Profitant de la fête de Zamenhof* organisée par l'Association d'Espéranto de Fukushima qui avait lieu le 10 décembre, j'ai voyagé vers la ville de Fukushima et j'ai visité à nouveau le mont Shinobu.
*Note de la traductrice : Les espérantistes ont l'habitude de fêter chaque année la naissance du créateur de l'espéranto, qui est né le 15 décembre 1859.
Intensité de la radioactivité à divers endroits
J'ai mesuré la radioactivité sur le quai de la gare du train rapide Shinkansen, et le chiffre était de 0,09 microsieverts. Ce chiffre n'était pas inquiétant, car la norme du gouvernement pour la pollution radioactive commence à 0,23 microsieverts par heure (1 millisievert par an). A l'échelle mondiale, on accepte cette norme comme irradiation acceptable pour l'homme. Selon la loi japonaise, les gens ordinaires ne sont pas autorisés à (ne peuvent pas) vivre dans les lieux contaminés par plus de 0,23 microsieverts par heure. Dans le département de Fukushima (et dans certaines villes voisines) on nettoie ces sites, en raclant la terre contaminée et en lavant les murs et les toits pollués, pour que ces endroits descendent sous le chiffre de 0,23 microsieverts.
À côté de la gare de Fukushima, j'ai emprunté un vélo. J'ai immédiatement allumé mon dosimètre et ai constaté que le chiffre était de 0,29. Ce chiffre m'a effrayé. Il dépassait la norme ! Plus tard, toujours à bicyclette vers le mont Shinobu et en circulant dessus, j'ai mesuré la radioactivité dans de nombreux endroits. Les résultats sont les suivants:
1-Trottoir à 10 m de la gare : 0,24~0,27
2- Ruelle jouxtant le musée départemental : 0,23~0,24
3- Rigole au pied du mont Shinobu: 10,7!!!
4- Jardin du musée : 0,18
5- Le temple Henshō-in : 0,26~0,42
6- Un endroit sur la route dans la montée : 0,53~0,90
7- Plus haut dans la montée : 0,35
8- Le belvédère No2 :0,23
9- Le parc sur le mont : 0,17 (là, une information datant du 9 septembre indique que le chiffre était de 1,25)
10- Au sommet, près de la tour de la télévision: 0,73
11. Le temple Haguro : 0,32
12- Le lycée Tōryō au pied de la montagne: 0,31
Dans l'image ci-dessus, la pancarte montre le chemin vers le temple shintoïste appelé "Grand Dieu de l'Air". C'est la première fois que je voyais un nom de temple aussi étrange. Le dosimètre montrait 0,90 microsieverts. Un lieu bien impur pour un temple... Sur la pancarte à côté du mot "Grand Dieu" on lit sur la gauche "Dieu Inari gardien des aliments». J'ai prié ces dieux de tout mon cœur, en leur demandant: «Si vous êtes des dieux de l'air et de la nourriture, purifiez l'air et la nourriture de Fukushima ! »
Efficacité du nettoyage
Au pied du mont Shinobu, côté sud, immédiatement derrière le Musée départemental, il y a un temple, et plus de dix maisons. Quand je suis arrivé ici en novembre, des ouvriers avaient nettoyé la terre autour des maisons près du temple. J'ai mesuré la radioactivité à trois endroits, et les chiffres étaient de 0,36, 0,32 et 043. L'effet du nettoyage n'était pas bien grand. Et où avait-on porté cette terre polluée qu'on avait raclée ? Voyez l'image.
Devant l'entrée de la maison, il y a quelque chose dans un plastique vert. Dedans il y a de la terre raclée, d'abord couverte de terre non polluée et ensuite recouverte d'une toile plastique. Il semble que cette maison ne soit plus habitée. Peut-être les habitants ont-ils fui quelque part en raison de la forte radioactivité. Même si la maison et le jardin étaient assez propres, ils ne voudraient pas vivre ici, obligés de faire toujours face à cette montagne de déchets.
Dans un autre quartier, des ouvriers nettoyaient la maison et le terrain. Ils sont venus du département d'Aichi, à 1000 km de Fukushima. Certes, il manque des ouvriers dans le département de Fukushima, alors viennent maintenant de nombreux travailleurs d'autres départements. Ils raclaient le sol et le mettaint dans des caisses en plastique, puis ils faisaient un monticule de caisses et le couvraient avec une toile en plastique. J'ai mesuré la radioactivité de la terre dans cette caisse. Le chiffre était de 0,78.
J'ai mesuré la radioactivité du jardin dépollué. Les chiffres étaient 1,10, 0,96 et 0,98, donc, à ma surprise, les zones dépolluées étaient plus contaminées que la terre raclée et l'herbe. Le nettoyage n'a eu aucun effet. Les ouvriers ont réellement travaillé, donc j'ai dû en conclure que le nettoyage n'était pas très efficace. Par la suite, bien sûr, arrivera de la montagne de l'eau contaminée et elle continuera d'augmenter la pollution du sol. Donc, certains prétendent que le nettoyage est inefficace et constitue du gaspillage d'argent, et qu'il faudrait utiliser l'argent pour des choses plus vitales.
Si on ferme les yeux, tout est propre.
Dans la soirée, nous avons passé un joyeux moment dans les bains chauds de la station thermale d'Iizaka. Le 11 décembre au matin, j'ai mesuré la radioactivité du terrain de l'hôtel. Les chiffres étaient 0,65 ~ 0,72. A un autre endroit sur la pelouse, les chiffres étaient de 0,82 ~ 0,90. Je me suis hâté vers les gens de Fukushima, qui faisaient la pause dans le vestibule de l'hôtel, et j'ai montré mon dosimètre, mais personne n'a manifesté d'intérêt pour ces chiffres. Ces chiffres n'ont rien de nouveau pour eux. Ils ne peuvent pas changer la situation, si bien qu'ils doivent bon gré mal gré s'y adapter.
Cependant, je ne peux pas les critiquer pour leur attitude. La même chose arrive dans mon département. Après les explosions des réacteurs, des nuages radioactifs sont venus jusqu'à mon département et ont contaminé la terre, mais à présent on n'en a jamais parlé, et on ne mesure pas la radioactivité. Nous vivons en accord avec le proverbe : "Si on ferme les yeux, tout est propre." Et le gouvernement agit avec l'énergie nucléaire selon un autre nouveau proverbe: «Si on ferme les yeux, tout est sûr."
Nettoyage dans le village d'Iitate
De retour du mont Shinobu, j'ai visité la "Place du nettoyage" située à côté de la gare. Elle a été fondée et parrainée par le gouvernement et le département de Fukushima afin de donner aux habitants des informations sur la radioactivité et le nettoyage. Dans le bureau, j'ai trouvé des informations sur l'état actuel de la décontamination dans divers villes et villages. J'ai été surpris de voir les informations sur le village d'Iitate.
Iitate n'est pas situé à proximité des centrales nucléaires mais à 60 km de celles-ci, donc les 6 500 habitants ont d'abord pensé que les explosions concernaient d'autres personnes, mais ensuite ils ont su que les nuages nucléaires étaient passés à travers le village et l'avaient beaucoup contaminé, et maintenant tous les habitants se sont réfugiés dans d'autres villes et personne ne vit dans le village. A l'intérieur de celui-ci travaillent maintenant 7 500 ouvriers, pour la plupart venus d'autres villes et départements pour le nettoyage. Chose bien surprenante !
Dans le livre "Le courageux village d'Iitate" les auteurs M. et Mme Hasegawa Kenichi et Hanako, qui étaient des habitants du village, décrivent en détail comment on le nettoie. Je vais en traduire un résumé :
"En janvier 2012, le ministère de l'environnement a publié le plan du nettoyage de 11 villes et villages, dans les régions à pollution intense. Selon lui, la décontamination sera achevée pour mars 2014.
En septembre 2013, il a publié, que la décontamination ne sera pas terminée selon les prévisions et que, concernant Iitate, le nettoyage des maisons durera jusqu'en 2016.
Dans le plan pour le nettoyage à Iitate, le ministère a pour objectif 5 millisieverts par an, tandis que dans d'autres villes et villages l'objectif est de 1 millisievert par an. Le maire Kanno veut faire rapidement revenir les habitants dans le village, et il a donc décidé de ce chiffre comme objectif, mais est-ce que les habitants pourront vivretranquillement dans des lieux plus pollués que ne le sont des locaux spécialementautorisés dans les hôpitaux et centres d'exploration sur la radioactivité et les villages à Tchernobyl?
Modèle de nettoyage
Selon le plan du ministère, on nettoie les endroits suivants: logements, bureaux, bâtiments communaux, rues, champs et forêts autour des maisons. On nettoie bâtiments et rues par des jets d'eau à haute pression, on racle la terre jusqu'à une profondeur de 5 centimètres, dans un rayon de 20 mètres autour des maisons et on essuie les murs et les toits avec du papier absorbant, mais 75% de la ville est couvert de forêts, de sorte qu'à court terme l'eau, la terre et les feuilles contenant de la radioactivité voyageront jusqu'aux jardins et champs "nettoyés", et les pollueront à nouveau."
Alors savoir où l'on doit mettre ces terre, herbe, branches, feuilles, papier pollués est un problème important. Dans le département de Fukushima on devra conserver 28 millions de tonnes de déchets quelque part, et le ministère projette de construire des entrepôts dans les villes autour de la centrale nucléaire n° 1 de Fukushima et de les faire fonctionner en janvier 2015. Jusqu'à ce moment-là, on devra conserver les déchets provisoirement au village, c'est pourquoi on voit partout des monticules de sacs noirs ((fle-con-bag, fleksible container bag, sac poubelle flexible) avec des déchets à l'intérieur.
Mais ces entrepôts restent encore à l'état de plan. Les responsables du ministère répondent sans arrêt : «Nous ne savons pas quand ces entrepôts seront achevés». (Fin du résumé)
Sur la "Place du nettoyage", j'ai demandé à l'employé si les ouvriers pour la dépollution ne viendront pas à manquer. La réponse a été : "La plus grande menace, ce sont les Jeux olympiques de Tokyo. on va payer des salaires plus élevés aux ouvriers du bâtiment pour les Jeux Olympiques, donc beaucoup de travailleurs quitteront Fukushima et on manquera alors d'ouvriers pour le nettoyage ".
La situation est grave, mais le gouvernement et le premier ministre sont très optimistes ou irréfléchis. Ils agissent selon le proverbe: " Si je vais bien, tout est en ordre."
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Texte original en espéranto
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La 13an de decembro 2015
Denove la monto Ŝinobu
Profitante Zamenhofa Festo de la Fukuŝima-Esperanto-Societo okazinta la 10an de decembro, mi vojaĝis al la urbo Fukuŝima kaj denove vizitis la monton Ŝinobu.
Forteco de radioaktiveco en diversaj lokoj
Mi mezuris radioaktivecon sur la kajo de la kugla trajno Ŝinkansen, kaj la cifero estis 0,09 mikrosivertoj. Tiu cifero tute ne estis timiga, ĉar la legistara normo pri radioaktiva poluo komenciĝas ekde la cifero 0,23 mikrosivertoj hore (1 milisiverto jare). Tutmonde oni akceptas tiun normon kiel akcepteblan homan elmetiĝon al radioaktiveco. Laŭ la japana leĝo ordinaraj homoj ne rajtas/povas loĝi en la lokoj poluitaj pli ol 0,23 mikrosivertojn hore. En Fukuŝima (kaj en iuj najbaraj urboj) oni purigas tiajn lokojn, skrapante poluitan teron kaj lavante poluitajn murojn kaj tegmentojn, por ke la lokoj fariĝu malpli poluitaj ol 0,23 mikrosivertojn.
Apud la stacidomo de Fukuŝima mi pruntprenis biciklon. Mi tuj ŝaltis mian dozmetron kaj trovis, ke la ciferoj estas 0,29. Tiu cifero timigis min. Ĝi superis la normon! Poste, biciklante al kaj en la monto Ŝinobu, mi mezuris radioaktivecon en multaj lokoj. La rezultoj estis jenaj :
1. Trotuaro 100 metrojn for de la stacidomo : 0,24~0,27
2. Strateto apud la gubernia muzeo : 0,23~0,24
3. Flueto piede de la monto Ŝinobu: 10,7!!!
4. Ĝardeno de la muzeo : 0,18
5. La templo Henŝoo-in: 0,26~0,42
6. Loko sur la vojo en la monto : 0,53~0,90
7. Pli alta loko sur la vojo en la monto : 0,35
8. La belvidejo n-ro 2 : 0,23
9. La parko en la monto : 0,17 (tie estis informo pri radioaktiveco de la 9a de septembro kaj la cifero estis 1,25.)
10. Ĉe la pinto apud la televidturo: 0,73
11. La templo Haguro : 0,32
12. La supera mezlernejo Toorjoo piede de la monto : 0,31
En la maldekstra foto la ŝildo montras la vojon al ŝintoisma templo nomata « Aera Granda Dio ». Unuan fojon mi vidis tian strangan templan nomon. La dozmetro montris 0,90 mikrosivertojn. La templo staras en tiom malpura loko. En la ŝildo apud « la Granda Dio » estas skribita maldekstre « Manĝaĵkonserva Inari-dio ». Mi elkore preĝis al tiuj dioj, petante: « Se vi estas dioj de aero kaj manĝaĵoj, purigu la aeron kaj la manĝaĵojn de Fukuŝima! »
Efiko de purigado
Sur la suda piedo de la monto Ŝinobu tuj malantaŭ la Gubernia Muzeo estas templo kaj pli ol dek domoj. Kiam mi venis ĉi tien en novembro, laboristoj purigis la teron ĉirkaŭ la domoj apud la templo. Mi mezuris radioaktivecon en tri lokoj, kaj la ciferoj estis 0,36, 043 kaj 0,32. La efekto de la purigado ne estis granda. Kaj kien oni portis tiun skrapitan poluitan teron ? Vidu la foton.
Antaŭ la enirejo de la domo estas io verde kovrita. En ĝi estas skrapita tero, unue kovrata de sakoj da nepoluita tero kaj due de la plasta tuko. Ŝajnis, ke tiu domo jam ne estas priloĝita. Eble la loĝantoj fuĝis ien pro alta radioaktiveco. Eĉ se la domo kaj la ĝardeno estus sufiĉe purigitaj, ili ne volus loĝi ĉi tie, ĉiam frontante al tiu monto de radioaktivaĵo.
