, fait nouveau, un crime contre la Nature, ce que l’on appellerait aujourd’hui un Ecocide. Si le refoulement de ce type de catastrophe systémique pour l’écosphère persiste, il ne sera pas sans conséquences pour l’avenir de l’humanité et sa manière d’en écrire l’histoire.

Une conclusion s’impose donc : il faudrait mettre sur pied un tribunal international, du type de celui de Bertrand Russell, jugeant les crimes atomiques contre l’humanité à Tchernobyl et ailleurs, depuis le 6 août 1945 jusqu’à Fukushima en passant par Fallujah.

 

 

 

Cet appel a été signé par :

 

Paul ARIES, philosophe et écrivain, intellectuel de référence du courant de la décroissance. Dernier ouvrage publié : « La simplicité volontaire contre le mythe de l'abondance ».

 

Marc ATTEIA, Docteur en mathématiques appliquées, professeur honoraire de l'Université de Toulouse, auteur de : Hilbertian kernels and spline functions, Elsevier Science Publishers, 1992 et Le technoscientisme, le totalitarisme contemporain, Yves Michel, 2009.

 

Marie-Christine GAMBERINI, traductrice, référente de l'association Les Amis de la Terre France sur le nucléaire et l'énergie.

 

Raphaël GRANVAUD, écrit dans « Billets d'Afrique » de l’association Survie, auteur de Que fait l'armée française en Afrique, Agone 2009 et de Areva en Afrique, une face cachée du nucléaire français, Agone 2012.

 

Alain GRAS, professeur émérite de l'Université Paris I et directeur du Centre d'études des techniques, des connaissances et des pratiques, cofondateur de la revue Entropia, auteur de Le choix du feu. Aux origines de la crise climatique, Fayard, 2007.

 

François JARRIGE, Maître de conférence à l’Université de Bourgogne, auteur de Face au monstre mécanique. Une histoire des résistances à la technique, imho, Paris, 2009.

 

Eva JOLY, ex-Juge d'instruction au Pôle Financier de Paris, ex-Conseillère des gouvernements norvégien puis islandais dans la lutte contre la corruption et la délinquance financière internationale, Députée Européenne, Candidate à l'élection Présidentielle de 2012.

 

Baudouin JURDANT, Professeur émérite à l'Université Paris 7, traducteur de Paul Feyerabend, auteur de l'ouvrage Les problèmes théoriques de la vulgarisation scientifique, Ed. Les Archives contemporaines, Paris, 2009.

 

Paul LANNOYE, Dr en Sciences physiques, député européen honoraire, administrateur responsable du Groupe de réflexion et d'action pour une politique écologique (GRAPE) en Belgique, co-traducteur en français du rapport du CERI, éditions Frison-Roche.

 

Serge LATOUCHE, professeur émérite d’économie de l'Université Paris XI et objecteur de croissance, auteur de Vers une société d'abondance frugale ; Contresens et controverses sur la décroissance, Mille Et Une Nuits/Fayard, 2011.

 

Frédérick LEMARCHAND, Sociologue, co-directeur du pôle RISQUES, Université de Caen, membre du Conseil scientifique du CRIIGEN. Coauteur de Les Silences de Tchernobyl et du film La vie contaminée, Conseiller de l’exposition internationale Il était une fois Tchernobyl.

 

Corinne LEPAGE, ancienne ministre de l’environnement, députée européenne, enseignante à l’IEP. Dernier ouvrage : La vérité sur le nucléaire ; le choix interdit, Albin Michel, 2011, Candidate à l'élection Présidentielle de 2012.

 

Stéphane LHOMME, Président de l’observatoire du nucléaire, auteur de L’insécurité nucléaire ; bientôt un Tchernobyl en France, Yves Michel, 2006.

 

Jean-Marie MATAGNE, Docteur en philosophie, Président de l’Action des Citoyens pour le Désarmement Nucléaire (www.acdn.net), auteur de En finir avec la terreur nucléaire et de Désarmer pour vivre sur une planète sans armes ni centrales nucléaires, candidat à l’élection présidentielle de 2002.

 

Roland MERIEUX, secrétaire du Syndicat international d’aide aux liquidateurs de la centrale nucléaire de Tchernobyl et aux victimes du nucléaire.

 

Jean-Marie PELT, Président de l'Institut Européen  d'Ecologie et Professeur Honoraire de l'Université de Metz, dernier ouvrage : Heureux les simples, Flammarion, 2011.

 

Pierre RABHI, agriculteur, écrivain et penseur français d’origine algérienne, chevalier dans l’ordre national de la Légion d’Honneur, Pierre Rabhi est un des pionniers de l’agroécologie.

