
Selon les informations rapportées
par le blog EX-SKF, on a trouvé à Minamisoma une mystérieuse poussière noire radioactive déposée sur le sol dans de nombreux
endroits de la ville. Sa radioactivité en césium a été évaluée à plus d'un million de becquerels/kg.
Un membre de l'assemblée de Minamisoma, Koichi Ooyama (autre orthographe : Koichi Ohyama, il avait lancé un appel en juillet 2011), révèle le résultat du test fait sur cette mystérieuse poussière noire.
Que rapporte exactement EX-SKF ?
(traduction Hélios)
« Un bloggeur dont j'ai déjà parlé auparavant, ''Nuit sans fin'', a mesuré les radiations de l'étrange
poussière noire retrouvée à de nombreux endroits de Minamisoma, la plupart du temps à la surface des routes. Son compteur Geiger mesure toutes les radiations alpha, bêta, et gamma et aussi les
rayons X et sa mesure à la surface de cette poussière noire a été de 295 microsieverts par heure.
Ooyama, membre de l'assemblée, a envoyé apparemment un échantillon au professeur Tomoya Yamauchi de l'université de Kobe. Le professeur a fait le test et voici le résultat, d'après le blog
Assemblyman Ooyama :
Cs-134 : 485 252 Bq/kg
Cs-137 : 604 360 Bq/kg
TOTAL: 1 089 612 Bq/Kg
En convertissant les chiffres totaux en Bq/m²
1 089 612 × 65 = 70 824 780 Bq/m2
''Nuit sans fin'' dit dans son blog que cette substance est très légère et s'envole facilement. Il la trouve partout dans
Minamisoma. Il a demandé aux ouvriers de construction si cela provient de l'asphalte utilisé pour les routes. Les ouvriers disent que non. Pour voir d'autres photos de cette poussière noire,
aller ici.
''Nuit sans fin'' dit qu'il a alerté la mairie et M. Ooyama indique qu'il y aura une réunion avec les officiels de la ville sur cette découverte. »
Cette poussière serait donc extrêmement contaminée et présenterait des dangers certains pour la population à cause des risques d’inhalation. Si la pollution constatée est confirmée, il faudra vraisemblablement évacuer les quartiers concernés, car le taux relevé est énorme.
Reste à savoir :
- Depuis quand cette poussière a-t-elle été constatée à Minamisoma ?
- D’où provient cette poussière ? Dépôt de fumée d’incinérateur ? Produit déposé sur les routes contre le verglas ? Pollution provenant de la centrale de Fukushima Daiichi ?
- La poussière contient-elle d'autres radionucléides ? Lesquels ?
- Quels sont les quartiers concernés par ce dépôt ? La population a-t-elle été avertie du danger potentiel ?
Affaire à suivre.
Poussière noire sur le sol (source)
Mesure de radioactivité sur un échantillon
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Mise à jour du 18 février 2012
Lire le nouvel article sur EX-SKF (anglais) :
http://ex-skf.blogspot.com/2012/02/more-on-minami-somas-mysterious-black.html
et l'avis de Iori Mochizuki, blog Fukushima Diary (anglais) :
http://fukushima-diary.com/2012/02/i-cant-help-disappointing-you/.
Résultat de l'analyse de la poussière noire (source EX-SKF)
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Mise à jour du 21 février 2012
Nouvel article :
45.699μSv/h de rayons alpha dans ces poussières dont on ne connaît toujours pas la provenance.
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Mise à jour du 25 février 2012
Un reportage TV japonais sur la poussière noire de Minamisoma.
Le compteur Geiger indique 2,4~2,6 microsievert/h.
Cette poussière pourrait provenir de l'écoulement des eaux de surface. Ces "cendres" sont insolubles. Les karchers ne font que déplacer les radionucléides, et la concentrer.
L'AIPRI estime que ça peut être des résidus de combustibles. Il est vrai que l'unité 3 a explosé en mars 2011 produisant un panache de plus de 500 mètres de hauteur qui a semble-t-il emporté le contenu de la piscine de désactivation.
Article de l'AIPRI :
.
Tepco vient d’annoncer
que du Xénon avait été retrouvé dans l’enceinte de confinement du réacteur n°2. Cela signifie concrètement, comme en novembre 2011, qu’une réaction en chaîne incontrôlable a eu lieu ces
derniers jours et est peut-être encore en cours.
En effet, les xénons 133 et 135 se créent lorsqu’il y a une fission nucléaire de l’uranium et leur période radioactive est très courte (9 h pour Xe-135 et 5 jours pour Xe-133).
Voici les résultats de l’analyse, issus du document fourni par Tepco :
Temps d'échantillonnage: 13 février 2012, 16h24 à 16h54 (filtre à charbon actif)
Xe-133 : 0,016 Bq/cm3 (5 jours de demi-vie) ou 16 000 Bq/m3
Xe-135 : 0,023 Bq/cm3 (9 heures de demi-vie) ou 23 000 Bq/m3
source : http://www.tepco.co.jp/en/nu/fukushima-np/images/handouts_120214_07-e.pdf
Si Tepco ne revient pas sur ces données, alors on peut considérer que les thermomètres du réacteur 2 ne sont pas défaillants et que l’augmentation de la radioactivité dans la préfecture de Fukushima n’était pas anodine.
La température continuant à s’élever (plus de 300°C), l’inquiétude est grande chez les travailleurs de la centrale. Certains craignent une explosion, comme l’indique ce témoignage recueilli par Fukushima Diary : http://fukushima-diary.com/2012/02/minamisoma-blogger-the-heating-gauge-is-not-broken-at-reactor2/#.Tzp73KvEc30.facebook (en anglais).
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Mise à jour du 15 février 2012
On savait déjà que le mot « corium » était un mot tabou. Dorénavant, il va falloir s’y faire, le mot « fission nucléaire » ne doit pas être utilisé si la fission ne se produit pas dans un réacteur en état de marche ! Dès que quelque chose est hors contrôle, on ne doit surtout plus en parler !
Soyons clairs, si on détecte du xénon-135, il y a fission de l’uranium. Si cette fission n’est pas conventionnelle, et si l’enceinte de confinement du réacteur n°2 n’est plus étanche depuis l’explosion du 15 mars 2011, à qui la faute ? Si à chaque fois qu’une mesure ne correspond pas à l’état d’arrêt à froid, Tepco décide que les appareils de mesure sont hors service, que peut-on en conclure ?
Suite aux commentaires provoqués par cet article, je tiens à faire quelques mises au point :
1) Le titre de l’article est une question. Je posais la question car l’information de la présence de xénon venait de me parvenir. Depuis, j’ai appris que le xénon était détecté au moins depuis janvier. Tepco publie de temps en temps les mesures de détection des gaz rares, et il trouve du xénon régulièrement, ce qui l’a poussé d’ailleurs à injecter une tonne d’acide borique dans le réacteur 2 le 7 février 2012. Or il faut bien savoir que ce produit est destiné à absorber les neutrons pour contrôler le taux de fission de l'uranium. Alors moi je veux bien qu’il n’y ait pas de fission nucléaire, mais il faudra qu’un physicien nucléaire explique pourquoi le xénon-135 est présent et pourquoi on injecte de l’acide borique. Quoi qu’il en soit, le fait qu’on trouve du xénon depuis janvier n’enlève rien à la question de savoir s’il y a des reprises de criticité ou non. En revanche, que personne n’en parle parce que Tepco prétend qu’il n’y a pas de fission, le fait reste étrange.
Les tableaux de Tepco sont assez éparpillés et difficiles à trouver, j’en ai fait une synthèse pour y voir plus clair. Mais avant, quelques explications s’imposent.
Suite à la découverte de xénon au mois de novembre 2011, Tepco a choisi de détecter plus finement les gaz rares en utilisant d’autres techniques que celle du « Gas vial container » : le filtre à particule (particulate filter) et le filtre à charbon (charcoal filter). C’est pourquoi depuis le 13 janvier 2012, Tepco diffuse trois tableaux au lieu d’un précédemment. Voici les mesures du filtre à charbon (J’ai transposé en Bq/m3 pour plus de lisibilité.) :
date de prélèvement (charcoal filter) |
Xe-133 |
Xe-135 |
Source Tepco |
13 janvier 2012 |
12000 Bq/m3 |
24000 Bq/m3 |
http://www.tepco.co.jp/en/nu/fukushima-np/images/handouts_120116_05-e.pdf |
6 février 2012 |
13000 Bq/m3 |
22000 Bq/m3 |
http://www.tepco.co.jp/en/nu/fukushima-np/images/handouts_120208_07-e.pdf |
13 février 2012 |
16000 Bq/m3 |
23000 Bq/m3 |
http://www.tepco.co.jp/en/nu/fukushima-np/images/handouts_120214_07-e.pdf |
Conclusion : le taux des gaz xénon 133 et 135 restent relativement stables depuis le mois de janvier.
Alors que le Gas vial container ne détecte plus rien, le filtre à charbon détecte du xénon de manière plus importante qu’en novembre. L’augmentation du taux (environ 1000 fois plus élevé) par rapport à la détection de novembre peut s’expliquer par le changement de technique d’échantillonnage.
MAIS
Pour chaque échantillonnage de gaz effectué avec le filtre à charbon, le prélèvement se fait durant une demi-heure, or Tepco ne précise pas avec quel débit. La mesure est donnée en Bq/cm3, mais comme on ne sait pas combien de cm3 ont été filtrés, Tepco se laisse en fait une marge de manœuvre pour affirmer ce qu’il veut. C’est ce qu’on appelle une information tronquée : Tepco est spécialiste de cette technique. Un journaliste devrait poser la question du débit de prélèvement directement à Tepco.
Il faut savoir que les épisodes de criticité sont la norme dans le corium de Tchernobyl. Ce sont des évènements chroniques et incontrôlables.
Je voudrais reprendre ici le commentaire de Delphin qui éclaire la situation :
« S'il s'avère qu'il y a des reprises de criticité, la température s'élevant fortement consécutivement au redémarrage localisé de
réactions en chaîne, ces dernières s'étouffent alors d'elles mêmes.
Pour s'initier et se développer, une réaction en chaîne a besoin, dans ces conditions non optimales de faible densité d'uranium 235, d'une température la moins élevée possible.
Comme les fissions s'accompagnent de forte chaleur, les réactions s'étouffent, pour reprendre ici ou ailleurs, dès que la température est suffisamment redescendue, l'eau jouant alors son rôle de
modérateur ("ralentisseur" de neutrons).
Le problème, c'est que chaque bouffée de reprises recrée de nouveaux produits issus des fissions, dont certains gazeux qui peuvent migrer vers la surface, et que nous avons alors à faire avec un
réacteur nucléaire sporadiquement éternellement en activité, avec ce que ça signifie comme accumulation. »
Il est possible enfin que Tepco injecte du bore pour essayer de durcir le corium, ce qui atténue l’extériorisation des produits de fission lors d’un épisode de criticité. Mais les tremblements de terre peuvent briser ces croûtes formées en quelques secousses, ce qui peut conduire à des bouffées de gaz radioactifs.
2) Certes la référence au témoignage d’un travailleur dans la centrale est incertaine (témoignage rapporté par un blogueur japonais sans mention d’identité), mais je fais confiance en la capacité de compréhension et de tolérance de mes lecteurs. C’était une manière d’illustrer ce qui se passait dans la centrale, en me tournant vers une des rares sources d’informations disponibles sur Fukushima. Je rappelle en passant que les travailleurs de Tepco ont interdiction absolue de parler de leur travail. Je rappelle aussi qu’officiellement, il n’y a eu aucun mort dû à la radioactivité depuis le début de la catastrophe…
Etant donné que Fukushima a arrosé le monde entier de plutonium, j’estime qu’il serait normal que l’ONU prenne en charge le suivi de cette catastrophe qui est une agression envers l’humanité. Or rien ne se passe, l’industrie nucléaire est préservée sans débat. Il est déplorable de devoir avoir recours à des blogs pour pêcher des informations. Tepco diffuse des informations parcellaires et tronquées depuis un an. Tout le monde trouve ça normal et reprend ces informations sans sourciller, sans esprit critique.
L’analyse fine des mesures de xénon montre que Tepco est encore en train de cacher la réalité des choses. Evidemment, il ne semble pas y avoir des quantités phénoménales de xénon détectées, donc le risque d’une explosion est sans doute exagéré. Mais cette manière de distiller de l’information invérifiable devrait être dénoncée par les médias.
3) Voici des précisions sur le xénon, tirées directement de Wikipédia :
Le xénon-135 est un radionucléide (demi-vie : 9,17h), qui se forme directement dans la fission de l'uranium (dans la proportion de 0.4%) et indirectement par filiation radioactive à partir de l'iode-135 de période 6,7h (dans la proportion de 5.6%).
Le xénon-135 formé peut donner du césium135, mais également donner du xénon136 par capture d'un neutron (ces deux noyaux sont pratiquement stables et de section efficace négligeable). La proportion relative de ces deux consommations dépend du flux de neutrons.
Le xénon 135, artificiel, est un élément jouant un rôle important dans les réacteurs de fission nucléaire. 135Xe possède une section
efficace d'absorption très importante pour les neutrons thermiques, 2,6×106 barns, et agit donc comme absorbeur de neutrons ou comme poison pouvant ralentir ou stopper la réaction en chaîne. Cet
effet a été découvert dans les tout premiers réacteurs nucléaires construits par le projet Manhattan pour produire du plutonium. Heureusement pour eux, les ingénieurs ayant dimensionné le
réacteur avaient prévu de la marge pour augmenter sa réactivité (nombre de neutrons par fission qui eux-mêmes induisent la fission d'autres atomes du combustible nucléaire).