En alia distrikto laboristoj purigis la domojn kaj teron. Ili venis de la gubernio Aiĉi, 1000 kilometrojn for de Fukuŝima. Certe mankas laboristoj en Fukuŝima, do nun venas multaj laboristoj el aliaj gubernioj. Ili skrapis la teron kaj enmetis ĝin en plastajn kestojn, kaj poste faris monton da kestoj kaj kovras ĝin per plasta tuko. Mi mezuris radioaktivecon de la tero en tiu kesto. La cifero estis 0,78.
Mi mezuris radioaktivecon de la purigita ĝardeno. La ciferoj estis 1,10, 0,96 kaj 0,98, do surprize la purigitaj lokoj estis pli poluitaj ol la skrapitaj tero kaj herboj. La purigado tute ne efikis. La laboristoj sincere laboris, do mi devis konkludi, ke purigado mem ne efikas multe. Poste, certe envenos de la monto akvo enhavanta radioaktivecon kaj denove plipoluos la teron. Do iuj argumentas, ke purigado estas senutila kaj misuzo de mono, kaj ke oni uzu monon por pli valoraj aferoj.
Se ni ne vidas, ĉio estas pura
Vespere ni havis tre ĝojan tempon en la varmfontejo Iizaka. Matene la 11an de decembro mi mezuris radioaktivecon de la tereno de la hotelo. La ciferoj estis 0,65~0,72. En alia loko sur la gazono la ciferoj estis 0,82~0,90. Mi hastis al la fukuŝima-anoj, kiuj paŭzis en la vestiblo de la hotelo, kaj montris la dozmetron, sed neniu montris intereson pri tiuj ciferoj. Tiuj ciferoj tute ne estas novaĵo al ili. Ili ne povas ŝanĝi la situacion, do ili devas vole nevole adaptiĝi al la situacio.
Tamen mi ne povas kritiki ilin pro ilia sinteno. Samo okazas en mia gubernio. Post la eksplodoj de la nukleaj reaktoroj radioaktivaj nuboj venis al mia gubernio kaj poluis la teron, sed nun oni neniam menciis tion, nek mezuras radioaktivecon. Ni vivas laŭ la proverbo: « Se ni ne vidas, ĉio estas pura ». Kaj la registaro agas pri atomenergio laŭ alia, nova proverbo: « Se ĝi ne vidas, ĉio estas sekura ».
Purigado en la vilaĝo Iitate
Revenante de la monto Ŝinobu, mi vizitis « Placon pri purigado » situantan najbare al la stacidomo. Ĝi estis fondita aŭ aŭspiciita de la registaro kaj la gubernio Fukuŝima por doni informojn pri radioaktiveco kaj purigado al la loĝantoj. En la oficejo mi trovis informon pri la nuna stato de purigado en diversaj urboj kaj vilaĝoj. Mi estis surprizita vidi la informojn pri la vilaĝo Iitate.
Iitate situas ne proksime al la nukleaj centraloj, sed 60 kilometrojn for de tiuj, do la 6500 vilaĝanoj komence opiniis, ke la eksplodoj estas aferoj de aliaj homoj, sed poste ili sciis, ke la nukleaj nuboj pasis tra la vilaĝo kaj multe poluis ĝin, kaj nun ĉiuj vilaĝanoj rifuĝis en aliajn urbojn kaj neniu loĝas en la vilaĝo. En tiu vilaĝo nun laboras 7500 laboristoj, plejmulte el aliaj urboj kaj gubernioj, por purigi ĝin. Tre eksterordinara afero !
En la libro « Madei-a vilaĝo Iitate » la aŭtoraj ges-roj Hasegaŭa Keniĉi kaj Hanako, kiuj estas/estis loĝantoj de la vilaĝo, detale skribas, kiel oni purigas la vilaĝon. Mi resume tradukos ĝin.
*Madei: loka vorto, kiu signifas « sincere, zorege, diligente ».
En januaro 2012 la ministerio pri medio publikigis la planon de purigado en dense pouitaj 11 urboj kaj vilaĝoj. Laŭ ĝi la purigado finiĝos ĝis la fino de marto 2014.
En septembro 2013 ĝi publikigis, ke la purigado ne finiĝos laŭplane kaj ke rilate al Iitate la purigado pri domoj daŭros ĝis 2016.
En la plano pri purigado en Iitate la ministerio celas 5 milisivertojn jare, dum en aliaj urboj kaj vilaĝoj la celcifero estas 1 milisiverto jare. La vilaĝestro Kanno volas plej frue revenigi la loĝantojn en la vilaĝon kaj pro tio li decidis tiun ciferon kiel la celon, sed ĉu la loĝantoj povos vivi trankvile en la lokoj pli poluitaj ol en la speciale permesitaj lokoj en hospitaloj kaj esplorejoj pri radioaktiveco kaj en la vilaĝoj en Ĉernobil?
Modelo de purigado
Laŭ la plano de la ministerio ĝi purigas jenajn lokojn: domoj, oficejoj, komunaj konstruaĵoj, stratoj, kampoj kaj arbaroj ĉirkaŭ la domoj. Oni purigas konstruaĵojn kaj stratojn per altapremaj akvoŝpruciloj, skrapas teron ĝis la profundo de 5 centimetroj 20 metrojn radiuse ĉirkaŭ la domoj kaj viŝas murojn kaj tegmentojn per paperaj tualetoj, sed 75% de la vilaĝo estas kovrata de arbaroj, do baldaŭ akvo, tero kaj folioj enhavantaj radioaktivecon vojaĝos en la « purigitajn » ĝardenojn kaj kampojn kaj denove poluos tiujn.
Poste kien oni metu tiujn poluitajn teron, herbojn, branĉojn, foliojn, paperajn tualetojn, estas grava problemo. En la gubernio Fukuŝima oni devos konservi 28 milionojn da poluitaĵoj ie, kaj la ministerio planas konstrui konservejojn en la urboj ĉirkaŭ la nuklea centralo n-ro 1 de Fukuŝima kaj funkciigos ilin en januaro 2015. Ĝis tiu tempo oni devas konservi la poluitaĵojn provizore en la vilaĝo, tial ĉie oni vidas montetojn de nigraj sakoj (fle-con-bag,fleksible container bag) enhavantaj poluitaĵojn.
Sed la plano de tiuj konservejoj ankoraŭ restas plano. Respondeculoj de la ministerio respondadas : « Ni ne scias, kiam tiuj konservejoj finkonstruiĝos ». (Fino de la resumo)
En « Placo pri purigado », mi demandis la oficiston, ĉu ne mankos laboristoj de purigado. La respondo estis : « La plej granda minaco estas Tokiaj Olimpikoj. Oni pagos pli da salajro al laboristoj pri la konstruado rilata al Olimpikoj, do multaj laboristoj forlasos Fukuŝima-on kaj sekve mankos laboristoj pri purigado ».
La situacio estas serioza, sed la registaro kaj la ĉefministro estas tre optimismaj aŭ senpensaj. Ili agadas laŭ la proverbo: « Se mi estas en ordo, ĉio estas en ordo ».
« Amusons-nous à Fukushima ! » dit cette publicité de Japan Railways, la compagnie des chemins de fer au Japon. Une croix rouge a été ajoutée par Fonzy : c'est l'emplacement de la centrale de Fukushima Daiichi.
« Cela fait des mois que je ne vais plus aux manifs anti-nucléaires, ni aux conférences sur Fukushima. Je suis tout simplement lasse de ce qui se passe ici. Presque quatre ans se sont écoulés après la catastrophe de Fukushima, mais rien ne s’améliore. Au contraire, il y a de plus en plus de choses qui se détériorent. Depuis, nous avons eu deux législatives qui ont fini toutes les deux par la victoire « écrasante » du Parti Libéral Démocrate qui est au pouvoir depuis plus de 60 ans et qui est évidemment pronucléaire. En effet, le premier ministre Shinzo Abe est prêt à redémarrer toutes les centrales, et il a déjà donné son accord au redémarrage de Sendai, celle qui se trouve dans le sud du pays et qui est entourée de volcans très actifs... Ce n’est pas tout, mais ce qui me désole le plus, c’est l’indifférence de la plupart des Japonais vis-à-vis de la politique, du nucléaire, de Fukushima enfin, et de tout.
Fukushima, qui est « officiellement » sous contrôle, n’est plus le souci principal pour la majorité de mes compatriotes, malgré de petits incidents assez fréquents à Daiichi et l’augmentation du nombre d’enfants atteints du cancer de la thyroïde (112 enfants). Ils auraient oublié Fukushima, ou simplement veulent l’oublier, comme moi. Oui, j’ai voulu oublier Fukushima, la contamination de Tokyo, le césium dans les aliments, et le fait que Fukushima Daiichi soit toujours en état périlleux. Vous ne pouvez pas continuer à vivre tous les jours avec ces angoisses et ces tensions qui durent depuis déjà quatre ans.
Pour me distraire, j’ai participé à une chorale d’amateurs. Avec les choristes, c’était un autre monde ; personne ne parlait de Fukushima ni du césium, nous chantions joyeusement, car c’est une chorale formée uniquement pour chanter ‘l’Ode à la joie’ en fin d’année. (Au Japon, en fin d’année, c’est le moment de la Symphonie no9 de Beethoven.) Pourtant, les chants joyeux ne m’ont pas aidée à supprimer Fukushima de mon esprit.
Deux de mes amis sont décédés ces derniers mois ; l’un a été victime d'une dissection aortique aiguë et l’autre d’un cancer du poumon. Ils avaient tous les deux 51 ans. Impossible d’établir les relations entre leurs décès et la radioactivité. Toutefois je constate de plus en plus de personnes qui tombent malades, d’hospitalisations, de cataractes, d’herpès... Alors comment puis-je oublier Fukushima avec toutes ces anomalies qui commencent à se déceler ? Et comment les autres peuvent-ils l’oublier ? Font-ils semblant de ne pas voir la réalité ? Plus j’essaie de ne pas penser à Fukushima, plus je suis convaincue que ce n’est pas possible.
Notre concert est fini, et c’est maintenant le Nouvel an. J’espère que l’année 2015 vous apportera beaucoup de bonheurs et qu’elle apportera la paix à Fukushima. »
Carte de la Région Océan Pacifique du département de Fukushima
La 7ème séance publique de Cour d'Assises concernant l'accident nucléaire a eu lieu dans ma ville
Dans ma ville, Maebashi, située dans le département de Gunma et distante de 250 kilomètres de la centrale nucléaire de Fukushima, logent environ 1 500 personnes réfugiées du département de Fukushima. 137 d'entre elles ont porté plainte, le 11 septembre 2013, afin d'obtenir une indemnisation de la compagnie TEPCO. Aujourd'hui s'est tenue la septième séance du procès en assises, au cours de laquelle une femme de 59 ans, qui habitait Minami-Sōma, ville voisine de la centrale nucléaire n°1 de Fukushima, a raconté sa vie après la catastrophe.
"À cause de l'accident nucléaire, nous avons perdu notre vie"
« Mon mari, ma fille et moi-même habitions dans le district Takanokura de la ville de Minami-Sōma. Ce district de montagne, distant de plus de trente kilomètres de la centrale, est situé hors de la zone évacuée, cependant il est très radioactif.
Quand s'est produit le séisme du 11 mars 2011, tout a continué à fonctionner normalement dans notre maison, mais de plus en plus d'habitants du district se sont enfuis. Mon mari travaillait alors à la centrale nucléaire de Fukushima et il croyait qu'elle était la plus sûre au monde, si bien qu'en entendant parler des explosions des réacteurs, nous avons pensé que l'information était mensongère. Mais quand par la suite, la ville a fait savoir qu'il ne fallait pas boire l'eau, nous avons compris que la situation était sérieuse et nous nous sommes réfugiés chez ma fille aînée, dans le département de Saitama. Cependant, comme sa maison est petite, nous ne pouvions loger longtemps chez elle et nous avons fini par atteindre le département de Gunma, où nous habitons à présent, dans un appartement de la ville de Tatebayashi.
Ma fille, qui était alors étudiante, ne pouvant plus se rendre à l'Université a dû interrompre ses études et a fini par abandonner car nous n'avions plus suffisamment d'argent. C'est une fille d'un milieu simple aussi pensions-nous qu'il serait bon qu'elle se dirige vers des études polytechniques mais, en raison de l'accident nucléaire, elle a perdu tout espoir de travailler dans ce secteur. À présent, elle cherche du travail mais sans succès, car elle est considérée comme étant du niveau de fin d'enseignement secondaire. Et de plus, au cours des entretiens d'embauche, quand elle dit qu'elle vient de Fukushima, on lui demande combien de temps elle pourra travailler. Je comprends qu'on doive lui poser la question, mais ces interrogatoires la rendent nerveuse et elle ne réussit pas à avoir un emploi stable. Or elle a bénéficié d'une bourse qu'elle doit à présent rembourser, mais comment pourra-t-elle y arriver avec un travail précaire et un salaire bas ?
Après notre départ forcé, je suis devenue très malade. Mon diabète s'est aggravé. Je dois désormais m'injecter de l'insuline chaque jour et en outre je ne vois plus très bien de l'œil gauche. Ma tension artérielle a augmenté. Je souffre de stress, je pleure pour un rien et je dors mal. Ces difficultés m'amènent à me quereller pour des bagatelles avec mon mari et ma fille. Sans cet accident nucléaire jamais je n'aurais souffert de tous ces maux ni ne me serais disputée avec les miens.
Dans notre ville de Minami-Sōma, nous vivions dans une ambiance amicale, nous rencontrions souvent des copains. Je travaillais dans un supermarché. Parfois j'indiquais aux clients de nouvelles recettes, et en remerciement, ils me faisaient cadeau de plats qu'ils avaient eux-mêmes cuisinés. Je travaillais aussi comme bénévole pour aider des personnes handicapées. Mais à présent, tout cela est fini. Je suis malade, je n'ai pas d'amis, j'ai perdu confiance en moi et je n'ai plus le courage d'entreprendre des choses nouvelles. J'habite au cinquième étage d'un immeuble sans ascenseur, il m'est donc difficile même de sortir.
Mon mari travaille maintenant dans la ville de Iwaki du département de Fukushima et il est seul dans l'appartement. Il part très tôt le matin au travail, il ne peut donc pas faire d'achats, même pour son petit déjeuner. C'est un homme très taciturne et très laborieux. Il travaille trop. L'été il a souffert de diarrhée et il est tombé malade à cause de la canicule. Si j'étais avec lui, je pourrais l'aider et il ne souffrirait pas.
