12 septembre 2015 6 12 /09 /septembre /2015 22:23

Citation de la source :

Watanabe, Y. et al., Morphological defects in native Japanese fir trees around the Fukushima Daiichi Nuclear Power Plant. Sci. Rep. 5, 13232; doi: 10.1038/srep13232 (2015).

Auteurs : Yoshito Watanabe1,*, San’ei Ichikawa2,*, Masahide Kubota2, Junko Hoshino3, Yoshihisa Kubota1, Kouichi Maruyama1, Shoichi Fuma1, Isao Kawaguchi1, Vasyl I. Yoschenko4 & Satoshi Yoshida1

Publication reçue le 23 février 2015 - Validée le 20 juillet 2015 - Publiée le 28 août 2015

Publication sous licence libre, rapport scientifique sur le site nature.com, lien-source :

http://www.nature.com/articles/srep13232

Traduction : Evelyne Genoulaz

1Fukushima Project Headquarters, National Institute of Radiological Sciences, Chiba 2638555, Japan. 2Japan Wildlife Research Centre, Tokyo 1308606, Japan. 3Tokyo College of Environment, Tokyo 1308606, Japan. 4Institute of Environmental Radioactivity, Fukushima University, Fukushima 9601296, Japan. *These authors contributed equally to this work. Correspondence and requests for materials should be addressed to Y.W. (email: y_nabe @ nirs.go.jp)

 

 

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Après laccident à la centrale nucléaire n°1 de Fukushima Daiichi [F1NPP] en mars 2011, on a porté beaucoup d’attention aux conséquences biologiques du relâchement de radionucléides dans son proche environnement. Notre recherche s’est intéressée aux modifications dans la morphologie du sapin japonais, un conifère japonais présent à l’état naturel de façon endémique, sur des sites proches de la centrale. Nous avons pu observer sur les populations de sapins japonais poussant près de la centrale une augmentation de défauts morphologiques significative, concernant des suppressions de rameaux de tête sur l’axe principal, par comparaison avec une population de référence située loin de la centrale. La fréquence de ces défauts a pu être  mise en correspondance avec les niveaux de contamination des sites d’observation. Une augmentation significative de la suppression des rameaux de tête a pu être observée dans ceux dont l’élongation s’est produite postérieurement au printemps 2012, soit une année après l’accident. Nos résultats conduisent à la conclusion que la contamination par des radionucléides aurait contribué à des déficiences dans la morphologie des sapins japonais situés dans une zone proche de la centrale.

 

Au cours de l’accident à la centrale nucléaire n°1 de Fukushima Daiichi en mars 2011, des radionucléides relâchés dans l’atmosphère contaminèrent la zone environnante (1-2). Depuis l’accident, on a porté beaucoup d’attention aux conséquences biologiques d’une contamination par ces radionucléides. Afin de rechercher des changements biologiques opérés dans l’environnement, divers organismes présents à l’état sauvage dans les environs de la centrale et susceptibles d’être des indicateurs, ont fait l’objet d’observations, comme les singes japonais (3), les papillons Lycaneid ou encore les pucerons à galle de l’Epinette [gall-forming aphid] . Néanmoins, la poursuite d’études  sur des organismes sensibles au rayonnement, nous permettrait de mieux nourrir les conclusions, s’agissant de savoir si la contamination radioactive résultant de l’accident à la centrale eut un impact biologique sur l’environnement.

Au sujet de la biosurveillance quant à la contamination radioactive du moins, il a été prouvé que les conifères sont des indicateurs intéressants en raison de leur radiosensibilité élevée, comme l’a révélé voilà quelques décennies une étude de terrain utilisant des équipements à rayonnement gamma (6-9). C’est ainsi qu’on a conclu à des dommages sur deux conifères suite à l’accident nucléaire de Tchernobyl de 1986 : deux essences locales, le Pin sylvestre (Pinus sylvestris) et l’Epinette de Norvège (Picea abies) ont été atteintes, dans les zones contaminées par la radioactivité, de dommages biologiques caractérisés (10-12). En situation expérimentale comme en situation post-accidentelle, on a mis en évidence que des modifications de morphologie, en particulier dans le branchage de l’axe principal, furent les réponses radiosensibles des conifères les plus fréquemment observées (6-12).

 

Figure 1 - Schéma du sapin japonais en janvier 2015

Figure 1 - Schéma du sapin japonais en janvier 2015

Des conifères poussent dans une zone hautement contaminée par la radioactivité suite à l’accident à F1NPP, dont le sapin japonais (Abies firma) en est l’une des essences la plus naturellement répandue. A la différence des autres espèces de conifères, les populations de jeunes sapins japonais sont abondantes, en vertu d’une caractéristique propre à cette essence qui est de croître  même à l’ombre du couvert forestier. Or, la petite taille des arbres jeunes présente l’intérêt de faciliter l’observation de changements morphologiques sur l’arbre entier. De plus, la régularité de la croissance du sapin japonais sur une année permet de déterminer les changements année après année, et ce sur un certain nombre d’années. Pour notre étude, nous avons utilisé ce sapin du Japon comme un indicateur dans la recherche de l’impact environnemental de la contamination radiologique provoquée par l’accident F1NPP. Nous nous sommes intéressés aux modifications morphologiques des rameaux de tête dans les cinq dernières années, sur un territoire hautement contaminé situé aux alentours de F1NPP. Notre étude a porté, en janvier 2015, sur l’observation de trois sites (S1, S2 et S3) situés à des distances différentes de la centrale et présentant des niveaux de contamination différents. Ces sites se trouvent dans « l’Aire 3 » c’est-à-dire là où le retour des résidents est différé sur le long terme (Ministère de l’Economie, du Commerce et de l’Industrie). D’autres sapins japonais ont également été étudiés sur un site-témoin faiblement contaminé (S4), au sud-ouest de F1NPP.

 

Figure 2 - Carte montrant les sites d’observation. [Autres précisions : se reporter à la carte figurant dans l’article-source]

Figure 2 - Carte montrant les sites d’observation. [Autres précisions : se reporter à la carte figurant dans l’article-source]

Tableau 1 - Les sites d’observation des sapins en janvier 2015

Tableau 1 - Les sites d’observation des sapins en janvier 2015

LES RESULTATS

 

La plupart des sapins japonais ayant poussé à l’état naturel présentent un schéma de ramification monopodial typique, avec un tronc pourvu d’un axe principal unique (Fig. 3 B, C), tandis que certains  arbres présentent des défauts morphologiques sur l’axe principal du tronc (Fig.3 B, C).

 

Quel que fut le site de croissance, ces défauts sont caractérisés par une branchure irrégulière au niveau des verticilles [note : groupe de plus de deux feuilles, pousses…qui naissent au même niveau sur la tige, en anneau] de l’axe principal, avec la suppression distincte du rameau directeur qui habituellement fait une élongation à la verticale pour former l’axe principal.

 

L’espace laissé par ce rameau manquant a été comblé par les branches latérales demeurantes, qui ont poussé vers le haut ou bien maintenu leur position à l’horizontale (Fig. 3C).

Figure 3 - Indication des défauts morphologiques des sapins japonais. Les flèches indiquent la position des pousses de tête supprimées.  (A) arbre normal (S3) ; (B) arbre défectueux (fourche verticale, S1) ; (C) arbre défectueux (fourche horizontale, S2).

Figure 3 - Indication des défauts morphologiques des sapins japonais. Les flèches indiquent la position des pousses de tête supprimées. (A) arbre normal (S3) ; (B) arbre défectueux (fourche verticale, S1) ; (C) arbre défectueux (fourche horizontale, S2).

La fréquence des défauts morphologiques sur l’axe principal fut globalement variable sur les  différents sites d’observation S1, S2 et S3, mais elle fut significativement plus élevée dans chacun de ces sites en comparaison du témoin S4 (NDLT - test chi carré, cf. chiffres de l’article d’origine en lien…).

Cette fréquence se trouva en correspondance avec des débits de dose ambiante sur les sites observés, qui représentent des niveaux de contamination locale par les radionucléides (S1 > S2 > S3 > S4, Tableau 1).

Nous avons observé en S1 une fréquence élevée de défauts, où 125 des 128 arbres ont  présenté des défauts de branchage sur leur axe principal.

 

Figure 4 - Fréquence relative des modifications constatées sur l’axe principal de sapins japonais sur différents sites. On a dénombré les défauts par l’observation de 5 verticilles annuels à partir de la cime des arbres. On a exclu de l’examen les arbres présentant une carence en rameau directeur ou des rameaux directeurs morts dans leurs verticilles inférieurs ; ce pourquoi il y a une différence entre le nombre d’arbres observés pour leurs défauts (n : indiqué dans ce schéma) et le nombre total d’arbres observés (Tableau 1) […]

Figure 4 - Fréquence relative des modifications constatées sur l’axe principal de sapins japonais sur différents sites. On a dénombré les défauts par l’observation de 5 verticilles annuels à partir de la cime des arbres. On a exclu de l’examen les arbres présentant une carence en rameau directeur ou des rameaux directeurs morts dans leurs verticilles inférieurs ; ce pourquoi il y a une différence entre le nombre d’arbres observés pour leurs défauts (n : indiqué dans ce schéma) et le nombre total d’arbres observés (Tableau 1) […]

Nous avons analysé un à un les défauts de branchage de l’axe principal, pour chacun des verticilles  par année (Fig.5).

En comparaison des rameaux de l’année 2010, qui furent générés avant l’accident Daiichi, la fréquence de la suppression du rameau de tête a augmenté dans une proportion significative sur les rameaux qui ont poussé après 2012 (sites S1 et S3), ou après 2013 (site S2).

 

Cette fréquence a connu un pic en ce qui concerne les verticilles de l’année 2013, puis elle a eu tendance à décroître pour les verticilles de 2014, sur chacun des sites d’observation.

Les modèles de variation dans les séries des verticilles annuels ont été similaires sur les trois sites observés, tandis qu’on n’a observé  aucune variation selon l’année sur le site-témoin, S4.

Ces résultats indiquent que la suppression des tiges directrices s’est produite le plus souvent dans le cas des verticilles dont l’élongation provient des bourgeons terminaux d’hiver au début de la saison 2012-2013.

 

Figure 5 - Fréquence relative de la suppression des tiges de tête sur les verticilles annuels de l’axe principal dans les sapins japonais sur les différents sites. Les suppressions ont été dénombrées à l’observation de 5 ramifications annuelles à partir de la cime de l’arbre. Les années correspondent au moment où les rameaux ont crû au printemps. (Fig. 1). Ceux des arbres ayant des tiges de tête supprimées ou mortes lors des années antérieures ont été écartés de l’observation ; ce qui explique que le nombre des arbres (n : reporté sur le graphique) décroît d’une année sur l’autre [etc, cf doc-source].

Figure 5 - Fréquence relative de la suppression des tiges de tête sur les verticilles annuels de l’axe principal dans les sapins japonais sur les différents sites. Les suppressions ont été dénombrées à l’observation de 5 ramifications annuelles à partir de la cime de l’arbre. Les années correspondent au moment où les rameaux ont crû au printemps. (Fig. 1). Ceux des arbres ayant des tiges de tête supprimées ou mortes lors des années antérieures ont été écartés de l’observation ; ce qui explique que le nombre des arbres (n : reporté sur le graphique) décroît d’une année sur l’autre [etc, cf doc-source].

En dépit de l’augmentation significative de la fréquence de suppression des pousses de tête sur les  verticilles annuels autour de l’année 2013 dans les sites d’observation S1-S3, le nombre des  branches latérales élongées à partir de ces mêmes verticilles n’a pas montré de variation annuelle qui pût être mise en correspondance avec la fréquence de suppression des tiges de tête (Fig.6).

Il n’y a pas eu de différence dans le nombre de branches latérales au sein des rameaux annuels, y compris en S1 (one-way ANOVA, p = 0,84), où la fréquence de suppression des pousses de tête connut la variation la plus intense, en comparaison des autres sites d’observation (Fig. 5).

 

D’un autre côté, il y a eu une variation annuelle significative du nombre de branches latérales en S2, S3 et S4 [one-way ANOVA, cf. chiffres dans l’article-source…]. Néanmoins, les schémas des variations annuelles n’ont pu être rapprochés de la fréquence de variation des tiges directrices manquantes. Ce qui signifie que la suppression des tiges directrices s’est produite indépendamment de la modification du nombre des branches latérales élongées au niveau des verticilles.

 

Figure 6 - Nombre de ramifications latérales sur les verticilles annuels de l’axe principal des sapins japonais sur les différents sites. Les suppressions ont été dénombrées à l’observation de 5 ramifications annuelles à partir de la cime de l’arbre. Les années correspondent au moment où les rameaux ont crû au printemps. (Fig. 1). Ceux des arbres ayant des tiges de tête supprimées ou mortes lors des années antérieures ont été écartés de l’observation ; ce qui explique que le nombre des arbres (n : reporté sur le graphique) décroît d’une année sur l’autre (etc., cf. doc-source).

Figure 6 - Nombre de ramifications latérales sur les verticilles annuels de l’axe principal des sapins japonais sur les différents sites. Les suppressions ont été dénombrées à l’observation de 5 ramifications annuelles à partir de la cime de l’arbre. Les années correspondent au moment où les rameaux ont crû au printemps. (Fig. 1). Ceux des arbres ayant des tiges de tête supprimées ou mortes lors des années antérieures ont été écartés de l’observation ; ce qui explique que le nombre des arbres (n : reporté sur le graphique) décroît d’une année sur l’autre (etc., cf. doc-source).

Des différences dans le développement des rameaux directeurs et des ramifications latérales ont aussi été observées en examinant en détail les rameaux défectueux. Sur chacun des sites, les tiges directrices supprimées n’ont laissé aucune marque sur les branches latérales normales (Fig. 7A).

Des structures semblables ont également été observées sur les bourgeons d’hiver de 2015 au sommet de l’axe principal, où des bourgeons latéraux normaux avec une suppression totale des bourgeons apicaux ont parfois pu être observés (Fig. 7B).

Ces observations démontrent que la suppression des pousses de tête résulte vraisemblablement de la suppression des bourgeons apicaux à un stade précoce de leur développement, indépendamment de la formation des bourgeons latéraux.

 

Figure 7 - Indication de la pousse de tête et du bourgeon apical supprimés sur une branche principale des sapins japonais. Les flèches indiquent la position de la pousse de tête supprimée (A). Rameau annuel de 2013 (S1),  (B) : bourgeons d’hiver de 2015 à l’apex de l’axe principal (S1).

Figure 7 - Indication de la pousse de tête et du bourgeon apical supprimés sur une branche principale des sapins japonais. Les flèches indiquent la position de la pousse de tête supprimée (A). Rameau annuel de 2013 (S1), (B) : bourgeons d’hiver de 2015 à l’apex de l’axe principal (S1).

 

DISCUSSION

 

Dans cette étude, un accroissement significatif des déficiences morphologiques a été mis en évidence sur les populations de sapins japonais poussant sur les sols près de F1NPP.

 

Leur occurence est en correspondance avec un niveau de contamination radioactive représenté par le débit de dose ambiante de chacun des sites, suggérant que ces défauts pourraient être imputables à une exposition à la radiation ionisante provenant des radionucléides qui furent relâchés après l’accident.

 

D’un autre côté, une destruction de pousses de tête a aussi pu être observée sur le site témoin dans une plus faible mesure, ce qui indique que ces défauts n’ont pas été spécifiques à la radiation, mais universels. La destruction des pousses de tête sur le site témoin est apparue de façon aléatoire sur les rameaux annuels et non pas une année plutôt que l’autre. Mieux encore, même sur les sites fortement contaminés, une faible fréquence de défauts a pu être observée avant l’accident de F1NPP en 2011. Ces résultats ont suggéré que les défauts ont pu aussi apparaître indépendamment d’une exposition à la radioactivité.

 

Des défauts similaires au niveau de l’axe principal ont été rapportés concernant de nombreuses essences de conifères cultivées dans des plantations, qui comprennent la séparation du tronc en deux branches ou davantage, de taille semblable, ce qu’on appelle un défaut de fourche (14, 15, 16, 17). Les défauts de fourche peuvent avoir pour origine le bris de la branche directrice en raison d’un dommage accidentel, comme un oiseau qui s’y perche, l’attaque d’un animal, un fort vent, ou des maladies pathogènes, ou encore un stress environnemental comme le gel (14). Des études plus anciennes ont montré que chez le Pin tordu (ou Pin de Murray - Pinus contorta), les défauts de fourche pouvaient également être causés par un contrôle physiologique de la dominance apicale même en l’absence de dommages mécaniques (14, 15). Dans notre étude, les défauts de fourche qui ont été observés sur les sapins japonais étaient identiques à ceux des autres essences de conifères.

 

Relativement aux effets de la radioactivité, il a été rapporté la destruction des pousses de tête dans les Pins sylvestres qui furent exposés de façon chronique à la radiation, dans une zone contaminée tout près de la centrale nucléaire de Tchernobyl (11). Les arbres qui présentaient des défauts de fourche avec la destruction des rameaux de tête annuels formaient parfois des canopées buissonnantes sans aucun axe principal. Une autre étude a montré que les pins sylvestres à Tchernobyl ont eu pour caractéristique la disparition du tronc unique au profit de deux troncs ou davantage, ou de branches, en correspondance avec un débit estimé de dose reçue pendant le développement des bourgeons apicaux (12).

 

Bien que les défauts des pins proches de la centrale nucléaire de Tchernobyl ne fussent pas tous identiques à ceux qui furent observés sur les sapins japonais dans la zone proche de F1NPP, cette information semble appuyer la thèse d’une corrélation entre les modifications morphologiques des sapins japonais et une exposition chronique à la radioactivité provenant du relâchement de radionucléides.

 

En dépit de la correspondance entre les défauts des sapins japonais et le niveau de la contamination radioactive, on dispose de peu d’information biologique pour soutenir la thèse que les fréquences accrues des modifications morphologiques fussent causées par la radioactivité relâchée après l’accident de F1NPP. Même si le dommage intervenu au stade initial de la formation du bourgeon apical semble la cause primordiale de la suppression des rameaux de tête, il y a un laps de temps de deux ans entre 2011 —l’année où le niveau de radioactivité dans l’environnement fut le plus élevé — et 2013 —l’année présentant la fréquence en défauts la plus élevée— qui demeure sans explication.