L'empoisonnement du réacteur par le 135Xe joua un rôle important dans la catastrophe de Tchernobyl.
Autres informations, autres avis :
*Extrait du communiqué de l’IRSN : « L'absence d'évolution des mesures de la teneur en Xénon 135 infirme l'hypothèse d'une reprise de la criticité dans le cœur ; par mesure de précaution, TEPCO a néanmoins injecté de l'eau borée dans la cuve. En conclusion, sur la base des informations actuelles, le refroidissement du combustible reste assuré et l'IRSN n'identifie pas, à ce stade, d'évolution significative par rapport à la situation antérieure. »
*Ce qu’en pense Dominique Leglu, docteur en physique nucléaire et physique des particules, directrice de rédaction du mensuel scientifique Sciences et Avenir :
Lire son avis du 10 février 2012.
*A propos du Xénon-133, article de l’AIPRI de novembre 2011 :
http://aipri.blogspot.com/2011/11/le-xenon-133-tres-faiblement.html
*Intervention radio récente du professeur Koide Hiroaki datant du 14/02/2012, concernant la situation du réacteur
n°2 (résumé de Aizen Kaguya, groupe Fukushima Informations):
- Le thermomètre semble ne pas fonctionner pour le réacteur 2. En réalité, cet appareil est un des plus fiables. Koide pense que c'est plutôt un câble alimentant
l'appareil qui est endommagé.
- En attendant, aucun robot ne peut se rendre à l'intérieur de la cuve.
- Concernant le xénon: pas de risque d'explosion ou ce genre de choses spectaculaires en vue. Koide observe que la présence de xénon signifie simplement que la fission du combustible d'uranium
est toujours en cours "quelque part" dans les soubassements. Il pense que l'on peut imaginer qu'il s'agit d'un état qui ressemblerait à celui d'un corium toujours en ébullition avec rejets
intermittents. Il dit qu'il faut éviter que cela continue car ce sont ces rejets qui peuvent causer des dommages aux travailleurs sur place.
- Il ne sait pas où se trouve actuellement le corium.
Merci à tous ceux qui ont participé d’une manière ou d’une autre à ce débat et m’ont éclairé et aidé à faire cette mise à jour ! Nous n’avons pas la réponse à la question posée dans le titre, mais nous avons plus d’éléments pour comprendre ce qui peut se passer à l’intérieur du réacteur.
Depuis
l’année dernière, Minamisoma est devenue une ville très connue du Japon car elle est située à 25 km de la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi. Lors de la catastrophe, son maire
Katsunobu
Sakurai avait envoyé un appel à l’aide sur YouTube, entendu dans le monde entier. Presque un an après, la situation a changé, ce même maire demande à ce
que les habitants reviennent vivre dans leur ville où, selon les sources officielles, les taux de radioactivité ne sont pas inquiétants. Pourtant, tous les habitants ne voient pas cela de la même
manière. Comme Koichi Ohyama, cet élu local qui demandait plus de précautions et de mesures avant que les gens ne reviennent chez
eux. Comme Takao
Odome, qui cherche à s’approvisionner en nourriture non contaminée. Comme cette bloggeuse, Emiko Numauchi alias Numayu, qui a perdu la santé et veut alerter les autorités sur les
dangers de la radioactivité.
Pour bien comprendre que la situation est vécue de manières différentes selon les habitants, voici trois témoignages concernant Minamisoma, à commencer par celui d’un Français qui pense que « la situation est grave mais pas désespérée ».
Témoignage d’un français expatrié,
Pablo Perez, qui partage sa vie entre Minamisoma et Tokyo où il travaille
(courriel du 2 janvier 2012)
« Minamisoma est le nom qui a été choisi (Minami signifie "sud" et la ville se trouve au sud d'une plus grande qui s'appelle Soma) pour nommer la réunion de trois anciennes municipalités : Kashima au nord, Haramachi au centre et Odaka au sud. Aujourd'hui, la fameuse zone des 20 km englobe Odaka mais pas Haramachi ni Kashima. Minamisoma se trouve donc "amputé" d'une partie de son territoire.
Après les deux explosions à la centrale, les 2/3 des habitants se sont enfuits. A cette époque, personne ne savait ce qui se passait dans cette usine. Deux ou trois semaines plus tard, lorsqu'on a compris qu'il ne s'agissait pas d'un "Tchernobyl", un mouvement de retour a été entamé malgré les avertissements officiels comme quoi il était possible qu'un ordre d'évacuation immédiate tombe à tout instant. Aujourd'hui, 60 des 80 000 habitants sont rentrés. Les 20 000 manquants représentent les familles qui ont des enfants en bas âge et qui, pour la grande majorité d'entre eux, n'ont pas souhaité revenir. Les écoles et les lycées sont d'ailleurs fermés à quelques exceptions près (il y a toujours des irréductibles ...).
A cette époque, la réorganisation des approvisionnements de la ville en carburant et en nourriture a pris du temps. Mais on peut dire qu'en mai la situation est revenue à la normale. Je viens de passer les fêtes avec des amis japonais ici et je peux vous dire que les magasins regorgent de tout ce que l'on veut.
Concernant le séisme, la municipalité n'a pas souffert pour une raison bien connue ici : Haramachi a la chance d'être une région géologiquement très stable. C'est pour cette raison que la ville abritait, au XXème siècle, une haute tour de communication militaire maintenant disparue. Ce n'est pas le cas des villes avoisinantes qui ont subit des dégâts mais, dans l'ensemble, peu élevés au regard de la faramineuse secousse.
Enfin, concernant le tsunami, la ville se trouve à 5 km à l'intérieur des terres et n'a pas été touchée. Seul un quartier se trouvait en bord de mer et a été en grande partie détruit. Les habitants les plus démunis ont été relogés dans des préfabriqués.
En ce qui concerne la radioactivité ambiante, je possède bien sûr un compteur et j'ai suivi personnellement les mesures effectuées par la municipalité. Des mesures régulières et précises, publiées dans le journal municipal. La situation est complexe : plus on se trouve à l'est, moins la radioactivité est élevée. Plus on se dirige vers l'ouest, plus les niveaux montent.
Et tout ceci est très loin d'être régulier. Les mesures sont souvent différentes d'un jardin à l'autre. Il y a de nombreux spots et de nombreuses zones propres. Je me trouve un peu à l'ouest du centre et actuellement le rayonnement ambiant dans mon jardin est de 0,3 microsievert/h. Par contre, si on sort de la ville et qu'on se dirige vers les montagnes à l'ouest, les doses grimpent en flèche. Je suis passé, en avril, dans une zone à environ 60 km d'ici ou mon compteur affichait 9 microsieverts/h !!
En général, les jardins publics sont pour le moment évités par les habitants, les terrains de sports sont fermés, des karchers ont été loués gratuitement aux habitants pour nettoyer devant les portes d'entrée, etc. ... les grandes opérations de nettoyage sont programmées pour ce trimestre.
Le principal reproche formulé par les japonais de la région auprès des autorités est cette fichue zone circulaire de 20 km qui ne reflète en rien la réalité du terrain. Figurez-vous que les mesures de radioactivité à Namie (10km de la centrale, aujourd'hui zone interdite) est inférieure à Minamisoma ! et les gens ne peuvent pas rentrer chez eux. Alors que des zones à plus de 60 km affichent des spots ultra pollués où les habitants ont seulement été priés de prendre des précautions... La situation est gérée à l'emporte pièce par le gouvernement qui ne peut pas, ou ne veut pas entrer dans les détails... décider qui peut rester, qui doit partir...
Quant au "buzz"' Minamisoma, il est le résultat de deux facteurs : cette ville est à la lisière des 20 km. Elle est donc à la fois considérée comme sinistrée mais en même temps ouverte. Elle concentre donc tous les regards et d'autant plus que son maire s'est fait remarquer sur YouTube jusqu'à entrer dans le top 100 du magazine Times ! Mais cette triste popularité est surfaite. Combien les municipalités comme Namie, Futaba, Okuma ou Tomioka sont bien plus à plaindre ! Elles dont les habitants ont été chassés par cette catastrophe et sont maintenant disséminés on ne sait où ... et ne pourront sans doute pas revenir d'ici 30 ans. Et celles du nord du Japon qui ont été rasées par le terrible tsunami, laissant des dizaines de milliers de sans abris. Des situations bien plus dramatiques que celle de Minamisoma et ses 0,3 microsieverts. »
Mesure en temps réel à la mairie de Minamisoma : le compteur, à 1 mètre du sol, affichait 0,30 µSv/h le 5 janvier 2012 ; le compteur de P. Perez affichait 0,43 µSv/h (cliché P. Perez)
Témoignage de Emiko Numauchi
(Extrait de son blog, le 5 janvier 2012, traduit par Ex-skf en anglais, puis par Hélios en français) :
« Je viens de parler au téléphone à un ''vrai journaliste'', nommé Iwakami. J'ai réalisé que j'avais été stupide.
C'en est fini des formules de politesse. Je vais écrire avec mon langage habituel. Faites une recherche sur ''Emiko Numauchi'' et ce
sera moi.
Cela fait six ans que j'ai publié un roman sur ''la vérité sur la bataille d'Okinawa''.
J'ai été très émue par l'enthousiasme d'Iwakami. Il semble qu'il y a déjà de nombreux cas de maladies mystérieuses dans la préfecture de Fukushima. Je suis un ''témoin vivant'' et seulement la messagère de ce qui va arriver.
Il y a déjà un chat qui est né avec un seul œil.
Peu importe ce que peut faire le gouvernement japonais, peu importe le genre de calomnie que cela peut me rapporter, il est important de continuer à diffuser les informations. C'est ce que j'ai appris de ce journaliste.
La ''vie'' et la ''dignité'' humaines sont étouffées, j'entends dire que des enfants malformés sont déjà nés. La situation dans la préfecture de Fukushima devient catastrophique, avec en fait un contrôle de l'information [ou un blackout médiatique]. Sans l'appel d'Iwakami, j'aurai tout simplement arrêté mon blog même si je suis toujours en colère.
J'ai pris rendez-vous [avec Iwakami] pour une interview, à visage découvert devant la caméra. Je ne parlerai plus par circonvolutions. Ce sera pour le bénéfice de tous les citoyens japonais si je me montre comme je suis.
Tous les membres de la Diète devraient être remplacés. Pas une élection surprise mais un remplacement des membres indispensables.
Nous n'avons pas besoin de ministres et de membres de la Diète pourris et puants. A la Diète, je veux leur dire comment est la réalité, en tant que témoin, je veux leur montrer la ''véritable âme'' du peuple japonais. »
Témoignage d’un Japonais anonyme
(reçu sur le site de Kibô Promesse)
« À propos de Minamisoma.
Katsunobu Sakurai, le maire de Minamisoma qui est devenu une célébrité parce qu'il a lancé un appel SOS sur YouTube l'an dernier, a
déclaré à plusieurs reprises que sa ville avait besoin d'argent pour reconstruire la région dévastée par le tsunami de sorte que les personnes évacuées pourraient revenir.
Les jeunes veulent émigrer hors de cette zone car elle est fortement contaminée par les radiations, mais les personnes âgées veulent rester et souhaitent que les familles restent, en particulier
les jeunes avec des enfants.
La communauté internet, composée essentiellement par les jeunes générations, condamne le maire Sakurai qui passe pour quelqu’un qui aime l’argent et qui ne se soucie pas de la vie des gens. Mais
il y a un problème social plus profond, spécifiquement japonais, qui est le fossé entre les générations extrêmes où petits et grands sont totalement divisés sur les valeurs et la perception du
monde.
Je pense toujours que les jeunes, au moins les enfants et les jeunes femmes, devraient pouvoir choisir de déménager.
C'est très frustrant d'être incapable de faire quoi que ce soit. »
Le territoire de Minamisoma est un territoire désormais contaminé « en peau de léopard », avec de nombreux hotspots qu’il faut cartographier, décontaminer, interdire. Une partie de la population souhaite être évacuée face aux dangers incommensurables de la radioactivité, une autre souhaite rester, décontaminer et reconstruire. Le Japon est divisé, mais l’inquiétude domine.
Pour que rien ne se perde, pour que rien ne s’oublie, des citoyens ont décidé de lancer une campagne d’enregistrement de toutes les données, de tous les témoignages concernant le territoire de Minamisoma. Pour lancer cette action, ils organisent un colloque le 11 février 2012 à Minamisoma.
Pourquoi Minamisoma?
Laissons parler encore une fois quelqu’un du pays qui a partie prenante avec l’évènement :
« Parce que c'est la ville symbolique de tous les problèmes et de tous les malheurs produits par Fukuchima Daiichi.
A l'époque, le gouvernement avait demandé aux habitants de s'enfermer dans les maisons, sans fournir de nourriture, ni d’eau, ni de médicament, ni d’essence.
La population a été complètement abandonnée pendant la première semaine, sans aucune information, sans aucun secours ; tous les médias se sont sauvés et ne sont jamais revenus. On ne pouvait même pas sortir de la ville.
Encore très peu de gens connaissent ce qui s'est passé à Minamisoma, malgré le maire M. Sakurai qui a été choisi comme personnage de "TIME 100", « the 100 most influential people in the world » en 2011.