Notre maison est détruite, nous ne pouvons plus y habiter. Elle était le foyer au cœur duquel se retrouvait toute la famille. Nous avons perdu non seulement nos biens, mais aussi notre cœur. Il faut que le gouvernement et que TEPCO comprennent combien lourdes sont nos pertes. Nous voulons retrouver notre vie d'antan. Si cela est impossible, qu'on nous assure au moins une existence stable et tranquille.
Jusqu'à la catastrophe, nous étions très optimistes, mais à présent nous souffrons beaucoup, financièrement et mentalement. Logeant loin de la centrale nucléaire, nous nous étions persuadés que nous n'endurerions pas des souffrances aussi graves que ceux qui habitaient près d'elle, mais maintenant nous ne pouvons plus nous taire. Le gouvernement et TEPCO ont eux-mêmes fixé la norme selon laquelle ils nous indemnisent, mais nous ne voulons plus vivre selon cette norme-là. Aujourd'hui, j'ai la possibilité de parler de nos souffrances. Je remercie ceux qui nous soutiennent. »
(Fin de son témoignage)
Après la séance d'assises a eu lieu une réunion des avocats, des réfugiés et de leurs soutiens. Les avocats ont fait savoir qu'aujourd'hui ils avaient présenté à la cour les témoignages de tous les 137 plaignants, mais qu'ils ne pouvaient les rendre publics, car ils contiennent des informations confidentielles. J'ai proposé que nous ayons chaque mois une réunion au cours de laquelle les plaignants pourraient parler de leurs souffrances. Les réfugiés, originaires de diverses villes du département de Fukushima, logent à présent en divers endroits et il est donc malaisé de leur venir en aide groupés. En de telles réunions, ils auront l'occasion de s'exprimer et nous, leurs soutiens, nous aurons avec eux une relation plus intime. Cela aidera beaucoup notre mouvement.
25 km séparent la centrale (qui fuit toujours) de Minamisoma
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Article original de Hori Yasuo en espéranto
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La 22an de decembro 2014
La 7a Publika asizo pri la nuklea akcidento okazis en mia urbo
En mia urbo Maebaŝi de la gubernio Gunma, 250 kilometrojn for de la nuklea centralo de Fukuŝima, ĉirkaŭ 1500 homoj el Fukuŝima rifuĝinte loĝas. El tiuj fukuŝima-anoj, 137 homoj metis sian aferon al juĝo la 11an de septembro 2013, postulante kompenson de TEPCO. Hodiaŭ okazis la 7a asizo, en kiu 59-jara virino el la urbo Minami-Sooma, najbara urbo de la nuklea centralo n-ro 1 de Fukuŝima rakontis pri sia vivo post la katastrofo.
Ni perdis vivon pro la nuklea akcidento
Mi, mia edzo kaj mia filino loĝis en la distrikto Takanokura de la urbo Minami-Sooma. Tiu ĉi montara distrikto estas pli ol 30 kilometrojn for de la centralo kaj ekster la rifuĝiga zono, sed estas tre radioaktiva.
Kiam okazis la tertremo la 11an de marto 2011, ĉio funkciis bonorde en mia domo, sed el mia distrikto pli kaj pli da loĝantoj fuĝis eksteren. Mia edzo laboris por la nuklea centralo de Fukuŝima, kaj kredis, ke la nuklea centralo de Fukuŝima estas la plej sekura en la mondo, do kiam ni aŭdis pri la eksplodoj de la reaktoroj, ni opiniis, ke tiu informo estas mensoga. Sed poste la urbo avertis, ke ni ne trinku akvon, kaj ni unuan fojon eksciis la seriozecon de la situacio, kaj ni fuĝis ĉe mia plej aĝa filino en la gubernio Saitama. Sed ŝia domo estas malgranda, kaj ni ne povis loĝi ĉe ŝi longe, kaj fine ni atingis la gubernion Gunma kaj nun ni loĝas en la apartamento en la urbo Tatebajaŝi.
Mia filino, kiu tiutempe estis studento, ne plu povis viziti la universitaton, do interrompis la studadon, kaj fine forlasis la universitaton, ĉar mankis al ni sufiĉa mono. Ŝi estis ordinara knabino, do ni opiniis, ke estos bone, ke ŝi studu en politeknika kampo, sed pro la nuklea akcidento ŝi perdis esperon labori en tiu kampo. Ŝi nun serĉas laboron en Gunma, sed vane, ĉar ŝi estas rigardata kiel fininto de supera mezlernejo. Krome kiam ŝi intervjuas kun la kompanianoj kaj diras al ili, ke ŝi devenas de Fukuŝima, ili demandas ŝin, kiom longe ŝi povos labori. Mi komprenas, ke ili devas demandi ŝin pri tio, sed pro tiuj demandoj ŝi fariĝas nervoza kaj eĉ nun ŝi ne povas akiri stabilan laboron. Ŝi ricevis stipendion, do ŝi devas redoni ĝin, sed kiamaniere ŝi povos, laborante malstabile kun malalta salajro?
Rifuĝinte, mi fariĝis tre malsana. Mia diabeto pliserioziĝis. Nun mi devas injekti insulinon ĉiun tagon kaj mi ne povas vidi bone per la maldekstra okulo. Mia sangopremo altiĝis. Mi suferas pro streso, mi facile larmas kaj mi ne povas dormi bone. En tiuj malfaciloj mi facile kverelas kun miaj edzo kaj filino pro bagatelaj aferoj. Se ne okazus la nuklea akcidento, mi neniam suferus pro malsano kaj neniam spertus tiajn kverelojn.
En la urbo Minami-Sooma ni ĝuis la vivon kun amika etoso, ofte renkontiĝante kun amikoj. Mi laboris en superbazaro. Mi foje montris novajn kuirmanierojn al la klientoj, kaj dankante al mi, ili donacias al mi memkuiritajn manĝaĵojn. Mi laboris ankaŭ por helpi handikapulojn kiel volontulo. Sed nun ĉio estas perdita. Mi nun estas malsana, ne havas amikojn kaj mi perdis memfidon, kaj ne havas kuraĝon alfronti al novaj aferoj. Mi loĝas en la 5a etaĝo de la apartamentaro sen lifto, do estas malfacile eĉ eksteren iri.
Mia edzo nun laboras en la urbo Iŭaki de Fukuŝima sola en apartamento. Li iras al la laborejo tre frue matene, do li ne povas aĉeti eĉ matenmanĝon. Li estas tre silenta kaj diligenta homo. Li laboras tro multe. En somero li suferis pro diarero kaj malsaniĝis pro varmego. Se mi estus kun li, mi povus helpi lin kaj li ne suferus.
Nia domo estis perdita, ni ne plu povos loĝi en tiu domo. Ĝi estis nia hejmo por ĉiuj familianoj, kaj nia koro. Ni perdis ne nur niajn posedaĵojn, sed ankaŭ nian koron. La registaro kaj TEPCO komprenu, kiom multe ni perdis. Ni volas reakiri nian eksan vivon. Se tio ne eblus, donu al ni minimume nian stabilan, trankvilan vivon.
Ĝis la katastrofo ni vivis tre optimisme, sed nun ni suferas multe finance kaj mense. Mi loĝis for de la nuklea centralo, do ni persvadis nin, ke nia sufero estas ne tre severa, kiel aliaj homoj loĝintaj najbare de la centralo, sed ni jam ne povas deteni nin de la silentado. La registaro kaj TEPCO mem decidis la normon kaj donas al ni kompensan monon laŭ ĝi, sed ni ne plu volas vivi laŭ tiu normo. Hodiaŭ mi havas okazon paroli pri nia sufero. Mi dankas al la subtenantoj.
(Fino de ŝia rakonto)
Post la asizo okazis kunsido de la advokatoj, rifuĝantoj kaj subtenantoj. La advokatoj raportis, ke hodiaŭ ili prezentis atestojn de ĉiuj 137 akuzantoj al la juĝejo, sed ili ne povas publikigi tiun atestojn, ĉar tiuj enhavas personajn sekretojn. Mi proponis, ke ni havu kunsidon ĉiun monaton, en kiu la akuzantoj povu havi okazon paroli pri siaj suferoj. Rifuĝintoj el diversaj urboj de Fukuŝima loĝas dise en diversaj lokoj, do estas malfacile helpi ilin grupe. Tamen en tiuj kunsidoj ili havos okazon paroli kaj ni, subtenantoj, havos intiman rilaton al ili. Tio multe helpos nian movadon.
S’adressant au ministre de l’Économie du Japon, Brian Victoria revient sur le procès intenté à Tepco par des « marines » américains, pour avoir été irradiés durant l’opération humanitaire menée au large de Fukushima après la catastrophe du 11 mars 2011.
Risqué ? Les membres de l'équipage de la marine américaine nettoient le pont d'envol pour éliminer la radioactivité du porte-avion USS Ronald Reagan le 23 mars 2011.| AP
Des entreprises nucléaires accusées de négligence dans une cour américaine à propos des retombées de Fukushima
Au ministre de l’Économie, du Commerce et de l’Industrie, M.Yoichi Miyazawa,
Monsieur le Ministre,
Comme vous le savez peut-être, un juge fédéral américain a décidé récemment qu’une action collective pouvait être engagée par quelque 200 marins américains contre Tokyo Electric Power Company et d’autres défendeurs à qui ils attribuent la responsabilité de maladies provoquées par l’exposition à la radioactivité suite à la fusion des réacteurs nucléaires de Fukushima n° 1.
Les marins allèguent qu’en toute connaissance de cause et par négligence, Tepco a donné au public, en particulier la marine américaine, des informations fausses et trompeuses sur la véritable situation de la centrale nucléaire de Fukushima n° 1. Ils allèguent en outre que Tepco savait que les marins de l’USS Ronald Reagan seraient exposés à des taux de radiation dangereux, parce que l’opérateur était au courant que trois des réacteurs nucléaires de la centrale avaient déjà fondu (1).
À cet égard, l’action en justice indique que le 14 décembre 2013, Naoto Kan, Premier ministre au moment de la catastrophe, a déclaré à un groupe de journalistes en parlant de la première fusion : « Les gens pensent que ça s’est passé le 12 mars, mais la première fusion a eu lieu en fait cinq heures après le séisme. »
Les marins concernés participaient à l’Opération Tomodachi, une mission d’aide humanitaire engagée pour répondre aux demandes d’assistance du gouvernement japonais. En accord avec le Traité de sécurité États-Unis-Japon, ces marins ont littéralement risqué leur vie pour venir au secours et protéger la population japonaise.
Les marins ont neuf motifs de réclamation de dommages et intérêts ; ils accusent notamment Tepco de négligence et de manquement au devoir d’avertir des dangers et des défauts de conception dans la construction et l’installation des réacteurs. À ce jour, les marins souffrent de maladies - leucémie, ulcères, cancer du cerveau, tumeurs au cerveau, cancer des testicules, saignements utérins anormaux, maladies de la thyroïde, problèmes d’estomac – et toutes sortes d’autres affections inhabituelles chez des adultes aussi jeunes.
L’une des questions principales qui doivent être décidées par ce procès est de savoir qui paiera les traitements médicaux actuels et peut-être les traitements à vie des marins. Non seulement il va falloir faire face à des maladies spécifiques, mais il faudra aussi financer à l’avenir le suivi médical des marins eux-mêmes et de leurs enfants, pour surveiller notamment les risques de mutations génétiques radio-induites. En effet, certaines des particules radioactives inhalées par les membres de l’équipage ont des demi-vies longues, allant de six à 50, voire 100 ans.
Il n’y a aucun doute que le gouvernement japonais dispose d’une mine d’informations sur ce qui s’est réellement passé à Fukushima n° 1 et à quel moment. Il semblerait donc juridiquement et moralement souhaitable que le gouvernement partage ces informations sur Fukushima avec la Cour fédérale du district sud de Californie.
Ceci pourrait se faire par exemple par l’intermédiaire d’un mémoire d’amicus curiae, c’est-à-dire soumis par une personne non-partie à une procédure judiciaire mais qui est cependant en possession d’informations pertinentes pouvant éclairer la cour. Ma première question, Monsieur le Ministre, est la suivante : êtes-vous, vous-même et le Gouvernement japonais, d’accord pour soumettre ce genre de mémoire ?
Un point extrêmement important est que les constructeurs des réacteurs de Fukushima n° 1, General Electric, EBASCO, Toshiba and Hitachi, sont également les défendeurs. La raison est que les réacteurs des unités 1, 2 et 6 ont été fournis par General Electric, ceux des unités 3 et 5 par Toshiba et ceux de l’unité 4 par Hitachi. C’est toutefois General Electric qui a conçu les six réacteurs et les plans architecturaux ont été réalisés par EBASCO.
Notons en particulier que GE savait, il a déjà plusieurs décennies, que la conception de ses réacteurs de type Mark I installés à Fukushima était défectueuse. Il y a trente-cinq ans, Dale G. Bridenbaugh et deux de ses collègues de General Electric ont donné leur démission, après avoir acquis la conviction que la conception du Mark I était si défectueuse qu’elle pouvait provoquer un accident catastrophique. Ils ont témoigné publiquement devant le Congrès américain de l’incapacité du Mark I à faire face aux niveaux de pression énormes qui résulteraient d’une perte du système de refroidissement du réacteur.
Leurs inquiétudes ne se sont révélées que trop exactes à Fukushima n° 1, une catastrophe qui est loin d’être terminée, vu la contamination radioactive massive et incessante de l’océan.
Compte tenu de tous ces éléments, Monsieur le Ministre, je me permettrai de terminer ce message avec une dernière question : pourquoi le Gouvernement japonais n’a t-il pas, comme l’ont fait les marins américains, engagé des poursuites contre les entreprises susnommées pour établir leur responsabilité légale ? En d’autres termes, pourquoi la population japonaise devrait-elle payer les actes potentiellement négligents de certaines des plus grandes entreprises mondiales ?
BRIAN VICTORIA
Auteur de Zen at War, ancien directeur du Programme d’Études bouddhistes au Japon de l’Université d’Antioch. Brian vit actuellement à Kyoto.
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Note du blog de Fukushima
(1) Effectivement, Tepco savait que les cœurs avaient fondu. L’opérateur a attendu le mois de mai 2011 pour divulguer l’information. Il porte donc la lourde responsabilité d’avoir caché une information cruciale. Mais que penser de la responsabilité de l’armée étatsunienne ? Comment imaginer que ce porte-avion militaire ne disposait pas d’appareils de mesure de la radioactivité ? Qui a donné l’ordre d’envoyer des soldats nettoyer le pont sans masque ni combinaison "adéquate" (en réalité, il n’existe pas d’équipement adéquat face aux rayons gamma qui traversent toute chose) ? Incompétence, ignorance ou ordre en connaissance de cause ?