 

Par conséquent, il convient de rechercher au niveau des cellules et des tissus, les procédés  impliqués dans la suppression des rameaux de tête, relativement au développement des bourgeons latéraux et apicaux des conifères.

 

Comme nous l’avons mentionné ci-dessus, un certain nombre de facteurs peuvent être responsables de l’accroissement des fréquences en défauts observées dans la morphologie des populations de sapins japonais près de F1NPP et, à ce jour, on n’a pas fait la preuve qu’un quelconque facteur isolé soit la cause unique de ces augmentations.

 

Néanmoins, une corrélation positive a pu être observée entre les débits de dose ambiante et les fréquences de défauts dans la morphologie, et ces fréquences ont augmenté après l’accident à F1NPP alors qu’elles étaient beaucoup plus basses avant l’accident, induisant qu’entre plusieurs facteurs potentiels d’augmentation des fréquences en défauts morphologiques, la radiation ionisante fut le plus probable.

 

Afin de confirmer ce postulat, il serait pertinent d’évaluer les niveaux de dose dans les sapins japonais dans les champs contaminés de Fukushima, et l’on devrait étudier dans des installations nucléaires, sur cette essence, les effets de l’irradiation à long terme.

 

 

 

[NDLT : Pour des précisions complémentaires sur les conditions de l’étude, merci de vous reporter à l’annexe du texte de la source].

 

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24 août 2015 1 24 /08 /août /2015 19:42

Article publié en 7 parties

 

(partie précédente)

 

 

4.2. Hypothèse d’une explosion de vapeur

 

4.2.1. Eléments favorables

 

- Les conditions nécessaires à une explosion de vapeur sont là : le cœur a commencé à fondre 24 heures plus tôt. Sans aucun refroidissement, un corium s’était formé et remplissait le fond de la cuve. Malgré l’injection d’eau douce, puis d’eau de mer, la fonte du cœur (« meltdown ») a bien eu lieu. L'injection d'eau de mer a commencé le lundi 13 mars 2011 à 13h12. Deux heures plus tard, malgré l'addition d'eau, le niveau d'eau dans la cuve du réacteur n'avait pas augmenté, ce qui laisse penser qu'il y avait déjà une fuite et que l’eau descendait directement dans le fond de l’enceinte de confinement où l’eau a pu s’accumuler. Si le fond de cuve a lâché, le corium a pu tomber dans cette eau et provoquer une explosion de vapeur.

- Les éléments observés démontrent qu’une explosion a eu lieu à l’intérieur de l’enceinte de confinement : déformation du puits de cuve au niveau du joint avec la piscine d’équipement, déformation de la vanne entre le puits de cuve et la piscine de combustible, déplacement de la porte d’accès de l’enceinte de confinement, et peut-être aussi explosion des condenseurs sous l’effet de la pression.

 

4.2.2. Eléments défavorables

 

- Selon la coupe du réacteur, il existe un puits de drainage au fond de l’enceinte de confinement (« equipment drain sump »). Si cette installation était en état, l’eau a pu être évacuée par ce conduit et de ce fait, en l’absence de masse d’eau, une explosion de vapeur n’a pas pu se produire. Toutefois, cette évacuation a pu aussi être bouchée par du corium puisque c’est cette matière qui est arrivée en premier en fond d’enceinte de confinement après avoir percé la cuve. C’est cette hypothèse qui est privilégiée par Tepco en 2011, comme le montre le schéma suivant : puisard rempli de corium.

 

Fig. 97 : Pour exemple, représentation du corium du BR1 remplissant le puisard  (Evaluation de Tepco en décembre 2011)

Fig. 97 : Pour exemple, représentation du corium du BR1 remplissant le puisard (Evaluation de Tepco en décembre 2011)

4.3. Hypothèse d’une explosion de zirconium

 

4.3.1. Eléments favorables

 

- Les conditions pour une explosion de zirconium sont réunies : d’une part le métal zirconium est là en abondance : il sert à envelopper les 34 524 crayons de combustible installés dans le réacteur. D’autre part, la chaleur est là : le combustible commence à être découvert le 13 mars 2011 vers 9h10 et donc l’eau ne joue plus son rôle de refroidissement.

- Le zirconium est au contact d’un hydroxyde de métal alcalin, le césium. Quand les gaines se fissurent, le césium, produit de fission, se libère et s’oxyde au contact de l’eau. Le césium ou l’oxyde de césium peuvent se transformer en hydroxyde de césium qui peut déclencher une explosion au contact du zirconium.

 

4.3.2. Eléments défavorables

 

- Le zirconium n’est pas pur donc il n’est pas censé réagir de la même manière. Les gaines de combustible sont en effet composées d’un alliage dénommé le zircaloy fait de zirconium (98 %) et de divers métaux (principalement de l’étain, mais aussi du chrome, du fer, du nickel, du hafnium)

- Le zirconium ne se présente pas sous forme de poudre ou de granulés mélangés à l'air dans un réacteur.

- Le zirconium est surtout connu pour produire de l’hydrogène en abondance au contact de l’eau quand la température monte et qu’il s’oxyde. Il favorise ainsi les explosions d’hydrogène plus qu’il n’explose lui-même.

 

4.4. Hypothèse d’une explosion due à un accident de criticité instantanée dans la piscine de combustible

 

4.4.1. Eléments favorables

 

- La vidéo montre que la première explosion se situe dans l’angle sud-est du BR3, là où se trouve la piscine de combustible.

- La photo aérienne du BR3 montre qu’il y a eu une explosion à l’endroit de la piscine.

- La double poutre n° 5, la seule à avoir été désolidarisée entièrement de la toiture, se trouvait juste au-dessus de la piscine de combustible

- Cette explosion a produit une forte chaleur qui a tordu les poutrelles métalliques du toit.

- Le nuage 3a, qui initie la grande explosion verticale, se situe exactement au-dessus de la piscine de combustible.

- Le nuage qui est propulsé à 300 mètres d’altitude n’a pas pu être guidé par les murs du BR3 car ceux-ci étaient déjà détruits par la première explosion. Les murs de la piscine de combustible d’une profondeur de 11,80 mètres ont pu jouer ce rôle.

- La machine de réapprovisionnement en combustible qui était positionnée sur la piscine a été projetée en l’air sous l’effet d’une explosion provenant d’en dessous d’elle et est retombée dans la piscine.

- L’endroit le plus chaud de la piscine le 20 mars 2011 correspond à l’emplacement supposé de l’explosion, c’est-à-dire là où il y a eu le moins de retombée de matériel (effet cratère).

- Tepco n’a jamais diffusé de photos des assemblages de la piscine à l’endroit le plus chaud.

- Des morceaux de combustible nucléaire ont été trouvés près du BR2 et jusqu’à plusieurs kilomètres de la centrale de Fukushima Daiichi.

- Des poussières de combustible de Fukushima ont été retrouvées partout dans le monde : de l'uranium à Hawaii et sur la côte ouest des Etats-Unis, du plutonium sur place mais aussi en Lituanie, de l'américium en Nouvelle Angleterre et sur la Côte Est.

- De la poussière noire qui se forme au sol près de la centrale de Fukushima est composée de produits de fission dont les césiums 134 et 137 et le radium 226.

 

4.4.2. Eléments défavorables

 

- Les photos de l’intérieur de la piscine montrent certains des assemblages de combustible intacts. Comment une telle explosion aurait-elle pu laisser du combustible au fond de la piscine sans l’endommager ?

 

4.4.3. Elément indifférent

 

- Un des arguments d’Arnie Gundersen en faveur d’une explosion de criticité pour le BR3 est que celle-ci a produit une détonation, donc avec une onde de choc supersonique. Nous ne voyons pas en quoi cette information est un argument car l’hydrogène peut aussi produire une détonation (8). L’explosion d’hydrogène du BR1 a par exemple bel et bien produit une onde de choc supersonique. Cet argument n’est donc pas à conserver.

 

(8) Pour ceux qui s’intéressent à la combustion de l’hydrogène, se reporter au rapport EUR9689  de la Commission des Communautés Européennes, Eléments pour un guide de sécurité « hydrogène » , paru en 1985, chapitre II « Risques caractéristiques présentés par l’hydrogène », et en particulier le paragraphe 6.1.8 sur la détonation.

 

 

5. Conclusions prenant en compte les faits et les critiques

 

Tout d’abord, il faut s’en tenir aux faits avérés.

 

5.1. Il s’est produit plusieurs explosions

 

Il faut se rendre à l’évidence qu’on ne peut pas expliquer « l’explosion » du BR3 de manière simpliste comme voudrait l’imposer la version officielle depuis 4 ans. L’analyse de l’évènement démontre qu’il y a eu plusieurs phases visibles qui impliquent l’existence de plusieurs explosions en l’espace d’une demi-seconde :

- Phase 1 (instant T) : explosion principalement sur le côté sud-est avec destruction du toit

- Phase 2 (T + 0,0334 s) : production d’une flamme jaune-orange sur le côté sud-est

- Phase 3 (T + 0,0668) : destruction du toit et des murs de l’angle nord-ouest

- Phase 4 (T + 0,33  s) : formation d’un nuage au-dessus de la piscine de combustible

- Phase 5 (T + 0,43 s) : formation d’un nuage au-dessus du côté nord-ouest

 

5.1.1. Une explosion s’est produite dans la piscine de combustible

 

Nous avons vu dans le chapitre 4.4 qu’il y avait 12 éléments favorables à l’explosion de la piscine de combustible contre 1 défavorable. S’il fallait ne retenir qu’un seul élément favorable, c’est que du combustible nucléaire a été retrouvé à l’extérieur de la centrale. Comme le puits de cuve est resté fermé, ce combustible ne peut pas provenir du réacteur. Il provient donc de la piscine de combustible. Comme personne ne l’en a extrait, il s’est donc bien produit une explosion dans la piscine de combustible qui a projeté certains éléments à l’extérieur.

 

L’hydrogène n’ayant pas pu exploser dans l’eau de la piscine car il lui faut de l’oxygène gazeux, l’explosion ne peut s’expliquer que par un accident de criticité.

Ce n’est pas la première fois qu’un accident de criticité se produit avec du combustible nucléaire. Depuis 1945, l’IRSN en a recensés 39 qui sont survenus sur des réacteurs de recherche et sur des assemblages critiques dans des laboratoires.

Les accidents de criticité les plus courants durent un certain temps, jusqu’à ce que les conditions de la réaction en chaîne ne soient plus réunies. Par exemple, l’accident de Tokaï Mura (Japon, 1999) a duré 20 heures. Dans le cas de l’explosion de la piscine du BR3, Arnie Gundersen parle de criticité instantanée. C'est-à-dire que les conditions nécessaires à la réaction en chaîne ne durent qu’un instant. Mais cet instant suffit à provoquer une énergie phénoménale vu l’importance de la masse de combustible mise en jeu (97 tonnes). Le journal officiel donne la définition de la criticité instantanée : « Criticité qui serait atteinte sous l'action des seuls neutrons instantanés et conduirait à une situation accidentelle grave ».

On peut se demander pour quelle raison cet accident a pu se produire dans une piscine de combustible dont la géométrie a été étudiée pour que cela n’arrive pas. Comme tous les accidents, plusieurs facteurs ont probablement joué. Tout d’abord, il est possible que le « re-racking » ait été utilisé, c’est-à-dire un réarrangement des paniers, plus serré que celui prévu par les concepteurs, ce qui permet de stocker plus de combustible. Tepco a-t-il usé de cette pratique ? Les plans fournis par l’opérateur ne sont pas très clairs. L’un d’entre eux montre des caisses (fig. 87b, plan 2) dans un espace qui semble vide sur les autres.  

 

 

Fig. 98 : Contradiction de deux plans de Tepco concernant la piscine du BR3

Fig. 98 : Contradiction de deux plans de Tepco concernant la piscine du BR3

Le deuxième facteur est la nature du MOX, combustible qui contient un mélange d’oxydes d’uranium et de plutonium non prévu initialement pour être utilisé dans ce réacteur. Ce combustible est plus instable que celui à l’uranium simple. Un troisième facteur a pu jouer également : une explosion d’hydrogène aurait provoqué une pression sur l’eau et les barres de combustible, ce qui aurait soit modifié leur géométrie initiale, soit favorisé une réaction en chaîne par la compression des bulles de vapeur.

 

Immédiatement après cette explosion, à notre connaissance, aucune photo ne montre de panache de vapeur sortir de la piscine de combustible, comme si elle avait perdu une grande partie de son eau. Pour comparaison, la piscine du BR4 a longtemps émis un panache de vapeur, indiquant que le combustible continuait à se refroidir en faisant évaporer son eau de refroidissement. Après l’explosion du BR3, l’inquiétude était forte pour sa piscine de combustible qui devait être impérativement arrosée. Les opérations de largage d’eau par hélicoptère ont commencé dès le 18 mars 2011.

 

En ce qui concerne le seul élément défavorable, à savoir que s’il y avait eu un accident de criticité, tout le combustible aurait été endommagé, nous pensons que ce n’est pas forcément le cas. A notre connaissance, la disposition des 566 assemblages dans la piscine de combustible n’a jamais été diffusée par Tepco. Il est possible que l’accident de criticité se soit produit à un endroit où la géométrie était favorable à cet évènement et que les assemblages situés sur les côtés de la piscine, séparés par des racks vides, n’aient pas été affectés. Nous rappelons que Tepco n’a diffusé que les photos des assemblages périphériques, ce qui nous empêche de vérifier cette hypothèse.

 

Fig. 99 : Assemblages de la piscine de combustible : en rouge, la zone non documentée par Tepco (zone colorée en rouge ajoutée par l’auteur)

Fig. 99 : Assemblages de la piscine de combustible : en rouge, la zone non documentée par Tepco (zone colorée en rouge ajoutée par l’auteur)

5.1.2. Une explosion s’est produite à l’intérieur de l’enceinte de confinement

 

Plusieurs observations énoncées dans le chapitre 2 conduisent à conclure qu’une explosion s’est produite à l’intérieur de l’enceinte de confinement :

- La double porte entre la piscine de combustible et le puits de cuve a été détériorée côté puits.

- Le mur de séparation entre le puits de cuve et la piscine d’équipement s’est déboîté de son logement et a été poussé, ce qui implique que le diamètre du puits de cuve s’est élargi.

- La porte de l’enceinte de confinement du niveau 1F a été déplacée de plus d’un mètre. 

On pourrait rétorquer que c’est l’explosion de la piscine de combustible qui a provoqué ces effets. Or cela paraît peu vraisemblable car d’une part, la deuxième vanne de la porte entre la piscine de combustible et le puits de cuve a été poussée depuis le côté du puits de cuve et non pas depuis la piscine. D’autre part, l’explosion de la piscine de combustible n’a pas pu écarter le mur séparant la piscine d’équipement et le puits de cuve. Seule une explosion à l’intérieur de l’enceinte de confinement a pu élargir le diamètre du puits de cuve. Enfin, la porte inférieure de l’enceinte de confinement n’a pu être poussée que depuis l’intérieur.

- La radioactivité relevée au niveau de la dalle antimissile est très élevée : plus de 2 Sv/h en juillet 2013. Celle mesurée devant la porte de l’enceinte de confinement au niveau 1F l’est également : 0,87 Sv/h en novembre 2011.

 

Cette explosion a produit une sévère rupture de l’étanchéité de l’enceinte de confinement. On en a très bien vu les effets dans les semaines qui ont suivi les explosions avec ces importants panaches de vapeur qui s’échappaient du puits de cuve là où l’explosion avait fait des dégâts et ce débit de dose très élevé relevé par Tepco le 14 mars : 167 sieverts par heure au niveau de l’enceinte de confinement.

 

Il semble difficile qu’une explosion d’hydrogène, théorie soutenue par Tepco et le gouvernement, ait pu se produire dans l’enceinte de confinement tout simplement parce qu’il n’y avait pas d’oxygène à l’intérieur. En effet, l’eau bouillante du cœur a produit de la vapeur d’eau qui a envahi l’ensemble de l’enceinte de confinement. Cette vapeur d’eau qui sort sous pression est visible sur une photo 3 minutes après l’explosion (cf. figure 38). Par ailleurs, selon une analyse de l’IRSN en 2012, « l’enceinte de confinement est remplie d’azote, un gaz inerte. A ce stade, il n’y a pas de risque ».

 

Il nous semble qu’une explosion de vapeur au sein de l’enceinte de confinement peut expliquer les dégâts observés. Suite à l’explosion qui s’est produite dans la piscine de combustible, l’onde de choc a pu secouer et fracturer la cuve fragilisée par la chaleur intense et un gros paquet de corium a pu tomber dans le fond de l’enceinte de confinement où se trouvait de l’eau. La vaporisation quasi instantanée d’une grande partie de cette masse d’eau a pu faire augmenter la pression subitement avec les dégâts que l’on connaît.

 

L’explosion de vapeur est un accident extrêmement redouté par l’industrie nucléaire et fait l’objet de nombreuses études. L’EPR, qui aurait dû être le réacteur du futur mais qu’Areva n’a pas encore réussi à construire, est sensé justement corriger cette faiblesse des réacteurs nucléaires actuels : le récupérateur de corium permettrait, en théorie, d’éviter l’explosion de vapeur.

 

Fig. 100 : Effets possibles d’une explosion dans l’enceinte de confinement du BR3

Fig. 100 : Effets possibles d’une explosion dans l’enceinte de confinement du BR3

5.1.3. Une explosion s’est produite au niveau 4F

 

Nous avons remarqué aux chapitres 2.7.3.2 que le niveau 4F a énormément souffert d’une explosion. Celle-ci ayant affecté presque tout cet étage en détruisant, entre autres, un tiers des murs extérieurs, il est probable qu’il s’agisse d’une explosion d’hydrogène. Ce gaz a pu arriver par les tuyauteries des condenseurs qui sont reliées directement à la cuve du réacteur.  Ainsi, ce système qui est sensé refroidir le réacteur en cas de panne de refroidissement, une fois son service rendu, peut devenir un vecteur de propagation de l’hydrogène dans le bâtiment et faciliter ainsi les explosions. 