Le gouvernement et les médias ignorent toujours cette ville. »
Buts de la manifestation
« Le but de cette opération est :
1) d’enregistrer tous les témoignages, les analyses, les recherches et tous les suivis sur l'environnement et santé
2) de diffuser au monde toutes ces informations (tout ce qui s'est passé et tout ce qui va se passer face à la contamination radioactive pendant 30 ans) de la manière la plus neutre possible, au plus près de la vérité.
L’objectif n’est ni d'attaquer le gouvernement actuel, ni de faire la promotion de la ville de Minamisoma, mais de partager la vérité car ce ne sont pas seulement les habitants de Minamisoma ou les Japonais qui sont concernés aujourd'hui, mais tous les êtres humains. »
Qui compose le comité exécutif de la conférence ?
Katsunobu Sakurai (Maire de Minamisoma), Tatsuhiko Kodama (Directeur du Radioisotope Center, Université de Tokyo), Kengo Sakaguchi (Professeur, Tokyo University of Science), Masafumi Yano (Professeur honoraire, Tohoku University / Research Institute of Electrical Communication, Tohoku University), Satoshi Okamoto (Okamoto Satoshi Architecture and Urban Laboratory / Researcher, Hosei University), Yoshiharu Tsukamoto (Professeur associé, Tokyo Institute of Technology / Architect), Tetsuji Yamamoto (Directeur de la Fondation de l'École des Hautes Études en Sciences Culturelles)
Programme :
http://www.minamisoma-fukushima.jp/wp-content/uploads/2012/01/MWC_press_english1.pdf
MIAMISOMA WORLD CONFERENCE en direct sur Ustream
http://www.ustream.tv/channel/minamisoma-wc-ch2
Dans le descriptif du colloque, on remarque la présence du professeur Tatsuhiko Kodama. C’est lui qui avait courageusement parlé devant le Parlement, accusant TEPCO et le gouvernement d'incompétence devant l'ampleur du désastre.
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Mise à jour du 14 février 2012
Témoignage d'un médecin de Minamosoma :
"L'hôpital municipal de Minami-Soma, à environ 30 km de la centrale nucléaire, a mesuré 100.000 coups par minute sur les vêtements de certains patients.
Tomoyoshi Oikawa, un médecin à l'hôpital, s'est plaint que, même s'il a maintes et maintes fois parlé de l'exposition des patients à un haut niveau de rayonnement, la plupart des médias n'ont pas rapporté ses résultats."
source : http://www.japantimes.co.jp/text/eo20120214a1.html
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D’autres liens
Sur Minamisoma
Minamisoma, la ville abandonnée (avril 2011)
Sur Soma
SOMA (Japon) - La vie presque tranquille d'habitants de Soma à 45 km de Fukushima(septembre 2011)
Sur les villes évacuées
Du rififi à Fukushima : les maires de 12 villes haussent le ton sur les "compensations" (janvier 2012)
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Pour les lecteurs habitant à Tokyo :
Pour information, la prochaine grande manifestation antinucléaire aura lieu à Tokyo ce samedi 11 février à Shibuya/Parc Yoyogi :
"Sayonara genpatsu" .
Programme:
13h Concert d'ouverture avec The JUMPS
13h30 Discours, avec Oe Kenzaburo, Yamamoto Taro et de nombeuses personnalités, artistes, délégués de Fukushima, dans le parc de YOYOGI, secteur B (au "Carré des manifestations" = IBENTO Hiroba, et dans l'allée des Zelkovas = Keyaki Namiki)
14h30 Départ de la manifestation
La manif part de Keyaki Namiki et du Parc Yoyogi et se terminera au Parc Central de Shinjuku.
(L'itinéraire est encore sujet à modifications, vérifier sur le site (la fonction "traduction" peut être activée mais elle reste approximative):
①ケヤキ並木→渋谷勤福→宮下公園→明治通り→原宿→千駄ヶ谷小学校→明治公園
Départ Parc de Yoyogi, allée des Zelkovas --- parc Miyashita--- Meiji dori --- Harajuku --- Ecole primaire de Sendagaya --- parc Meiji
②イベント広場→代々木公園駅→参宮橋→新宿中央公園
Départ "Carré des manifestations" (=IBENTO hiroba) --- Gare de Yoyogi koen --- Sangubashi -- parc central de Shinjuku (Shinjuku Chuo koen)
Lien: http://sayonara-nukes.org/2012/01/0211action_a/
Traitant essentiellement de la radioprotection au Japon - sujet rarement abordé - l’article « Retour à
Fukushima » a été publié dans le numéro du deuxième semestre 2011 de HesaMag, un magazine consacré à la santé et à la sécurité au travail diffusé par l’Institut syndical européen
(European Trade Union Institute, ETUI).
L’auteur, Paul Jobin, est sociologue ; maître de conférences à l’université Paris Diderot (département des langues et civilisations de l’Asie orientale), il est également directeur du CEFC
Taipei (Centre d’études français sur la Chine contemporaine, antenne de Taipei).
Dans cet article on apprend, entre autres, que :
- Tepco est une entreprise dangereuse : 50 jours pour un arrêt de tranche au lieu des 3 mois nécessaires à une vérification consciencieuse de l’ensemble des installations.
- Il existe d’autres héros que les liquidateurs au Japon, tel ce spécialiste de la radioprotection qui n’hésite pas à démissionner pour donner des informations de radioprotection dans les territoires contaminés.
- Le ministère de la Santé et du Travail se moque des normes de la radioprotection.
- Déjà en août 2002, des ingénieurs de General Electric faisaient état de pratiques de falsification et de camouflage.
- Le réseau complexe des micro-sous-traitants permettrait de camoufler une part majeure de la dose collective, et donc de limiter la facture sociale du nucléaire.
- La radioprotection serait devenue au cours des quarante dernières années la pierre angulaire d’un système sophistiqué qui tend souvent à minimiser les conséquences des rayons ionisants sur la santé humaine.
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Retour à Fukushima
Paul Jobin
Depuis mars 2011, de nombreux experts du nucléaire se sont exprimés. Bien plus rares sont les acteurs et victimes du drame à avoir pris la parole. Rencontre avec un "liquidateur" et de simples riverains de Fukushima. Leurs témoignages sont comme des échos à ceux de travailleurs de Tepco recueillis dix ans plus tôt, lors d’une enquête sur la sous-traitance dans le nucléaire japonais. (1)
Le 19 juin 2011, Kimura Shinzô (2), un chercheur spécialiste de radioprotection, a donné une conférence dans la ville d’Iwaki (30 km
au sud de Fukushima Daiichi) sur l’état de la radioactivité dans la région, notamment pour signaler les « points chauds » à éviter, et faire part de son expérience à Tchernobyl.
Lors de la première explosion, le 12 mars, alors qu’il travaille depuis dix ans comme chercheur dans un organisme semi-public (National Institute of Radiological Sciences), M. Kimura informe son
supérieur hiérarchique qu’il va se rendre au plus vite dans la région pour effectuer des relevés sur la radioactivité. Se voyant signifier un refus, il donne sa démission et prend contact avec
des collègues universitaires. Dès le 15 mars, ils entreprennent ensemble une série de relevés qu’ils partagent avec les populations les plus menacées, prenant ainsi leur spécialité, la
radioprotection, au plus près de sa vocation initiale : protéger autant que possible des conséquences de la radioactivité.
Le 19 juin, plus de 900 personnes se pressaient dans la salle pour l’écouter attentivement et lui poser des questions, comme ce jeune père : « Combien de temps est-ce que je peux laisser mes
enfants jouer dehors ? », ou ce paysan : « Que faire des légumes irradiés puisqu’on ne peut pas les brûler ? », et cette femme de réagir : « Les apporter à Tepco ! Mais comment puisque la zone
est interdite d’accès ? »
A l’issue de cette conférence, j’ai pu faire la connaissance de T.S., un ouvrier employé depuis une dizaine d’années par un sous-traitant de la région, spécialisé dans le nucléaire pour le compte
de Tepco (Tokyo Electric Company) et d’autres sociétés d’électricité.
Depuis début avril, il intervient à Fukushima Daiichi, en rotation de quatre jours. A la question de savoir pourquoi la centrale d’Onagawa, pourtant située plus près de l’épicentre du séisme, n’a
pas été plus touchée que celle de Fukushima Daiichi (centrale numéro 1 de Fukushima), T.S. mentionne des caractéristiques géographiques – située dans une baie, Onagawa se trouve moins directement
exposée à l’océan – pour aussitôt souligner le fait que cette centrale n’est pas gérée par Tepco mais par la société d’électricité Tohoku Electric Power. Et d’insister sur le fait que cette
entreprise consacre une centaine de jours à l’arrêt de tranche du réacteur, période pendant laquelle s’effectuent le remplacement du combustible et la vérification de l’ensemble du système
(réacteur, circuit de refroidissement, turbine, génératrice, etc.). De leur côté, les dirigeants de Tepco ont pris pour habitude d’imposer à leurs employés et sous-traitants d’expédier en moins
de cinquante jours cette phase cruciale pour la sûreté d’une centrale nucléaire. Comme me le rappelle T.S., en cinquante jours, on a tout juste le temps d’enchaîner les vérifications au pas de
charge, et d’apposer son sceau au bas des documents administratifs. Depuis son retour à Fukushima Daiichi en avril, T.S. a déjà accumulé une dose de 50 millisieverts (3) (mSv). Comme il est
encore jeune et célibataire, il s’inquiète pour son avenir, mais ne s’estime pas parmi les plus en danger. Il craint plus encore pour tous ceux qui sont embauchés dans des conditions sauvages
pour ramasser les débris des explosions : « Comme il y a des endroits où ça crache très fort, en quelques jours, ces gars peuvent prendre plus de 100 mSv. »
Pour participer aux opérations d'urgence, Tepco a recruté des intérimaires dans les quartiers défavorisés.
Tomioka (préfecture de Fukushima), le 18 avril 2011.
Source image : Zumapress
Des mesures exceptionnelles qui tendent à durer
Depuis le 15 avril 2011, le ministère japonais du Travail et de la Santé a accepté d’ouvrir des négociations avec les associations en lien avec les organisations syndicales au sujet des
conditions de travail et d’exposition aux rayonnements ionisants des personnels intervenant à la centrale de Fukushima. Ces militants avaient été révoltés par la décision du ministère, le 14
mars, de relever les normes d’exposition annuelle de 20 à 250 mSv compte tenu de l’état d’urgence à Fukushima. Entendue de cette façon, la radioprotection est-elle encore une protection ?
N’est-ce pas une façon de légaliser la mort ou de limiter les demandes prévisibles d’indemnisation ? Lors de séances de négociations, auxquelles j’ai pu assister en juin et juillet derniers, un
des représentants du ministère a confié que cette décision émanait en fait de Tepco et de la NISA, l’autorité de sûreté nucléaire japonaise dépendant du ministère de l’Economie (METI). Le même
fonctionnaire avouait en outre son impuissance à contrôler vraiment la situation sur place, sa hiérarchie l’ayant jusqu’alors empêché de s’y rendre. Ce fonctionnaire pointait les contradictions
inhérentes aux normes de radioprotection, pas seulement en situation de crise, mais aussi en temps ordinaire. Suivant les recommandations de la Commission internationale de protection
radiologique (CIPR), la norme maximale est fixée à un maximum de 100 mSv sur cinq ans, soit 20 mSv par an. Mais au Japon, il suffit d’avoir été exposé à 5 mSv par an pour pouvoir effectuer une
demande de reconnaissance en maladie professionnelle. Rappelons que cette norme d’exposition recommandée pour les travailleurs du nucléaire est vingt fois supérieure à celle préconisée pour le
reste de la population (1 mSv par an). Et, par ailleurs, ces normes n’ont cessé d’être révisées à la baisse (4), sans pour autant qu’en soient tirées les conséquences pour les travailleurs
jusqu’alors « surexposés ».
Selon les chiffres publiés par Tepco, entre le 12 mars et le 30 avril, 565 salariés de la société d’électricité et 3 760 employés d’entreprises partenaires (sous-traitants ou intérimaires), soit
un total de 4 325 travailleurs, auraient pris part aux travaux sous rayonnements. Et au 18 juin, sur les 3 514 intervenants qui ont été examinés par un Whole Body Counter – WBC, un appareil
ressemblant à un scanner qui permet de mesurer la radiation accumulée dans le corps –, 549 d’entre eux ont subi une contamination interne supérieure à 20 mSv (voir tableau 2), ce qui est
déjà très préoccupant pour ces personnes. Mais que dire des intérimaires embauchés de façon sauvage par le biais de petites annonces ou dans les quartiers de travailleurs journaliers ? Comme l’a
reconnu à mots couverts le cadre du ministère de la Santé, il est fort probable que toutes ces petites mains, embauchées quelques jours puis relâchées dans la nature, ne passeront jamais sous un
WBC. Lors de la réunion du 26 juillet, le fonctionnaire présent (un autre que la fois précédente, et beaucoup moins compréhensif) est même allé jusqu’à dire que de toute façon beaucoup d’ouvriers
étaient prêts à s’exposer à des doses importantes pourvu qu’ils aient du travail. Les militants associatifs lui ont répondu, fous de rage : « Dans ce cas, à quoi servez-vous si vous faites fi du
code du travail ? A quoi bon avoir un ministère de la Santé et du Travail ? » La dernière réunion, en août, n’a guère permis de progresser sur le dossier. Autrement dit, les normes
exceptionnelles de 250 mSv par an tendent à s’installer dans la longue durée.