Une nouvelle association vient de naître, Kizuna « le Lien ». Suite à la lecture du livre d’Antonio Pagnotta sur Naoto Matsumura, la journaliste Sophie Mouton-Brisse a souhaité aider Naoto sur ses terres irradiées en créant cette organisation à but non lucratif. Elle espère ainsi rassembler une communauté prête à parrainer les animaux de Naoto via un site web qui sera en ligne dès le mois prochain. On peut d’ores et déjà prendre contact avec son projet par sa page Facebook Kizuna pour Naoto et en lisant sa présentation sur cette page.
« Depuis avril 2011, une zone interdite a été décrétée autour de la centrale nucléaire de Daii Ichi située dans la préfecture de Fukushima. La zone est interdite aux humains parce qu’elle a été fortement irradiée lors de la fusion des cœurs de trois réacteurs nucléaires de la centrale le 12 mars 2011. Presqu’un million d’animaux sont morts de faim et de soif lorsqu’ils ont été abandonnés lorsque la population a été contrainte à l’évacuation. Malgré l’ordre d’abattage systématique donné par les autorités préfectorales, aujourd’hui quelques centaines d’animaux abandonnés survivent dans les radiations. Certains sont sauvages, d’autres d’élevage ou de compagnie et ils sont vivants grâce à un homme seul.
Des bovins, des chats, des chiens, quelques chevaux et une autruche sont les survivants de cette catastrophe qui a produit l’évacuation obligatoire de 200 000 personnes et l’exode volontaire de 500 000 autres. Cette zone irradiée, un territoire sans hommes, reste le seul refuge de ces animaux désorientés sans les humains, leurs maîtres. Ils erraient condamnés à mourir de faim et de soif ou par les mains des vétérinaires de la préfecture chargés de l’abattage. Si l’Homme n’a pas su rester humble devant les technologies qu’il imaginait maîtriser, il est profondément injuste que ces vies animales innocentes – des vies dont il était responsable –, connaissent une fin atroce et douloureuse. C’est pourquoi nous avons décidé d’aider un homme qui depuis trois ans les protège.
Agriculteur, Naoto Matsumura a refusé l’évacuation et vit toujours dans sa ferme à Tomioka en partageant le sort des animaux : solitude et radiations au cœur de ce désert humain au silence accablant. Au péril de sa vie – il est gravement irradié – Naoto Matsumura nourrit et soigne les rescapés de ce drame sans fin. « Toutes les vies sont égales » aime-t-il à dire.
Chaque jour, il nourrit avec affection ces animaux abandonnés et promis à une mort certaine.
Naoto Matsumura, en choisissant le respect de la vie, de toutes les vies, y compris les plus humbles, accomplit un geste de résistance infime mais pourtant de résonnance planétaire : « Être ici est ma façon de combattre » dit-il. C’est sa manière de lutter face à une technologie qui détruit l’humanité dans ses gènes et au cœur. Pour ce combat en solitaire, il a été surnommé « le dernier homme de Fukushima ».
Ne nous méprenons pas, le message du « dernier homme de Fukushima » est un message d’amour pour les animaux mais surtout un message pour notre humanité en danger : seul le respect de toutes les formes de vie qui pourra donner un sens à cette absurde tragédie qui sème la mort et produit le vide autour d’elle. Seule la compassion fera renaître l’espoir, celle d’un renouveau sur notre planète.
En perpétuant le lien avec le vivant sur cette terre meurtrie et abandonnée, Naoto Matsumura nous montre la voie de la dignité. Par l’exemple de Naoto Matsumura, si symbolique, nous pouvons nous reconnecter avec la nature et la vie ; redonner aussi un sens à notre vie où le lien fragilisé avec la nature doit être recréé.
Sans appartenance politique ou religieuse, nous souhaitons tout simplement, ici, créer une étincelle pour un monde plus humain, cette étincelle d’espérance que Naoto a su faire naître dans les pires conditions qui soient, pour que s’exprime notre compassion pour cette terre vivante dont nous sommes, tous, responsables.
Pour continuer son combat de compassion envers les animaux, Naoto Matsumura a besoin de notre aide. Vous pouvez l'aider via notre site Web.
*En japonais, « Kizuna » signifie « lien » : il est le lien sacré qui unit l’homme à la terre, la mère à son enfant, l’époux à sa femme. C‘est un lien profond, de respect, de bienveillance et de protection. »
Naoto Matsumura a lancé un SOS sur sa page Facebook, il estime que, sans aide extérieure, il ne pourra pas continuer son action après le printemps... 4 ans après la triple catastrophe nucléair...
Au moment où Tepco s’apprête à faire de grosses dépenses de communication pour annoncer la fin du transfert du combustible de la piscine de l’unité 4, nous continuons à recevoir des nouvelles du Japon par HORI Yasuo dont les 3 derniers rapports sont riches d’enseignements : Tepco, qui a du mal à dévier l’eau de la nappe phréatique, ne réussit pas plus à geler l’eau des conduits souterrains, le système ALPS sensé décontaminer l’eau pompée tombe régulièrement en panne, on ne sait pas encore comment on va démanteler les 3 réacteurs dont les cœurs ont fondu, on recommence à commercialiser du riz issu de territoires contaminés, la route nationale n°6 a été rouverte malgré sa forte contamination, les Japonais s’opposent toujours à la réouverture des réacteurs nucléaires et les territoires décontaminés par le passé sont à nouveau radioactifs. Tepco, qui ne se reconnaît toujours pas responsable de la catastrophe et qui s’arrange pour diminuer les dédommagements aux victimes, va donc bientôt communiquer sur autre chose…
traduits de l'espéranto par Ginette MARTIN et Paul SIGNORET
Sommaire
- Comment pourra-t-on diminuer la quantité d'eau contaminée? - Retirer les barres de combustible nucléaire des réacteurs - Message du maire de Hirono - Récolte de riz dans la ville de Tomioka
- La route nationale n° 6 dans la préfecture de Fukushima a été ouverte
- Deux compagnies d'électricité ont commencé à discuter du démantèlement de leurs réacteurs
- 61% des gens s'opposent à la remise en service des réacteurs - Un procès public d'assises sur l'accident nucléaire a eu lieu dans ma ville
- Ce qu'endure la réfugiée, madame E.
- Radioactivité autour du mont Shinobu, dans la ville de Fukushima
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Rapport du 16 octobre 2014
Traduction : Ginette Martin
Nouvelles à propos de Fukushima et de la situation nucléaire
L'accident de la Centrale nucléaire de Fukushima n° 1 est déjà devenu pour beaucoup de gens une chose du passé, mais à présent les problèmes n'ont pas encore été résolus et ils font planer des menaces sur notre vie. Aujourd'hui, je vais parler de la situation concernant les problèmes nucléaires au Japon.
Comment pourra-t-on diminuer la quantité d'eau contaminée?
Lorsque le Japon a invité les Jeux Olympiques de 2020, le Premier ministre a déclaré au monde entier que l'eau contaminée était sous contrôle et ne causerait pas de problème aux participants, mais les faits sont tout à fait différents. Il a invité les Jeux Olympiques au Japon avec des mensonges.
La centrale nucléaire n°1 se trouve au-dessus de flux d'eau souterraine, et chaque jour 400 tonnes d'eau pénètrent sous les réacteurs endommagés et se contaminent. Si on ne fait rien de cette eau, elle finira sa course dans la mer, donc elle polluera l'ensemble des mers dans le monde. Pour éviter cela, TEPCO puise cette eau et la met dans d'énormes bassins sur le sol de la centrale. La manière de réduire cette quantité d'eau qui entre est donc cruciale. TEPCO tente de le faire par trois moyens.
1) retirer l'eau avant qu'elle n'arrive à la centrale
TEPCO a commencé à puiser cette eau en mai dernier, avec l'intention d'en réduire la quantité à 100 tonnes, mais le résultat n'est pas encore évident. Depuis août, TEPCO a rendue publique la mise en œuvre d'un autre moyen : retirer l'eau à partir des ponts proches des réacteurs et la rejeter dans la mer après en avoir retiré les substances radioactives, mais les pêcheurs de la préfecture de Fukushima s'y opposent fermement, parce qu'ils ne croient pas TEPCO et ils craignent que cela n'accroisse leur mauvaise réputation ou bien n'augmente le discrédit à propos des poissons qu'ils pêchent.
2) Construire un mur de terre gelée autour des réacteurs détériorés On prévoit de construire un mur de terre gelée de 1,5 km de long et 30 mètres de profondeur. Pour le construire, on a commencé d'abord par geler les jonctions des bâtiments des réacteurs avec les tunnels souterrains pour retirer l'eau polluée des tunnels, mais pour l'instant on n'a pas réussi. Beaucoup de gens doutent maintenant que l'on réussisse à construire un si grand mur de terre.
3) Retirer les substances radioactives par le procédé ALPS
ALPS est une machine qui peut extraire de l'eau 62 sortes de substances radioactives, sauf le tritium. On prévoit de mettre pleinement en service trois ALPS, et, d'ici à la fin de mars prochain, de dépolluer 400 000 tonnes d'eau contaminée sur les 470 000 tonnes conservées sur le terrain, mais des dysfonctionnements successifs se produisent sur ces machines et on ne peut toujours pas les faire fonctionner à pleine puissance. En outre, même si on réussit, il restera du tritium dans l'eau "purifiée". On n'a pas encore décidé comment traiter cette eau. TEPCO et le gouvernement, bien sûr, veulent la rejeter à la mer.
Retirer les barres de combustible nucléaire des réacteurs
Pour démanteler définitivement les réacteurs endommagés, on doit d'abord en retirer les barres de combustibles. On a commencé à retirer de leur bassin celles du réacteur No 4 en novembre 2013 et, à ce jour, 80 % d'entre elles ont été enlevées.
Dans les réacteurs n° 1, 2 et 3, les combustibles nucléaires ayant fondu sont tombés vers le bas et on ne sait même pas dans quel état est l'intérieur de ces réacteurs parce que le rayonnement est si fort que les gens ne peuvent pas s'en approcher.
Message du maire de Hirono
La ville de Hirono est située juste au sud de la Centrale nucléaire de Fukushima. Mais déjà depuis quatre ans, on a permis aux habitants de retourner chez eux en raison d'une radioactivité faible. Cependant, de nombreux habitants ne veulent pas revenir, par crainte de la radioactivité et à cause de mauvaises conditions de logement. A l'occasion du 4e anniversaire de la permission de revenir, le maire Endō a fait un discours en citant les paroles de Yoshida Shōin (penseur, 1830 - 1859):
"Nous voulons aller de l'avant pour restaurer notre ville, en gardant toujours un rêve, comme l'a écrit Yoshida Shōin :
Ceux qui n'ont pas de rêve n'ont pas d'idéal,
Ceux qui n'ont pas d'idéal n'ont pas de plan,
Ceux qui n'ont pas de plan n'ont pas d'action,
Ceux qui n'ont pas d'action n'ont pas de réussite,
c'est pourquoi ceux qui n'ont pas de rêve ne peuvent pas réussir."
(Le journal de Fukushima-Minpō, 3 Octobre 2014)
Cependant, la restauration sera très difficile. Maintenant 1679 personnes, un tiers des habitants, sont revenus et vivent dans la ville, mais ils ne sont pas les seuls, 3000 étrangers y logent également. Ils travaillent pour les centrales nucléaires. La ville a décidé de se faire attribuer un travail de réparation et de démantèlement des six réacteurs de la centrale nucléaire n°1. Dans cette situation, quel rêve pourront avoir les habitants ?
Récolte de riz dans la ville de Tomioka
La ville de Tomioka, où se trouve la centrale nucléaire n° 2 de Fukushima, est proche des réacteurs détruits, de sorte qu'on ne peut y loger. L'année dernière, dans certains champs on a essayé de cultiver du riz pour étudier l'influence de la radioactivité, et tout le riz récolté a été jeté. Cette année, pour la première fois après l'accident nucléaire, dans les champs du district de Shimo-Kōriyama, on a récolté du riz pour le vendre. Les cultivateurs, qui habitent dans la ville de Kōriyama loin de leur foyer, vont de temps en temps sur les champs. "L'agriculture est une industrie de base de la ville. Cette récolte est la première étape pour la restauration de la ville ", a déclaré M. Watanabe Yasuo. On essaie de produire du riz plus savoureux et moins coûteux pour l'année prochaine.
(Le journal de Fukushima-Minpō, 3 Octobre 2014)
La route nationale n° 6 dans la préfecture de Fukushima a été ouverte
Le 15 septembre 2014, la route nationale n° 6 entre les villes de Futaba et Tomioka (14 km) a été ouverte aux voitures. Cette partie avait été fermée après l'accident en raison de la radioactivité intense. La route nationale n° 6 est très importante, elle relie Tokyo à Sendai, donc nous nous félicitons de l'ouverture. Cependant les piétons, les cyclistes et les motocyclistes ne peuvent pas y accéder, car la radioactivité est forte. Le 24 septembre, l'un de mes amis est allé en voiture sur ce tronçon et il a détecté 19,51 microsieverts/h de radioactivité. Pour rappel, la limite maximale que le gouvernement a décrétée est de 0,23 microsieverts/h.
Deux compagnies d'électricité ont commencé à discuter du démantèlement de leurs réacteurs
Au Japon, il existe maintenant 18 vieux réacteurs, qui ont plus de 30 ans. Après l'accident nucléaire, les règles sur les centrales nucléaires sont devenues plus sévères, si bien que, pour prolonger la vie de ces réacteurs au-delà de 40 ans, on doit les adapter à ces nouvelles règles en dépensant beaucoup d'argent. A cause de cela, deux compagnies d'électricité, Kansai et Kjūshua, ont commencé à explorer la possibilité d'en arrêter quelques-uns. Par ailleurs, en déclarant qu'ils vont arrêter les vieux réacteurs, ils visent à mettre de leur côté les populations pour la remise en service des réacteurs récents.
61% des gens s'opposent à la remise en service des réacteurs
Les 27 et 28 septembre, la Société d'enquête a fait un sondage sur divers sujets, et a reçu une réponse de 1675 personnes sur 3000 interrogées. A propos de la remise en fonctionnement des réacteurs, les gens ont répondu ainsi :
Question: Le gouvernement a l'intention de remettre en service les réacteurs que l'Autorité de Sûreté Nucléaire aura constaté comme sûrs. Êtes-vous pour ou contre cette remise en service ?