 

Fig. 101 : Effets de l’explosion qui s’est produite au niveau 4F du BR3

Fig. 101 : Effets de l’explosion qui s’est produite au niveau 4F du BR3

Fig. 102 : Exemple de condenseurs, ceux du BR1 situés aussi au 4ème niveau (4F)

Fig. 102 : Exemple de condenseurs, ceux du BR1 situés aussi au 4ème niveau (4F)

5.2. Proposition de déroulement des explosions

 

Au vu des faits exposés et de leur analyse, nous proposons maintenant notre compréhension du déroulement de ces explosions qui ont eu lieu dans le BR3 de Fukushima Daiichi le 14 mars 2011.

 

- Phase 1 : De l’hydrogène s’accumule dans le niveau 4F à cause peut-être de tuyauteries défectueuses en rapport avec les condenseurs reliés directement à la cuve du réacteur, et dans les niveaux 5F-CRF à cause de la réaction zirconium-eau du fait de l’absence de refroidissement de la piscine de combustible.

 

- Phase 2 : Une explosion d’hydrogène se produit au-dessus de la piscine de combustible. L’onde de choc commence à détruire la partie la moins solide du BR3 : la toiture.

 

- Phase 3 : L’onde de choc arrive en premier dans l’angle sud-est du bâtiment, crée une grande ouverture dans le toit et laisse passer le mélange explosif à une vitesse supersonique en produisant une flamme jaune-orange.

 

- Phase 4 : Dans la direction opposée, l’onde de choc primitive augmentée de l’énergie de son rebond contre les murs de l’angle sud-est, rencontre l’angle nord-ouest quelques centièmes de secondes plus tard et le détruit.

 

- Phase 5 : Par l’intermédiaire des escaliers de service et du sas d'accès matériel, l’onde de choc provoque quasi simultanément une explosion d’hydrogène au niveau 4F, détruisant un tiers des murs extérieurs et des plafonds ; les piscines qui ont des structures renforcées ne semblent pas touchées.

 

- Phase 6 : Dans le même temps, l’explosion d’hydrogène du niveau 5F-CRF compresse les bulles de vapeur de l’eau de la piscine de combustible, le coefficient de vide devient subitement positif (9) et la réactivité de la fission nucléaire est soudainement accrue, produisant un accident de criticité instantanée.

 

- Phase 7 : La piscine de combustible subit alors un « flash boiling », une sorte d’explosion de vapeur due à l’énergie instantanée dégagée par l’accident de criticité, ce qui a pour effet d’éjecter une partie des barres de combustible à l’extérieur du BR3.

 

- Phase 8 : L’onde de choc de cette dernière explosion détache du corium, voire le fond de cuve en tout ou partie, qui tombe dans l’eau qui s’est amassée en fond d’enceinte de confinement.

 

- Phase 9 : La masse de corium d’une température de 2500 à 3000 °C vaporise instantanément une grande partie de l’eau dans laquelle elle tombe ; c’est une explosion de vapeur qui, sous la pression extrême qu’elle dégage, déforme l’enceinte dite de confinement et entraîne la perte de son étanchéité.

 

Remarque : étant donné que nous ne disposons d’aucun élément visuel de l’explosion qui s’est produite dans l’enceinte de confinement, nous ne savons pas à quel moment elle a eu lieu. Nous l’avons placée arbitrairement à la fin de la série mais elle pourrait tout aussi bien être l’élément déclencheur de la phase 2.

 

(9) En effet la compression de la vapeur la rapproche de la densité de l’eau, qui fait alors office de modérateur de neutrons lents – ceux qui sont favorables à la réaction de fission de l’uranium – ce qui accélère donc la réaction en chaîne. Dans les bulles de vapeur, les neutrons ne sont pas suffisamment ralentis, cela freine la réaction. Ces considérations sont valables dans le cas où l’eau est à la fois le modérateur et le fluide caloporteur, ce qui est le cas de tous les réacteurs de Fukushima.

 

-oOo-

 

Au terme de cette étude, nous mettons le contenu de cet article en discussion. Nous serons heureux si vous laissez des commentaires ou des critiques qui permettront d’améliorer la compréhension de ces explosions.

 

 

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21 août 2015 5 21 /08 /août /2015 09:44

Article publié en 7 parties

 

(partie précédente)

 

 

3. Les hypothèses

 

3.1. L’hypothèse de l’explosion d’hydrogène

 

La puissance et la couleur de la flamme du premier événement évoque une explosion d’hydrogène. L’explosion du BR1 le 12 mars avait également produit une flamme de même couleur, mais répartie uniformément dans tout le bâtiment.

Fig. 86 : Flamme de l’explosion d’hydrogène du BR1 le 12 mars 2011

Fig. 86 : Flamme de l’explosion d’hydrogène du BR1 le 12 mars 2011

Une explosion de ce type étant simplement le résultat de la combinaison entre de l’hydrogène et de l’oxygène, elle ne devrait donner que de l’eau et de la chaleur. On a un très bon exemple de formation d’un nuage de vapeur avec cette explosion d'hydrogène du BR1 : suite à l’explosion d’hydrogène, un nuage en forme de boule s’est formé très rapidement, est monté jusqu’à une centaine de mètres de hauteur à une vitesse supersonique de 600 m/s et a disparu complètement. Ce nuage furtif de condensation visualise en fait le déplacement de l’onde de choc.

 

Fig. 87 : Nuage en forme de boule 44 centièmes de seconde après l’explosion du BR1

Fig. 87 : Nuage en forme de boule 44 centièmes de seconde après l’explosion du BR1

Fig. 88 : A 80 centièmes de seconde, le panache a entièrement disparu, l’eau s’est évaporée presqu’instantanément.

Fig. 88 : A 80 centièmes de seconde, le panache a entièrement disparu, l’eau s’est évaporée presqu’instantanément.

Or, pour l’explosion du BR3, la nature du nuage résultant de la flamme orange (nuage 4) est incertaine. Certes le panache produit est clair au départ, mais sa couleur grise persiste et il ne disparaît pas. Il peut être constitué de vapeur d’eau, mais pas uniquement, à moins que l’hygrométrie du 14 mars n’ait pas permis une évaporation rapide du panache.

 

Le nuage noir (nuage 2) qui se forme au niveau du toit ne peut pas être considéré comme de la vapeur. Il ne peut donc pas résulter d’une explosion d’hydrogène. On peut imaginer qu’il résulte de la combustion du goudron dont était composé le toit sous l’effet de la forte chaleur provoquée par les explosions.

 

La deuxième explosion ne peut pas plus être considérée comme une explosion d’hydrogène car la première explosion a détruit les murs supérieurs du bâtiment qui a été largement éventré. Comme la deuxième explosion provoque un panache vertical de grande ampleur avec projection d’objets extrêmement lourds à plus de 200 mètres d’altitude, il est forcément guidé par un conduit vertical. Les murs du BR3 ne peuvent pas jouer ce rôle puisqu’ils ont déjà été détruits par la première explosion, donc c’est autre chose. Cinq structures à parois verticales pourraient jouer ce rôle : le sas d'accès matériel, l’enceinte de confinement, la cuve du réacteur, la piscine d’équipement et la piscine de combustible. Examinons chacune de ces hypothèses.

 

3.1.1. Le sas d'accès matériel (« equipment hatch »)

 

C'est un sas traversant tous les niveaux excepté le sous-sol permettant de faire entrer et sortir le matériel volumineux dans le bâtiment réacteur, en particulier les conteneurs de combustible nucléaire. Une partie de la charpente de la toiture reposant sur cette ouverture, il ne nous paraît pas vraisemblable que ce conduit ait pu être à l’origine de l’explosion. De plus, si l’explosion avait eu lieu dans ce conduit, il aurait détruit le mur ouest jusqu’à la base, ce qui n’est pas le cas.

 

Fig. 89 : Ouverture du sas d’accès matériel vue du ciel

Fig. 89 : Ouverture du sas d’accès matériel vue du ciel

Une autre raison que ce sas ne peut être l’origine spatiale de l’explosion est qu’il n’a pas vraiment de parois verticales, étant conçu pour communiquer avec tous les étages. Une explosion s’étant produite au niveau 4F, il a certainement dégagé une onde de choc verticale mais pas dans les proportions telles que le montre la vidéo.

Fig. 90 : Sas d’accès matériel du BR4 (Instantané d’une vidéo de visite du BR4 en juin 2011)

Fig. 90 : Sas d’accès matériel du BR4 (Instantané d’une vidéo de visite du BR4 en juin 2011)

Fig. 91 : Vue oblique du sas d’accès matériel éventré à l’ouest (capture vidéo)

Fig. 91 : Vue oblique du sas d’accès matériel éventré à l’ouest (capture vidéo)

3.1.2. L’enceinte de confinement (« dry well »)

 

Cette enceinte en forme d’ampoule est fermée par un couvercle boulonné. Elle est également surmontée du puits de cuve protégé quant à lui par trois couches de dalles antimissiles en béton armé. Selon les images du BR3 diffusées par Tepco, on sait qu’une de ces dalles a souffert car elle est surbaissée en son centre de 30 cm par rapport au niveau normal. Comme nous l’avons vu plus haut dans le paragraphe 2.7.7.1, ceci peut s’expliquer de deux manières : soit quelque chose de très lourd est tombé sur cette dalle, ce qui a provoqué son écrasement ; soit elle a été soulevée par le souffle d’une explosion située en dessous d’elle, puis est retombée à sa place en se déformant. Dans le premier cas, l’explosion verticale ne peut pas avoir comme origine l’enceinte de confinement qui reste fermée. Dans le second cas, si la dalle se soulève verticalement, elle pourrait laisser s’échapper le souffle d’une explosion verticale. Cependant, vu la puissance de cette explosion, la dalle ne se serait pas repositionnée au même endroit, elle se serait déposée sur le bord, ainsi que les huit autres dalles (il y en a 3 par couche) pour laisser passer le souffle vertical. De plus, la partie du toit qui est exactement au-dessus du puits de ravitaillement aurait aussi disparu avec le souffle, ce qui n’est pas le cas (Au contraire, c’est au centre que la charpente de la toiture a été le mieux préservée). Ou alors, si la dalle n’avait été soulevée que partiellement, le souffle aurait été oblique mais pas vertical, et n’aurait pas eu cette élévation à plusieurs centaines de mètres de hauteur. Une explosion verticale provenant directement de l’enceinte de confinement est donc à exclure. (Il est à noter que l’IRSN, dès le 19 mars 2011, estimait que la dalle antimissile située à la verticale de la cuve et de l’enceinte de confinement avait été détruite lors de l’explosion.)

 

Fig. 92 : Situation de l’enceinte de confinement dans le réacteur

Fig. 92 : Situation de l’enceinte de confinement dans le réacteur

3.1.3. La cuve du réacteur (« RPV »)

 

C’est dans cette cuve que se trouve le cœur du réacteur. Celle-ci se trouvant à l’intérieur de l’enceinte de confinement, il est impossible, pour les mêmes raisons développées dans le paragraphe précédent, que les parois de cette cuve aient joué le rôle de fût de canon vu que le souffle de l'explosion n'est pas passé par le puits de cuve.

 

Fig. 93 : Situation de la cuve du réacteur, à l’intérieur de l’enceinte de confinement

Fig. 93 : Situation de la cuve du réacteur, à l’intérieur de l’enceinte de confinement

3.1.4. La piscine d’équipement (« DSP »)

 

Cette piscine est située juste à côté du puits de cuve du réacteur, côté nord. Elle permet d’entreposer du matériel radioactif issu du réacteur durant une réparation ou un ravitaillement. Par exemple, au moment du tremblement de terre, le shroud (l’enveloppe du cœur) du réacteur n°4 était entreposé dans la piscine de matériel. Pour ce qui concerne le réacteur n°3, étant donné qu’il était en fonctionnement à ce moment-là, il est probable que cette piscine était vide de matériel. Était-elle vide d’eau également ? Si c’est le cas, pouvait-elle se remplir d’hydrogène ? Non si elle était découverte car l’hydrogène est plus léger que l’air. Oui si elle était couverte. Dans ce cas, les murs de cette piscine auraient pu jouer le rôle d’un fût de canon au moment de l’explosion de l’hydrogène. A noter que, selon les photos du BR3 deux semaines après l'explosion, la piscine de matériel était vide d'eau. A noter également que l’axe de visée du nuage n° 3 passe par le centre de cette piscine et surtout par son angle sud-ouest qui est justement celui qui a montré la plus grosse fuite provenant du puits de cuve.

 

Fig. 94 : Piscine d’équipement vide le 27 mars 2011 (cavité en bas à gauche)

Fig. 94 : Piscine d’équipement vide le 27 mars 2011 (cavité en bas à gauche)

Fig. 95 : Localisation des piscines de combustible et d’équipement

Fig. 95 : Localisation des piscines de combustible et d’équipement

3.1.5. La piscine de combustible (« SFP »)

 

Cette piscine se trouve également à côté du puits de cuve du réacteur, positionnée du côté sud symétriquement à la piscine de matériel. Elle permet d’entreposer du combustible usé à proximité du réacteur sans sortir les assemblages de l’eau, ce qui met les travailleurs à l’abri des rayonnements. Si elle est restée pleine d'eau, elle n’a pas pu se remplir d’hydrogène et jouer le rôle d’un fût de canon pour ce type d’explosion. Si une grande partie de son eau s’est évaporée suite à l’arrêt de son refroidissement, l’hydrogène a pu remplir la piscine tout en remplissant l’ensemble du bâtiment réacteur car l’hydrogène est plus léger que l’air. Dans ce cas, les parois de la piscine ont pu jouer ce rôle de conduit avec une profondeur de près de 8 m au-dessus des racks. Dans le cas d’un accident de criticité, les parois ont pu jouer le même rôle, que la piscine soit remplie d’eau ou pas, comme nous l’exposons dans le chapitre suivant.

 

 

3.2. L’hypothèse d'un accident de criticité instantanée de la piscine de combustible

 

Dans le cas où il ne s’agit pas d’une explosion d’hydrogène mais d’une réaction de criticité, la piscine de combustible peut aussi remplir ce rôle de fût de canon, ses quatre murs guidant l’onde de choc produite par l’événement. Cette hypothèse est défendue par au moins trois ingénieurs nucléaires, le Japonais Setsuo Fujiwara, ancien inspecteur au JNES (Japan Nuclear Energy Safety Organization), le scientifique britannique Christopher Busby,  et l'Etatsunien Arnie Gundersen, ancien cadre de l'industrie de l’énergie nucléaire.

 

Étant donné que l'enceinte de confinement n'a pas explosé, Arnie Gundersen s'appuie sur le fait que du combustible a été retrouvé à plus de 3 km des réacteurs (5) pour émettre l'hypothèse que ces fragments proviennent de la piscine de combustible, et donc que celle-ci a explosé. Il pense également que l'uranium trouvé à Hawaii et sur la côte ouest des Etats-Unis, le plutonium trouvé sur place, et l'américium trouvé en Nouvelle Angleterre, sur la Côte Est, sont des résidus provenant de cette explosion atmosphérique (6).

 

(5) En juin 2013, on a retrouvé aussi des débris fortement radioactifs à 20 km de la centrale, dans le lit asséché d'une rivière de Nahara. Il est fort probable que ces fragments provenaient de l'explosion du BR3. Pour comparaison, la portée d'un canon puissant peut dépasser 40 à 60 km.

 

(6) On a également retrouvé du plutonium de Fukushima en Lithuanie, selon G. Lujanienė, S. Byčenkienė, PP Povinec et M. Gera qui ont réalisé une étude environnementale co-organisée par le Centre pour les sciences physiques et de la technologie de Vilnius (Lituanie) et la Faculté de Mathématiques, Physique et Informatique de Bratislava (Slovaquie).

 

 

Il compare les explosions du BR1 et du BR3 en disant que l’explosion du BR1 est une déflagration et que celle du BR3 est une détonation, ce qui signerait une explosion due à un accident de criticité.

 

Il affirme aussi que la couleur noire du panache de fumée (nuage 3) indique qu'il était composé d'uranium et de plutonium volatilisé et que, sous la forme d’aérosol, ces radionucléides pouvaient voyager très loin.

 

Selon son hypothèse, l'explosion aurait commencé avec une réaction oxygène-hydrogène. Immédiatement après, cette réaction aurait créé une onde de choc suffisante pour déformer les barres de combustible nucléaire, ce qui aurait produit une réaction nucléaire et la détonation (« une divergence prompte qu’on pourrait comparer à une sorte de micro-explosion nucléaire », selon la physicienne Dominique Leglu), suivie d’un panache de fumée noire et l'éjection des gravats irradiés.

 

Setsuo Fujiwara explique les choses d'une manière un peu différente. Selon lui, il y a eu une explosion d'hydrogène au-dessus de la surface de l'eau dans la piscine de combustible, et en raison de la pression délivrée par cette explosion, les « vides », c'est-à-dire les bulles de vapeur, ont été compressés dans l'eau bouillante. Comme le coefficient modérateur (7) est devenu subitement positif, la réactivité de la fission nucléaire a été soudainement accrue, produisant un accident de criticité instantanée.

 

(7) Le coefficient modérateur est aussi appelé le « coefficient de vide » :
- S’il est négatif : effet auto-stabilisant de la réaction nucléaire. Si la puissance neutronique augmente, le flux de chaleur augmente, et la densité du fluide diminue vu la production de vapeur, et comme  la densité de ce modérateur diminue, on observe une diminution de la puissance.
- S’il est positif : emballement, par l’effet inverse  du processus décrit ci-dessus.

 

 

L'hypothèse soutenue par ces ingénieurs serait facile à prouver ou à réfuter si la composition du nuage radioactif était diffusée. En effet, le ratio de deux isotopes du Xénon pourrait donner la signature d'un accident de criticité. Mais ces informations seraient tenues secrètes par l'armée américaine. Une autre manière de connaître la composition du panache serait de rendre public les mesures effectuées par le réseau TICEN (60 laboratoires dans le monde) mais ces analyses sont censurées par les Etats qui ont signé le Traité d'Interdiction Complète des Essais Nucléaires.