 

Jacques TESTART, Agronome et biologiste, Dr en sciences, dir. de recherche honoraire à l'Inserm; ex-président de la Commission française du développement durable (1999-2003). Co-auteur de Labo-planète. Ou comment 2030 se prépare sans les citoyens, Mille et une nuits, 2011.

 

Jean-Marc ROYER, ingénieur, ex-cadre supérieur ADP, ancien dirigeant du syndicat de cadres SICTAM/CGT Orly, en cours de publication : Décoloniser l’imaginaire occidental. I. La science creuset de l’inhumanité. Rédacteur de l’appel. Email : jean-marc_royer@orange.fr

 

 



[1] 100 Mt : Andreï Sakharov, Mémoires, Seuil, 1990, p 246. L’IRSN parle de 50 Mt.

 

[2] Comité Européen sur le risque de l’Irradiation, (CERI) Recommandations 2003 du CERI, Ed Frison Roche, 2004. Synthèse et commande du rapport : www.euradcom.org. Pour le CERI, environ 65 millions de morts sont imputables à l’industrie atomique depuis 1945 ! 

 

[3] Claude Lorius, Voyage dans l’Anthropocène, Actes Sud, 2010.

 

[4] La grande majorité des informations qui suivent sont extraites du livre d’Alexeï V. Yablokov, Vassili B. Nesterenko, Alexeï V. Nesterenko, « Tchernobyl, conséquences de la catastrophe pour l’homme et la nature », annales N°1181 de l’Académie des sciences de New York, 2009, dont le choix de textes traduits en français est dû à Wladimir Tchertkoff avec la collaboration de Lisa Mouravieff. Version américaine partiellement consultable en ligne sur : http://books.google.fr/. D’autres sites en proposent le digest français.

 

[5] Au moment de l’accident, l’activité de certaines « particules chaudes » atteignait 10 à 12 mille becquerels, ce qui pouvait provoquer la mort en quelques heures.

 

[6] Yuri Bandajevski fut arrêté en juillet 1999, prétendument dans le cadre des mesures d'urgence destinées à combattre le terrorisme. Arbitrairement détenu, puis accusé de corruption et condamné le 18 juin 2001 à huit années de prison, malgré la rétractation publique de son accusateur, au terme d'un procès digne de ceux des années 30, il fut incarcéré jusqu’en 2005. Vassili Nesterenko, directeur de l'Institut indépendant biélorusse de protection radiologique Belrad, qu'il a créé en 1989 avec l'aide d’Andreï Sakharov, Ales Adamovitch et Anatoli Karpov, a été menacé d'internement en asile psychiatrique par le KGB, a subi deux attentats, et est décédé le 25 août 2008 après une opération à l'estomac.

 

[7] Alexeï V. Yablokov, Vassili B. Nesterenko, Alexeï V. Nesterenko, op. cit. Ces chiffres ont été largement revus à la hausse soit par l’académie des sciences de NY, soit à la suite de la conférence internationale de nov. 2010 : La gazette nucléaire n° 259 février 2011, http://resosol.org/Gazette/2011/259p23.html

 

[8] Ere caractérisée par le fait que l’homme en est devenu la force géologique principale (Georgescu-Roegen, A. Gras, J. Grinevald ou C. Lorius).

 

[9] Allouch Jean, Erotique du deuil au temps de la mort sèche, EPEL, 1995.

 

[10] Frédéric Lemarchand, sociologue, membre du Conseil scientifique du CRIIGEN, article du 17 mars 2011, Les Echos.

 

[11] Un accord a été signé en 1959 entre l’AIEA et l’OMS obligeant celle-ci à soumettre sa position à celle de l’AIEA dans tous les cas où le nucléaire est en jeu.

 

[12] Que la ville soit rapidement reconstruite, cela se comprend aisément et ce fût également le cas en Europe. Mais on aurait pu espérer que subsiste d’autres traces que l’unique dôme de l’ancien pavillon d’exposition industrielle …

 

[13] Dans le film « Tchernobyl. La vie contaminée, vivre avec Tchernobyl » de David Desramé et Dominique Maestrali.

 

[14] Il reste encore en 2011 l’équivalent de quelques dizaines de tonnes d’uranium sous le sarcophage…

 

[15] Lettre du professeur Nesterenko à Wladimir Tchertkoff, Solange Fernex et Bella Belbéoch, janvier 2005.

 

[16] Combustible constitué d'un mélange d'oxydes d'uranium, mais aussi de plutonium, ce qui d’une part réduit les marges de sécurité (sa température de fusion étant plus faible et plus rapidement atteinte) et d’autre part accroît sa dangerosité, quelques milligrammes suffisant à déclencher une mort rapide.

 

[17] Melman Charles, Lebrun Jean-Pierre, La nouvelle économie psychique, une nouvelle façon de penser et de jouir aujourd’hui, Eres, 2009.

 

 

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