Une étude interrompue
En 2002, alors que je me trouvais à l’université de Hitotsubashi à Tokyo, j’avais entrepris une recherche sur la maintenance de l’industrie nucléaire japonaise, ce qui m’avait notamment amené aux
centrales de Fukushima, Hamaoka (au sud de Tokyo) et Shimane (qui fournit en électricité la région de Hiroshima), pour y interroger des responsables de la sûreté et de la radioprotection, et
quelques ouvriers de la sous-traitance. Au regard de la catastrophe du 11 mars 2011, qui oblige de nouveau à appréhender le trou noir de l’industrie nucléaire, je tente ici une première synthèse
rétrospective.
La question qui avait amorcé ce choix d’étude est devenue un leitmotiv presque banal depuis le 11 mars 2011 : comment se fait-il que le pays qui a subi Hiroshima et Nagasaki ait construit autant
de réacteurs nucléaires (51 alors, 54 aujourd’hui), qui plus est, dans un pays aussi fréquemment touché par les séismes ? L’affaiblissement du mouvement antinucléaire japonais répondait en partie
à la question du développement de l’industrie nucléaire. Les années 1960 et 1970 ont été marquées par une période d’intenses mobilisations, puis la protestation antinucléaire a décliné en même
temps que ses principaux appuis politiques, le parti socialiste et le parti communiste japonais. Le slogan lancé en 1953 par le président américain Eisenhower « Atoms for Peace » aura eu raison
du mouvement pacifiste et antinucléaire, conduit principalement par deux organisations, la Gensuikyô, proche du parti communiste, et la Gensuikin, proche du parti socialiste.
Sollicité par cette dernière, j’ai eu l’opportunité de servir de guide et d’interprète à une délégation de victimes des essais nucléaires français dans le Sahara algérien et à Mururoa, lors des
cérémonies commémorant le bombardement nucléaire à Hiroshima, le 6 août 2002. Si la Gensuikin avait encore la capacité d’organiser une manifestation de cette ampleur, hormis cette mémoire des
premiers « essais nucléaires » que furent Hiroshima et Nagasaki, pour l’opinion publique japonaise, la césure était confirmée entre la contestation à l’encontre des centrales nucléaires et celle
en direction de « l’atome » symbolisant la bombe et le nucléaire militaire dont officiellement le Japon s’était interdit la fabrication ou l’usage. Des organisations comme le Citizens’ Nuclear
Information Center (CNIC) ont tenté, non sans difficultés, d’enrayer la diffusion du nucléaire civil en le plaçant sous un contrôle citoyen. A défaut de faire entendre facilement leur voix auprès
des médias, ces militants n’auront cessé de surenchérir en vigilance et en analyse technique, pour se trouver prêts à répondre aux demandes d’information des médias soucieux de contrebalancer la
propagande de l’industrie et de l’Etat. Ce fut le cas, par exemple, lors de l’accident de criticité (5) survenu à la centrale de Tokaimura en 1999, qui irradia gravement trois ouvriers entraînant
la mort de deux d’entre eux en quelques mois et dans d’atroces souffrances (6), et à celle de Mihama en 2004 (7), marquée par la mort de cinq ouvriers, tous des sous-traitants.
Camouflages, velléités de sûreté et libéralisation du marché
Depuis plusieurs années des révélations importantes secouent l’industrie nucléaire japonaise, à commencer par Tepco. Ainsi, fin août 2002, des ingénieurs de General Electric (8) font état de
pratiques de falsification et de camouflage que l’autorité de sûreté nucléaire, placée sous la coupe du ministère de l’Economie, du Commerce et de l’Industrie (METI), avait fini par reconnaître.
L’affaire fait grand bruit. Ces révélations surgissent alors que tarde à se concrétiser la libéralisation du marché de l’électricité souhaitée par le METI depuis le début des années 1990.
L’Assemblée japonaise des industriels nucléaires (Japan Atomic Industrial Forum, JAIF) s’est rangée à cette idée. Elle appelle les sociétés d’électricité à s’engager résolument dans la
libéralisation, afin de rationaliser leurs effectifs et d’œuvrer pour une plus grande transparence, à l’instar d’une industrie nucléaire qui aurait su regagner de la sorte la confiance du grand
public. Selon la JAIF, les centrales japonaises emploient alors proportionnellement le double de personnel de leurs homologues américains. La cascade des sous-traitants japonais est dénoncée
comme une multiplication inutile de la durée des interventions et donc des coûts de maintenance. Les révélations des ingénieurs de General Electric, relayées par le METI, rejoignent donc une «
révolution vertueuse » souhaitée par l’industrie nucléaire qui estime que la libéralisation permettra de conjuguer transparence en matière de sécurité et réduction du coût de fonctionnement.
Au terme de cette tempête médiatique d’environ deux mois, tout se sera passé comme s’il avait fallu camoufler au grand public l’usure pourtant normale et inéluctable des éléments du réacteur
ainsi que des nombreuses canalisations qui parcourent les centrales nucléaires. Or les centrales thermiques qui nécessitent des réparations analogues n’ont jamais fait l’objet de tels mystères.
On aura compris que le nœud du problème concerne une fois de plus les rayonnements et leurs diverses conséquences sur les hommes et le matériel.
Si la NISA publie chaque année des statistiques qui révèlent que l’essentiel de la dose collective est absorbé par les employés extérieurs aux sociétés d’électricité, les chiffres n’entrent pas
dans le détail de la sous-traitance.
Or pour tous ces ouvriers extérieurs, c’est justement la position dans la cascade de sous-traitance qui détermine la dose dont ils seront inévitablement « aspergés » (irradiation externe), ou
qu’ils risquent fort d’« avaler » (contamination interne, qui présente encore plus de risque à long terme). Dans les échelons intermédiaires se trouvent les ouvriers qualifiés, mais néanmoins
exposés à des risques fréquents comme en témoignent les demandes post mortem de reconnaissance en accident du travail. Et tout en bas, se trouvent les ouvriers qui effectuent les premières tâches
de décontamination afin de limiter la dose des ouvriers plus qualifiés, ceux qu’on appelle en France « les bêtes à rems », et qui au Japon sont parfois recrutés parmi les populations les plus
démunies comme les sans-abri des grandes villes. Mais les niveaux intermédiaires, techniciens et responsables d’équipe, ne sont pas pour autant épargnés. A ce niveau, le réseau complexe des
micro-sous-traitants permet de camoufler une part majeure de la dose collective, et donc de limiter la facture sociale du nucléaire.
La radioprotection comme mode de gestion
Dans le cas de la France, la sociologue du travail Annie Thébaud-Mony (9) a montré que le recours à la sous-traitance avait été motivé pour parer à l’augmentation des coûts de main-d’œuvre
induits par la maintenance en veillant à ne pas dépasser les limites d’exposition. Ce qu’elle a nommé la « gestion de l’emploi par la dose » consiste à répartir la dose collective sur un nombre
important de travailleurs intermittents en la diluant au point de la rendre socialement invisible. Plus les centrales vieillissent, plus elles « crachent », plus il faut d’ouvriers pour effectuer
les tâches de maintenance. D’autant que, et quoiqu’en disent nombre d’experts, le témoignage des ouvriers tend à montrer que la radioactivité contribuerait de façon non négligeable à l’usure des
installations. A charge pour les intervenants en zone contrôlée (radioactive) de gérer cette contradiction majeure entre, d’une part, une exigence de sûreté et de protection des travailleurs et,
d’autre part, les impératifs économiques de gestion des coûts.
En juin 2002, je m’étais rendu à la centrale de Fukushima Daiichi. Les cadres responsables de Tepco m’avaient reçu avec courtoisie, mais lorsque je leur avais demandé la liste de leurs
sous-traitants pour me permettre d’effectuer des entretiens systématiques avec leurs collègues qui effectuaient de fait l’essentiel du travail de maintenance, ils m’avaient signifié un refus
embarrassé. J’avais néanmoins pu interroger un technicien responsable des tâches de vérification et de réparation des pompes, un élément important du circuit de refroidissement, salarié d’une
entreprise de Kobe opérant en sous-traitance pour le compte des trois grands fabricants japonais (Hitachi, Toshiba et Mitsubishi). Il m’avait confié que dans certaines centrales nucléaires, et
c’était le cas à Fukushima Daiichi, il fallait désormais faire intervenir deux fois plus d’ouvriers que dix ans plus tôt pour effectuer des réparations analogues. Or selon lui, depuis deux ans,
l’objectif de durée de l’arrêt de tranche avait été réduit à 45 jours, en prenant exemple sur la France. Ce qui signifiait donc plus d’intervenants sur une période plus courte. Compte tenu des
quotas de radioprotection (un maximum de 0,1 mSv par jour et par intervenant), cette réduction de l’arrêt de tranche contraignait les ouvriers soit à faire l’impasse sur certaines réparations
pourtant indispensables à la sûreté des installations nucléaires, soit à poursuivre leur intervention aux dépens de leur santé. Muni de son dosimètre et de son carnet de dose, à chaque ouvrier
donc de « bien gérer » sa radioprotection.
Cette individualisation du risque explique partiellement la contradiction initiale de la loi établissant qu’une dose totale de 5 mSv est suffisante pour effectuer une demande de reconnaissance,
alors que le niveau maximum d’exposition est fixé à 100 mSv en « temps ordinaire », soit 20 mSv par an sur cinq ans. Et de fait, selon les statistiques de la NISA, très peu d’ouvriers dépassent
les 20 mSv annuels (voir tableau 3). Mais présentées centrale par centrale, ces statistiques ne permettent pas de savoir ce qu’il en est pour tous les « gitans » qui se rendent d’une centrale à
l’autre. En outre, ne disposant pas eux-mêmes de leur carnet de dose, il est d’autant plus difficile pour les ouvriers de « gérer » leur dose.
Des cas emblématiques de reconnaissance
Depuis le début de l’industrie nucléaire japonaise, selon les informations rendues publiques par le ministère du Travail et de la Santé, il y aurait eu, en tout et pour tout, quatorze cas de
reconnaissance parmi les ouvriers du nucléaire. Le premier cas est celui, posthume, en 1991, de M. K., mort d’une leucémie à 31 ans, après avoir accumulé une dose totale de 40 mSv pour des
interventions à Fukushima Daiichi entre novembre 1978 et septembre 1980 ; la maladie s’était déclenchée dès 1982. Sa famille a déposé une demande de reconnaissance en maladie professionnelle
après sa mort en 1988 (10).
Les cas les mieux documentés sont ceux qui ont donné lieu à une bataille publique et dont certains ont obtenu gain de cause. Le premier cas reconnu et médiatisé dont le nom a été rendu public par
la famille est celui de Shimahashi Nobuyuki, mort à 29 ans de leucémie, après avoir travaillé de 1981 à 1988 pour un sous-traitant de la société d’électricité Chûbu qui possède la centrale de
Hamaoka, au sud de Tokyo. Affecté au bâtiment du réacteur pendant les périodes de vérification périodique des trois réacteurs, il avait accumulé une dose de 50 mSv. En guise de condoléances,
l’entreprise offre une somme de trois millions de yens aux parents, mais contre une promesse de s’en tenir là. Choqués et se sentant coupables d’avoir incité leur fils à poursuivre ce travail
malgré des signes de fatigue, ses parents introduisent une demande de reconnaissance. Les parents s’apercevront après coup que le jour même de sa mort, l’entreprise avait falsifié son carnet de
dose. Lorsque celle-ci tente de dissuader les parents de déposer une demande, sous prétexte qu’ils seraient utilisés par le mouvement antinucléaire, la mère leur répond : « Mais non, c’est nous
qui allons les utiliser ! » Le bureau du travail de Shizuoka leur donne raison en 1991 (11).
En 2004, Nagao Mitsuaki, a été reconnu pour un myélome, le premier cas autre qu’une leucémie (et si l’on fait exception des trois ouvriers grièvement irradiés à Tokaimura) ; pour parvenir à ce
résultat, lui aussi a dû bénéficier d’une mobilisation importante et d’une pétition de soutien à travers tout le pays.
Et puis il y a les cas plus secrets, les familles craignant de subir l’opprobre de l’entreprise, ou du voisinage, car il ne fait pas bon d’être un parent d’irradié. Ainsi en 2000, le bureau de
Tomioka a également reconnu le cas de H. E., un ouvrier d’un sous-traitant de Tepco, qui travaillait comme soudeur aux centrales de Fukushima 1 et 2 depuis 1988, et décédé d’une leucémie à 46
ans, en novembre 1999. Selon sa famille, cet ouvrier avait été exposé à un total de 75 mSv. Dans deux autres cas, d’après les documents que m’a montrés un employé du Bureau du travail de Tomioka,
« la dose totale d’irradiation était inférieure aux normes de protection », sans qu’il soit précisé la fiabilité de ces relevés dosimétriques ou que soit évoqué l’impact éventuel des faibles
doses.
Au cours de mon enquête, j’avais pu rencontrer M. Yokota, le patron d’une petite entreprise chargée de la radioprotection des ouvriers sous-traitants de General Electric, Hitachi, Toshiba,
Mitsubishi (les quatre fabricants de réacteurs nucléaires existant au Japon). M. Yokota était atteint de cancer, et contraint au chômage par son état de santé. Il était tellement dégoûté par
l’attitude de Tepco, qu’il m’avait expliqué par le menu comment il s’était rendu complice de tout un système de falsifications dont personne n’était dupe, surtout pas Tepco. Il m’avait ainsi
montré le faux tampon « aucune anomalie » qu’il utilisait pour falsifier les carnets d’irradiation des ouvriers dont il avait la responsabilité, par exemple, à l’issue de la visite médicale
annuelle réglementaire, si le médecin avait constaté des perturbations de la composition sanguine signalant un risque de leucémie.