 

 

3.3. L’hypothèse de l’explosion de zirconium

 

Une troisième hypothèse a été énoncée par Trifouillax sur son site Gen4 en octobre 2011. Ce site regretté n'existe plus aujourd'hui dans sa version originale mais on peut en retrouver certains articles dans des sauvegardes. Cette hypothèse envisage une explosion au sein des assemblages eux-mêmes due à l'utilisation de l'alliage de Zirconium (Zircaloy) qui assure le gainage des assemblages de crayons de combustible. Cette matière, selon Gen4, a la particularité de présenter « un pouvoir explosif équivalent à celui de la nitroglycérine » et supporte très mal les températures supérieures à 300° C. La fiche internationale de sécurité chimique consacrée au Zirconium confirme que ce métal est très instable dans certaines conditions : quand il est chauffé, il réagit violemment avec les oxydants, le borax et le tétrachlorure de carbone ; il peut aussi provoquer une explosion en présence d'hydroxydes de métaux alcalins, ou s'il se présente sous forme de poudre ou de granulés mélangés à l'air. Il peut ainsi s'enflammer spontanément en présence d'oxygène ou d'eau une fois la température de 1000°C atteinte. C'est pourtant ce métal qui a été choisi par l'industrie nucléaire pour fabriquer les gaines de combustible car il a des propriétés de perméabilité neutronique très intéressantes.

 

Avant l'explosion du 14 mars 2011, la piscine de désactivation du BR3 avait perdu une partie de son eau et le combustible avait fortement chauffé ; l'hypothèse d'une explosion de zirconium est donc envisageable, surtout en présence du métal alcalin qu'est le césium (produit de fission).

 

Même si l'hypothèse d'une explosion de zirconium n'a jamais été retenue jusqu'à maintenant, l'industrie nucléaire reconnaît la dangerosité de ce métal qui, en s'oxydant, a l'inconvénient majeur de produire de l'hydrogène en abondance s'il est porté à une température dépassant les 800°C. Ce fameux métal est ainsi officiellement mis en cause dans l’origine des explosions d’hydrogène des bâtiments réacteurs 1 et 2 de Fukushima Daiichi. Il peut aussi provoquer des « feux de piscine » où les barres de combustible pourraient brûler tels des cierges magiques (pyrophoricité) et libérer les produits de fission dans l'atmosphère, comme l'explique Robert Alvarez, ancien conseiller principal au Département de l'Énergie américain.

 

 

3.4. L’hypothèse de l’explosion de vapeur

 

La première personne à évoquer une explosion de vapeur est le directeur de la centrale, Masao Yushida. Il s'écrie, juste après l’événement : « QG ! QG ! C’est affreux ! L’unité 3 a explosé maintenant. Je pense que c’est probablement la vapeur. » Mais rapidement on lui fait comprendre qu'il doit s'aligner avec la version officielle de l'explosion d'hydrogène.

 

Le principal défenseur de cette hypothèse s'appelle Ian Goddard. Sur son site internet, ce chroniqueur d’investigation explique dans le détail comment il interprète les événements. Sa démonstration a été traduite en français dans cet article déjà publié sur ce blog, le lecteur s'y reportera pour en prendre connaissance : Unité 3 de Fukushima : la théorie de l’explosion de vapeur

 

Pour résumer, Ian Goddard estime que la première explosion est produite par l’hydrogène et que la seconde est une explosion de vapeur qui se produit au sein de l’enceinte de confinement au moment où le corium tombe dans le fond rempli d’eau. Il suppose que la pression est telle qu’elle fait éclater le couvercle de l’enceinte de confinement et soulève les dalles antimissiles puis s’échappe à l’extérieur produisant le panache de 300 mètres de hauteur.

 

Nous ne sommes pas d’accord avec certains éléments de l’enquête de Ian Goddard. Tout d’abord, celui-ci prétend qu’il y a trois panaches de vapeur s’échappant du puits de cuve. Pourtant, les photos dont il se sert n’en montrent que deux.

 

Fig. 96 : Photos des panaches utilisés par Ian Goddard

Fig. 96 : Photos des panaches utilisés par Ian Goddard

Pour confirmer l’existence d’un troisième panache, il se sert d’une part de la photo infrarouge du 20 mars 2011 que nous avons étudiée plus haut mais en décalant l’ouverture du puits de cuve, et d’autre part en considérant quelques lueurs sur la vidéo de l’explosion comme des flammes. Pour notre part, nous interprétons ces lueurs sur la gauche comme des reflets de la flamme principale sur des poutres blanches de la cheminée d’évent et nous ne considérons ainsi comme fait avéré que la flamme visible au sud-est.

 

Par ailleurs, son interprétation de l’explosion présentée sous forme d’animation ne tient pas compte du fait que les dalles antimissiles sont restées en place. A sa décharge, quand il a développé son hypothèse en 2011, ce fait n’était pas encore connu. Impossible donc de faire un panache vertical avec les dalles en place. La probabilité pour que 9 dalles antimissiles se soulèvent et se replacent exactement où elles étaient à l’origine est quasi nulle. Donc nous ne pouvons pas conserver cette hypothèse d’origine du nuage n° 3.

 

Cela étant, les explosions et les dégâts étant multiples et complexes, nous n’excluons pas la possibilité d’une explosion de vapeur.

 

 

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17 août 2015 1 17 /08 /août /2015 06:01

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2.7.7. La surface technique

 

La surface technique correspond à la totalité du sol du niveau 5F. C'est là où les ouvriers travaillent pour le chargement ou le déchargement du combustible et pour faire les opérations de maintenance. Suite aux explosions, le sol était entièrement recouvert de décombres. Durant les années 2013 et 2014, des opérations de déblaiement du BR3 ont été entreprises jusqu'à ce que l'ensemble de la surface technique soit nettoyée. Voici en photo l'évolution des travaux qui ont tous été faits à distance avec grues télécommandées tellement ce bâtiment est radioactif.

 

Fig. 66 : Evolution du nettoyage de la surface technique du BR3

Fig. 66 : Evolution du nettoyage de la surface technique du BR3

2.7.7.1. Les dalles antimissiles

 

Les dernières photos de 2014 ont dévoilé les dalles antimissiles qui recouvrent le puits de cuve. Elles sont formées de 9 dalles de béton armé réparties sur 3 niveaux. Chaque niveau de dalles a une forme circulaire dont voici les diamètres : niveau supérieur : 11,80 m ; niveau médian : 11,50 m ; niveau inférieur : 11,30 m.  La masse de l’ensemble de ces dalles est comprise entre 350 et 400 tonnes.

 

Fig. 67 : Localisation des dalles qui bouchent le puits de cuve

Fig. 67 : Localisation des dalles qui bouchent le puits de cuve

Fig. 68 : Exemple de dalles antimissiles : celles démontées du BR4

Fig. 68 : Exemple de dalles antimissiles : celles démontées du BR4

La dalle centrale supérieure du BR3 s’est anormalement affaissée de 30 cm en son centre, ce qui signifie qu'elle a subi un choc extrêmement important, plus important en tout cas que ce qui était attendu à sa conception (4). Il existe deux manières d'expliquer cette fracture au centre de la dalle : soit elle a reçu un objet extrêmement lourd ou avec une vitesse rapide, soit elle s'est soulevée et est retombée sur elle-même, se fracturant sous son propre poids. Il est possible que ce soit le pont roulant qui ait détérioré cette dalle en tombant dessus.

Tepco fournit une coupe des 3 couches ; il est impossible de connaître l'état des deux couches inférieures que l'opérateur représente intactes en pointillés.

Fig. 69 : Etat des dalles antimissiles (source Tepco)

Fig. 69 : Etat des dalles antimissiles (source Tepco)

Fig. 70 : Affaissement de la dalle centrale

Fig. 70 : Affaissement de la dalle centrale

(4) Contrairement à ce que l’on pourrait penser, le terme « antimissile » ne se rapporte pas à une protection antiaérienne. Ce terme, utilisé en France, fait référence à la possibilité de la remontée subite des tiges de commande des barres de contrôle (qui sont dans la partie supérieure de la cuve dans les réacteurs français). En janvier 1961, un accident au réacteur américain SL-1 en Idaho a conduit un ouvrier à être transpercé par une barre de contrôle. La menace des « missiles » est donc interne au réacteur. Ces dalles sont appelées en anglais « concrete shield plug ».

 

2.7.7.2. Les déformations du niveau technique

 

Le sol de la surface technique a disparu en plusieurs endroits, ce qui conduit à penser qu'une explosion s'est produite au niveau 4F, voire plus bas. La zone la plus détruite est le côté nord-ouest. Une partie du sol du niveau 5F, en forme de carré, a également été soufflée à l'est de la piscine d'équipement. Il ne reste en place que le ferraillage.

Fig. 71 : Les détériorations de la surface technique

Fig. 71 : Les détériorations de la surface technique

Au niveau du joint entre le sol et la paroi séparant la piscine d'équipement et le puits de cuve (angle sud-ouest de la piscine d'équipement), on constate une déformation de la structure : il existe un espace d'environ 12 cm alors que pour le joint similaire symétrique dans l'angle sud-est de la piscine d'équipement, l'espace visible est de l'ordre de 1,5 cm. Cette différence est importante dans une installation nucléaire où l'étanchéité absolue est la règle. De fait, l'élément supérieur de la paroi est visiblement sorti de sa cavité d'accroche et a été poussé vers la piscine d’équipement. Cette déformation signe la perte de confinement du réacteur nucléaire. Depuis les explosions, on signale régulièrement de la vapeur s’échappant par cette ouverture.

 

Fig. 72 : L'élément supérieur de la paroi, séparant la piscine d’équipement et le puits de cuve, est sorti de sa cavité.

Fig. 72 : L'élément supérieur de la paroi, séparant la piscine d’équipement et le puits de cuve, est sorti de sa cavité.

Une autre conséquence des explosions est apparente dans la photo de la surface technique de 2014. Celle-ci montre en plan le canal situé entre le puits de cuve et la piscine de combustible. Ce canal est fermé par un élément emboîté et par deux vannes parallèles formant une porte. Or la deuxième vanne s'est décrochée de son support côté puits. Si les deux vannes avaient été détériorées, l'eau de la piscine se serait déversée dans le puits de cuve.

 

Fig. 73 : Double porte-vanne en bon état (piscine du BR4)

Fig. 73 : Double porte-vanne en bon état (piscine du BR4)

Fig. 74 : Coupe et plan d’une porte vanne (Document Tepco)

Fig. 74 : Coupe et plan d’une porte vanne (Document Tepco)

Fig. 75 : Etat de la porte-vanne du BR3 : un des deux éléments a été déformé.

Fig. 75 : Etat de la porte-vanne du BR3 : un des deux éléments a été déformé.

2.7.7.3. Le pont roulant

 

Le pont roulant est une structure rectangulaire métallique qui fait la largeur du bâtiment. Il repose sur deux rails situés sur les côtés est et ouest, à 8 m au-dessus de la surface technique (niveau CRF). Il supporte un chariot à palan qui permet de manœuvrer les éléments lourds du réacteur et les conteneurs à combustible.

 

Fig. 76 : Exemple de pont roulant : celui flambant neuf  du BR4

Fig. 76 : Exemple de pont roulant : celui flambant neuf du BR4

Lors des explosions du BR3, la façade ouest s'étant volatilisée, le pont roulant de plusieurs dizaines de tonnes est tombé quasiment à la verticale de là où il était, et s'est retrouvé sur la surface technique au-dessus du puits de cuve. En tombant sur le puits, il a peut-être endommagé la dalle antimissile.

 

Fig. 77 : Le pont roulant du BR3 en 2011 après l’explosion et en 2014 après déblaiement

Fig. 77 : Le pont roulant du BR3 en 2011 après l’explosion et en 2014 après déblaiement

Selon la photo (Fig. 67), il ne repose pas exactement à l'horizontal car sous le pont se trouvent des cabines techniques pour le grutier et la mécanique. De ce fait, la partie sud est légèrement surélevée, mais Tepco n'a pas fourni de photo de ce côté montrant les cabines écrasées.

 

Fig. 78 : Vision du pont roulant côté ouest après l’explosion

Fig. 78 : Vision du pont roulant côté ouest après l’explosion

On observe également deux trous béants dans le pont roulant. Nous estimons le diamètre du trou situé au nord à 3,50 m. On voit distinctement que la tôle a été repliée vers l'extérieur. Il est possible que ces trous aient été provoqués par la projection d'objets qui étaient en dessous du pont roulant avant que celui-ci ne tombe au sol, ce qui supposerait que le souffle de l'explosion provenait du bas. Une autre hypothèse est que ces trous sont la conséquence de fuites gazeuses radioactives provenant des joints des dalles antimissiles.

 

Fig. 79 : Positionnement du pont roulant sur le puits de cuve

Fig. 79 : Positionnement du pont roulant sur le puits de cuve

Fig. 80 : Deux trous visibles sur le pont roulant (Capture de vidéo)

Fig. 80 : Deux trous visibles sur le pont roulant (Capture de vidéo)

Un objet blanc est visible également sous la partie sud du pont roulant. Il se trouve quasiment au milieu de la dalle antimissile centrale. Il est probable que l’affaissement de cette dalle ait été provoqué par la présence de cet objet où s’est concentrée la masse du pont roulant lors de sa chute.

 

2.7.8. La porte de l’enceinte de confinement (« equipment hatch »)

 

Il existe un passage à la base de l’enceinte de confinement bouché par une grosse porte blindée dénommée en anglais « shield plug ». En France, on l’appelle aussi « tampon d’accès matériel ». C’est une porte de visite qui permet d’apporter des équipements et de contrôler le matériel situé sous la cuve durant les périodes de maintenance. Or, il se trouve que cette porte-bouchon de plusieurs tonnes fermant ce passage s’est déplacée : l’inspection de cet équipement en avril 2012 a montré que la porte était ouverte (vidéo). Certes, la porte se déplace habituellement sur des rails sans difficulté, mais il est totalement anormal de la trouver ouverte alors que sa fermeture assure l’étanchéité de l’enceinte de confinement quand le réacteur est en marche. Il y a donc eu un évènement qui a provoqué son ouverture. Soit une secousse particulièrement violente du séisme, soit une pression ou un choc extrêmement puissant provenant de l’intérieur de l’enceinte. A priori, nous rejetons la première hypothèse car les centrales nucléaires japonaises sont justement prévues pour résister aux tremblements de terre.

 

Fig. 81 : Exemple de portes d’enceinte de confinement fermée (à gauche) et ouverte (à droite)

Fig. 81 : Exemple de portes d’enceinte de confinement fermée (à gauche) et ouverte (à droite)

Fig. 82 : Document Tepco montrant que la porte s’est déplacée de plus d’un mètre

Fig. 82 : Document Tepco montrant que la porte s’est déplacée de plus d’un mètre

2.8. La radioactivité mesurée au BR3

 

Tepco a fourni plusieurs relevés de radioactivité. La première information d’importance est que l’explosion du BR3 a provoqué une pollution énorme. Tepco a annoncé avoir mesuré le 14 mars 2011 au niveau de l’enceinte de confinement un débit de dose de 167 Sv/h.

 

Plus tard, en novembre 2011, il a diffusé les mesures effectuées devant la porte de l’enceinte de confinement. La plus élevée a donné 870 mSv/h. Une autre mesure est également évoquée au niveau d’une fuite d’eau : 1300 mSv/h.

 

Fig. 83 : Localisation et relevé des mesures à la porte de l’enceinte de confinement

Fig. 83 : Localisation et relevé des mesures à la porte de l’enceinte de confinement

Enfin, le 24 juillet 2013, Tepco a relevé des valeurs très élevées au niveau de la dalle antimissile recouvrant le puits de cuve, à la verticale du réacteur : de 137 à 2170 mSv/h, ce qui prouve que l’enceinte ne joue plus son rôle de confinement.

 

Fig. 84 : Localisation et relevé des mesures sur la dalle antimissile

Fig. 84 : Localisation et relevé des mesures sur la dalle antimissile

2.9. La poussière noire

 

Suite aux évènements de mars 2011, il a été remarqué de nombreuses fois que de la poussière noire se déposait en divers endroits dans les 20 km autour de la centrale. Ce dépôt est particulièrement visible sur l’asphalte des routes et a la particularité d’être très radioactif. Plusieurs analyses ont été faites déterminant que cette poussière est un agglomérat de particules radioactives qui proviennent du combustible nucléaire de Fukushima Daiichi. Les éléments Césium 134, Césium 137, Radium 226 et divers produits de fission ont été repérés, ce qui fait de cette poussière un élément de preuve que les explosions du réacteur n°3 ont répandu du combustible nucléaire dans l’atmosphère sous forme de fines particules. En se déplaçant avec l’eau ou le vent, celles-ci finissent par s’agglomérer car leurs rayonnements alpha et bêta sont électriquement chargés.

 

Fig. 85 : Exemple de poussière noire à Minamisoma en 2012

Fig. 85 : Exemple de poussière noire à Minamisoma en 2012

2.10. Le son des explosions

 

Des vidéos de l’explosion du réacteur 3 sont apparues sur Youtube avec une bande son rapportant trois détonations en l’espace de quelques secondes. L’analyse de cet enregistrement montre que ce que l’on entend ne peut pas être la bande originale. En effet, le premier son de détonation arrive 2 secondes seulement après la vision de la première explosion. Cela signifierait que la caméra était à seulement environ 700 mètres de la centrale, ce qui n’est pas possible vu l’angle de vue. La vidéo originale, sans zoom, montre un paysage qu’il n’est possible de voir qu’en altitude et à plusieurs kilomètres de là. Nous avons estimé dans un article passé qu’une caméra d’observation se situait à 17 km à vol d’oiseau sur une montagne au sud-ouest de la centrale. Pour cette caméra par exemple, si un enregistrement de l’explosion avait eu lieu, l’onde sonore n’aurait dû arriver au micro que 50 secondes plus tard.

Autre incohérence allant dans le même sens : si l’on synchronise le son de la première détonation à la vision du premier flash, les deux autres détonations ne correspondent à aucun évènement visible dans cette vidéo.

Nous considérons donc qu’il ne faut pas tenir compte de cet enregistrement qui est très certainement un faux.