Pour: 34,2% Contre: 60,5%
Autres: 5,3%
Hommes : pour : 44%, contre : 52%
Femmes: pour: 24%, contre : 69%
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Rapport du 24 octobre 2014
Traduction : Paul SIGNORET
Un procès public d'assises sur l'accident nucléaire a eu lieu dans ma ville
Dans ma ville, Maebashi, dans le département de Gunma, à 250 kilomètres de la centrale nucléaire de Fukushima, logent environ 1 500 réfugiés du département de Fukushima. Quatre-vingt-dix d'entre eux, appartenant à trente-deux familles, ont déposé plainte le 11 septembre 2013, en demandant à être indemnisés par TEPCO. De même, dans 21 départements et régions, 8276 personnes ont déposé plainte et se battent contre TEPCO et le gouvernement.
Aujourd'hui s'est tenue la cinquième séance de la cour d'assises du tribunal de Maebashi. Comme il s'agissait d'une séance de préparation aux séances ultérieures, la présidente du tribunal s'est entretenue avec les avocats des deux parties et, après trente minutes, la séance a été levée. Y avaient assisté environ vingt avocats défendant la cause des réfugiés, tant de mon département que d'autres départements où des plaintes avaient été déposées. Pour TEPCO et le gouvernement il n'y avait qu'un seul avocat, mais beaucoup de fonctionnaires appartenant aux ministères concernés étaient également venus (aux frais du contribuable !).
Ensuite nous – les plaignants et leurs soutiens – nous nous sommes réunis dans la salle de l'Association des avocats et avons écouté les explications concernant la séance d'assises qui venait d'avoir lieu et sa signification.
L'argumentation comporte deux points principaux : premièrement, la compagnie TEPCO est-elle coupable de la survenue de l'accident ? TEPCO n'entend pas discuter de ce point et fait plaider qu'elle indemnise les dommages subis conformément à la Loi de compensation de pertes dues à des accidents nucléaires, et qu'il n'y a donc pas lieu d'argumenter sur sa culpabilité. Deuxièmement, ce tsunami était-il prévisible ? TEPCO plaide qu'il a été si extraordinairement grand, qu'elle ne pouvait pas en prévoir l'éventualité, et que par conséquent elle ne porte aucune culpabilité dans l'accident. Ainsi, TEPCO et le gouvernement visent à ne pas verser les indemnités ou à en amoindrir le montant.
Pour les plaignants, cette attitude de TEPCO est tout à fait inacceptable. Avant l'accident, à maintes reprises il lui a été demandé si les centrales nucléaires de Fukushima ne deviendraient pas dangereuses lorsque se produiraient de grands tsunamis, et au Parlement M. Yoshii Hidekatsu, membre du Parti Communiste Japonais, a interrogé Abe Shinzō – alors l'une des personnalités marquantes et actuel Premier ministre – sur ce danger, mais TEPCO et Abe n'ont jamais pris ces questions au sérieux, se contentant de répéter que TEPCO mettait en œuvre des contre-mesures parfaites et que jamais ne se produiraient de graves accidents.
Et même après l'accident, TEPCO et le gouvernement ne se conduisent pas correctement à l'égard des victimes. TEPCO indemnise, non en fonction de la situation et des exigences des victimes, mais selon ses propres règles égoïstes, et souvent elle refuse de payer. Elle veut même remettre en fonction les réacteurs dans le département de Niigata, bien qu'elle ne réussisse pas à maîtriser les quatre réacteurs accidentés de Fukushima. Le gouvernement, lui aussi, tente de faire taire les victimes en les payant et a l'intention de remettre en route la centrale située dans l'île méridionale de Kyushu.
Au cours de la réunion qui a suivi la séance d'assises, des gens ont exprimé leurs opinions. Certaines m'ont particulièrement frappé :
1. Les gens qui sont partis, fuyant une radioactivité supérieure à 0,23 microsievert* / heure, ont le droit d'exiger une indemnisation.
* Selon la loi, un lieu pollué à plus de 0,23 microsieverts / heure doit être dépollué. Cela siginifie, que la loi précise bien que personne ne peut loger dans un tel lieu.
2. Du début jusqu'à la fin d'un processus de pollution du milieu, le plus important est de ne pas oublier les souffrances des victimes.
3. À Fukushima, ce qui pèse le moins c'est la vie humaine et les indemnités.
Ce qui motive les plaignants n'est pas l'argent. À preuve, leurs slogans :
Rendez nous notre cher foyer
et notre existence paisible !
Ne privez pas les enfants d'avenir !
Que TEPCO et le gouvernement reconnaissent leurs fautes !
Ce qu'endure la réfugiée, madame E. ?
Dans le dossier de l'accusation figure le témoignage de l'une des victimes. En voici la traduction :
"Je vivais avec mon mari et mes deux fils dans la ville de Nahara, proche de la centrale nucléaire n° 1 de Fukushima. Après le séisme du 11 mars 2011, nous nous sommes réfugiés chez mes parents, dans la même ville. Au matin du 13 mars est venu l'ordre donné à tout le monde de partir pour la ville voisine, et nous avons fui en hâte. Nous savions qu'il y avait eu un accident nucléaire, mais nous ignorions quel était le danger de la situation, et donc nous avons tous été exposés à une forte irradiation nucléaire. Je redoute que les suites n'en apparaissent plus tard.
J'ai été, à l'époque, très inquiète pour la santé de mes enfants et je me suis réfugiée dans la ville de Fukushima, distante de soixante kilomètres. Ensuite, sur le conseil de mon frère qui habite dans la ville de Tabasaki dans le département de Gunma, nous avons fui vers cette ville, où, après quelques séjours transitoires dans des refuges, nous avons trouvé un appartement dans lequel, depuis, nous logeons.
En 2005, ma famille, après avoir épargné longtemps, avait acheté dans la ville de Naraha une maison où tous ses membres vivaient tranquilles en compagnie d'un chien. Quand je suis revenue chez moi, après l'accident, la maison sentait très mauvais et partout grouillait de la vermine. Le jardin était couvert de mauvaises herbes. J'ai pleuré et j'étais désespérée.
Avant, nous étions fiers de travailler et nos ressources étaient suffisantes. Mes parents m'aidaient à élever mes enfants. Depuis que nous avons emménagé dans la ville de Takasaki, mes enfants sont psychiquement très instables, et comme mes parents sont loin, j'ai renoncé à travailler hors de chez moi. La firme de mon mari, dans le département de Fukushima, a fermé. Il a retrouvé un emploi, mais son salaire a été divisé par trois.
À cause de l'accident, j'ai dû vivre loin de mes parents, et mes enfants ont perdu leurs amis. J'ai dû abandonner mon chien qui faisait partie de la famille. J'éprouve à ce sujet un sentiment de culpabilité.
Nous sommes tristes d'être coupés de nos parents et amis, nous regrettons la maison et le travail perdus, nous sommes inquiets et perdons quasiment la tête face à notre avenir nébuleux, et outre ces soucis, nous devons craindre le risque que la radioactivité ne ruine notre santé. Mon mari et moi, nous sommes dans un tel état d'esprit que nous n'arrivons plus à bien dormir. Avant j'étais en bonne santé, mais à présent je sens le désordre dans mon corps.
Avant l'accident, je vivais tranquillement chez moi, j'avais plaisir à voir mes enfants pousser dru. Cette vie-là, nous l'avons perdue. Nous avons été précipités en enfer. Nous n'avons plus aucun avenir, aucun espoir. Nous avons été réduits à l'état de loques, physiquement et moralement. Que TEPCO et le gouvernement regardent donc quelle est notre quotidien et qu'ils sachent dans quelles conditions vivent les victimes ! L'accident nucléaire a blessé notre dignité d'hommes. Qu'ils assument donc pleinement leurs responsabilités !"
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Rapport du 10 novembre 2014
Traduction : Paul SIGNORET
Radioactivité autour du mont Shinobu, dans la ville de Fukushima
Les 2 et 3 novembre a eu lieu le Congrès Tōhoku, dans la ville de Morioka, du département de Iwate. Cette ville est distante de six cents kilomètres de chez moi, j'ai donc jugé que revenir tout de suite était une perte d'argent, et j'ai décidé de m'arrêter en route à Fukushima pour mesurer la radioactivité autour du mont Shinobu.
J'avais visité celui-ci cette année, en juillet. J'avais alors trouvé un endroit, où l'intensité radioactive dépassait 10 microsieverts/h. Je n'avais pas pu la mesurer de façon précise en raison des possibilités limitées de mon dosimètre. J'avais entendu dire que le mont était si pollué que les gens ne voulaient plus s'y promener. Je voulais savoir ce qu'il en était.
J'ai emprunté un vélo près de la gare de Fukushima. L'intensité radioactive y était de 0,24 à 0,27 microsieverts/h. Selon la norme étatique, les lieux pollués à plus de 0,23 microsieverts/h doivent être dépollués. Cet endroit-ci l'avait été longtemps auparavant, mais des produits radioactifs venus d'ailleurs, par voie aérienne, lui avaient à nouveau fait dépasser la norme.
J'ai roulé dix minutes et je suis arrivé au musée d'art départemental. Dans le jardin se trouvait un dosimètre qui indiquait 0,162, mais le mien montrait 0,23.
Entre le Musée et le mont Shinobu se trouve une rigole dans laquelle beaucoup de feuilles mortes étaient tombées. J'ai commencé à mesurer à cet endroit-là, mais le chiffre restait stable. Je me suis un peu déplacé vers le haut, j'ai remesuré et là, le chiffre augmentait de plus en plus, et le dosimètre a fini par indiquer 12,1 microsieverts/h. L'irradiation était là égale à cinquante-deux fois la norme ! C'était la première fois que ma main gauche était exposée à une aussi forte radioactivité.
J'ai continué à rouler jusqu'à un endroit où s'élevaient plusieurs maisons. Quelques hommes travaillaient dans les jardins, raclant de la terre qu'ils mettaient dans des caisses blanches (voir photo ci-contre). Ils en avaient déjà rempli plus de cinquante. Ensuite ils ont répandu de la terre non polluée. Où donc mettraient-ils la terre polluée ?
De nouveau, j'ai repris la route qui fait le tour du mont. J'ai rencontré quelques promeneurs. En deux endroits, j'ai pris la mesure de la radioactivité : dans le premier la radiation était de 0,37 microsieverts/h et dans le deuxième, de 1,11. Pendant le trajet à vélo, mon dosimètre continuait à fonctionner et il indiquait à peu près 0,34 microsieverts/h. Cela signifie que le mont lui-même est pollué, voilà pourquoi tant de radioactivité flotte encore dans l'air après qu'on a décontaminé la terre, et quand on se promène, on la respire. Les gens vivent ici dans cet air radioactif.
Il y avait un cimetière dans lequel la radiation était de 1,25 microsieverts/h et sur le belvédère d'où je pouvais voir le centre de la ville, il y avait 0,34 microsieverts/h. À cet endroit se trouvait un panneau avec les avertissements suivants :
1. N'utilisez le parc que pendant une heure par jour au maximum
2. Ensuite, lavez-vous les mains et le visage et rincez-vous.
3. Ne prenez pas de sable dans vos mains.
Il s'agit là d'un ensemble de conseils adressés aux jeunes mères, qui font jouer leurs enfants dans le parc. Avec ce panneau aucune mère ne veut plus y conduire ses enfants.
Au sommet du mont se trouve un beau temple Yakuō-ji. L'intensité de radiation y est de 0,42 microsieverts/h et dans le belvédère situé derrière le temple, elle est de 0,49 microsieverts/h. Le bonze vit dans ce lieu contaminé.
J'ai poursuivi mon trajet à vélo jusqu'à la partie nord de la base du mont, où sont de nombreuses maisons. Devant un petit appartement un dosimètre marquait 0,266, et à côté du petit hall public du département de Seibu un autre indiquait 0,249. Tous ces chiffres dépassaient le maximum de la norme, soit 0,23.
Non loin de la gare de Fukushima, il y a un bureau nommé : “Espace informatif concernant la dépollution”, ouvert par le département de Fukushima. Sur le mur un tableau montrait la progres-sion des travaux dans les villes concernées :
Programme de dépollution de Fukushima :
Installations publiques :
- Planifié: 1 502 Effectué: 1 322 Pourcentage: 88%
Constructions privées :
- Planifié: 65 127 Effectué: 42 572 Pourcentage: 65%
Pourcentages de dépollution dans d'autres villes:
Date : 88% Nihonmatsu : 65% Motomiya : 31%
Ces pourcentages montrent que de très nombreuses personnes vivent encore dans des endroits pollués. Même après qu'on a dépollué des lieux, par la suite ceux-ci souvent subissent de nouvelles pollutions. Les habitants ne peuvent donc pas y vivre tranquilles. La plupart des informations, relatives à la radioactivité et à la dépollution, fournies par « l'Espace » sont très optimistes. Nous, qui sommes profanes, ne pouvons pas réfuter ces données fournies par des chercheurs et des scientifiques “employés de l'État”, mais le gouvernement a pour habitude de tromper les gens, c'est pourquoi je ne puis ajouter foi facilement à ces informations.
Hier je m'étais arrêté d'écrire ici. Aujourd'hui je m'aperçois que j'ai une stomatite (deux aphtes dans la bouche). Avant de pratiquer la hietori-thérapie (élimination du froid corporel par bains à mi-corps et port de cinq paires de chaussettes), je souffrais de stomatites fréquemment, mais après, rarement. Je soupçonne que ces aphtes sont dûs à l'exposition aux radiations que j'ai subie il y a une semaine.
D'après ce que j'ai pu lire, la radioactivité lèse les muqueuses, c'est pourquoi souvent une stomatite apparaît dans la bouche. Nul ne peut affirmer que la mienne a bien été causée par irradiation. Je suis âgé, je ne redoute donc pas beaucoup la radioactivité, mais si des enfants souffrent de stomatite après un accident nucléaire leur mère n'est pas tranquille. Et pourtant, un chercheur « employé de l'État » a fait cette recommandation : « L'inquiétude liée à la radioactivité est plus nocive que la radioactivité elle-même. Si vous vivez en riant, votre immunité s'en trouvera renforcée et la radioactivité se tiendra à distance de vous.» Je vais donc cesser de m'inquiéter, mais je voudrais bien savoir comment on peut rire, quand pleuvent des matières radioactives.
Le 29 novembre 2014, se tiendra à Genève un « forum scientifique et citoyen sur les effets génétiques des rayonnements ionisants » où interviendront six experts de renommée internationale (Japon, USA, Finlande, Angleterre, Allemagne). Un exposé sera fait en particulier par Chiyo Nohara sur les impacts biologiques de l’accident nucléaire de Fukushima sur le papillon bleu pâle des herbes. Cette étude récente confirme que les conséquences génétiques des faibles doses subies par les organismes vivants apparaissent comme une menace majeure pour les générations futures.