Mais quel est au fond l’intérêt des responsables du parc nucléaire : s’agit-il de fermer les yeux sur ces pratiques de falsification pour limiter la quantité officielle de radiation à laquelle
ces travailleurs sont officiellement exposés ? Ou bien, au contraire, s’efforcent-ils de maximiser les doses réellement encaissées pour limiter la perception que le grand public pourrait avoir de
la dangerosité des « faibles doses » ? La réponse tient sans doute dans un subtil dosage des deux stratégies.
Impuissant devant l'ampleur de la catastrophe, le gouverneur de la province de Fukushima, Yuhei Sato, se recueille devant un autel improvisé.
Namie (préfecture de Fukushima), le 15 mai 2011.
Source image : MaxPPP
L’épidémiologie dévoyée
Constituée sur la base des études des victimes de Hiroshima et Nagasaki, la radioprotection est devenue au cours des quarante dernières années la pierre angulaire d’un système sophistiqué qui,
faute de pouvoir véritablement protéger, tend souvent à minimiser les conséquences des rayons ionisants sur la santé humaine, par le biais d’une grille de normes qui n’a cessé d’être révisée à la
baisse depuis sa création, ou encore, en aplatissant la complexité de la cancérogenèse. Les ouvriers en sont les premières victimes. Et d’autres suivent, comme en témoigne la démission, en
larmes, le 29 avril 2011, du professeur Kosako Toshiso, conseiller pour les questions de radioprotection du Premier ministre Kan Naoto, parce qu’il n’avait pas réussi à dissuader le ministère de
l’Education d’envisager 20 mSv par an comme un maximum d’exposition possible pour les enfants de Fukushima. Il n’était pourtant pas, loin de là, un antinucléaire, mais sans doute la contradiction
inhérente à la radioprotection lui sera-t-elle apparue ce jour-là dans toute sa violence.
Au côté de la radioprotection, l’épidémiologie peut être elle aussi dévoyée de sa vocation initiale pour devenir un outil complémentaire dans le dispositif de minimisation des conséquences des
rayonnements sur la santé humaine. Ainsi, en mars 2010, l’Association japonaise de radioprotection a rendu au ministère des Sciences une étude épidémiologique basée sur une cohorte
impressionnante de 212 000 personnes, sur un total de 277 000 personnes ayant travaillé dans l’industrie nucléaire entre 1990 et 1999 (12). L’étude a trouvé une augmentation significative de la
mortalité pour un type de leucémie, mais a estimé que pour les autres formes de cancer, il n’y avait pas de différence avec le reste de la population. Comme l’a remarqué Watanabe Mikiko,
militante du CNIC, le problème majeur de cette étude, comme celles qui l’ont précédé, est de prendre en compte uniquement la mortalité, et d’ignorer la morbidité, c’est-à-dire les personnes déjà
atteintes de cancer, mais encore en vie au moment de l’enquête. Depuis avril 2011, des initiatives ont déjà pris forme à Fukushima autour d’associations locales de professeurs et de parents
d’élèves, ou bien les relevés effectués par l’équipe de Kimura Shinzô, ou encore ceux d’organisations étrangères comme Greenpeace et la Commission de recherche et d’information indépendantes sur
la radioactivité (Criirad). Ces relevés sont d’ores et déjà utiles pour permettre aux habitants de la région de faire fi des propos rassurants du gouvernement ou de l’autorité de sûreté nucléaire
et de se prémunir autant que possible des risques radioactifs. A l’avenir, ils pourraient aussi, le cas échéant, servir de point d’appui pour mener une épidémiologie populaire et identifier les
victimes de la catastrophe.
(1) Ce texte est une version abrégée d’un article paru dans Annie Thébaud-Mony, Paul Jobin, Véronique Daubas- Letourneux, Nathalie Frigul, Santé au
travail : approches critiques, La Découverte, Paris, janvier 2012.
(2) Selon l’usage japonais, le nom précède le prénom (idem par après).
(3) Le sievert est l’unité utilisée pour la mesure des expositions aux rayonnements ionisants subies par la population générale, les travailleurs ou
les patients. Ces expositions sont habituellement de l’ordre de quelques millisieverts (mSv) par an.
(4) Jusqu’en 1959, les recommandations étaient de 5 mSv par an pour l’ensemble de la population. Pour les travailleurs, elles étaient fixées à 460 mSv/
an jusqu’en 1950, puis à 150 mSv/an entre 1950 et 1956, et à 50 mSv/an jusqu’en 1990.
(5) Le risque de criticité est défini comme le risque de démarrage spontané d’une réaction en chaîne lorsqu’une quantité de matière fissile dépassant
une certaine valeur seuil est rassemblée au même endroit et en présence d’une matière comme l’eau.
(6) Takagi, J. (2000), Criticality Accident at Tokai-mura, CNIC, Tokyo et Kamata, S. (2001) Genpatsu retto o iku (Parcourir
l’archipel des centrales nucléaires), Shueisha, Tokyo.
(7) White, P. (2004) « Five killed in Mihama-3 Accident », Nuke Info, n° 102, CNIC, Tokyo.
(8) General Electric est à l’origine de la technologie des réacteurs nucléaires à eau bouillante, qui constituent la majeure partie du parc nucléaire
japonais, dont les six réacteurs de Fukushima Daiichi.
(9) Thébaud-Mony, A. (2000), L’industrie nucléaire, sous-traitance et servitude, éditions EDK-INSERM, Paris.
(10) Fujita, Y. (1996), Shirarezaru genpatsu hibaku rôdô (Un inconnu : le travail sous rayonnements dans les centrales nucléaires),
Iwanami, Tokyo.
(11) Fujita, op.cit. et Shimahashi, M. (1999), Musuko wa naze hakketsubyô de shinda no ka (Pourquoi notre fils est-il mort d’une leucémie
?), Gijutsu to ningen, Tokyo.
(12) Hôshasen eikyô kyôkai (Radiation Effects Association) (2010), Genshiryoku hatsuden shisetsu nado hôshasen gyômu jyûjisha nadi ni kakaru
ekigakuteki chôsa ; dai 4 ki, heisei 17-21 nendo (Etude épidémiologique des personnels affectés aux travaux sous rayonnements dans les installations nucléaires et autres. 4ème période,
2005-2009).
Source :
http://www.etui.org/fr/Themes/Sante-et-securite/HesaMag
(Article intégralement reproduit avec l’aimable autorisation de la revue HesaMag)
Version originale de cet article téléchargeable ici ou là (pdf 292 Ko).
Qui est Paul Jobin ?
Paul Jobin est sociologue, spécialiste du Japon. Titulaire d'un MBA
de la prestigieuse université de Keio à Tokyo, il a effectué de nombreux séjours professionnels au Japon, où il a rencontré Satoshi Kamata. Ses sujets de recherche portent sur le syndicalisme, la
santé au travail et la pollution industrielle. Il enseigne la sociologie du Japon à Paris-VII et est chercheur associé au Centre de recherche sur les enjeux contemporains en santé publique
(Inserm-EHESS). Il participe aussi aux travaux du réseau Asie dirigé par Jean-François Sabouret.
Paul Jobin est l'auteur de "Maladies industrielles et renouveau syndical au Japon", Editions de l’EHESS, 2006, Paris et de « Les cobayes portent plainte. Usages de l’épidémiologie dans deux affaires de maladies industrielles à Taiwan », Politix, vol. 23, n° 91/2010, p. 53-75.
Following the publication of an article in the newspaper Mainichi Daily News, here is the reaction of Michel Fernex, professor emeritus at the Medical Faculty of Basel,
former member of the steering committees of TDR (Tropical Diseases Research) in the WHO and President of the Association of Children of Chernobyl Belarus from 2006 to 2010.
This text created quite a stir on the Internet in Japan. This goes to show how insufficient the basic information on the effects of radiation on health
and the ways to fight internal contamination still is.
Le blog de Fukushima, by posting the following English, Japanese and French versions of Dr. Michel Fernex's vital information and advice, wishes to make it accessible
to everyone.
Sources:
http://peacephilosophy.blogspot.com/2012/01/edr-michel-fernex-warns-health.html
and Véronique R.
(headings are from the Japanese version)
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Response of Dr. Fernex
F-68480 BIEDERTHAL, Wednesday, November 30, 2011
When reading the article of the Mainichi Daily News, dealing with health problems after the nuclear accident of Fukushima, one may ask the question: which
institution could advice the authorities for ta-king the best decisions to protect the population and reduce the suffering of the victims?
The responsibility of the direction of the factory starts with the errors in the planning and building of the power plant, the absence of information about the real damage which started with the
earthquake, more than one hour before the rest of the wave of the tsunami making thousands of victims 100km from there. * The later errors lead to the delay to reduce and stop the contamination
of the air, of the soils and water.
- WHO subordinated to IAEA -
According to its constitution (1946) the World Health Organization (WHO) has to provide an adequate technical assistance in the field of medicine. Intervention in
case of urgency, if required by governments, or just after acceptation of such interventions should furnish the best information, give pieces of advice and assistance concerning health. It has to
form a well documented public opinion regarding health. None of these obligations were respected.
For historical reasons this did not happen. The WHO signed in 1959 with the newly created (1957) International Agency for Atomic Energy (IAEA) an Agreement (WHA 12.40) which ended the
independence of the WHO to act in the field of nuclear industry. * More recent decisions confirm the take away of the activities of the WHO in the field of ionizing radiation. * It explains why
the IAEA could intervene in Chernobyl and Fukushima, not the WHO.
The population ignore the statutes of the IAEA, which gives directives or contributes to make decisions after an atomic catastrophe such as Fukushima or Chernobyl. The IAEA before all, has to owe
the wording of its statutes. The following lines of this IAEA document, is quoted in IAEA publications, for instance in the Proceedings of the International Conference on Chernobyl in Vienna,
8-12 April 1996. It says that the Agency has as principal objective "to accelerate and enlarge the contribution of atomic industry to peace, health and prosperity throughout the world".
In other words, this U.N. agency has before all to promote nuclear industries, and support such commercial projects. The IAEA has the highest position compared with other agencies in the
hierarchy of the United Nations (UN), including the WHO, FAO, UNICEF and others being controlled by ECOSOP. Furthermore, the WHO from a legal point of view, is not independent or even absent in
the field of health and ionizing radiations. The IAEA having to impose its goal, will not admit that severe diseases are due to radiation; this would slow down the spreading and the growth of the
nuclear facilities in the world. The guidelines from this agency represent the defense of these commercial structures, but not a protection the population nor a help for victims.
For the national health authorities, the IAEA will be the wrong councilor in case of a nuclear catastrophe. Priority will be given to economical considerations, therefor the attempt to minimize
or refute pathologies associated or provoked by artificial radiations will be denied. Wrong estimations may delay the evacuation of heavily irradiated communities.
- Radiation effects by gender -
Shocking and even less understandable in Fukushima, has been the absence of distribution of stable iodine to the whole population, and before all to children, who
are more at risk. This prophylactic intervention is not expensive. It would have been efficient and, as shown in Poland by Keath Baverstock, such a campaign is very well tolerated, even if
millions of children, who have the greatest need for such a protection, are included. One tablets has to be swallowed, if possible before the wind transporting radioactive iodine, mainly I-131,
crosses over the region.
The Journal does not indicate that the first victims of the accident of Fukushima are and will be the children. This starts when the rapidly dividing cells of the embryo makes this stage of
development 1000 times more susceptible than adults. Embryos may die, this would correspond to an early subclinical abortion. At birth, up to 5% of the girl babies have been missing the years
after the explosion of Chernobyl, compared with the statistics of the years prior to 1986. The highest sex odds, with more than 5% of the female children missing were registered in Belarus and
Russia, the countries with the highest radioactive fall-out. Missing girls at birth were also noticed in eastern Europe and Balkans after Chernobyl. Even in Germany there was still a significant
deficit in girls at birth. However in France and Spain, with very little or localized radioactive fall-out, no changes of the historical sex odds were found. It shows that the deterioration of
the sex odds is proportional to ionizing radiation.
The normal sex ratio, which is a sex odd, corresponds to about 1045 new-born males for 1000 newborn females. This ratio is more or less constant all over the world. There are other examples
where the aggravation of the sex odds are increased, connected with increased radioactivity. For instance in the valley of Kerala with a back-ground radioactivity due to monazite, a thorium rich
sand, with a six-time increased background activity, leads to a significant increase of congenital new dominant mutations, and Down's syndrome, as well as an aggravation of the sex odds, compared
with the neiboring valley with a normal background radiation. (Padmanabham).
In Chernobyl still-birth and perinatal mortality, as well as congenital defects were noticed. Cardiac defects are often detected much later. Irradiation of fetuses in utero may lead to a
significant increase of leukaemia and cancers (brain tumors) as shown in the 50th by Alice Stewart.