 

 

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13 août 2015 4 13 /08 /août /2015 07:48

Article publié en 7 parties

 

(partie précédente)

 

 

2.7.5. Les photos infrarouges

 

Le site du ministère de la défense japonais a mis en ligne les photographies aériennes infrarouges de la centrale de Fukushima Daiichi prises du 20 mars au 26 avril 2011. Ces photos sont des documents précieux pour suivre l'évolution des températures aux différents points chauds, à savoir la piscine de combustible et les fuites du puits de cuve. Comme les photos prises entre le 11 et le 19 mars sont restées secret défense, la photo connue la plus proche de l'explosion est donc celle du 20 mars 2011. Celle-ci montre que les gaz qui sortent du puits de cuve du côté de la piscine d’équipement étaient à cette date à la température de 128°C, ce qui signifie qu'il ne s'agissait pas de vapeur d'eau ce jour-là mais de gaz radioactifs, car la vapeur d'eau ne peut pas être à cette température à la pression atmosphérique.

 

Fig. 47 : Document du ministère de la défense relevant une température de 128°C au puits de cuve le 20 mars 2011

Fig. 47 : Document du ministère de la défense relevant une température de 128°C au puits de cuve le 20 mars 2011

Avec cette même photo, en superposant la photo de la surface technique, on peut situer précisément les sources de chaleur : au sud, la piscine de combustible et au centre, les fuites du puits de cuve à ses points sensibles, à savoir les communications avec les piscines et l’espace entre les dalles.

 

Fig. 48 : Superposition de la photo infrarouge du 20 mars 2011 et d’une photo de la surface technique

Fig. 48 : Superposition de la photo infrarouge du 20 mars 2011 et d’une photo de la surface technique

Une autre photo infrarouge a été diffusée par Tepco lors d'une investigation en juillet 2013 sur la fuite donnant sur la piscine d'équipement. La situation a nettement évolué, il n’y avait pas de chaleur à l’angle de la piscine d’équipement ce jour-là. On remarque en passant sur la première photo à droite les rangées de barres encore chaudes dans la piscine de combustible, générant une température de 45°C à la surface de la piscine.

 

Fig. 49 : Photos infra-rouge de juillet 2013 : pas de température particulière à l’angle de la piscine d’équipement

Fig. 49 : Photos infra-rouge de juillet 2013 : pas de température particulière à l’angle de la piscine d’équipement

2.7.6. Les piscines

 

Deux piscines jouxtent le puits de cuve du réacteur. La surface technique de ces piscines a la particularité d'être à 30 m au-dessus de la surface du sol extérieur. Grâce à des parois démontables en plusieurs éléments et à un canal fermé par une double vanne, ces piscines peuvent être mises en relation directe avec le puits de cuve.

 

2.7.6.1. La piscine de combustible

 

Cette piscine sert à entreposer du combustible usé qui doit être refroidi durant une vingtaine de mois après avoir été sorti du cœur. Elle sert également à entreposer du combustible neuf en attendant le rechargement du cœur. D'un volume de 1425 mètres cubes, ses dimensions sont 12,2 m (longueur) x 9,9 m (largeur) x 11,80 m (profondeur).

 

Fig. 50 : La piscine du BR3 avant mars 2011. On voit également au-dessus la machine de réapprovisionnement en combustible et 8 mètres plus haut le pont roulant.

Fig. 50 : La piscine du BR3 avant mars 2011. On voit également au-dessus la machine de réapprovisionnement en combustible et 8 mètres plus haut le pont roulant.

Suite aux explosions du 14 mars, la piscine de combustible a disparu sous les décombres de poutrelles, de matériel et autres gravats, si bien qu'on a eu du mal à savoir si elle contenait encore de l'eau ou pas avant qu'on essaie de la remplir à nouveau en urgence par moyens héliportés, puis par lances d'incendie. Les premières vidéos de l'intérieur de cette piscine, diffusées en 2011, ont montré beaucoup de matériaux qui la remplissaient mais pas de combustible, les assemblages étant entièrement recouverts de débris.

 

Fig. 51 : Vue de l’angle sud-ouest de la piscine de combustible (capture de vidéo)

Fig. 51 : Vue de l’angle sud-ouest de la piscine de combustible (capture de vidéo)

Les premières photos de paniers de combustible ont été diffusées en avril 2012. On distingue un panier dont la première rangée montre des assemblages de combustible recouverts de gravats alors que la seconde est vide.

 

Fig. 52 : Panier de combustible de la piscine du BR3

Fig. 52 : Panier de combustible de la piscine du BR3

En septembre 2012, une mauvaise manœuvre d'une pince télécommandée a fait tomber une poutre métallique de 7 m de longueur dans le côté sud-ouest de la piscine.

En février 2013, Tepco a diffusé d’autres photos de paniers de combustible sous des gravats, localisés dans l’angle sud-est de la piscine.

 

Fig. 53 : Paniers de combustible (à gauche) et crochets des assemblages de combustible (à droite) de la piscine du BR3

Fig. 53 : Paniers de combustible (à gauche) et crochets des assemblages de combustible (à droite) de la piscine du BR3

Dans un document diffusé en décembre 2013, Tepco a finalement reconnu que la machine de réapprovisionnement en combustible, d'un poids de 35 tonnes, était tombée dans la piscine, ainsi que son mât de chargement (1,5 tonne) et ses rails de guidage (2,5 tonnes). Avec les autres débris divers, cela représentait une cinquantaine de tonnes de décombres qui recouvraient les paniers de combustible.

 

Fig. 54 : La machine de réapprovisionnement en combustible en état de marche avant mars 2011

Fig. 54 : La machine de réapprovisionnement en combustible en état de marche avant mars 2011

Fig. 55 : Schéma de la machine de réapprovisionnement en combustible (source METI-Tepco)

Fig. 55 : Schéma de la machine de réapprovisionnement en combustible (source METI-Tepco)

Fig. 56 : La machine de réapprovisionnement en combustible dans l’angle nord-est de la piscine

Fig. 56 : La machine de réapprovisionnement en combustible dans l’angle nord-est de la piscine

Fig. 57 : Etat d’encombrement de la piscine de combustible. En vert, la machine de réapprovisionnement en combustible et ses rails (source Tepco)

Fig. 57 : Etat d’encombrement de la piscine de combustible. En vert, la machine de réapprovisionnement en combustible et ses rails (source Tepco)

Fig. 58 : La machine de réapprovisionnement en combustible et ses rails reposant sur le combustible (plan Tepco)

Fig. 58 : La machine de réapprovisionnement en combustible et ses rails reposant sur le combustible (plan Tepco)

En 2014, Tepco a diffusé un document faisant le point sur les investigations dans la piscine de combustible du BR3 en 2013 et 2014. Il montre un certain nombre de photos mais les débris empêchent de voir le combustible.

 

Fig. 59 : Investigations de Tepco dans la piscine de combustible du BR3 en 2013 et 2014

Fig. 59 : Investigations de Tepco dans la piscine de combustible du BR3 en 2013 et 2014

Qu’est-il arrivé à la machine de réapprovisionnement en combustible pour se retrouver au final dans la piscine ? La seule possibilité pour la faire sortir de ses rails parallèles longeant les bords de la piscine et du puits de cuve est qu’elle a été projetée en l’air avec les rails perpendiculaires qui la supportaient. Au moment de l’accident, cette machine n’était pas située sur le puits de cuve, sinon elle aurait été écrasée par le pont roulant. Elle était donc placée sur la piscine – car ses rails ne peuvent la conduire ailleurs – puis a été projetée en l’air sous l’effet d’une explosion provenant d’en dessous d’elle et est retombée dans la piscine.

 

Le 2 août 2015, Tepco a procédé au retrait de cet équipement lourd, à l’aide de trois grues télécommandées. La vidéo et les documents diffusés par Tepco montrent une armature un peu différente de celle des figures 54 et 55. Il est possible que la machine ait été remplacée par une autre avant 2011, ou alors simplement qu’elle a été déformée par sa chute.

 

 

Fig. 60 : La machine de réapprovisionnement en combustible et ses rails reposant sur le combustible (schéma de profil JAIF)

Fig. 60 : La machine de réapprovisionnement en combustible et ses rails reposant sur le combustible (schéma de profil JAIF)

Fig. 61 : Retrait de la machine de réapprovisionnement en combustible et ses rails (plan et coupe Tepco)

Fig. 61 : Retrait de la machine de réapprovisionnement en combustible et ses rails (plan et coupe Tepco)

Fig. 62 : Retrait de la machine de réapprovisionnement en combustible et ses rails (photo Tepco)

Fig. 62 : Retrait de la machine de réapprovisionnement en combustible et ses rails (photo Tepco)

Les schémas montrent que la machine était encore attachée à son rail de guidage du côté est, ou qu’elle a été poussée de ce côté-là. Le rail de guidage du côté ouest est quant à lui tombé dans le fond de la piscine, suivi par le reste de la structure.

 

Suite à l’enlèvement de cette structure, Tepco a cherché à voir l’état des assemblages de combustible qui étaient placés en dessous et jusqu’alors inaccessibles. La caméra a permis de constater que 4 poignées d’assemblage étaient pliées.

 

Fig. 63 : Photos de quelques assemblages prises après l’enlèvement de la machine de réapprovisionnement en combustible

Fig. 63 : Photos de quelques assemblages prises après l’enlèvement de la machine de réapprovisionnement en combustible

2.7.6.2. La piscine d'équipement

 

Avec ses 8 mètres de profondeur, cette piscine est moins importante que la piscine de combustible. Elle sert à entreposer de manière provisoire des équipements radioactifs lors des opérations de maintenance du réacteur. Les premières images de cette piscine la montrent vide. Dans l’image suivante par exemple, on distingue parfaitement trois éléments horizontaux et une partie du quatrième qui la séparent du puits de cuve. Le fait que les joints soient de couleur sombre indique qu'il n'y a plus d'étanchéité et que les gaz peuvent passer.

 

Fig. 64 : Photo de la piscine d’équipement vide le 27 mars 2011

Fig. 64 : Photo de la piscine d’équipement vide le 27 mars 2011

Fig. 65 : Piscine d’équipement vue du haut en 2014

Fig. 65 : Piscine d’équipement vue du haut en 2014

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11 août 2015 2 11 /08 /août /2015 16:16

par Christopher Busby

 

 

Source : Article publié le 06/08/2015 dans le site rt.com

(http://www.rt.com/op-edge/311731-hiroshima-nagasaki-anniversary-atomic/)

sous le titre original “Hiroshima’s horrors prove nuclear wars not 'winnable'”

 

Traduction : Javale Gola, avec l’autorisation de l’auteur

 

Hiroshima après la bombe atomique américaine. Seconde Guerre mondiale (1938-1945). © RIA Novosti / RIA Novosti

Hiroshima après la bombe atomique américaine. Seconde Guerre mondiale (1938-1945). © RIA Novosti / RIA Novosti

 

En ce 70ème anniversaire du bombardement d’Hiroshima et de Nagasaki, fleurissent les articles pour tenter d’analyser la signification historique, philosophique, scientifique, sociale ou encore la question de santé publique liées à cet événement (je l’appelle toujours « ce crime de guerre »).

 

On peut extrapoler dans le temps au sujet des bombardements, en commençant par les retombées des essais dans l’atmosphère, puis Tchernobyl enfin la toute récente contamination au Japon après Fukushima.

 

Aujourd’hui, l’analyse des risques sanitaires issue des bombes-A sur le Japon consiste en une distorsion habile, qui sert la promotion du développement de l’armement et de l’énergie nucléaires.

Hiroshima et Nagasaki, ce n’est pas seulement quelques tableaux historiques sur lesquels il s’agirait de verser des larmes de crocodile, ou des objets de débats socio-historiques. Elles sont là aujourd’hui, par leur présence spectrale, dans toutes les entreprises de manipulation ou les chiffres absurdes des agences internationales contre les risques liés à la radioactivité ou des scientifiques de l’industrie nucléaire, qui publient des travaux propres à poursuivre le relâchement légitime dans l’environnement, de ces mêmes substances mortelles qui ont émergé pour la première fois en 1945.

 

Je défends en ce moment-même la cause des vétérans des Essais Atomiques Britanniques à la Cour Royale de Justice à Londres. Elle ramène au modèle erroné concernant la radioactivité et les risques pour la santé, qui provient de « l’étude Lifespan » faite sur les survivants de la bombe A au Japon. Cette modélisation, de l’ICRP (Commission Internationale pour la Protection Radiologique) est utilisée à la Cour par le Ministère de la Défense pour dénier sa responsabilité dans les cancers des vétérans des essais nucléaires et les maladies congénitales de leurs enfants et petits-enfants.

Or, la modélisation de Hiroshima prétend également que les individus exposés à la radioactivité et aux retombées de futurs « échanges » nucléaires subiraient peu de mutations génétiques en aval. En fonction de quoi les Docteurs Folamour et les généraux arguent qu’une guerre nucléaire permet de remporter la victoire, et que les effets génétiques chez les victimes qui furent exposées à l’Uranium Appauvri (DU) en Irak, en quelque sorte n’existent pas.

L’analyse bidon des résultats sur la santé à Hiroshima, met le monde entier face à un problème majeur de santé publique. Pour tenter de réfuter cette évidence grandissante, le modèle de l’ICRP a été ressorti par The Lancet  pour coïncider avec la date anniversaire de Hiroshima.

L’ensemble du sujet est présenté sous la forme de récits insensés sur les conséquences sanitaires de Hiroshima, Tchernobyl et Fukushima à travers des articles (partiellement du moins) rédigés par ceux qui tiraient les rênes du chariot de l’ICRP. L’enjeu principal est décrit avec précision dès le début :

«  Les liens entre Hiroshima, Nagasaki et Fukushima vont ainsi au-delà du symbole, puisqu’ils ont façonné les pratiques actuelles de gestion sanitaire, et les institutions qui les dirigent, de même que des réponses publiques à ces événements ».

 

Correctif : Cependant ces pratiques actuelles de gestion sanitaire sont largement erronées.

 

Un pont à Hiroshima après la bombe atomique. Une photo prise en Août 1945. © RIA Novosti / RIA Novosti

Un pont à Hiroshima après la bombe atomique. Une photo prise en Août 1945. © RIA Novosti / RIA Novosti

La guerre nucléaire

 

On a tous vu les photos de Hiroshima. La première bombe à l’Uranium 235 « Little Boy » tombée sur Hiroshima, d’une puissance d’explosion de 13 kilotonnes (13 000 tonnes de TNT, l’explosif chimique conventionnel) a aplati la ville et tué quelque 80 000 personnes dont 45 000 sont décédées dès le premier jour. Au terme de quatre mois, le nombre des victimes avoisinait les 140 000. Trois jours après Hiroshima, une bombe au Plutonium de 20 kT « Fat Man » fut larguée sur Nagasaki (Pourquoi ? Est-ce que les Etats-Unis ont pensé, peut-être, qu’on avait pu ne ne pas prêter suffisamment attention à la bombe de Hiroshima ?) . Leurs armes à toutes deux étaient majoritairement composées d’Uranium. Notez-le bien. Depuis, à partir de 1950, les recherches faites sur les survivants par l’ABCC « Atomic Bomb Casualty Commission » fondée par les Etats-Unis (puis la Fondation pour la Recherche sur les Effets de la Radioactivité) ont défini la relation entre la dose d’irradiation et le cancer.

 

En passant, rappelez-vous que la puissance explosive était de 13 kilotonnes. Si vous aimez vous faire peur, il faut acheter le fameux ouvrage de Samuel Glasstone, chimiste et physicien : The Effects of Nuclear Weapons  [les effets des armes nucléaires] . Les exemplaires les plus récents de ce livre sont accompagnés d’une incroyable petite calculette en plastique : en tournant la lunette, on peut calculer l’arc de l’explosion, le débit de dose, les dommages aux bâtiments, etc. quel que soit le format de la bombe. Les Etats-Unis ont investi des sommes considérables et beaucoup de temps à projeter ces produits au Nevada et sur les sites-tests du Pacifique afin d’obtenir ces données. Les têtes d’ogives thermonucléaires modernes, qui sont aujourd‘hui au nombre de 15 000, font environ 800 kT. Il suffirait d’une seule pour rayer de la carte pratiquement tout New York, Téhéran ou Jérusalem. Je me figure un pauvre chef de la défense civile, assis quelque part, occupé à manipuler  machinalement les degrés de ce petit bijou d ‘ « Ordinateur sur les Effets de la Bombe Nucléaire » (développé par le « Lovelace Research Institute » à Albuquerque au Nouveau Mexique) tandis qu’il attend que le sol s’effondre.

Le problème du monde en 2015, c’est que notre système économique et les relations de puissance internationales encouragent les décideurs à penser en termes de stratégies géopolitiques incluant l’utilisation d’armes nucléaires. On est confronté à des guerres potentielles pour les ressources ; face à des enjeux de production alimentaire issus du dérèglement climatique ; à des développements technologiques dans les pays qu’on a pu historiquement manipuler. Les armes nucléaires sont aujourd’hui aux mains de neuf nations dont trois d’entre elles ne sont pas signataires du traité de non-prolifération (mais pourquoi le seraient-elles ?) : l’Inde, le Pakistan et la Corée du Nord.

 

Les négociations en cours avec l’Iran sont qualifiées de « la plus haute importance » s’agissant d’une région où Israël a une force de dissuasion nucléaire susceptible d’écraser en une séance tous les états arabes locaux. Les Russes ont une force nucléaire massive et sont agacés sur leurs frontières en Ukraine par l’OTAN et par ceux qui contrôlent l’OTAN. Ce merdier s’est déplacé aujourd’hui jusqu'aux Etats Baltes. Je réside à Latvia et au printemps dernier j’ai aperçu un nouveau tank surmonté du drapeau de Latvia, traverser la petite ville de Ropazi située à 40 km à l’ouest de Riga non loin de chez moi. Elle était survolée chaque jour par d’énormes hélicoptères et des avions de transport, un cadeau des Etats-Unis aux habitants de Latvia. Pour quelle raison ?Les Etats de la Baltique et la Pologne enrôlent leurs armées dans la défense de la mère patrie contre une invasion des Russes. Que se passe-t-il ? Ma grand-mère aurait dit « qui sème le vent récolte la tempête ». Touchons du bois.