Voici le communiqué de presse du collectif organisateur du forum, IndependentWHO, ainsi que le programme détaillé de la journée.
« Le collectif IndependentWHO - Santé et nucléaire (IWHO) organise un Forum Scientifique et Citoyen sur les Effets Génétiques des Rayonnements Ionisants au Centre œcuménique, 120 route de Ferney, Genève (Suisse) le samedi 29 Novembre 2014.
Le Forum réunit des experts de l'Allemagne, du Japon, de l'Ukraine, du Royaume-Uni et des États-Unis d'Amérique pour discuter des effets des rayonnements sur des générations d'êtres humains, de plantes et d’animaux touchés par toutes les sources de pollution radioactive. Celles-ci comprennent le fonctionnement de routine des centrales nucléaires, des accidents majeurs tels que ceux de Tchernobyl et de Fukushima, les essais nucléaires atmosphériques, au sol et souterrains et l'utilisation d'uranium appauvri dans les armes.
Les intervenants sont la Dr Inge Schmitz-Feuerhake, professeure retraitée de physique expérimentale à l'Université de Brême (Allemagne); le Dr Yuri Dubrova, professeur de génétique à l'Université de Leicester (Royaume-Uni); le Dr Wladimir Wertelecki, président du Conseil des programmes de développement de l'enfant d’OMNI-NET (Ukraine) et ancien président du Département de génétique médicale et de malformations congénitales, de l'Université de South Alabama (USA); le Dr Keith Baverstock, enseignant à la Faculté des sciences naturelles et de l'environnement de l'Université de Kuopio, en Finlande; le Dr Timothy Mousseau, professeur au Département des sciences biologiques de l'Université de Caroline du Sud (Etats-Unis); Mme Chiyo Nohara, membre de l'équipe de l'Unité de BCPH de physiologie moléculaire du Département de chimie, biologie et sciences de la mer de la Faculté des sciences de l'Université des Ryukus à Okinawa (Japon). Le forum sera modéré par Ruth Stégassy, animatrice de l’émission «Terre à Terre» sur France Culture. (Pour le programme détaillé voir www.independentwho.org )
L'Organisation mondiale de la Santé a déclaré en 1957 que « tout rayonnement artificiel doit être considéré comme nocif pour l'homme du point de vue génétique » et que « le bien-être des descendants de la génération actuelle est menacé par l'évolution de l'utilisation de l'énergie nucléaire et des sources de rayonnements ». Aucune preuve scientifique n’est apparue depuis pour contredire cette position. Au contraire, des études ultérieures indiquent que les dangers ont été sous-estimés. Un demi-siècle plus tard, la terre baigne dans la contamination radioactive. Les activités nucléaires, industrielles et militaires, ont endommagé le système de support de vie de l'humanité et de toutes les autres formes de vie pour des dizaines de milliers d'années et, irrévocablement, leur patrimoine génétique. Pendant ce temps, et malgré les termes vigoureux de la mise en garde précoce par rapport aux effets génétiques, l'OMS a abdiqué ses responsabilités dans tous les aspects de la radioprotection. Elle est subordonnée à l’establishment nucléaire tout comme les autorités sanitaires nationales de ses États membres. Pour combler cette lacune, des scientifiques indépendants et les citoyens concernés doivent unir leurs forces pour examiner les preuves, augmenter les connaissances du public et prendre des mesures pour arrêter d'autres dommages et assurer la protection future de notre précieux patrimoine génétique.
Le Forum portera sur : les effets génétiques immédiats et différés des rayonnements ionisants; les résultats d'études passées et présentes, les conséquences biologiques sur les individus, les populations et les écosystèmes ; les malformations congénitales chez les nourrissons en Ukraine; des preuves récentes des effets génétiques sur les papillons de Fukushima; et le rôle et les conséquences de l'instabilité génomique induite par les facteurs de stress environnementaux. A travers des discussions avec les orateurs, l'accent sera mis sur les connaissances de base du public sur les dommages génétiques à long terme résultant de la radiocontamination répandue à grande échelle, ainsi que sur les mesures que les scientifiques et les citoyens peuvent prendre ensemble en vue de prises de décision responsables et démocratiques dans ce domaine crucial de la santé publique. »
Société Allemande de Radioprotection, Membre (retraitée), Université de Brême, Allemagne
Effets génétiques, immédiats et tardifs, des rayonnements ionisants par irradiation et par contamination
9h55
Dr Yuri Dubrova,
Département de Génétique, Université de Leicester, Royaume-Uni
Résumé des études précédentes et actuelles sur les effets génétiques des rayonnements ionisants : comprenant un survol des récentes avancées technologiques dans ce domaine, et des effets transgénérationnels de l’exposition des parents aux mutagènes
10h40 Pause café/thé
11h
Dr Wladimir Wertelecki,
Anciennement du Département de Génétique Médicale et Anomalies Congénitales, Université d’Alabama, USA
Niveaux anormaux de rayonnements ionisants incorporés chez les femmes enceintes ; taux élevés de malformations congénitales chez les enfants de moins d'un an
11h45
Dr Keith Baverstock,
Département des Sciences Environnementales, Université de la Finlande orientale, Finlande
Rôle et conséquences potentielles de l’instabilité génomique induite par des facteurs de stress environnementaux
12h30 Repas
Samedi 29 novembre 2014
Après-midi
14h
Dr Timothy Mousseau,
Professeur des Sciences Biologiques, Université de Caroline du Sud, USA
Conséquences biologiques des rayonnements dans l’environnement pour les individus, les populations et les écosystèmes : leçons de Tchernobyl et Fukushima
14h45
Chiyo Nohara,
Université d’Okinawa, Japon
Impacts biologiques de l’accident nucléaire de Fukushima sur le papillon bleu pâle des herbes
15h30 Pause café/thé
16h
Échange entre les intervenants et le public
17h50
Conclusion
Ruth Stégassy, productrice de l'émission "Terre à terre" sur France Culture, animera ce forum.
L’organisation “Human Rights Now” et 40 organisations de la société civile issues du Japon et de 7 autres pays viennent de publier une déclaration demandant la révision du rapport du Comité Scientifique des Nations Unies sur Fukushima. Ce texte démontre que personne n’est dupe – même au sein de l’UNSCEAR(*)– et confirme une critique internationale à l’encontre du déni général sur les conséquences sanitaires de la catastrophe nucléaire orchestré par les grandes organisations onusiennes. Le blog de Fukushima s’était déjà indigné des conclusions de l’UNSCEAR à l’occasion de la communication du pré-rapport sur Fukushima en juin 2013. Voici à présent la traduction française de cette déclaration adressée à l’ONU en langue anglaise.
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La société civile japonaise et celle de 7 autres pays
demandent la révision des rapports
du Comité Scientifique des Nations Unies sur Fukushima
Les groupes de la société civile demandent la révision du récent rapport de l’UNSCEAR (Comité scientifique de l'ONU sur les conséquences des émissions radioactives *) intitulé : “Le niveau et les effets de l’exposition à des émissions radioactives due à l’accident nucléaire suite au Grand Tremblement de Terre à l’Est du Japon et au tsunami.“
L’organisation “Human Rights Now”, accompagnée de 40 organisations de la société civile issues du Japon, des USA, de Tunisie, d’Azerbaïdjan, des Pays-Bas, d’Allemagne, de France et d’Irlande ont publié une déclaration demandant que l’UNSCEAR et la Quatrième Commission de l’Assemblée Générale révisent le rapport et ses conclusions du point de vue de la perspective des droits de l’homme. Veuillez trouver la déclaration complète ci-dessous.
A l’attention des Membres de la Quatrième Commission de la 69ème Session de l’Assemblée Générale des Nations Unies,
des Membres de l’ UNSCEAR,
et des Membres de l’Assemblée Générale des Nations Unies :
Les groupes de la société civile demandent la révision du récent rapport de l’UNSCEAR (Comité scientifique de l'ONU sur les conséquences des émissions radioactives*) intitulé : “Le niveaux et les effets de l’exposition à des émissions radioactives due à l’accident nucléaire suite au Grand Tremblement de Terre à l’Est du Japon et au tsunami.“
La catastrophe de Fukushima en 2011 a transformé la surveillance par les Nations Unies des effets indésirables de la radioactivité en une question de la plus haute importance mondiale. Les buts et les critères de cette surveillance devraient être la protection et la promotion des droits humains à la santé et au bien-être, qui comprennent un environnement aussi exempt que possible d’exposition aux émissions radioactives d’origine humaine. Nous, soussignés, demandons instamment à la 4ème Commission d’examiner de manière critique à la fois les conclusions scientifiques du rapport de l’UNSCEAR, et les preuves scientifiques qui ont été omises de ce rapport.
Les médecins de 19 sections nationales affiliées à l’IPPNW (L'Association internationale des médecins pour la prévention de la guerre nucléaire **), dont « Physicians for Social Responsibility » (USA) et IPPNW Allemagne ont écrit, diffusé, et publié une « Critique du rapport de l’UNSCEAR »*** qui met en question les présomptions et les données utilisées par l’UNSCEAR, et les interprétations et les conclusions qui en découlent.
Nous apprécions les efforts significatifs produits par les membres du comité de l’UNSCEAR pour évaluer les données vastes et complexes concernant la catastrophe nucléaire de Fukushima. Cependant, leur conclusion comme quoi il n’y a « pas d’effet discernable », maintenant ou dans le futur, est un défi au sens commun et sape la crédibilité de l’UNSCEAR. La « Critique » fait remarquer que sur base du rapport de l’UNSCEAR lui-même, nous pouvons nous attendre à l’apparition, au Japon, d’à peu près 1000 cas de cancer de la thyroïde supplémentaires, et aussi de 4300 à 16800 autres cas de cancer supplémentaires, à cause des retombées radioactives de Fukushima. Nous croyons qu’il s’agit là d’effets très discernables pour les individus, les familles et les communautés affectées par ces cancers, ainsi que pour tous ces individus qui vont être affectés par les autres formes de maladies induites par la radioactivité.
En outre, la conclusion de l’UNSCEAR, affirmant qu’il n’y a “aucun effet discernable” est en train d’induire en erreur le gouvernement Japonais, en le poussant à ne pas mettre en œuvre les contremesures permettant d’éviter la surexposition des individus, et à ne pas lancer une surveillance complète des effets sur la santé. De ce fait, cette conclusion cause de sérieuses violations des droits humains.
Cette catastrophe ne fut pas un événement singulier qui a abouti à une fin, mais c’est plutôt un événement en cours de développement dont le point final est inconnu. La fuite des éléments radioactifs dans la biosphère se poursuit et les individus continuent d’être exposés aux émissions radioactives parce qu’ils vivent dans des zones contaminées, consomment de la nourriture et de l’eau contaminées, et inhalent de l’air contaminé. En plus, la plupart des effets de Fukushima sur la santé vont prendre des dizaines d’années, voire des générations pour s’exprimer. En conséquence, le rapport actuel de l’UNSCEAR devrait être considéré comme un préliminaire ou comme une estimation initiale des effets de Fukushima sur la santé. Dans l’avenir, il faudra encore pendant une longue période exercer une surveillance permanente et améliorée, ainsi qu’une mise à jour continuelle de cette estimation. Le rapport 2014 de l’UNSCEAR est un commencement, pas une fin.
Nous demandons que la Quatrième Commission agisse de deux manières à propos du rapport de l’UNSCEAR :
1) Renvoyer le rapport à l’UNSCEAR pour qu’il soit révisé sur base de la « Critique », en prenant en considération les points soulevés dans la « Critique », et que l’UNSCEAR élargisse la composition du comité afin d’inclure en tant que membres à part entière des scientifiques qui sont critiques vis à vis des activités nucléaires.
2) Nous demandons aussi que la Quatrième Commission demande instamment à l’Assemblée Générale de passer une nouvelle résolution recadrant le mandat fondateur de l’UNSCEAR de manière à assurer que la mission première de l’UNSCEAR soit de promouvoir et de protéger la santé publique et le droit à la santé des individus les plus vulnérables. Le Principe de Précaution devrait être employé quand il s’agit de déterminer les régulations concernant l’exposition, le nettoyage et la décontamination, ainsi que la radioactivité après un désastre nucléaire. Ce Principe de Précaution devrait aussi être employé dans la détermination des mesures éducatives conçues pour minimiser et réduire les risques d’exposition individuelle et la surveillance à long terme des sites contaminés. Un nouveau mandat de l’ONU pour l’UNSCEAR est essentiel afin de permettre aux membres du Comité d’être en mesure d'utiliser pleinement leurs compétences dans le but de protéger la vie et la santé de la communauté mondiale.
Cette requête reçoit le soutien des organisations suivantes :
- Physicians for Social Responsibility, USA
- International Physicians for the Prevention of Nuclear War – Germany, Germany
- Human Rights Now, Tokyo, Japan
- Peace Boat – US, USA
- Niji to midori no kai, Japan
- Greens Fukushima, Japan
- Workers’ Executive Committee For Anti-nuclear Power Movements, Japan
- Kai Fukushima Downwind, Japan
- The Nature Conservation of Fukushima, Japan
- Friends of the Earth Japan, Japan
- Showa Shell Labour Union, Japan
- Chernobyl Health Survey and Health-care Support for the Victims – Japan Women’s Network, Japan
- Nuclear Disaster Information Center, Japan
- Japan International Volunteer Center, Japan
- Campaign for Nuclear-free Japan, Japan
- Fukushima Network for Denuclearization, Japan
- Hairo Action Fukushima, Japan
- Fukushima Women Against Nukes, Japan
- People in Fukushima-NPP 30km area, Japan
- Refugee Living with Fukushima in Niigata Prefecture, Japan
- Shinshu 3.11 Network, Japan
- National Network of Parents to Protect Children from Radiation, Japan
- The Civil Forum on Nuclear Radiation Damages (CFNRD), Japan
- Takagi School, Japan
- AEEFG – Association de l’Education Environnementale pour les Futures Générations, Tunisia
- NGO of “Ecolife”, Azerbaijan
- Women in Europe for a Common Future International, Netherlands
- Women in Europe for a Common Future, Germany
- Les Femmes d'Europe pour un Avenir Commun (WECF), France
- Irish Doctors’ Environmental Association (IDEA), Ireland
- Nuclear Information and Resource Service, USA
- Nuclear Age Peace Foundation, USA
- Nuclear Age Peace Foundation, New York, USA
- Nukewatch/The Progressive Foundation, USA
- Nuclear Watch New Mexico, USA
- Georgia WAND – Women’s Actions for New Directions, USA
- Physicians for Social Responsibility – Kansas City, USA
- Gray Panthers, USA
- Center for Safe Energy, USA
- Nuclear Energy Information Service, USA
[Les réponses à cette requête peuvent être envoyées à :
Physicians for Social Responsibility USA
Alfred Meyer, Board Member
alfred.c.meyer(a)gmail.com
+1-202-215-8208]
Suite à la disparition de l'article de la RTBF, et grâce au signalement d'un lecteur, voici la reprise de l'article disparu en français (site libre infos) et en anglais (site Fukushima Voice). Merci à Phil Ansois pour la récupération des données.