- Radiation and immune dysfunction -
In Chernobyl, the incidence of type 1 diabetes mellitus increased in children and especially in small children and infants, where the disease becomes evident due to
the coma at entry. This is caused by defects of the immune system or a new mutation. *Usually, hereditary factors may be found in such cases; parents or grand-parents suffered from similar
diseases. * In Chernobyl, type 1 diabetes mellitus is missing in the family. The Chernobyl diabetes mellitus of infants or small children appears to be a new disease.
In Belarus, it has been shown that the immune system was heavily affected after the accident. Therefore, both the white blood cells and the gamma globulins must be studied with a prolonged
follow-up in the population of Fukushima (See papers of Pr. Titov). The results should be compared with those of similar research performed in children populations far away from the radioactive
fall-out. E.g.: a comparable region around Kobe or Kyoto).
When studying the immune system of irradiated children, attention should be payed to auto-antibodies, agains beta cells of Langerhans islets in the pancreas, and against thyroid cells.
Hashimoto's thyroiditis has the same etiology as type 1 diabetes mellitus. *Other endocrine glands, such as sex hormones producing cells, may be responsible for functional problems especially
during puberty: delayed menstruations or even epidemics of male sterility as described in Ukraine. Allergic diseases may also increase in frequency among irradiated children populations. *Again,
comparison with communities free of radioactive fall-out will be necessary.
The hypersensitivity of cells (lymphocyte cultures) of irradiated children, after a short X-ray irradiation of the cell culture, should also be studied in Fukushima, as it was done in Chernobyl
children by Pr. Pelevina. The alteration of the immune system surely contributes to the increase of infectious diseases in infants and children of Chernobyl, even after years, if children still
receive radio-contaminated food. The infections will have a more severe course, with complications and a tendency to become chronic, when compared with children of not radio-contaminated
regions.
Ionizing radiation induces a genome instability, which is directly transmissible from generation to generation. This has to be studied and followed-up for generations, starting with the
grand-parents now.
- Radiation and cancer -
The incidence of thyroid cancer extremely rare in small children, may increase even before the fifth year of age; an age where normally only one case in one million
small children suffers from this malignant disease. If irradiated in utero or soon after birth, the latency period for this cancer may be very short, and a rapidly invasive papillary cancer of
the thyroid can develop in very young children. Chernobyl provoked several other thyroid diseases, such as goiter, thyroiditis and functional disorders. The other cancers have a longer latency
period, up to 35 years. Cronberg in Sweden and Okeanov in Belarus found a clear trend for the increase of different cancers 10 years after Chernobyl, and a statistically highly significant
increases of all common cancers after 20 years.
Irradiation of young adults leads to premature aging; the early occurrence of cancers being part of this phenomenon. *The increase of cancer was much more pronounced in younger, than in older
liquidators of Chernobyl, with the same exposition to radiation. Okeanov showed further more that among liquidators, the duration of the exposition to radiation was a more important risk factor
than the dose. (See Proceeding of an intentional conference, IAEA, Vienna, p. 279, 8-12 April 1996.). When studying problems of cancers, never chose the mortality as parameter, the mortality is
declining year after year, but the incidence is growing, especially among irradiated subjects, and the mean age of occurrence may start 20 years too early. There, statistically significant
differences may be found in ten to twenty years.
Blindness is also more frequent among young than among older liquidators. It is a degenerative disease of the retina, with microcirculatory disturbance, reaching after a few years the
macula.
In Chernobyl the first cause of death due to radiation is not cancer, but cardiovascular diseases, hypertension, with cerebral and cardiac complications. Physicians may protect patients from
these complications.
Years after Chernobyl, children with a high burden of Cs-137 in the organism are ill in 80% of the cases, and have often cardiac problems. Prior to Chernobyl and in regions of Belarus with
minimal radioactive fallout, only 20% of the children can be considered as non healthy, as it was the case in Belarus before the catastrophe.
Hashimoto's thyroiditis, and type 1 diabetes mellitus occur in infants at always younger ages. Other endocrine diseases, such as conditions due to anomalies of sex hormones may be responsible for
functional problems especially in females during puberty, with delayed menstruations and sterility in male subject.
It is important that similar studies are undertaken in Fukushima, with always a possibly to compare the findings, with a group for comparison, in a similar environment, but no radioactive
fall-out. The age, the sex distribution, the professions and standard of living and the density of population should be the same. Radiologically clean regions for comparison, could be selected
around Kyoto or Kobe.
- Avoid internal exposure -
Measures to be taken to protect children are before all to prevent the uptake of radionuclides with drinks and food. Clean food and drinks must be given to all
children, at home and in school canteens. Holidays in radiologically clean areas are also helpful.
Pectin reduces the uptake of radionuclides, Sr-90. Cs-137 and uranium derivatives. It also accelerates the elimination of radionuclides both with feces and urine. This food additive is considered
by the experts of the Research Laboratory of the European Commission in Ispra, Italy, as safe and efficient for this indication (Nesterenko V.I. & al. SMV 134: 24-27. 2004).
Contaminated children can also be protected with vitamin E and A, as well as carotenes, which act as antioxidants. Mothers should provide carrots, beet ruts and red fruits, containing such
antioxidants to their children.
The external radiation dose is much less source of pathologies than internal dose due to incorporated radionuclides, which are chronically accumulated in given organs, Thymus, endocrine glands,
spleen, surface of bones and heart. Bandazhevsky demonstrated after Chernobyl (SMW 2003; 133:p488-490) that nearly a two times higher concentrations of Cs-137 is measured at autopsy in organs
from children, when compared with the concentration in the organs of adults from the same region. The highest concentrations were measured in the pancreas and the thymus of new-born babies and
infants.
Dosimeters distributed to children should be replaced by whole body spectrometers periodically transported in schools for controls. This gives a measure of the Cs-137 load. If the values are
above 20 Bq/kg bodyweight, pectin courses may be necessary, and the contaminated food must be replaced by absolutely clean food and clean drinks.
These reflections follow the article of the Mainich Daily News. It confirms that among adults no death related radiation occurred so far. The epidemiological and medical problems are to be
studied and treated from birth to puberty by pediatricians, geneticists and immunologists, in irradiated communities. They will compare the present situation in Fukushima with that observed in
not radio-contaminated comparable regions. *The cancers epidemic in adults has to be studied in 5 to 25 years from now.
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Japanese version
人々が被曝から身を守るために
-福島の即時の影響と後発性の影響を予測すること-
ミッシェル・フェルネックス
2011年11月30日
フランス、オー=ラン県 ビーダータル
AP通信社は11月21日、「福島第一原発の事故による健康被害の実態は、明らかにならない可能性がある」という記事を配信した。これを読むと、次のような疑問が浮かぶ。「人々をできるだけ被ばくから守り、犠牲を最低限に食い止めるための最適な方策を、いったいどの機関が日本政府に進言できるだろうか」。
福島原発の管理者は、原発の計画をたて、建設を実行した最初の誤ちから、津波到来の1時間も前、すでに地震によって原発が壊れていたことを隠蔽した過ちまで、一貫して責任を負っている。これは明らかな人災で、結果として、環境中への放射能漏れの対応に遅れが生じた。
●● IAEAに従属するWHO
1946年の世界保険機構(
WHO)憲章で、WHOは、医療部門において適正な技術を提供する義務がある、と定められている。緊急時には、政府が要請するか、あるいはWHOの介入に合意が得られたあとで、その役割を実行することになっている。WHOは健康に関する全ての情報、アドバイスおよび援助を与え、健康に関する世論をしっかり記録に残す義務がある。ところが、これらの義務はまったく遂行されていない。
WHOはもともとこうだったわけではない。1957年に設立された国際原子力機関(IAEA)との間で交わされた合意(1959年、
WHA12.40)によって、原子力分野での独立性を失ったのである。より最近では、放射線関連分野におけるWHOの活動は縮小しており、福島に介入したのもIAEAであった。あまり問題とされてはいないが、IAEAは、福島やチェルノブイリのような原発大惨事が起こるたびに、大きな決定権を発揮できる、という国際原子力機関憲章をもつ。IAEAは自らの憲章に忠実で、1996年4月8日~12日にウィーンで開催されたチェルノブイリに関する国際会議会報のように、IAEA出版物には度々、憲章の第二条が引用されている。IAEAの主要目的は「全世界の平和、健康、繁栄に対して原子力産業が果たす役割を推進し拡大すること」なのである。
言い換えれば、国連組織であるIAEAは、原子力産業を推進し、その商業プロジェクトを支援するための機関である。WHO、FAO(国連食糧機構)、ユニセフなどの国連諸機関のなかで、IAEAはその最上部に位置している。さらに、法的に見ると、WHOは、健康および放射線分野での独立性をもたない、あるいは存在すらしていない。原子力産業を代弁するIAEAは、深刻な病気の数々と放射能の関係を認めない。彼らの意図は原子力産業を保護することであり、放射能汚染から人々を保護したり被災者を支援することではない、とIAEAの指針にはっきり示されている。
従って、国の保健当局は、原発事故の際にIAEAに忠告を求めてはならない。IAEAは経済的配慮を優先するため、被ばくによると思われる健康被害を過小評価したり否定したりする。その結果、強度の汚染地域からの住民の避難が遅れる可能性もある。
●● まず性差に表れる放射線の影響
行政が福島の住民、特に放射能の影響を受けやすい子供たちにヨード剤を配布しなかったのは理解に苦しむ。ヨード剤は高価なものではない。ポーランドの例を見るように、たとえ百万単位の子供たちに配布しなければならないとしても、効果があったことだろう。原発から放出されたヨウ素131が到来する前に一錠飲むだけで予防になった。
AP通信社の記事は、原発事故の影響がまず子供たちに現れることを伝えていない。細胞分裂の早い成長期の子供は、成人に比べて千倍も放射能の影響を受けやすい。妊娠八週以内の胎芽が死亡するリスクもある。すなわち早期流産である。86年のチェルノブイリ事故前の統計と比較すると、事故後、女児新生児の5%が死亡している。最も汚染されたベラルーシとロシアでは、このために新生児の男女比が最大となっている。分娩時の女児死亡はチェルノブイリ後の東欧およびバルカン諸国でも見られ、ドイツでも同様に急増した。しかし汚染が局地的あるいはほとんどなかったフランスやスペインでは性差にあまり差異は見られなかった。このデータは性比が放射能汚染の度合いに比例して変化することを示している。
通常の性比は男1045に対して女1000前後で、地域別に見ても大差はない。放射能の影響で性比が変化した例は他にもある。例えば高濃度のトリウムを含むモナザイト岩地域、インドのケララ谷は、自然放射線レベルが通常の6倍も高く、ここの住民にはダウン症などの先天性異常が多い。また、自然放射線レベルが通常の周辺地域には見られない性比が認められている。(Padmanabham)
チェルノブイリでは死産、周産期死亡および先天性異常の増加が見られた。もっと後になってからだが、心臓の先天異常も見られた。5 0年代に行われたアリス・スチュワート医師の研究では、胎内で被ばくした胎児は後に白血病や癌(脳腫瘍)を発病するリスクが高いことが分かっている。
●● 放射線と免疫機能低下
チェルノブイリでは子供たち、特に小さい子供や幼児の1型糖尿病が増加し、昏睡の症状が確認された。通常は、遺伝的要因からくる自己免疫異常や新たな突然変異によるものだが、チェルノブイリで1型糖尿病を発病した小さい子供や幼児たちは糖尿病家系ではないことが特徴的だった。
事故後、被ばくが免疫機能に影響を与えることがベラルーシで明らかとなっている。そのため、福島周辺住民の白血球および抗体グロブリンの長期的調査が必要である(チトフ教授の研究を参考)。調査結果は、福島から離れた九州などの汚染されていない地域の対象群と比較しなければならない。
汚染地域の子供たちの免疫調査では、膵臓ランゲルハンス島のベータ細胞および甲状腺細胞に対する自己抗体に注意を払う必要がある。橋本甲状腺炎の原因には1型糖尿病と同じように遺伝子が関連すると考えられている。ホルモンなどその他の内分泌腺は、特に思春期に機能不全を引き起こすリスクがある。たとえば、生理の遅れやウクライナで急増した男性不妊症だ。アレルギー性疾病も汚染地域の子供たちの間で増加すると思われるが、これらの調査はいずれも、非汚染地域の対象群と比較すべきである。チェルノブイリでペレヴィナ教授が子供にレントゲンを短時間照射し細胞の過敏性(リンパ球培養)を調査したが、同じ調査を福島でも行う必要がある。
食品による内部被ばくにより免疫が低下したチェルノブイリの子供や幼児は、事故から何年も経ってからも頻繁に感染症にかかっている。汚染されていない地域に比べて合併症や慢性化によって悪化する率が高い。
被ばくによって引き起こされるゲノム不安定性は遺伝的に受け継がれる。調査は、子どもの祖父母から始まって、これから何世代にも渡って続ける必要がある。
●● 被ばくとガン
甲状腺ガンは五歳児では百万人に一人という、子どもには稀な病気だが、今後は五歳未満の子供たちの間でも増大するだろう。被ばくした胎児・新生児の場合、甲状腺ガンの潜伏期間は非常に短く、浸潤性の甲状腺乳頭ガンが極めて速く進行する可能性がある。チェルノブイリ後、甲状腺腫、甲状腺炎および甲状腺機能不全などの甲状腺の病気が増加した。その他のガンは潜伏期間が長く、最大で35年である。スウェーデンのクロンベルクとベラルーシのオケアノフは、チェルノブイリ事故から十年後に様々なガンが増加する、という明白な傾向をつかみ、二十年後には一般的なガンの発生率が統計的に顕著に上昇することを確認した。