 

Hiroshima © US Navy / Wikipedia

Hiroshima © US Navy / Wikipedia

Aux plus hauts niveaux de la réflexion stratégique liée au bellicisme nucléaire, le décès des populations causé par les retombées d’une attaque est rapporté à la modélisation des risques qu’a faite l’ICRP. Mais le modèle de Hiroshima est une évaluation chimérique, élaborée pendant la Guerre Froide pour soutenir les Essais dans l’atmosphère.

 

Les effets observables (augmentation de la mortalité infantile, épidémie de cancers dans les années quatre-vingts) ont été passés sous silence suite à un accord conclu en 1959 entre l’Agence Internationale de l’Energie Atomique et l’Organisation Mondiale de la Santé, en vertu duquel l’AIEA, les physiciens nucléaires, les faiseurs de bombe, ceux qui nient les effets de Tchernobyl et de Fukushima, sont chargés de la Recherche sur la santé.

 

Et c’est toujours le cas aujourd’hui, comme on le voit dans l’article du Lancet . [NDLT « les effets à long terme sur la santé, de l’exposition à la radioactivité »], un article co-écrit par le physicien des particules Richard Wakeford, ex-chercheur en chef pour « British Nuclear Fuels » à Sellafield, un  représentant de l’industrie nucléaire au comité UK CERRIE, membre de l’ICRP, référent des Japonais pour ce qui concerne Fukushima, etc.

Alors que d’évidence, d’après les études réalisées sur la descendance des vétérans des essais, et sur les soldats ou la population civile exposés à l’uranium appauvri, une guerre nucléaire mettrait fin à toute vie sur terre, comme on le sait. Les vétérans des essais ont un risque que leur  progéniture soit atteinte de malformations, de facteur 10, et de facteur 9 pour leurs petits-enfants. Tout l’argent dépensé n’y pourra rien, l’issue concrète c’est globalement parlant la stérilité, des cancers et des malformations. C’est l’univers de Mad Max mais pire encore : Hollywood a bien travaillé.

 

Une évidence et des erreurs dans les études « lifespan » sur Hiroshima

 

Quand on a constaté que les cancers du sein ou les leucémies infantiles sont multipliées par deux chez les résidents sous le vent d’une centrale nucléaire, pour « un débit de dose estimé » qui est inférieur au bruit de fond, le modèle de l’ICRP vous dit que ça ne peut pas être causé par les rejets de la centrale parce que le débit de dose est trop faible. L’épidémiologiste Martin Tondel a établi en 2004 un risque accru de cancer significatif dans le nord de la Suède, après Tchernobyl. On lui a dit de la fermer parce que ses conclusions étaient impossibles : en d’autres termes, le débit de dose était trop faible. La même chose s’est produite au Bélarus et en Ukraine où mon collègue Alexey Yablokov a rassemblé une impressionnante compilation de preuves, attestées par ses pairs, d’effets épouvantables. Plus récemment, on assiste au déni, rapporté au modèle de Hiroshima, en ce qui concerne les cancers de la thyroïde dans la préfecture de Fukushima (confère ci-dessous).

 

Les investigations des groupes d’étude pour l’ABCC ont été menées en 1950. C’est-à-dire dans un délai de cinq ans pour observer éventuellement des décès parmi les individus sévèrement atteints par la radioactivité. Cette étude a concerné un groupe de « survivants en bonne santé » comme l’a démontré plus tard le Docteur Alice Stewart. Mais là n’est pas le plus grave. On a examiné environ 109 000 individus répartis en 6 groupes de dose : de 0 à 200 rad (0-2+ Gy) et deux groupes d’ « externes à la ville » (NIC), les 4 607 Premiers Entrants (NIC-EE) et 21 915 Derniers Entrants (NIC-LE). Ces groupes NIC auraient dû faire l’objet de contrôles mais ce ne fut pas le cas. En examinant les rapports on lit qu’ils ont été laissés de côté au motif d’une « trop bonne santé ». Les groupes exposés finalement retenus ont été constitués en fonction de la distance qui les séparait de la détonation.

 

© Wikipedia

© Wikipedia

Mais tous les groupes furent exposés à la radioactivité résiduelle après les bombardements. Les Etats-Unis comme ABCC l’ont nié et continuent à le nier. Tous les groupes ont subi une contamination interne quelle qu’ait été l’irradiation externe au moment de l’explosion. Son origine, ce fut la « pluie noire » qui contenait de l’Uranium 235, de l’Uranium 238 et surtout de l’Uranium 234, c’est là l’exposition manquante et elle est vraisemblablement responsable de la plupart des cancers induits chez tous les survivants. Nous savons qu’il y avait de l’Uranium parce que cela a été mesuré par les scientifiques japonais en 1983. Un document américain récemment déclassé présente un tableau des énormes quantités d’U-234 présentes dans l’Uranium enrichi qui fut utilisé dans les bombes, nom de code : Oralloy. Les nanoparticules d’Uranium de la pluie noire de Hiroshima (et Nagasaki) ont pu être inhalées par tous les groupes exposés dans les ruines de Hiroshima, des années durant après l’explosion atomique. Toutes les bombes furent constituées d’Uranium, un ratio d’environ une tonne par Mégatonne. En ce qui concerne tous les essais au Nevada, ceux des îles Marshall, du Kazakhstan, de Christmas Island, les conséquences furent identiques : les nanoparticules sont retombées et purent être inhalées par quiconque se trouvait à proximité ou à distance.

 

Pourquoi est-ce un point important ? On a conduit de nouvelles recherches sur l’Uranium. On a montré que l’Uranium cible l’ADN par affinité chimique. C’est la cause de malformations génétiques terribles, sans commune mesure avec les indications de « doses » comme l’ICRP les calcule. D’autres composants des retombées interagissent également avec l’ADN, par exemple le Strontium 90 et le Barium 140. Ceux qui ont subi une exposition : les mineurs de l’Uranium, les Vétérans de la guerre du Golfe, les Vétérans des Essais, les [victimes] civiles de l’Uranium appauvri, les travailleurs de l’Uranium Nucléaire, les personnes se trouvant sous le vent des sites nucléaires, tous souffrent de dégradations chromosomiques, de cancers, de leucémies, de problèmes cardiaques. Les travaux [?] Tout cela a été publié, ce sont les conclusions des laboratoires et des recherches théoriques qui en exposent les mécanismes. Mais dans The Lancet : rien.

 

S. L. Simon et A. Bouville, les auteurs de l’article sur les conséquences sanitaires des essais nucléaires, n’y font pas même la moindre allusion à l’Uranium, ni non plus dans leur épique Etude de 2010 sur les expositions dans les îles Marshall. Les données du site du Nevada auxquelles ils se réfèrent au fondement de leur étude, ont complètement ignoré l’Uranium. J’ai fait en 2012, pour les habitants des îles Marshall, une communication au Conseil des Droits de l’Homme des Nations Unies à Genève, en attaquant l’analyse de Simon et al. Dans leur article du Lancet sur les essais nucléaires, Simon et Bouville braquent le projecteur sur les effets de l’Iode. Parlons-en donc.

 

Une évidence scientifique

 

Dans la préfecture de Fukushima, des études ont établi 103 cancers de la thyroïde parmi 380 000 jeunes de 0 à 18 ans (25 à peu près sont encore en cours d’examen). L’article du Lancet de Wakeford et al. présente un excès de risque relatif rapporté à l’étude de Hiroshima, de 0,6 par Sievert (Fig. 2 p. 473). Sur la même question, la dose maximale à la thyroïde est de 18 mSv avec une médiane à 0,67 mSv.

Donc, sur les deux ans d’observation, à supposer que chaque patient ait reçu la dose maximale de 18 mSv, on devrait s’attendre à une augmentation de 0, 018 x 0,6 = 0,011 par Sievert (Fig. 2 p. 473), soit un dépassement du bruit de fond de 1,1%. Ce bruit de fond est de 1 pour 100 000 par an, ou 7,6 en deux ans pour 380 000. Donc la radioactivité devrait provoquer une augmentation de 7,7 cas (c’est-à-dire un cas supplémentaire tous les dix ans). Il y en a 103, c’est donc 95 cas de plus qu’attendu, une erreur dans la projection de l’ICRP de 95/0,14 = 678. En conclusion, il y a 678 fois davantage de cancers de la thyroïde que le modèle de l’ICRP basé sur Hiroshima ne le donne à prévoir.

 

Les gens prient pour les victimes devant le cénotaphe pour les victimes du bombardement atomique de 1945, au Peace Memorial Park à Hiroshima, le 6 Août, 2015. © Toru Hanai / Reuters

Les gens prient pour les victimes devant le cénotaphe pour les victimes du bombardement atomique de 1945, au Peace Memorial Park à Hiroshima, le 6 Août, 2015. © Toru Hanai / Reuters

Ces chiffres sont fondés sur ce qui est écrit dans The Lancet - Mais personne n’a fait le calcul. Ce qui devrait en tant que tel prouver aux autorités (et au public) que la partie est finie. Mais au lieu de faire ce calcul élémentaire, un autre article du Lancet , écrit par Geoff Watts, encense les travaux de ces mêmes personnes qui, à la Faculté de Médecine de Fukushima, sont en train de se démener pour faire savoir que les augmentations des cancers de la thyroïde ne sont pas causées par la radioactivité. En d’autres termes, une fois de plus, on accrédite les projections faites à Hiroshima, plutôt qu’une évidence qui crève les yeux. C’est une sorte d’hypnose collective (ou peut-être pas).

 

Au cas où vous trouveriez tout cela complètement délirant, au final il semble qu’il y ait un début de prise de conscience sur la question de l’irradiation interne, bien que personne n’en fasse mention dans les articles du Lancet . MELODI, l’Organisation de l’Union Européenne pour la Recherche sur la Radioactivité, a fini par passer à l’action, sous la conduite de l’IRSN, l’Agence française de protection contre la radioactivité [sic] . La question a été soulevée (par moi) à la conférence inaugurale de MELODI à Paris en 2011, mais on n’avait apparemment rien à en dire. J’ai dit qu’il semblait y avoir un problème sur l’estimation des doses relativement à l’exposition interne aux nucléides se fixant sur l’ADN, en particulier l’Uranium ; que cela était susceptible de rendre caduque le modèle du risque de Hiroshima.

 

Il existe depuis un onéreux projet de recherche européen, nommé CURE : Recherche concertée sur l’Uranium pour l’Europe. Dans leur rapport présentant son développement, les auteurs ont noté en mars 2015 : des projets collaboratifs à grande échelle seront mis en œuvre pour améliorer la caractérisation des conséquences biologiques et sur la santé, de la contamination interne par l’uranium en Europe. Par la suite, on pourrait envisager d’élargir la collaboration à d’autres pays extérieurs à l’Union européenne, d’appliquer cette approche à d’autres émetteurs internes ainsi qu’à des situations diverses d’exposition à une contamination interne, ainsi que d’élargir la réflexion à d’autres disciplines concernées par les effets de la contamination interne par les radionucléides.

 

A l’avenir on ne devrait pas se remémorer Hiroshima tant pour la destruction de sa population, que  pour ce qu’elle est l’étendard de la dissimulation épidémiologique du plus grand scandale sanitaire dans l’histoire, dont les victimes se comptent par centaines de millions - cancers, fausses-couches, décès infantiles, stérilité et à l’origine d’une instabilité génétique affectant toutes les créatures sur la Terre.

 

Espérons que la prévision erronée qu'on pourrait en sortir gagnant ne serve pas à cautionner l’échange nucléaire final.

 

______________________________________________________________________________

Les horreurs de Hiroshima sont la preuve qu’on ne sort pas vainqueur de guerres nucléaires

Christopher Busby est un expert des effets sanitaires des rayonnements ionisants. Il est qualifié en chimie physique à l'Université de Londres et du Kent, et a travaillé sur la physicochimie moléculaire des cellules vivantes pour la Fondation Wellcome. Le Professeur Busby est le secrétaire scientifique du Comité Européen sur les Risques de l'Irradiation (CERI) basé à Bruxelles et a édité plusieurs de ses publications depuis sa fondation en 1998. Il a occupé un certain nombre de postes universitaires honorifiques, y compris professeur invité à la Faculté de la Santé de l'Université de l'Ulster. Ch. Busby vit actuellement à Riga, en Lettonie. Voir aussi:

www.chrisbusbyexposed.org,

www.greenaudit.org and www.llrc.org.

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9 août 2015 7 09 /08 /août /2015 08:26

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(partie précédente)

 

 

2.7.2. La toiture

 

Le toit du BR3 est horizontal. Il est maintenu par une charpente de poutres métalliques que l'on  voit très clairement sur cette photo datant d'avant 2011.

 

Fig. 29 : Charpente du BR3 avant mars 2011

Fig. 29 : Charpente du BR3 avant mars 2011

La structure charpentée, très solide, est restée solidaire dans son ensemble durant les explosions. Ses 5 grandes doubles poutres maîtresses reposaient sur les 10 piliers centraux des faces est et ouest. 

 

Fig. 30 : Visualisation des 5 poutres principales

Fig. 30 : Visualisation des 5 poutres principales

Les piliers ouest ayant disparu durant les explosions, la charpente s'est affaissée de ce côté et n'est restée maintenue du côté est que sur le pilier central.

 

Fig. 31 : Etat des 5 poutres après les explosions

Fig. 31 : Etat des 5 poutres après les explosions

Deux secteurs de cette charpente ont été fortement dégradés par les explosions. La double poutre maîtresse située à l’extrémité sud (poutre 5) s’est détachée de l’ensemble de la charpente et a été en grande partie ensevelie par les décombres du toit. Celle de l'extrémité nord (poutre 1) a été fortement détériorée, il en reste une grande partie visible du côté nord-est mais très déformée.

 

Fig. 32 : Repérage de la poutre 1 située sur le côté nord (en jaune)

Fig. 32 : Repérage de la poutre 1 située sur le côté nord (en jaune)

2.7.3. Les zones d'explosions

 

L'étude de la toiture a permis de localiser deux zones très dégradées, l'une au sud, l'autre au nord.

 

Fig. 33 : Localisation des deux zones d’explosion

Fig. 33 : Localisation des deux zones d’explosion

2.7.3.1. La zone sud

 

Cette zone correspond à l’emplacement de la piscine de combustible. L'explosion qui a eu lieu à cet endroit a pulvérisé entièrement la toiture et sa charpente, ainsi que l'intégralité du mur sud aux niveaux CRF et 5F. Les poutrelles métalliques issues de la toiture semblent avoir été déformées par une intense chaleur et jonchent la surface technique parmi les gravats. La double poutre maîtresse située à l’extrémité sud (poutre 5) s’est désolidarisée du reste de la charpente et est tombée sur la surface technique le long de ce qui était le mur sud. A l’emplacement de la piscine de combustible, une zone d’environ 20 m² semble vide de débris, du moins c’est ce qu’on observe à la surface de l’eau. 

 

Fig. 34 : Une zone vide de débris est visible dans la piscine de combustible (rectangle bleu)

Fig. 34 : Une zone vide de débris est visible dans la piscine de combustible (rectangle bleu)

Avec le plan de la piscine de combustible fournie par Tepco, on peut localiser l’endroit correspondant à cette zone vide faisant penser à un « trou ». Il y avait bien du combustible à cet endroit mais Tepco n’a jamais fourni aucune photo de ce secteur de la piscine où l’on apercevrait des assemblages.

 

Fig. 35 : Secteur de la piscine de combustible correspondant à la zone vide de débris

Fig. 35 : Secteur de la piscine de combustible correspondant à la zone vide de débris

2.7.3.2. La zone nord

 

C'est la zone du BR3 la plus endommagée. Les inquiétudes s'étant focalisées sur la piscine de combustible au sud, ce secteur est presque passé inaperçu. Pourtant c'est de ce côté nord, associé à une partie du côté ouest, que le niveau 4F a été éventré. La torsion de la poutre maîtresse nord (poutre 1) indique que le souffle de l'explosion avait pour origine le côté de l'angle nord-ouest.

 

L’explosion qui a eu lieu de ce côté provenait d’un niveau inférieur à celui de la surface technique (5F). On trouve au niveau 4F les condenseurs de secours, c’est-à-dire le système qui permet de refroidir le cœur automatiquement en cas de panne des pompes. Il est constitué de deux grosses cuves remplies d’eau. En cas d’urgence, la vapeur provenant du réacteur est acheminée directement par des tuyauteries robustes dans les condenseurs où, comme leur nom l’indique, la vapeur d’eau se condense, refroidit, puis revient au cœur à l’état liquide par simple gravité pour continuer le cycle du refroidissement du combustible.

 

Fig. 36 : Détail des tuyauteries entre la cuve du réacteur, les condenseurs et l’extérieur

Fig. 36 : Détail des tuyauteries entre la cuve du réacteur, les condenseurs et l’extérieur

Selon les plans du bâtiment réacteur, les condenseurs se trouvent proches du puits de cuve. L’explosion qui s’est produite au niveau 4F est peut-être liée à un disfonctionnement des condenseurs.

 

Fig. 37 : Localisation des condenseurs dans le BR3

Fig. 37 : Localisation des condenseurs dans le BR3

2.7.4. Les panaches

 

Après les explosions et dans les jours suivants, des panaches de différentes couleurs ont été visibles s’échappant du BR3.

 

2.7.4.1. Juste après l’explosion

 

Un panache de couleur blanche, provenait du centre du bâtiment, donc de l'enceinte de confinement. Il indiquait qu'il y avait des fuites de gaz importantes au niveau du puits de cuve sur plusieurs points comme on peut le constater sur cette photo satellite qui a été prise seulement 3 minutes après l’explosion.

 

Fig. 38 : Plusieurs panaches blancs sortent du puits de cuve juste après l’explosion  (Détail photo Digital Globe)

Fig. 38 : Plusieurs panaches blancs sortent du puits de cuve juste après l’explosion (Détail photo Digital Globe)

Le 27 mars, il a été remarqué que le principal dégagement gazeux provenait de l'angle sud-ouest de la piscine d'équipement (3) qui communique avec le puits de cuve.

 

(3) La piscine d’équipement se trouve au point 2 du plan d’Oyster Creek présenté au chapitre 1. Cette piscine n’est pas orientée de la même manière à Fukushima, cf. paragraphe 2.7.6.2.