Les délégués belges indignés: "On minimise les conséquences de Fukushima"
De Tchernobyl à Fukushima, l'histoire se répète, sinistre, nauséabonde, criminelle. Les qualificatifs ne manquent pas pour définir la secte nucléaire.
Les Belges sont indignés ? Soit, mais pas sûr qu'ils soient bien placés avec leurs deux centrales pour sept réacteurs. Nous n'allons pas ouvrir des paris sur leurs comportements en cas de catastrophe. Partant du constat qu'un pays ayant fait ce choix énergétique ne va pas spontanément le désavouer suite à un accident nucléaire. Avec Tchernobyl et Fukushima, la démonstration est faite.
Il faut se rappeler sans cesse que la secte nucléocrate symbolise la politique du mensonge et du secret.
Gaulois.
Les discussions se poursuivent au sein de l’UNSCEAR, l’organisme des Nations-unies chargé d’évaluer les conséquences de catastrophes nucléaires et des radiations. Ce comité a préparé un rapport soumis à la discussion des experts de différents pays lors d’une réunion récente à Vienne. Un rapport qui a suscité l’indignation de la délégation belge: "Tout semble fait et rédigé, disent ses membres, pour minimiser les conséquences de la catastrophe de Fukushima. On revient même en arrière sur les enseignements de Tchernobyl et d’autres études".
La délégation belge comprend plusieurs experts du centre d’étude de l’énergie nucléaire de Mol et de plusieurs universités. Avec ceux de nombreux autres pays, ils ont participé à ces discussions qui se sont tenues à Vienne en mai. L’UNSCEAR doit présenter son rapport à l’assemblée générale des nations-unies, l’automne prochain.
De retour à Bruxelles, le chef de délégation, Hans Van Marcke a livré ses impressions très critiques sur les pré-conclusions de l’UNSCEAR, lors d’un exposé à l’ABR, l’Association belge de radioprotection. Des propos d’autant plus percutants qu’ils viennent du " milieu " et pas de Greenpeace ou d’opposants au nucléaire. Selon nos informations, les discussions ont été si tendues et les belges ont été tellement choqués qu’ils menacent de ne pas signer le rapport et que certains pensaient même quitter la conférence. Après leurs interventions, après aussi celles d’experts anglais, et de certains autres, leurs remarques pourraient être prises en compte dans un nouveau document remanié. Mais le passé a appris que dans ce genre d’enceintes, ce sont le secrétariat et les rapporteurs qui mènent l’agenda et donnent l’orientation finale aux textes, et que la plus grande vigilance est de mise pour voir si les versions finales reflètent bien les débats.
Quelles critiques ?
De façon générale, tout le monde est d’accord : le japon a eu de la chance. Une partie importante de la contamination est partie vers l’océan, la population a été évacuée relativement vite, et le contrôle de la contamination des aliments est satisfaisant. L’impact sera donc sans doute inférieur à celui de Tchernobyl.
Mais les retombées terrestres ne sont pas négligeables pour autant, ni donc les impacts sur la santé et sur l’avenir. Et ils concernent une zone avec des villes densément peuplées comme Fukushima ou Koriama (300 000 habitants) Et de nombreuses données du rapport de l’UNSCEAR sont lacunaires ou présentées d’une façon critiquable.
Les estimations des doses reçues par les populations sont diluées dans des moyennes peu pertinentes, tout comme d’ailleurs celles encaissées par les dizaines de milliers travailleurs sur le site de la centrale accidentée, dont les autorités japonaises et TEPCO refusent de communiquer le détail. Il est patent aussi que les tablettes d’iode n’ont pas été distribuées et que les examens à la thyroïde ont été réalisés en général trop tard, ce qui interdit pour le moment de dire que peu d’effets seront enregistrés dans l’avenir, comme l’affirme le rapport de l’UNSCEAR.
L’analyse de l’UNSCEAR exclut d’office, par à priori, tout risque potentiel pour les fœtus ou pour l’hérédité. Pour le risque de cancer, elle estime qu’il n’y pas trop à s’en faire puisque les doses de radioactivité seraient trop faibles pour générer un effet visible. De telles hypothèses ont fâché plusieurs experts dont les belges, car d’une part, comme mentionné plus haut, les doses sont mal présentées et d’autre part, les enseignements de Tchernobyl ainsi que de de nombreuses recherches ces dernières années montrent que les faibles doses peuvent avoir des effets. Or l’UNSCEAR tente visiblement de revenir en arrière sur ces évolutions de la science des radiations. A plusieurs reprises ces dernières années, et encore dans ces discussions-ci, une partie de ces représentants de différents pays veulent faire passer l’idée d’un seuil de 100 millisieverts , en dessous duquel aucun effet sur la santé ne serait à craindre. Pour rappel, les recommandations internationales de la CIPR parlent de 1 mSv par an pour les populations et de 20 mSv par an pour les travailleurs, à ne pas dépasser en situation courante, tout en tolérant des dépassements ponctuels mais non durables en cas de situation de catastrophe.
Les études récentes montrent que, dans plusieurs domaines, des doses plus faibles, situées entre 10 et 100 mSv peuvent avoir des effets. Il ne s’agit pas que de cancers, mais aussi des atteintes à l’embryon, des perturbations héréditaires, des maladies cardiovasculaires et des cataractes.
Tchernobyl - Fukushima, même déni ?
Plusieurs rapports sont sur la table, en voie d’achèvement. L’un concerne les enfants, un public à protéger et surveiller particulièrement dans le cas de radiations. Ce rapport a été pris en charge par une équipe américaine, dirigée par le professeur Fred Mettler. Il est un des auteurs du rapport du forum de Tchernobyl qui a été fort controversé, très critiqué parce qu’il minimise les effets de la catastrophe de Tchernobyl. Remet-il le couvert ? En tout cas dans son rapport sur les enfants, il écarte à priori toute une série de domaines, d’études et de découvertes qui montrent les effets divers de faibles doses sur les enfants. Il n’a même pas pris connaissance des rapports à ce sujet du groupe d’experts d’Euratom.
Une autre question très sérieuse est niée ou peu défrichée dans un rapport qui la concerne : la question de la pertinence des doses dans certains cas, par exemple dans la contamination interne d’un organisme. En effet il apparait de plus en plus que les effets peuvent être différents selon que des radionucléides se dispersent de façon égale dans tout l’organisme ou au contraire se concentrent en certains endroits. Une dose semblable n’aura donc pas les mêmes effets selon l’endroit où elle s’exerce. Ceci rejoint les hypothèses émises depuis des années par le savant biélorusse Iouri Bandajevski dans l’étude des nombreux effets de Tchernobyl.
Les effets héréditaires de contamination chroniques à faible doses sont difficiles à étudier chez l’homme puisqu’il faut plusieurs générations d’observations. Une façon de les aborder est d’observer ces effets chez les animaux. Plusieurs études ont montré qu’ils pouvaient y avoir des effets préoccupants (les études de Mousseau et Moller qui montrent la dégradation de la biodiversité à Tchernobyl, et celles de Goncharova par exemple). Or elles ne sont pas prises en compte non plus, pas plus que des études importantes de l’IRSN français, qui ont mis en évidence de nombreuses altérations de type cardiaques et neurologiques chez des rats, dans une recherche relative aux troubles cardiovasculaires chez les enfants de Tchernobyl
Les clivages…
D’où viennent les principales tentatives de minimiser les conséquences de Fukushima (et de Tchernobyl) et de revenir en arrière sur les acquis récents de ces diverses études en radioprotection ? D’un courant qui regroupe pour l’essentiel des experts russes, biélorusses, américains, polonais et argentins. Bon nombre d’entre eux sont des chevilles ouvrières à l’UNSCEAR ainsi qu’à l’AIEA et à la CIPR. L’un d’entre eux, l’argentin Abel Gonzales multiplie les casquettes (aussi dans l’industrie nucléaire argentine) à un point tel que lors d’une session précédente un expert belge a critiqué cette confusion d’intérêt dans un courrier que l’UNSCEAR a refusé de reprendre dans les procès-verbaux. Gonzales, Mettler et le russe Belanov (retraité de l’AIEA, rédacteur d’un des rapports de l’UNSCEAR), avec certains polonais, sont en ligne directe avec la tendance représentée par le professeur français Tubiana qui rejette fermement toute idée d’effet négatif des faibles doses. Ensemble ils ont constitué un pôle international très actif pour défendre cette thèse. Et ils occupent des places stratégiques au secrétariat de l’UNSCEAR et à l’AIEA (dans les locaux de laquelle se tiennent les réunions de l’UNSCEAR). Les japonais partagent aujourd’hui ce point de vue, soucieux de limiter l’impact de la catastrophe et de relancer les réacteurs nucléaires encore à l’arrêt.
Les représentants des autres puissances, tels les chinois ou les indiens ne disent rien, laissant passer les textes de l’UNSCEAR. Les experts français du CEA et de l’IRSN ne s’expriment guère, alors que pourtant par le passé ils ont déploré la rétention d’information par les japonais. Suédois et allemands sont silencieux aussi. Il est évidemment tentant de faire un parallèle entre les résultats de l’UNSCEAR et la géopolitique de l’énergie nucléaire, quoique dans chaque pays différentes tendances puissent se manifester parmi les experts, mais nous parlons ici des représentants officiels.
La fronde est donc venue des experts belges, soutenus par des anglais, et le président australien. Les experts européens qui participent aux réunions de l’Euratom sont aussi plus inquiets des effets des faibles doses que les " minimisateurs " de l’UNSCEAR.
Où est encore la discussion et le doute scientifique dans tout cela peut-on se demander? En tout cas ceux qui nient l’impact des faibles doses voudraient bien voir leur position inscrite dans le rapport de l’UNSCEAR et avalisée par l’ONU l’automne prochain. Pour les autres, dont les belges, ce serait une régression inacceptable sur les progrès récents des connaissances en radioprotection.
Marc MOLITOR
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Shocked UNSCEAR members in Belgium protest "It even goes back behind the lessons of Chernobyl and other studies."
English translation by Alex Rosen, M.D., Vice-chairman, German IPPNW
(posted here with his permission)
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Shocked UNSCEAR members in Belgium protest,
"It even goes back behind the lessons of Chernobyl and other studies."
Discussions continue in UNSCEAR, the organization of the United Nations responsible for assessing the consequences of nuclear disasters and radiation. The committee prepared a report submitted for discussion amongst experts from different countries at a recent meeting in Vienna - a report that has aroused the indignation of the Belgian delegation: "Everything seems to be written, its members say, to minimize the consequences of the Fukushima disaster. It even goes back behind the lessons of Chernobyl and other studies." The Belgian delegation includes several experts in the study of nuclear energy. UNSCEAR must submit its report to the General Assembly of the United Nations next fall.
Back in Brussels, the head of delegation, Hans Van Marcke delivered his critical impressions on UNSCEAR's conclusions in a presentation to the ABR, the Belgian Association for Radiation Protection. According to our information, the discussions were so tense and the Belgian were so shocked that they threaten not to sign the report and some thought even of leaving the conference. They were offered to include their objections and those of others, mainly English experts in a new, revised document. But the past has shown that it is the secretariat and the rapporteurs who lead the agenda and who give the text its final orientation, and that the greatest vigilance is needed to see to it that the final versions adequately reflects the discussions.
In general, everyone agrees: Japan has been lucky. An important part of the contamination has gone to the ocean, the population was evacuated fairly quickly, and control of food contamination is satisfactory. The impact will therefore probably be lower than in Chernobyl.
But the impacts on soils are not to be underestimated, nor are impacts on health in the future. And these effects involve an area with densely populated cities like Fukushima or Koriyama (300,000 people).
Much data of the UNSCEAR report is incomplete or presented in a questionable way. Estimates of doses received by populations are diluted by irrelevant mean values, as are those received by the tens of thousands workers on the site of the plant accident. The Japanese government and TEPCO refused to disclose details. It is also obvious that iodine tablets have not been distributed and thyroid exams were performed too late, which prevents some effects from being found.
The analysis of the UNSCEAR automatically excludes a priori any potential risk to the fetus or the genome. For cancer risk, it considers that there is not too much of a risk as the radiation doses are too low to generate a discernible effect. Such assumptions have led to the anger of experts from Belgium because, on the one hand, as mentioned above, the doses are poorly presented and secondly, the lessons of Chernobyl as well as extensive research in recent years show that low doses can affect health. UNSCEAR is obviously trying to backtrack on these developments in the science of radiation. On several occasions in recent years, and even in the current discussions, representatives of different countries want to convey the idea of a threshold of 100 millisieverts, below which no health effects are to be expected. As a reminder, international ICRP recommendations speak of 1 mSv per year for the population and 20 mSv per year for workers, not to be exceed in the current situation.
Recent studies show that, in several areas, lower doses between 10 and 100 mSv can have effects. It is not only cancer, but also damage to the embryo, hereditary disturbances, cardiovascular disease and cataracts.
Several reports are on the table nearing completion. One for children, a population to protect and monitor, especially in the case of radiation. This report was supported by an American team, led by Professor Fred Mettler. He is an author of the Chernobyl Forum report, which was highly controversial and criticized because it minimizes the effects of the Chernobyl disaster. In any case, in his report on children, he dismisses a priori a number of areas of study and findings that show the different effects of low doses on children. He did not even read the reports from the Euratom panel.
Another serious issue that is denied or misrepresented in the report concerns the question of the relevance of internal contamination of an organism. Indeed it appears increasingly that the effects may be different when radionuclides are dispersed evenly throughout the body, or when they rather are concentrated in certain areas. A similar dose will therefore not have the same effects depending on where it occurs. This is consistent with assumptions by the Belarusian scientist Yuri Bandajevski in the study of the many effects of Chernobyl.