放射線を受けた若い人々は、若くしてガンを発病するなど、若年性老化のリスクがある。被ばく量の等しい〈リクビダートル〉(原発事故処理作業員)たちと比較すると、若い〈リクビダートル〉の発ガン率は年配の〈リクビダートル〉より著しく高かった。オケアノフはまた、被ばく総量より被ばくした時間の長さがよりリスクを高める要因であることを示した(1996年4月8日~12日のウィーン国際会議のIAEA会報279ページ参照)。ガンの調査においては、年々減少するであろう死亡率を要因にするのではなく、特に被ばくした人々の発ガン率、また従来より20年早まるであろう発ガン年齢に注目する必要がある。発ガン率と発ガン年齢は10~20年後、統計的に顕著な変化が見られると思われる。若い〈リクビダートル〉の失明も、年配者より頻繁に発生した。これは微小循環障害を伴う網膜の変性疾患で、数年後に黄斑に現れる。
チェルノブイリ事故後、最初の死因はガンではなく、脳と心臓の合併症を伴う心臓血管病と高血圧だった。医師にはこうした合併症の予防に力を尽くして欲しい。被ばくした幼児は、通常より若い年齢で橋本甲状腺炎および1型糖尿病を示す危険がある。性ホルモンの異常による症状などその他の内分泌腺の病気は性機能を不調にし、特に思春期の女性には生理の遅れ、男性には男性不妊症という症状が現れる。
●● 内部被ばくを避けるには
放射能から子供を守るために最も重要なのは、食べ物による内部被ばくを避けることだ。危険なのは外部被ばくよりもむしろ内部被ばくである。体内に取り込まれた放射性物質は、胸腺、内分泌腺、脾臓、骨の表面および心臓といった特定の内臓に蓄積する。チェルノブイリの事故後にバンダジェフスキーが行った研究によると、大人の内臓に蓄積された濃度の二倍近いセシウム137が同地域の子供の内臓から検出された。最も濃度の高かったのは、新生児、乳幼児の膵臓および胸腺だった。
チェルノブイリ後にセシウム137が体内に蓄積された子供たちの八割は病気で、心臓疾患も多い。事故前のベラルーシでは健康に問題のある子供は2割程度で、ベラルーシの汚染されていない地域では事故後でも変化が見られなかった。
子供たちは放射線測量計を身につけるより、ホールボディカウンターを定期的に学校に搬送し、子供たちのセシウム137体内蓄積量を調査する必要がある。体重1キロ当たり20ベクレルの値を超えている場合にはペクチンを与え、汚染された食品の摂取を避ける必要がある。また子供を汚染地域外でしばしば保養させるのも効果的だ。
ペクチンはストロンチウム90、セシウム137、ウラン誘導体の体内摂取を減らすとともに、体外への排出を促進する。イタリア、イスプラの欧州委員会研究所の専門家たちは、ペクチンが安全で放射能の排出に効果的なサプリメントであるとみなしている。
(Nesterenko V.I.他「アップルペクチンによるチェルノブイリの子どもの体内のセシウム137の除去効果」 SMW 134: 24-27. 2004)
汚染された子供たちには、抗酸化物質として作用するビタミンE、ビタミンA、カロチンも有効であり、ニンジン、赤かぶ、赤い果物などを与えるのが効果的だ。
以上はAP配信記事に対する意見である。記事によると、放射能事故を原因とする成人の死亡例はまだ出ていないようだ。汚染地域で小児科医、遺伝学者、免疫学者たちによる出生時から思春期までの継続した疫学調査・医学調査を行うことを強く要請したい。この調査には、汚染されていない地域で、年齢・性別の分布、職業、生活水準、居住地域の人口密度など環境的に類似した対象群を選ぶことが重要である。
(翻訳:小川万里子 編集:藤原かすみ)
ミッシェル・フェルネックス Michel Fernex 略歴
1929年ジュネーヴ生まれのスイス人。医学博士。ジュネーヴ、パリ、ダカール、バーゼルで医学を学ぶ。後、セネガル、マリ、ザイール、タンザニアなどアフリカ諸国に勤務、またフランス、スエーデンでも勤務し、寄生体学、マラリア、フィラリア症の問題で、世界保健機関と15年間,共同作業を行う。スイス・バーゼル大学医学部教授に任命。臨床医学,及び熱帯医学専門医。66歳で退職。以後、IPPNWの会員、またNPO「チェルノブイリ/ベラルーシーのこどもたち」(ETB)を仏緑の党創立メンバーで反核の闘士であった夫人のソランジュ・フェルネックスと2001年に創設。また2007年から、ETB、IPPNW、
CRIIRAD、仏脱原発ネットワークなどとWHO独立のためのキャンペーン(Inde-pendent WHO)
を組織。キャンペーン会員はジュネーヴのWHO本部前で毎日8時から18時までピケを張っている。(過去に、ジャン・ジーグレール、ダニエル・ミッテラン、クリス・バスビー、チェルトコフ、ヴァシーリ・ネステレンコがヴィジーに参加)
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French version
Réponse de Michel Fernex
A Biederthal, le mercredi 30 novembre 2011
En lisant l'article du Mainichi Daily News, à propos des problèmes de santé après l'accident nucléaire de Fukushima, on peut se poser une question : quelle institution pourrait conseiller les autorités sur les meilleures dispositions à prendre pour protéger la population et diminuer les souffrances des victimes ?
La responsabilité de la direction de l'usine commence avec les erreurs dans la conception et la construction de la centrale, l'absence d'information sur les dommages réels dus au tremblement de terre, plus d'une heure avant que le reste de la vague du tsunami ne fasse des milliers de victimes 100 km plus loin. Ces erreurs ont été la cause du retard apporté à la réduction et à l'arrêt de la contamination de l'air, des sols et de l'eau.
- L’OMS subordonné à l’AIEA -
Conformément à sa constitution (1946), l'Organisation Mondiale pour la Santé (OMS) se doit de fournir une assistance technique dans le domaine de la médecine, en cas d'urgence, si cela est demandé par les gouvernements, ou simplement après l'acceptation de telles interventions. L'OMS doit fournir toutes les informations, donner des conseils et offrir une assistance concernant la santé. Elle doit former une opinion publique bien documentée sur la santé. Aucune de ces obligations n'a été respectée.
Ceci ne s'est pas produit pour des raisons historiques. L'OMS a signé en 1959 avec la toute nouvelle Agence Internationale pour l'Energie Atomique (AIEA) un accord voté par l'assemblée Générale (WHA 12.40) qui a mis fin à l'indépendance de l'OMS dans le domaine de l'industrie nucléaire. De plus récentes décisions confirment le retrait des activités de l'OMS dans le domaine des radiations ionisantes. Cela explique que l'AIEA soit intervenue à Tchernobyl et Fukushima, et pas l'OMS.
La population ignore les statuts de l'AIEA, qui donne des directives ou contribue à prendre des décisions après une catastrophe atomique comme celles de Fukushima ou Tchernobyl. L'AIEA, avant tout, se doit de respecter les termes de ses statuts. Les lignes ci-après, tirées d'un document de l'AIEA, cité dans les publications de l'AIEA, par exemple dans les "Proceedings of the International Conference on Chernobyl", à Vienne, du 8 au 12 avril 1996. Il y est stipulé que l'Agence a pour principal objectif "d'accélérer et d'étendre la contribution de l'industrie atomique à la paix, la santé et la prospérité à travers le monde".
En d'autres termes, cette agence des Nations Unies doit avant tout promouvoir les industries nucléaires, et soutenir ce genre de projets commerciaux. L'AIEA occupe la plus haute position dans la hiérarchie des agences de Nations Unies, y compris l'OMS, l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture, l'UNICEF et d'autres contrôlées par ECOSOP. En outre, l'OMS, d'un point de vue légal, n'est pas indépendante, ou pire est absente dans le domaine des radiations ionisantes. L'AIEA, dans la nécessité d'imposer ses buts, n'admettra pas que ces sévères maladies soient dues aux radiations. Cela risquerait de ralentir le développement et la croissance des installations nucléaires dans le monde. Les directives de cette agence représentent la défense de ces structures commerciales, bien plus que la protection des populations ou l'aide aux victimes.
Pour les autorités sanitaires nationales, l'AIEA sera donc le mauvais conseiller en cas de catastrophe nucléaire. La priorité sera donnée aux considérations économiques, et donc toute tentative d'attribuer ou d'associer des pathologies aux radiations sera réfutée. De fausses estimations peuvent retarder l'évacuation de communautés fortement irradiées.
- Les effets du rayonnement selon le sexe -
Choquant et encore plus incompréhensible à Fukushima a été l'absence de distribution d'iode stable à toute la population, et avant tout aux enfants, qui sont les plus menacés. Cette intervention prophylactique est peu coûteuse. Elle aurait été efficace, comme démontré en Pologne par Keath Baverstock, une campagne de ce genre est très bien tolérée, même si cela inclut des millions d'enfants, qui ont le plus besoin d'une telle protection. Un comprimé à avaler, si possible avant que le vent qui transporte l'iode radioactive, essentiellement I-131, ne traverse la région.
Le journal n'indique pas que les premières victimes de l'accident de Fukushima sont et seront les enfants. Cela commence quand la rapidité de la division cellulaire de l'embryon rend ce stade de développement 1000 fois plus vulnérable que l'adulte. Les embryons peuvent mourir, ce qui correspondrait à des avortements précoces. A la naissance, 5% des bébés filles ont manqué dans les années qui ont suivi l'explosion de Tchernobyl, en comparaison avec les statistiques d'avant 1986. Les plus importantes différences dans l'équilibre des sexes, avec plus de 5% d'enfants femelles manquant, ont été enregistrées au Bélarus et en Russie, les pays qui ont subi le plus de retombées radioactives. Une diminution des filles à la naissance a été également enregistrée en Europe de l'Est et dans les Balkans après Tchernobyl. Même en Allemagne, on a enregistré un déficit notable de filles à la naissance. Toutefois, en France et en Espagne, où les retombées ont été faibles ou localisées, aucun changement dans l'équilibre des sexes à la naissance n'a été enregistré. Cela montre que ce décalage est proportionnel à l'intensité des radiations ionisantes.
Le rapport normal entre les sexes, inégal, correspond à environ 1045 nouveaux-nés mâles pour 1000 nouveaux-nés femelles. Ce pourcentage est plus ou moins constant à travers le monde. Il y a d'autres exemples où le décalage entre sexes est plus important, en liaison avec une radioactivité accrue. Par exemple, dans la vallée de Kerala, présentant une radioactivité ambiante due au monazite, un sable riche en thorium, avec une activité six fois supérieure à la normale, provoque un accroissement significatif de mutations dominantes, ainsi que de la trisomie 21, de même qu'une augmentation de la disparité entre les sexes, par comparaison avec la vallée voisine qui présente une radiation normale (Padmanabham).
A Tchernobyl, on a constaté une mortinatalité, une mortalité périnatale ainsi que des malformations congénitales. Les déficiences cardiaques sont constatées beaucoup plus tard. L'irradiation des fœtus in utero peut conduire à un accroissement des leucémies et cancers (tumeurs du cerveau), comme démontré dans les années 50 par Alice Stewart.
- Rayonnement et dysfonctionnement immunitaire -
A Tchernobyl, la fréquence de diabète sucré de type 1 a augmenté chez les enfants, et spécialement chez les jeunes enfants et les bébés, où la maladie provoque un coma puis un décès. Ceci est provoqué par des défauts dans le système immunitaire ou une mutation. Généralement, des facteurs héréditaires peuvent être trouvés dans ces cas-là ; les parents ou grands-parents souffrent de problèmes similaires. A Tchernobyl, le diabète sucré de type 1 n'existe pas dans la famille. Le diabète sucré de Tchernobyl semble être une nouvelle maladie.
Il est prouvé qu'au Bélarus, le système immunitaire a été gravement affecté après l'accident. Donc, à la fois les globules blancs et les gamma globulines doivent être étudiées avec un suivi prolongé sur la population de Fukushima (voir les publications du Pr. Titov). Les résultats devraient être comparés avec ceux d'études similaires effectuées sur des populations d'enfants éloignées des retombées radioactives, par exemple une région comparable près de Kobe ou Kyoto.
Lorsque l'on étudie le système immunitaire d'enfants irradiés, il faudrait prêter attention aux auto-anticorps par rapport aux cellules beta des îlots de Langerhans dans le pancréas, et par rapport aux cellules de la thyroïde. La thyroïdite de Hashimoto a la même étiologie que le diabète sucré de type 1. D'autres glandes endocrines, comme celle produisant des hormones sexuelles, peuvent être responsables de problèmes fonctionnels, spécialement pendant la puberté : retards menstruels ou même épidémie de stérilité masculine, comme décrit en Ukraine. La fréquence des maladies allergiques peut également s'accroître dans les populations d'enfants irradiés. Là encore, une comparaison avec des communautés à l'abri des retombées radioactives sera nécessaire.
L'hyper-sensibilité de cellules (culture de lymphocytes) d'enfants irradiés, après une brève exposition aux rayons-X de la culture cellulaire, devrait être étudiée à Fukushima, comme cela a été fait à Tchernobyl par le Pr. Pelevina. L'altération du système immunitaire contribue à n'en pas douter à l'accroissement des maladies infectieuses chez les bébés et les enfants de Tchernobyl, même après des années, si les enfants continuent à absorber de la nourriture radio-contaminée. Les infections on des conséquences plus graves, avec des complications et une tendance à devenir chroniques, par comparaison avec des enfants de régions non contaminées.