 

Fig. 39 : Fuite de gaz à l’angle sud-ouest de la piscine d’équipement (capture vidéo 27 mars 2011)

Fig. 39 : Fuite de gaz à l’angle sud-ouest de la piscine d’équipement (capture vidéo 27 mars 2011)

On a observé également un panache blanc au-dessus de la piscine de combustible. Voici une capture d’une vidéo non datée (fin mars ou avril 2011) que nous avons colorisée.

 

Fig. 40 : Mise en évidence de panaches d’origines différentes

Fig. 40 : Mise en évidence de panaches d’origines différentes

2.7.4.2. Panaches noirs

 

Le 21 mars, puis le 23, une fumée noire s’échappait du BR3, entrainant l’évacuation d’une partie du personnel. Des photos de Tepco conservent le souvenir de ces évènements.

 

Fig. 41 : Fumée noire provenant du BR3 le 21 mars 2011

Fig. 41 : Fumée noire provenant du BR3 le 21 mars 2011

Cette photo du 21 mars montre un panache gris-noir provenant de la partie nord du bâtiment. Il ne s’agit pas d’un effet de contraste avec le ciel clair car l’évaporation de l’eau de la piscine du réacteur 4 en arrière-plan donne bien un panache de couleur blanche.

Un communiqué de Tepco précisait ce jour-là que de la fumée grise puis noire s’échappait « du toit du réacteur », plus exactement, selon la photo, de l’emplacement de la piscine d’équipement qui, rappelons-le, était vide. On observe également sur cette photo qu’il n’y a pas de panache blanc sortant du BR3.

 

Deux jours plus tard, on observe ce 23 mars un mélange de deux panaches noir et blanc. Il est possible que le panache blanc soit celui du BR4. A propos de la fumée noire, un porte-parole de Tepco affirmait qu’ils ne savaient pas si elle provenait du bâtiment des turbines ou de l’enceinte de confinement. Manifestement, elle ne provenait pas du bâtiment des turbines.

 

Fig. 42 : Instantané de la caméra de surveillance de Tepco le 23 mars 2011 à 17 h

Fig. 42 : Instantané de la caméra de surveillance de Tepco le 23 mars 2011 à 17 h

On peut observer également ce qui ressemble à un panache gris-noir s’échappant de la piscine de combustible sur une photo aérienne prise le 30 mars 2011. Cependant, il est fort probable qu’il ne s’agisse que du reflet du panache blanc sur la surface de l’eau de la piscine ou d’un effet de contraste d’un léger panache blanc à la surface sombre de l’eau de la piscine de combustible.

 

Fig. 43 : Probable reflet sur la surface de la piscine de combustible le 30 mars 2011

Fig. 43 : Probable reflet sur la surface de la piscine de combustible le 30 mars 2011

2.7.4.3. Jet de vapeur

 

Une vidéo aérienne publiée à l’origine par NHK, puis reprise par des médias étrangers comme CNN ou TV9, montre un jet de vapeur formant un champignon au-dessus du BR3. Ce fait a été considéré par plusieurs observateurs comme l’explosion du BR4. Or la vidéo de cet évènement n’a jamais été diffusée.

 

Fig. 44 : Jet de vapeur au-dessus du BR3

Fig. 44 : Jet de vapeur au-dessus du BR3

En situant exactement les réacteurs à leur place respective, on peut s’apercevoir que cette vapeur sort bien du BR3.

 

Fig. 45 : Localisation des réacteurs 2, 3 et 4

Fig. 45 : Localisation des réacteurs 2, 3 et 4

Fig. 46 : Localisation du jet de vapeur sur le BR3

Fig. 46 : Localisation du jet de vapeur sur le BR3

La vidéo, sauvegardée sur différents comptes Youtube, ne mentionne pas la date mais comme le BR4 est encore intact, elle a certainement été tournée le 14 mars après-midi, quelques heures après l’explosion du BR3.

 

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5 août 2015 3 05 /08 /août /2015 16:00

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(partie précédente)

 

 

 

2.4. La direction du nuage

Le nuage qui est monté en altitude a pris la direction de l’est, se dirigeant donc vers l’océan Pacifique. Cependant, une dizaine d’heures plus tard, le vent a changé de direction et a porté le nuage jusqu’à Tokyo.

 

Fig. 12 : Changement de la direction du nuage de l’explosion du BR3

Fig. 12 : Changement de la direction du nuage de l’explosion du BR3

2.5. Les projections

La première explosion détruit une partie du toit et des murs du bâtiment mais la vidéo ne permet pas d’en visualiser des fragments, contrairement à la seconde explosion qui projette de très gros objets à près de 200 mètres d’altitude dont le plus gros a une longueur de plus de 13 mètres.

Fig. 13 : Des objets retombent après l’explosion (T + 11 s)

Fig. 13 : Des objets retombent après l’explosion (T + 11 s)

La plupart de ces objets, probablement des blocs de béton ou des éléments métalliques issus des installations, retombent à la verticale de l'axe de visée de la cheminée d’évent, précisément dans l’axe de la deuxième explosion.

 

Certains objets lourds, en retombant, ont traversé des toitures des bâtiments annexes du réacteur.

 

Fig. 14 : Les trous dans la toiture du bâtiment des turbines du BR3

Fig. 14 : Les trous dans la toiture du bâtiment des turbines du BR3

Au nord, gît au milieu des gravats un objet circulaire de grandes dimensions (8 m de diamètre environ), une sorte de palonnier qui pourrait servir à soulever le couvercle de la cuve lors de la maintenance du réacteur ou une machine à visser-dévisser les boulons du couvercle de l’enceinte de confinement (« bolt driver »). Habituellement entreposé au niveau de la surface technique, il semble avoir été emporté par le souffle de l'explosion et être retombé à cet endroit.

 

Fig. 15 : Objet retombé sur les ruines du BR3 dans le secteur nord

Fig. 15 : Objet retombé sur les ruines du BR3 dans le secteur nord

Fig. 16 : C’est sans doute ce type de matériel qui est retombé sur le BR3 (photo d’avant mars 2011)

Fig. 16 : C’est sans doute ce type de matériel qui est retombé sur le BR3 (photo d’avant mars 2011)

Un autre objet est retombé sur le bâtiment des turbines du BR4 en perçant aussi le toit.

 

Fig. 17 : Objet visible à la 14ème seconde retombant près du BR4

Fig. 17 : Objet visible à la 14ème seconde retombant près du BR4

Enfin certains gravats issus de l’explosion sont extrêmement radioactifs. Par exemple, le 23 avril 2011, un ouvrier a trouvé un débris de béton ayant un débit de dose de 900 millisieverts par heure près du BR3 (2). Par ailleurs, le New York Times rapporte que des fragments de barres de combustible ont été trouvés près du BR2 et qu’ils ont été recouverts à l’aide de bulldozers.

 

(2) Cette dose est extrêmement élevée : en une heure, elle correspond à plus de 900 fois la dose admissible annuelle et en 24 heures, le total est de plus de 20 Sieverts, soit une dose mortelle.

 

2.6. Localisation des explosions

En utilisant l’image donnée par la caméra avant l’explosion du BR3 et les rapports de distance entre les différents éléments visibles (cheminées, bords de bâtiments), nous avons déterminé l’azimut de visée de l’objectif : 33°E. Cela nous permet de l’appliquer aux plans de la centrale et des réacteurs fournis par Tepco.

 

Fig. 18 : Détermination de l’angle de visée de la caméra

Fig. 18 : Détermination de l’angle de visée de la caméra

Ainsi, en tenant compte de l’orientation du bâtiment, on sait que la première explosion se situe exactement dans l’angle sud-est du bâtiment. C’est là que le toit commence à se soulever et que la flamme est visible. L’installation la plus proche de cet angle est la piscine de combustible.

 

Fig. 19 : Situation de la flamme de la première explosion

Fig. 19 : Situation de la flamme de la première explosion

Le nuage 3 de la seconde explosion se situe précisément dans l’axe de visée de la cheminée d’évent centrale.

 

Fig. 20 : Nuage 3 axé sur la cheminée d’évent

Fig. 20 : Nuage 3 axé sur la cheminée d’évent

L’axe de visée de la cheminée d’évent passe par l'angle sud-ouest du BR3 ; il ne passe donc pas par le centre du réacteur.

 

Fig. 21 : Différents axes et zones impactées rapportés au plan du BR3

Fig. 21 : Différents axes et zones impactées rapportés au plan du BR3

2.7. Observation du bâtiment après les explosions

 

2.7.1. Les murs

Les premières photos et vidéos du BR3 après les explosions montrent un bâtiment ravagé. Il y a eu tant de dégâts que beaucoup d’observateurs ont cru dans les premiers jours que le réacteur-même avait explosé.

 

Observons les dégâts côté par côté.

 


2.7.1.1. Face est

Fig. 22 : Face est du BR3

Fig. 22 : Face est du BR3

C'est la façade est qui a le mieux résisté aux explosions. Elle a gardé sa hauteur en conservant les piliers et les poutres, sans panneau, des deux niveaux supérieurs (CRF et 5F), ainsi que la moitié sud de la poutre horizontale supérieure.

 

2.7.1.2. Face sud

 

Fig. 23 : Face sud du BR3

Fig. 23 : Face sud du BR3

La façade sud a aussi relativement bien résisté aux explosions, excepté les deux niveaux supérieurs dont les piliers et les panneaux ont totalement disparu (CRF et 5F).

 

2.7.1.3. Face ouest

 

Fig. 24 : Face ouest du BR3

Fig. 24 : Face ouest du BR3

La façade ouest a perdu ses deux niveaux supérieurs (CRF et 5F) et la quasi-totalité des panneaux du niveau suivant (4F), situé sous le niveau technique. Les piliers manquants sont visibles à la base de la façade, à l’envers.

 

Fig. 25 : Piliers de la façade ouest à la base du mur

Fig. 25 : Piliers de la façade ouest à la base du mur

2.7.1.4. Face nord

La façade nord a énormément souffert des explosions et il est difficile de la discerner sous les ruines. Elle a perdu la quasi-totalité des 3 niveaux supérieurs CRF, 5F et 4F. Pour le niveau 4F, seul deux panneaux sur cinq restent en place à l'est.

 

Fig. 26 : Face nord du BR3

Fig. 26 : Face nord du BR3

Les piliers de la façade nord ont été projetés sur un bâtiment annexe.

 

Fig. 27 : Piliers de la façade nord sur un bâtiment annexe

Fig. 27 : Piliers de la façade nord sur un bâtiment annexe

2.7.1.5. Élévations

L'observation de ces documents nous a permis de dresser les élévations schématisées des 4 façades.

 

Fig. 28 : Elévations des façades du BR3

Fig. 28 : Elévations des façades du BR3

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1 août 2015 6 01 /08 /août /2015 16:21

Le 14 mars 2011, à 11 h 01 exactement, une explosion d’une rare intensité s’est produite dans le bâtiment du réacteur n° 3 (BR3) de la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi. Selon la seule vidéo connue, l’explosion s’est manifestée en deux temps : une première explosion est visible sur le côté sud engendrant une flamme gigantesque et, moins d’une demi-seconde plus tard, une deuxième explosion se produit de manière verticale, générant un nuage aux couleurs sombres sur plusieurs centaines de mètres de hauteur.

Les images du bâtiment réacteur diffusées après cet événement montrent que le bâtiment a énormément souffert : s'il reste 3 niveaux de poutres de béton armé côté est, les 3 autres côtés ont disparu pour cette même hauteur correspondant aux niveaux 4F, 5F et CRF du bâtiment, soit une hauteur de 23 mètres de murs détruits sur un total de 46 m.

Jusqu’à présent, l’opérateur Tepco et tous les organismes officiels ont affirmé qu’il s’agissait d’une simple explosion d’hydrogène. Pourtant, d’autres hypothèses existent et c’est l’objet de cet article de les exposer et de les analyser. Après avoir présenté succinctement le réacteur, nous observerons objectivement ce qui s’est passé, puis nous présenterons les différentes hypothèses qui tentent d’expliquer ces évènements. Enfin, nous confronterons ces propositions avec les faits relevés et nous exposerons notre point de vue argumenté.

Remarque importante au sujet du contenu de cet article :

Cet article utilise les données disponibles, à savoir les documents, vidéos et photos fournis par les médias et l’opérateur de la centrale Tepco. Ce dernier ne donne bien évidemment pas toutes les informations qu’il possède. Il partage les informations sur la centrale de manière parcimonieuse et souvent celles-ci sont décalées dans le temps. C’est l’observation de l’ensemble des données collectées depuis quatre ans qui permet aujourd’hui d’aborder l’analyse des explosions du bâtiment réacteur 3 de manière plus complète et avec plus de recul. Cet article se veut une ébauche de compréhension de l’explosion du bâtiment réacteur n° 3 de Fukushima, en fonction des connaissances actuelles. Sa présente publication sur le blog de Fukushima n’est donc pas un texte totalement abouti. Il fera l’objet de corrections et d’amendements en fonction des réactions et des informations qu’apporteront les lecteurs et des éventuelles nouveautés que diffusera Tepco dans l’avenir. Le fil des commentaires est ouvert à tous ceux qui veulent faire avancer ce dossier qui, il faut le reconnaître, est devenu tabou avec les années. Merci par avance aux contributeurs. A la suite de cela, une nouvelle version sera proposée.

Etant donné le nombre important de documents de ce dossier, celui-ci sera édité en sept parties.

 

Un grand merci à Phil Ansois pour la relecture finale du dossier.

 

PF

-oOo-

 

 

Sommaire

 

1. Présentation du réacteur n° 3

 

2. Les faits

 

2.1. La première explosion

2.2. La seconde explosion

2.3. Les nuages de la première seconde

2.4. Direction du nuage

2.5. Les projections

2.6. Localisation des explosions

2.7. Observation du bâtiment après les explosions

2.7.1. Les murs

2.7.1.1. Face est

2.7.1.2. Face sud

2.7.1.3. Face ouest

2.7.1.4. Face nord

2.7.1.5. Élévations

2.7.2. La toiture

2.7.3. Les zones d'explosions

2.7.3.1. La zone sud

2.7.3.2. La zone nord

2.7.4. Les panaches

2.7.4.1. Juste après l’explosion

2.7.4.2. Panaches noirs

2.7.5. Les photos infrarouges

2.7.6. Les piscines

2.7.6.1. La piscine de combustible

2.7.6.2. La piscine d'équipement

2.7.7. La surface technique

2.7.7.1. Les dalles antimissiles

2.7.7.2. Les déformations du niveau technique

2.7.7.3. Le pont roulant

2.7.8. La porte de l’enceinte de confinement

2.8. La radioactivité mesurée au BR3

2.9. La poussière noire

2.10. Le son des explosions

 

3. Les hypothèses

 

3.1. L’hypothèse de l’explosion d’hydrogène

3.1.1. Le sas d'accès matériel (« equipment hatch »)

3.1.2. L’enceinte de confinement (« dry well »)

3.1.3. La cuve du réacteur (« RPV »)

3.1.4. La piscine d’équipement (« DSP »)

3.1.5. La piscine de combustible (« SFP »)

3.2. L’hypothèse d'un accident de criticité instantanée de la piscine de combustible

3.3. L’hypothèse de l’explosion de zirconium

3.4. L’hypothèse de l’explosion de vapeur

 

4. Critique des hypothèses par rapport aux faits constatés

 

4.1. Hypothèse d’une explosion d’hydrogène

4.1.1. Eléments favorables

4.1.2. Eléments défavorables

4.2. Hypothèse d’une explosion de vapeur

4.2.1. Eléments favorables

4.2.2. Eléments défavorables

4.3. Hypothèse d’une explosion de zirconium

4.3.1. Eléments favorables

4.3.2. Eléments défavorables

4.4. Hypothèse d’un accident de criticité instantanée dans la piscine de combustible

4.4.1. Eléments favorables

4.4.2. Eléments défavorables

4.4.3. Elément indifférent

 

5. Conclusions prenant en compte les faits et les critiques

 

5.1. Il s’est produit plusieurs explosions

5.1.1. Une explosion s’est produite dans la piscine de combustible

5.1.2. Une explosion s’est produite à l’intérieur de l’enceinte de confinement

5.1.3. Une explosion s’est produite au niveau 4F

5.2. Proposition de déroulement des explosions

 

 

********

 

 

L’explosion de l’unité 3 de Fukushima Daiichi

 

Pierre Fetet

 

(1ère partie)

 

 

 

1. Présentation du réacteur n° 3

 

Le réacteur n°3 est un réacteur à eau bouillante de type Mark I (General Electric). Construit par Toshiba à partir de 1970, il a été raccordé au réseau en 1974 et mis en service en mars 1976. Dans le contexte de la catastrophe de Fukushima, sa particularité est qu’il est le seul des 6 réacteurs de la centrale de Fukushima Daiichi à avoir été chargé avec du MOX, combustible français composé d’oxydes d’uranium et de plutonium.

 

Voici un document technique qui détaille ce type de bâtiment réacteur en deux coupes annotées et cotées.

Fig. 1 : Coupes d’un bâtiment réacteur à eau bouillante de type Mark 1

Fig. 1 : Coupes d’un bâtiment réacteur à eau bouillante de type Mark 1

A quelques détails près, il est du même type que le réacteur d’Oyster Creek aux Etats-Unis dont voici un écorché légendé.

Fig. 2 : Réacteur d’Oyster Creek (USA)

Fig. 2 : Réacteur d’Oyster Creek (USA)

Le BR3 se compose de plusieurs niveaux de construction qui ont été décrits avec précision par Luca da Osaka sur le site italien Giappo Pazzie. Chaque niveau a un nom composé de lettres et de chiffres : B1F pour le sous-sol, 1F pour le rez-de-chaussée, 2F pour le 1er étage, 3F pour le 2ème étage, 4F pour le 3ème étage qui est celui qui abrite le condenseur et 5F pour le 4ème étage qui est le niveau de service opérationnel où sont accessibles le puits de cuve et les piscines. Le niveau CRF n’est pas un étage, c’est le niveau du grand pont roulant qui fait la largeur du bâtiment ; celui-ci sert à la manutention des conteneurs de combustible et du matériel lourd. Nous utiliserons ces dénominations le cas échéant pour plus de clarté.