Les radiations ionisantes induisent une instabilité du génome, directement transmissible de génération en génération. Ceci doit être étudié et suivi pendant des générations, en commençant par les grands-parents dès maintenant.
- Irradiation et cancer -
Le taux de cancer de la thyroïde, extrêmement rare chez de jeunes enfants, peut augmenter même avant l'âge de 5 ans, un âge auquel on s'attend normalement à un cas sur un million de cette maladie maligne. Si l'irradiation se produit in utero, ou tôt après la naissance, le temps de latence peut être très court, et un cancer papillaire de la thyroïde, rapidement envahissant, peut se développer chez de très jeunes enfants. Tchernobyl a provoqué plusieurs autres maladies de la thyroïde, comme des goitres, des thyroïdites, et désordres fonctionnels. Les autres cancers ont des temps de latence plus longs, jusqu'à 35 ans. Cronberg en Suède et Okeanov, au Bélarus, ont trouvé une nette tendance à l'accroissement de différents cancers 10 ans après Tchernobyl, et une augmentation significative de tous les cancers communs après 20 ans.
L'irradiation de jeunes adultes entraîne un vieillissement prématuré ; l'apparition prématurée de cancers participe de ce phénomène. L'accroissement des cancers était plus prononcé chez les plus jeunes des liquidateurs de Tchernobyl que chez les plus âgés, pour la même exposition aux radiations. Okeanov a en outre montré que parmi les liquidateurs, la durée de l'exposition aux radiations était un facteur de risque plus important que la dose. (Cf. Proceeding of an intentional conference, AIEA, Vienne, p. 279, 8-12 April 1996). Lors de l'étude des problèmes des cancers, il ne faut pas choisir la mortalité comme paramètre, la mortalité décroît année après année, mais le taux va croissant, spécialement parmi les sujets irradiés, et il est 20 ans trop tôt pour déterminer la moyenne d'âge d'apparition. Pour ça, des différences statistiques pourront être trouvées dans dix ou vingt ans.
La cécité est également plus fréquente parmi les liquidateurs les plus jeunes. C'est une maladie dégénérative de la rétine, avec une perturbation de la microcirculation qui atteint la macula après quelques années.
A Tchernobyl, la première cause de décès dus aux radiations n'est pas le cancer, mais les maladies cardio-vasculaires, l'hypertension, avec complications cérébrales et cardiaques. Les médecins peuvent protéger les patients de ces complications.
Des années après Tchernobyl, les enfants avec une grande concentration de Cs-137 dans l'organisme sont malades dans 80% des cas, et ont souvent des problèmes cardiaques. Avant Tchernobyl, et dans les régions du Bélarus où les retombées radioactives sont minimales, seulement 20% des enfants peuvent être considérés en mauvaise santé, comme c'était le cas au Bélarus avant la catastrophe.
La thyroïdite de Hashimoto et le diabète sucré de type 1 touche toujours de jeunes bébés. D'autres maladies endocrines, comme celles provoquées par des anomalies des hormones sexuelles peuvent être responsables de dysfonctionnements, en particulier chez les filles pendant la puberté, avec des retards de menstruation, et chez les garçons, avec une stérilité.
Il est important que des études similaires soient entreprises à Fukushima, avec toujours la possibilité de comparer les résultats, avec un groupe de référence, dans un environnement similaire, mais sans retombée radioactive. L'âge, la répartition des sexes, les professions, les modes de vie de la population devraient être les mêmes. Les régions radiologiquement propres pour la comparaison devraient êtres choisies autour de Kyoto et de Kobe.
- Eviter l’exposition interne -
Les mesures à prendre pour protéger les enfants consistent avant tout à éviter l'absorption de radionucléides avec les boissons et les aliments. Il faut fournir des aliments et des boissons propres à tous les enfants, à la maison et dans les réfectoires à l'école. Des vacances dans des régions non contaminées sont également bénéfiques.
La pectine réduit l'absorption de radionucléides, Sr-90, Cs-137 et dérivés de l'uranium. Elle accélère également l'élimination des radionucléides à la fois dans les selles et l'urine. Cet additif alimentaire est considéré par les experts du Laboratoire de la Commission Européenne à Ispra (Italie) comme sûr et efficace pour cette indication (Nesterenko V.I. & al. SMV 134: 24-27. 2004).
Les enfants contaminés peuvent aussi être protégés avec des vitamines E et A, ainsi qu'avec des carotènes, qui agissent en tant qu'antioxydants. Les mères devraient donner des carottes, des betteraves et des fruits rouges, qui contiennent de tels antioxydants, à leurs enfants.
La dose de radiation externe est une bien moindre source de pathologies que la dose interne dus à l'absorption de radionucléides, qui s'accumulent dans les organes tels que thymus, glandes endocrines, rate, surface des os et cœur. Bandazhevsky a démontré après Tchernobyl (SMW 2003;133:488-490) que l'on détecte à l'autopsie des concentrations de Cs137 deux fois supérieures dans les organes des enfants que dans ceux des adultes de la même région. Les plus fortes concentrations sont mesurées dans le pancréas et le thymus des nouveaux-nés et des bébés.
Les dosimètres donnés aux enfants devraient être remplacés par des spectromètres du corps entier transportés périodiquement dans les écoles pour contrôles. Ils donnent une mesure de la charge de Cs-137. Si la valeur mesurée dépasse 20 Bq/kg de poids du corps, des cures de pectine s'avèrent nécessaires, et la nourriture contaminée doit être remplacée par de la nourriture et des boissons saines.
Ces remarques font suite à l'article du Mainich Daily News. Il confirme que parmi les adultes, aucun décès n'a eu lieu pour l'instant. Les problèmes épidémiologiques et médicaux doivent être étudiés et traités de la naissance à la puberté par des pédiatres, des généticiens et des immunologiques, dans les communautés irradiées. Ils devront comparer la situation présente à Fukushima avec les observations faites dans des régions comparables, mais non contaminées.
Michel Fernex
A la centrale de Fukushima Daiichi, l’attention a toujours été portée à juste titre sur les réacteurs et leurs piscines. Il faut évidemment les surveiller car la moitié d’entre eux comporte deux dangers : le cœur dont le combustible fondu, le corium, menace ou est en train de polluer le sol, et la piscine attenante de combustible usé qui doit impérativement être maintenue en eau pour éviter la fonte des barres d’uranium-plutonium et autres poisons.
Mais il existe un autre lieu à haut risque à Fukushima Daiichi : la piscine commune aux 6 réacteurs. Elle se situe à une cinquantaine de mètres à l’ouest de l’unité 4.
Plan de situation des différentes piscines de la centrale de Fukushima Daiichi
Situation de la piscine commune : vue d'ensemble
Vue intérieure de la piscine commune de Fukushima Daiichi
La piscine commune et son bâtiment
Comme pour les installations du centre de stockage de la Hague en France, la piscine commune de Fukushima Daiichi ne possède pas d’enceinte de confinement. Elle est protégée par un simple bâtiment qui ne supporterait pas le crash d’un avion. Rectangulaire, elle a une longueur de 29 m, une largeur de 12 m et une profondeur de 11 m. Son volume est de 3828 m3.
Vue extérieure du bâtiment (angle nord-ouest)
Suite au tremblement de terre du 11 mars 2011, le bâtiment ne semble pas avoir subi de dégât vu de l’extérieur. Mais il est tout de même probable que des dégâts aient eu lieu, d’après ce que montre une vidéo tournée le 27 mai 2011 lors de la visite des experts de l’AIEA. Dans un cliché tiré de cette vidéo, on distingue très nettement que la bordure ouest de la piscine est dégradée. Il n’est pas possible que ces froissements de tôles aient été causés par le tsunami car le niveau technique de la piscine se situe à un étage supérieur, à une dizaine de mètres au dessus du sol, et la vague à cet endroit avait une hauteur de 4 mètres maximum.
Cliché extrait de la vidéo du 27 mai 2011
Pourquoi une piscine supplémentaire ?
Pour comprendre pourquoi le site avait besoin d’une septième piscine, il faut revenir sur le fonctionnement d’une centrale nucléaire. Le principe est de produire de la chaleur dont on se sert pour produire de l’électricité, mais ce processus produit en parallèle des déchets, constitués des assemblages de combustibles utilisés dans les cœurs des réacteurs. Ces assemblages resteront hautement radioactifs durant de longues années, et de ce fait nécessitent un refroidissement permanent. Mais ces assemblages ne sont pas directement transférables.
Pour ne pas perdre de puissance, chaque cœur a besoin d’être réalimenté avec du combustible neuf. Un assemblage étant prévu pour être utilisé en moyenne 3 ans, on réalise en gros une rotation par tiers chaque année.
Une fois les couvercles de l’enceinte de confinement et de la cuve du réacteur enlevés, on inonde la cavité et on ouvre une double vanne la séparant de la piscine attenante. L’eau des deux structures se retrouve alors en communication par l’intermédiaire d’un petit canal les reliant. Le transfert des assemblages de combustible usé peut ainsi être effectué tout en conservant une hauteur d’eau suffisante au-dessus des barres, ce qui permet au personnel d’être préservé de la radioactivité.
Les assemblages devront rester dans cette piscine au moins 19 mois, jusqu’à ce qu’ils perdent suffisamment d’activité pour pouvoir être transférés ailleurs. Et cet ailleurs est, à Fukushima Daiichi, cette piscine commune, nommée également CFSP (Common Fuel Spent Pool). Car il faudra encore conserver ces barres dans l’eau durant une période variant de 10 à 20 ans, afin qu’elles perdent leur puissance résiduelle.
Ecorché de la piscine commune de Fukushima Daiichi
C’est ce qui explique l’encombrement actuel des piscines d’entreposage. Avant la catastrophe de Fukushima, le Japon envisageait la construction d’un nouveau centre de stockage, les piscines de nombreux sites nucléaires approchant le maximum de leurs capacités de stockage. Même si le programme nucléaire nippon va être amoindri, voire abandonné, il n’est pas certain que ce projet ne voie pas le jour. En effet, sortir du nucléaire ne signifie pas abandonner toutes les installations. La production d’électricité nucléaire des 40 dernières années va devoir être assumée par les générations futures durant des milliers d’années.
Un site sous surveillance
Tepco reste très discret sur cette piscine, voire ne communique pas. Pourtant c’est bien le lieu le plus dangereux du site nucléaire car la somme des déchets rassemblés en ce seul endroit est énorme : plus de 1000 tonnes de combustible usé y sont actuellement entreposées, autrement dit 6375 assemblages rassemblant plus de 400 000 barres. Le site est étroitement surveillé : lors des études géologiques, c’est toujours cet endroit précis que l’on a choisi pour faire se croiser les coupes de terrain. La construction antisismique a donc dû être très soignée, car d’une part les barres ne doivent pas s’entrechoquer, et d’autre part l’étanchéité de la piscine doit demeurer parfaite.
Les tracés des coupes géologiques se croisent exactement à l’emplacement de la piscine commune
Il est absolument nécessaire de refroidir en continu ces déchets. Sinon, en cas de dénoyage dû à l’évaporation de l’eau, les barres s’échaufferaient, se déformeraient, et finalement perdraient leur étanchéité, provoquant une pollution radioactive atmosphérique considérable. Le refroidissement de ces piscines est donc un impératif, une priorité incontournable pour la sécurité du Japon, voire du monde entier vu le nombre incroyable de tonnes de combustible entreposées en ce lieu à hauts risques (séisme possible, tsunami possible, ex-réacteurs, autres piscines en difficulté, présence d'hydrogène explosif).
Pierre Fetet
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Autres documents sur la piscine commune
Dessin de la piscine commune et d’un caisson de 90 assemblages
Photo du site nucléaire de Fukushima Daiichi au moment de la construction de la piscine commune
Photo satellite du 14 mars 2011 : le bâtiment réacteur 4 est encore intact, et le bâtiment de la piscine commune ne semble pas avoir été affecté par les explosions des bâtiments réacteurs 1 et 3.
Photo aérienne postérieure au 15 mars 2011 (cliché d’après vidéo) : l’explosion du bâtiment réacteur 4 ne semble pas avoir affecté la piscine commune.
Façade ouest du bâtiment de la piscine commune
Vue de la piscine commune (extrait vidéo du 27 mai 2011)
Vue de la piscine commune depuis le sud-ouest
Vue de la piscine commune depuis le sud-ouest
Vue au sol depuis l'est. Image tirée d'un film de Tepco (visite de la centrale)
Vue intérieure de la piscine avant l'accident (film de Tepco : visite de la centrale).
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« Sans le web, mémoire vive de notre monde, sans ces citoyens qui n’attendent pas des anniversaires, de tristes anniversaires, pour se préoccuper du sort des réfugiés de Fukushima, eh bien le message poignant de Monsieur Idogawa (maire de Futuba) n’aurait strictement aucun écho. » (Guy Birenbaum, Europe 1, 1er mars 2013)
Les Éditions de Fukushima : des livres à télécharger et à diffuser librement
Le dernier livre de Jean-Marc Royer
Le dernier numéro d'Atomes crochus
Frankushima : un essai graphique sur la catastrophe de Fukushima et le risque nucléaire en France. Site dédié : frankushima.com
Un livre essentiel sur les conséquences de Tchernobyl
Télécharger la version française ici.
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