 

Fig. 3 : Vues latérale et frontale et plan du BR3

Fig. 3 : Vues latérale et frontale et plan du BR3

Fig.4 : Vue oblique du BR3 en transparence

Fig.4 : Vue oblique du BR3 en transparence

2. Les faits

 

 

2.1. La première explosion

On peut visualiser cette explosion grâce à la vidéo qui a été diffusée sur les chaînes de télévision puis sur la toile. En voici une copie, composée de la vidéo originale puis d’un zoom sur le BR3.

 

On peut aussi avoir une vision précise de l’explosion grâce au site danois Gyldeng risgaard qui découpe la première seconde en 25 images. Nous disposons donc d'une image chaque 0,0334 seconde, selon la fluidité de la vidéo donnée par l’auteur (29,970 trames par seconde).

Le premier événement visible est l’explosion du côté sud du bâtiment réacteur. La première image (T) montre le début de la désintégration du toit du bâtiment réacteur avec un nuage sombre se formant avec une plus grande épaisseur sur le côté sud.

Fig. 5 : Premiers instants de l’explosion

Fig. 5 : Premiers instants de l’explosion

L’image suivante montre une flamme de couleur blanche à jaunâtre se développant sur au moins 13 m en 3,34 centièmes de seconde, c'est-à-dire avec une onde de choc se déplaçant à une vitesse initiale minimale de 389 m/s (la flamme pouvant être oblique, la vitesse est probablement supérieure). Il s’agit donc là d’une détonation, la vitesse de l’onde de choc étant supersonique (1).

 

(1) La vitesse du son est de 331 m/s à 0 °C, au niveau de la mer. La formule est v = 331 + 0,6 x θ, θ  étant la température en degrés Celsius et v la vitesse du son. Par exemple, pour calculer la distance du point d’impact de la foudre lors d’un orage, il faut compter 3 secondes pour un kilomètre. La déflagration correspond à une vitesse d’expansion plus petite que la vitesse du son, une détonation à une vitesse d’expansion plus grande que la vitesse du son, et donc à la création d’une onde de choc supersonique.

 

Les images suivantes montrent le changement de couleur de la combustion, avec une flamme qui devient jaune-orange et se développe sur une longueur de plus de 20 m.

 

Fig. 6 : Variation de couleur de la flamme

Fig. 6 : Variation de couleur de la flamme

Dans le même temps, on remarque un nuage noir qui se forme du côté nord-ouest, d’abord au toit puis aux murs. On voit également du côté sud, sous et à côté de la flamme, la destruction des niveaux 5F et CRF.

 

Les bords de cette flamme délimitent un secteur très précis situé à l’angle sud-est du bâtiment, ce que nous analyserons plus bas.

 

Au bout de 2 dixièmes de seconde, la flamme commence à se retirer, comme aspirée vers le bâtiment d’où elle sort, alors qu’est en train de se produire le début de la deuxième explosion.

Fig. 7 : Retrait de la flamme

Fig. 7 : Retrait de la flamme

Il est à noter qu’en même temps, on aperçoit des lueurs au niveau de la cheminée d'évent. Elles pourraient n’être en fait que les reflets de la flamme sur les poutres métalliques blanches de la structure.

 

Dans le prolongement de la flamme au sud-est du bâtiment, 30 dixièmes de secondes après sa disparition, se produit un nuage persistant de couleur gris-blanc de grandes dimensions et qui reste bien visible les secondes suivantes.

 

Fig. 8 : La flamme produit un nuage gris-blanc

Fig. 8 : La flamme produit un nuage gris-blanc

2.2. La seconde explosion

Cette explosion commence à être visible à partir de 3 dixièmes de seconde sous la forme d’un nuage gris distinct des premiers panaches, au moment où la flamme du côté sud est en train de reculer. Son origine en elle-même n’est pas visible car située dans le bâtiment déjà caché par la fumée de la première explosion. C’est donc indirectement, avec le nuage spectaculaire qu’elle provoque, qu’on peut l’observer.

Ce nuage peut être visualisé seconde par seconde grâce au site déjà cité Gyldengrisgaard qui présente les 17 premières secondes.  La formation globale du nouveau panache qui ressemble à une sphère à la première seconde est visuellement axée sur la cheminée d’évent. Contrairement aux autres panaches inférieurs, celui-ci monte très vite en hauteur, avec une vitesse de progression estimée à 70 m/s dans les premiers instants.

 

Fig. 9 : Evolution du nuage de la seconde explosion

Fig. 9 : Evolution du nuage de la seconde explosion

2.3. Les nuages de la première seconde

La première explosion provoque deux épais nuages qui enveloppent complètement le bâtiment. Le nuage inférieur (nuage 1) a une couleur claire et se développe de manière horizontale. Il est formé par la poussière de béton des murs qui sont volatilisés ou qui s’effondrent. Le nuage supérieur (nuage 2) a une couleur très sombre tirant vers le noir. Il se forme à la hauteur du toit et dépasse d’une dizaine de mètres le bâtiment.

La deuxième explosion produit un troisième panache (nuage 3) de couleur brune. Celui-ci semble former, au bout d’une seconde, une boule d’une soixantaine de mètres de diamètre qui monte rapidement en grossissant vers le ciel laissant une traînée verticale large d’une quarantaine de mètres sur son passage. Tout en montant, le nuage se déplace vers l’est, poussé par le vent qui, d'après la progression  du nuage, a une vitesse d'environ 20 km/h. Au bout de 15 secondes après la première explosion, il atteint une hauteur de plus de 300 m.

Nous avons déjà évoqué le quatrième nuage qui est le résidu de combustion de la flamme de la première explosion, au sud-est du bâtiment.

 

Fig. 10 : Les quatre nuages

Fig. 10 : Les quatre nuages

On pourrait s’en tenir là. Toutefois, la décomposition de la première seconde donne plus d’informations encore sur l’enchainement des évènements : le nuage 3 se forme en deux temps. La formation de ce nuage débute à partir de 0,33 s uniquement du côté sud (nuage 3a), visuellement entre la flamme et la cheminée d’évent. Puis à 0,43 s se forme le nuage 3b. Ce dernier paraît plus sombre que le nuage 3a mais avec la lumière du soleil venant du sud, on ne peut rien déduire de cette différence de couleur, le nuage 3b étant à l’ombre du nuage 3a.

 

Fig. 11 : Formation du nuage 3 en deux temps

Fig. 11 : Formation du nuage 3 en deux temps

Le nuage 3a, qui se situe au sud – au-dessus de la piscine de combustible – a de l’avance sur le nuage 3b qui se situe au nord. Le nuage 3b rattrape la hauteur du nuage 3a en un quart de seconde : à 0,76 s, les deux nuages 3a et 3b ne forment plus qu’une seule et même masse. L’observation de ce phasage laisse penser qu’il y a eu une succession d’explosions quasi simultanées.

 

 

(lien vers la 2ème partie)

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12 mai 2015 2 12 /05 /mai /2015 08:37
Echapper aux « chaudrons de l'enfer »

INTERVIEW / Yauemon Sato :
Fukushima doit reconquérir ses ressources énergétiques pour échapper aux « chaudrons de
l’enfer ».

Le 1er mai 2015 / Auteur : Toshihide Ueda, rédacteur principal, article paru dans « THE ASAHI SHIMBUN » / Lien Source : http://ajw.asahi.com/article/views/opinion/AJ201505010047

Traduction Javale Gola

KITAKATA, Préfecture de Fukushima—Yauemon Sato, Dirigeant à la neuvième génération d’une brasserie de saké exploitée dans la ville depuis 1790, compare les réacteurs dévastés de la centrale nucléaire N°1 de Fukushima à des « chaudrons de l’enfer ».

Dans une interview récente pour le journal Asahi Shimbun, Sato dit que la catastrophe nucléaire « se répète chaque jour », en référence au gigantesque stock d’eau radioactive qui continue de croître—et souvent fuit —plus de quatre ans après la fusion des coeurs.

 

Il a fondé en 2013 la Compagnie d’énergie Aizu Denryoku*, ce fut sa réponse à la problématique de la voie qu’on devrait emprunter pour «la renaissance de Fukushima» suite à la catastrophe nucléaire.

Chef d’entreprise, Sato était bien déterminé à ne pas se contenter d’« un énième mouvement social ».

 

Il dirige aujourd’hui plus de vingt centrales solaires.

 

Sato entend également parier sur de micro-centrales hydroélectriques et sur la biomasse issue du bois, pour permettre à son affaire d’exploiter les abondantes ressources en eau et celles des forêts de la région de Aizu* dans l’ouest de la préfecture de Fukushima, où est située la ville de Kitakata.

Sato nous fait cette observation : « la région de Aizu dispose de ressources énergétiques propres à lui assurer l’auto-suffisance. Les eaux du lac Inawashiroko et de la rivière Tadamigawa étaient à l’origine notre propriété. Le moment est probablement venu qu’elles nous soient restituées. »

[*NDLT : Noter que la ville de Aizu est la capitale historique du département de Fukushima]                                                        

 

Nous vous proposons quelques extraits de l’interview :

 

***

QUESTION : Qu’est-ce qui motive votre investissement, en particulier en faveur d’énergies renouvelables ?

 

SATO : Vous connaissez le chaudron de l’enfer ? celui qui fait le mal ira en enfer bouillir dans ce chaudron. Eh bien nous avons quatre semblables chaudrons dans la préfecture de Fukushima, à la centrale nucléaire N°1 de Fukushima dont l’opérateur est la Cie d’Energie Electrique de Tokyo.[TEPCO]

 

Q.: Vous voulez parler des réacteurs N°1 à N°4 détruits par des accidents, n’est-ce pas ?

 

SATO : Tout-à-fait. Il est grand temps que la catastrophe prenne fin. Or, elle se reproduit chaque jour. Plus de 300 tonnes d’eau, contaminée par des substances radioactives à des niveaux intenses, sont produites chaque jour à la centrale, d’accord ? Nous, sommes une entreprise familiale de brasseurs de saké, au chiffre d’affaires annuel d’environ 350 millions de yens (2,9 millions de dollars). Et nous brassons environ 300 kilo-litres de saké, soient quelque 300 tonnes, chaque année. Eh bien ils produisent plus d’eau radioactive chaque jour, que nous de saké en une année.

 

Q. : L’ensemble du village de Iitate, dans la préfecture de Fukushima, est à ce jour toujours évacué en raison de la catastrophe nucléaire. Or, vous aviez apporté à Iitate votre soutien bien avant la catastrophe nucléaire déclenchée par le Grand Séisme et le tsunami dans l’Est du Japon. Pouvez-vous nous donner des précisions sur votre travail ?

 

SATO : Tout est parti d’une demande de la chambre de commerce et d’industrie du village, me proposant de brasser mon saké avec du riz cultivé à Iitate. J’ai accepté de devenir « un ambassadeur Madei » pour soutenir ce village, et puis une cérémonie d’investiture a eu lieu en janvier 2011. Deux mois plus tard se produisait la catastrophe nucléaire.

Iitate n’a rien rien à voir avec le nucléaire, alors je me suis dit qu’il fallait « que je vienne en aide à cette ville, d’une façon ou d’une autre ».

 

Q. : Ce terme de « Madei » signifie à peu près « solidaire » en dialecte local, et c’est une notion-vedette de l’entreprise pour le développement de la communauté de Iitate, n’est-ce pas ?

 

SATO : Certainement. Le maire de Iitate, Norio Kanno, a dit lors de la cérémonie d’investiture que le développement communautaire d’un « village solidaire » était quasiment parachevé. Mais tous ces efforts ont été ruinés par la catastrophe nucléaire.

Permettez-moi d’introduire une question : pourquoi la préfecture de Fukushima a-t-elle accueilli pas moins de 10 réacteurs nucléaires ? eh bien, elle l’a fait pour alimenter Tokyo en électricité. Mais les résidents de la préfecture de Fukushima n’ont pas fait suffisamment entendre leur voix, face au gouvernement central et à TEPCO.

Voilà quelques-unes des idées que j’ai partagées avec Yumiko Endo, l’ex-responsable du bureau préfectoral de l’Education pour la préfecture de Fukushima, ou encore avec Norio Akasaka, professeur d’ethnologie à l’université de Gakushuin et promoteur des «études du Tohoku».
Après, la première de nos actions fut la mise en oeuvre du « Fukushima Kaigi », un forum-citoyen qui s’est tenu à l’été 2011, pour débattre des modalités d’une « renaissance de Fukushima ».

 

Q. : C’est lors de ce forum que vous avez eu l’opportunité de faire la connaissance de Jun Yamada, un conseiller principal à Qualcomm Japan, la branche japonaise du fameux fabricant américain de circuits intégrés, n’est-ce pas ?

 

SATO : Oui. Yamada et moi nous sommes entretenus de ce qu’il faudrait faire à compter de là, et on s’est rendus à l’évidence : nous sommes des chefs d’entreprise inscrits dans leur époque. Nous contenter de maudire le gouvernement central et TEPCO ne mènerait pas bien loin. Un énième mouvement social ne nous satisferait pas. Alors finalement on est tombés d’accord : pourquoi ne créerions-nous pas une compagnie ?

 

Q. : Et la compagnie que vous avez créée, c’est Aizu Denryoku, c’est bien ça ?

 

SATO : bien sûr. Imaginez un peu, de quoi a-t-on fondamentalement besoin pour vivre ? Vous ne pouvez survivre que si l’eau, la nourriture et l’énergie sont à votre disposition.

Or, les 17 municipalités de la préfecture de Fukushima dans la région de Aizu, totalisent une population d’environ 280 000 résidents. Et cette région a suffisamment de riz et de ressources énergétiques pour être auto-suffisante. Les seules centrales hydroélectriques de la région de Aizu ont assez de potentiel énergétique pour couvrir les besoins de tous les ménages dans la préfecture de Fukushima.

 

Q. : Mais ces centrales-là, elles appartiennent à TEPCO, la Cie de l’Energie Electrique du Tohoku ainsi qu’à la Compagnie de Développement de l’Energie Electrique. La majeure partie de l’énergie produite est distribuée dans la région du Grand Tokyo. Que pensez-vous de cet arrangement ?

 

SATO : Nous n’avons pas les droits d’utiliser l’eau pour produire de l’énergie. Cependant, les eaux du lac Inawashiroko et de la rivière Tadamigawa étaient à l’origine notre propriété. Le moment est sans doute venu qu’elles nous soient restituées.

De même les centrales nucléaires sont situées sur le territoire de la préfecture de Fukushima. Pourquoi nous prive-t-on, là encore, de nos ressources ? Allons réclamer ce qu’on nous a pris. —Je ne dis rien d’autre.

 

Q. : La Compagnie Electrique du Tohoku a fixé une limite à la quantité d’électricité qu’elle achèterait aux sources d’énergies renouvelables. Quelle est votre approche concernant cette tâche ardue de vous confronter aux groupes d’intérêts ?

 

SATO : Mon père a débuté en court-circuitant les grossistes et les détaillants pour vendre notre saké directement aux touristes venant à Kitakata. Ce qui a déclenché un scandale inouï auprès des associations de grossistes et de détaillants. Mais à partir du moment où les consommateurs sont devenus friands de nos produits, ils ont passé des commandes aux détaillants et au final, ces mêmes détaillants ont été bien obligés de distribuer nos produits. La clientèle ne vous fera jamais défaut à condition que vous fassiez des produits de première qualité.

 

Q. : Vous rassemblez autour de vous un cercle grandissant de personnes acquises à votre point de vue. Iitate Denryoku, la compagnie de centrales solaires, a été créée à Iitate en septembre 2014, et vous en êtes le vice-président. Comment évolue-t-elle ?

 

SATO : A Tatami dans la préfecture de Fukushima, un nouveau groupe de personnes se mobilisent aujourd’hui pour créer une compagnie d’énergie : « Tatami Denryoku ». Quatre des 17 municipalités de la région de Aizu — Inawashiro, Bandai, Nishi-Aizu et Kita-Shiobara— ont décidé en mars d’investir dans Aizu Denryoku.

Notre objectif c’est de créer ce qu’on pourrait appeler «une compagnie publique de stockage». Nous avons encore quelques obstacles à dépasser, par exemple la question des droits d’exploitation de l’eau. Néanmoins notre projet est de multiplier dans les prochaines années des micro-centrales hydrauliques qui puissent utiliser l’eau des rivières ou d’autres sources connues, ainsi que la biomasse en misant sur le bois des forêts ou d’autres ressources.

On a commencé par l’énergie solaire, pour simplement renforcer l’assise de notre société.

 

Q. : Vous lancez à l’intention de l’ensemble des autorités municipales de la région de Aizu, un appel à l’injection de capital dans votre société. Quel rôle comptez-vous qu'elles jouent ?

 

SATO : Le développement de la communauté est d’abord le fait des gens du cru provenant du secteur privé, et de fait l’on n’escompte pas qu’il soit porté par les autorités dirigeantes. Le rôle des organes municipaux est d’appuyer l’action du secteur privé. C’est ainsi que la ville de Kitakata  a connu l’essor de sa réputation de « ville des entrepôts », ou « ville des ramen » puis a été confortée dans cette voie.

 

***

Né en 1951, Yauemon Sato est diplômé du Département Brasserie et Fermentation du Junior College de la Faculté d’Agriculture de Tokyo. En 1973 il est entré en apprentissage dans la brasserie familiale, la brasserie de sake « Yamatogawa Shuzoten ».
Il est inspiré par l’action de son père Yauemon Sato VIII dont il cite l’investissement dans la promotion de KItakata comme «la ville des entrepôts» et son engagement dans la conservation du patrimoine architectural au sein de l’Association Japonaise pour la Conservation et la Régénération de Machi-nami.

Sato, qui a repris en 2006 le flambeau de la Direction de l’entreprise familiale au rang de la neuvième génération, est également Directeur Général de la Coopérative Japonaise de Jizake, qui supervise les brasseries artisanales de saké, ainsi que Secrétaire en Chef d’une association nationale de fournisseurs locaux en énergie, dans laquelle les fondateurs ont inclus des services d’électricité desservant des zones localisées.

Le nom de l’entreprise Aizu Denryoku est emprunté à une compagnie qui exista avant la Seconde Guerre Mondiale. Un choix porteur de l’espoir de revivifier la tradition d’une telle compagnie qui puisse approvisionner en électricité les communautés locales.

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