Hereditary effects of chronic low-dose contamination are difficult to study in humans because it takes several generations of observation. One way to approach this is to observe these effects in animals. Several studies have shown that effects do occur (Mousseau and Moller studies show the loss of biodiversity in Chernobyl, for example, or the studies of Goncharova). But they are not taken into account either, nor are important studies of French IRSN, which showed many cardiac and neurological alterations in rats.
Where do the attempts to minimize the consequences of Fukushima (and Chernobyl) and to backtrack on the recent achievements of the various studies in radiation come from? Mostly from experts from Russia, Belarus, U.S. Poland and Argentina. Many of them are working for both UNSCEAR and the IAEA and ICRP. One of them, the Argentine Abel Gonzales has so many different hats on (also in the Argentine nuclear industry) that in a previous session, a Belgian expert criticized the conflict of interest in a letter that UNSCEAR has refused to represent in the minutes. Gonzales, Mettler and the Russian Balanov (retired IAEA member, editor of UNSCEAR reports), together with some Polish scientists, are in direct line with the trend represented by the French Professor Tubiana who firmly rejects any idea of negative effects of low dose radiation. Together they formed a vibrant international center to defend this thesis. And they occupy strategic places in the secretariat of the IAEA and UNSCEAR (UNSCEAR holds its meetings on the premises of the IAEA). The Japanese today share that view, anxious to limit the impact of the disaster and restart nuclear reactors.
Representatives of other countries such as China or India are silent. The French experts from CEA and IRSN expressed little objections, while in the past they deplored the information policy by the Japanese. Swedish and German are also silent. It is obviously tempting to draw a parallel between the results of UNSCEAR and the geopolitics of nuclear power, although in each country different trends can occur among experts.
The Belgian experts, supported by British and Australian members and some Euratom members attending the meeting, are more concerned about the effects of low dose radiation.
Where is the discussion and the scientific doubt in all this? In any case, those who deny the impact of low doses would love to see their position recorded in the UNSCEAR report and endorsed by the UN this fall. For others, including Belgium, it would be an unacceptable regression on recent advances in knowledge in radiation protection.
La diffusion du témoignage de l’ancien directeur de la centrale de Fukushima Daiichi, aujourd’hui décédé, est primordiale car il montre l’impuissance des hommes – fussent-ils ingénieurs, politiques ou présidents – face au feu nucléaire déchaîné. Les 28 heures d’auditions de cet homme-clé, effectuées par la commission d’enquête indépendante sur l’accident nucléaire de Fukushima Daiichi, ont été transcrites sur plus de 400 pages qui représentent une source historique inestimable. Bien évidemment, il nous est impossible de restituer ce document dans sa totalité, mais grâce à Hori Yasuo, Ginette Martin et Paul Signoret, nous avons la chance de pouvoir bénéficier de larges extraits en langue française, ce qui nous permet d’appréhender la manière dont ont été gérés les premiers jours de la crise nucléaire nipponne.
traduit de l'espéranto par Ginette Martin et Paul SIGNORET
Auditions de Yoshida Masao*,
directeur de la centrale nucléaire n°1 de Fukushima
Après l'accident nucléaire de Fukushima en mars 2011, la commission d’enquête gouvernementale sur l'accident a interrogé 772 personnes, dont des ministres, des responsables gouvernementaux, des dirigeants de TEPCO et des employés de la centrale nucléaire, etc., leur demandant comment ils avaient agi pendant et ce qu'ils avaient fait après l'accident [cf. Rapport officiel de la commission d’enquête indépendante sur l’accident nucléaire de Fukushima, N.D.E.]. Initialement, le gouvernement avait l'intention de ne pas publier l'ensemble des procès-verbaux, mais par la suite des parties ont été divulguées dans quelques journaux, si bien que le gouvernement a décidé de publier la totalité.
Je pense que, parmi toutes ces auditions, celle de Yoshida Masao, directeur de la centrale nucléaire n°1 de Fukushima, est la plus importante. Au début, j'ai essayé de traduire l'article du journal Mainichi, mais quand j'ai lu l'article du journal Asahi, j'ai vu que les deux différaient beaucoup. Peut-être les journalistes respectifs avaient-ils choisi, en les résumant, les parties qui à leurs yeux méritaient d'être rapportées. Donc, j'ai renoncé à traduire ces articles. Je vais traduire, en les résumant et selon mon point de vue personnel, les textes originaux que j'ai trouvés sur internet. Et quand ce sera nécessaire, je ferai référence aux deux articles.
Toutefois, le contenu est trop abondant, avec de nombreux termes que je ne suis pas sûr de pouvoir traduire avec exactitude, mais je crois que ma traduction vaudra mieux que rien.
*Yoshida Masao (17/02/1955 - 09/07/2013). Depuis juillet 2007 jusqu'au 1er décembre 2011 était responsable de la centrale nucléaire n°1 de Fukushima. Il est mort d'un cancer de l'œsophage.
Cet ensemble de procès-verbaux comprend les auditions suivantes:
1- Etat de la centrale et actions menées à l'occasion de l'accident
(22 juillet 2011, six auditions, 68 pages en format A4)
2- Etat de la centrale et actions menées à l'occasion de l'accident
(29 Juillet 2011, six auditions, 60 pages)
3- État de la centrale et actions menées à l'occasion de l'accident 1
(8-9 août 2011, deux auditions, 35 pages)
4 -État de la centrale et actions menées à l'occasion de l'accident 2
(8-9 août 2011, deux auditions, 31 pages)
5 -État de la centrale et actions menées à l'occasion de l'accident 3
(8-9 août 2011, deux auditions, 35 pages)
6-État de la centrale et actions menées à l'occasion de l'accident 4
(8 -9 Août 2011, deux auditions, 68 pages)
7- Batailles contre l'eau contaminée
(9 août 2011, une audition, 4 pages)
8- Conjecture au sujet d'eau très contaminée avant le 24 mars et discussions à la session du 4 avril
(13 octobre 2011, deux auditions, 5 pages)
9 - Etat de la centrale et actions menées à l'occasion de l'accident
(6 novembre 2011, trois auditions, 66 pages)
10- État de la centrale et actions menées à l'occasion de l'accident
(novembre 6 2011, deux auditions, 37 pages)
– La première lame du tsunami a atteint la centrale à 15h27. Avez-vous eu le sentiment qu'il fallait refroidir en urgence les trois réacteurs 1 à 3 ?
"Oui. Oui, j'ai eu un sentiment de crise très grave. J'avais peur que, lorsque les vagues se retireraient, nous ne puissions pas fournir de l'eau dans les réacteurs. Si cela arrivait, j'allais devoir mettre de l'eau provenant d'autres sources. Il nous fallait nous préparer pour ce travail ".
– Vous avez ensuite été informé de la perte de toutes les sources de courant alternatif. Que vouliez-faire faire?
"J'ai été choqué, pensant que le pire état critique était arrivé. Un accident grave pourrait se produire. Nous devions être prêts pour cela. Ne pourrions-nous pas utiliser un générateur diesel de secours ? Si nous ne pouvions pas l'utiliser, que devais-je faire? Si nous disposions d'un condenseur de secours contenant encore de l'eau, nous pourrions refroidir les réacteurs pendant quelques heures. Ces pensées tournaient dans ma tête ".
– Il était clair qu'on ne pouvait pas utiliser un générateur diesel de secours.
"J'étais au désespoir. J'ai dit aux membres de l'équipe, qu'ils devaient trouver un moyen de refroidir les réacteurs. Je réfléchissais et réfléchissais, mais je n'arrivais pas à trouver de bonne idée. Le guide disait qu'il fallait mettre en route la pompe à incendie diesel, mais j'ai jugé que ce serait difficile. En tout cas, la chose la plus importante était de pomper de l'eau pour en injecter à l'intérieur. J'ai ordonné qu'on trouve des pompes qu'on pourrait utiliser grâce à une source d'électricité du bâtiment n°2.
Bâtiments sinistrés dans la centrale nucléaire n° 1
Système de refroidissement des réacteurs
– Où avez-vous trouvé la source électrique nécessaire?
"Pour avoir une source de courant alternatif, il faut un camion équipé d'un générateur d'électricité. J'ai demandé au Bureau Central de TEPCO, mais j'ai dû attendre, très fâché, pendant de nombreuses heures. J'ai aussi demandé une source de courant continu pour pouvoir utiliser les dispositifs de contrôle. Ces choses que je demandais sont arrivées peu à peu, mais pour nous, qui travaillions sur place, elles nous ont semblé arriver très très lentement. TEPCO nous a envoyé tout ce que la compagnie avait rassemblé, mais nous devions faire un tri. Il nous fallait juger ce qui était utilisable et ce qui ne l'était pas. Pour ce travail, il nous fallait des renforts en hommes. Cela fut une grande perte (de temps). Nous désirions très fort que TEPCO nous envoie uniquement des appareils appropriés. "
– Vous a-t-on informé du fait que le condenseur ne fonctionnait pas?
"Non. A propos du condenseur, le responsable continuait de croire que le système fonctionnait ".
– N'avez-vous pas été préoccupé au sujet de la dégradation du cœur du réacteur?
«Au fond, je ne comprenais pas la situation. Je dois faire maintenant mon autocritique, mais il ne m'est pas venu de rapport du chef de groupe des générateurs. J'aurais dû m'assurer et confirmer que le condenseur fonctionnait. J'avais un préjugé. Je pensais que cela fonctionnait bien, car le niveau de l'eau n'était pas si bas. Si un SOS me parvenait, je m'occuperais de la main-d'œuvre, mais j'étais responsable de l'ensemble, par conséquent, il était difficile pour moi de tout gérer à la fois. Maintenant, je m'en veux de ne pas avoir posé de questions sur la situation ".
– Pensiez-vous que le condenseur fonctionnait durant la nuit du 11 mars?
«En voyant le niveau de l'eau, j'étais un peu rassuré, mais j'avais un petit doute. La pression dans l'enceinte de sécurité du réacteur avait augmenté et le niveau d'eau n'avait pas changé, et par la suite la pression a encore augmenté. Compte tenu de ces choses, j'ai eu un doute sur le niveau de l'eau. J'avais une autre préoccupation, à savoir le niveau de la radioactivité à 21h51. J'avais entendu dire qu'elle était très forte. Si l'enceinte de sécurité avait été refroidie, la radioactivité n'aurait pas été aussi élevée, parce que les substances radioactives n'auraient pas diffusé au travers. Je ne connaissais pas l'état du réacteur, mais j'ai soupçonné qu'il y avait une possibilité de dégradation des combustibles nucléaires. "
Le 12 mars 2011
– Le Premier ministre Kan est arrivé à la centrale. Que vous a-t-il dit ?
«Il m'a demandé d'un air sévère quelle était la situation, alors je lui ai répondu que presque toutes les sources d'électricité étaient hors d'usage et que nous ne pouvions pas contrôler les réacteurs. Il m'a posé une question sur la décompression ( En cas d'urgence, évacuation des gaz, même radioactifs, hors de l'enceinte de sécurité, afin que celle-ci ne soit pas endommagée par un excès de pression interne.) et je lui ai répondu que nous essayions, mais que la situation était très difficile. Je me souviens uniquement de ces conversations. "
– A 6h50, le ministre de l'économie et de l'industrie a ordonné la "décompression".
«J'étais en colère. Nous ne pouvions pas l'exécuter. Sachant cela, pourquoi l'exigeait-il ? Il ne suffisait pas d'ordonner pour que ce soit possible. J'étais dans cet état d'esprit ".
– L'intervention du premier ministre vous a-t-elle gênés dans votre travail?
"Non. Nous voulions réduire la pression dans l'enceinte de sécurité, mais nous ne le pouvions pas. Afin de maintenir le réacteur en sécurité, il nous fallait absolument le faire, c'était notre volonté. De l'équipe de service je ne recevais que des informations inutilisables. Et ceux qui ordonnaient d'en haut ne comprenaient pas notre situation. Les travailleurs étaient en grande difficulté, certains exposés à 100 millisieverts de radioactivité. J'ai décidé que, finalement, nous devions faire une "décompression" manuelle, au risque d'une forte contamination, mais en réalité, nous ne pouvions même pas nous approcher de la valve de sécurité et nous avons renoncé à le faire. "
– A 14h30, on a réussi à faire sortir des substances radioactives avec la décompression.
"Si la radioactivité à la sortie de la cheminée augmentait, nous pourrions constater que la décompression avait réussi, mais nous ne pouvions pas observer cela. À ce moment-là, la télévision filmait le réacteur n°1 et à l'image on voyait de la fumée blanche, et en même temps la pression dans l'enceinte de sécurité a chuté, si bien qu'on a conclu que la décompression avait réussi ".
– A 15h36 a eu lieu une explosion dans le réacteur n°1. Comment avez-vous compris la situation?
«Je ne m'attendais pas à l'explosion. A ce moment-là nous étions prêts à injecter de l'eau. A cet instant, j'ai senti un bref tremblement qui venait d'en dessous, et j'ai pensé qu'un tremblement de terre avait eu lieu. Pendant ce temps les gens sont revenus des lieux de travail et ils ont rapporté que la partie supérieure du bâtiment n°1 n'était plus qu'un squelette. Je me demandais ce qui s'était passé. Sont revenus également des blessés, qui ont informé qu'une explosion semblait s'être produite. Maintenant, je sais que l'hydrogène sortant de l'enceinte de sécurité s'était amassé sous le toit et avait explosé, mais à ce moment-là je ne comprenais pas quelle en était la cause. Peut-être deux heures plus tard, nous sommes arrivés à cette conclusion. "
– Que pensiez-vous de l'état du cœur du réacteur n°1 avant l'explosion?
"La pression dans l'enceinte du réacteur était élevée, donc nous avons essayé de faire une décompression, mais, même maintenant, je ne suis pas sûr qu'elle ait été vraiment accomplie, car nulle part les écrans de contrôle ne fonctionnaient. Nous essayions alors de faire une décompression et une injection d'eau. "
– A 14h53, les pompiers ont déversé 80 tonnes d'eau, et à 14h54 est venue une instruction du directeur de la centrale à propos d'une injection d'eau de mer.
«J'avais déjà donné des instructions à propos d'un déversement d'eau de mer. Nous n'avons pas pu prendre de l'eau directement dans la mer, car nous n'avions pas de pompes. Je savais que dans le bâtiment du réacteur n°3, il se trouvait beaucoup d'eau de mer abandonnée par le tsunami, et j'ai décidé de l'utiliser et j'ai donné les instructions à 14h54 ".
– Aviez-vous déjà entendu parler auparavant d'expériences de déversement d'eau de mer dans les enceintes de réacteurs?
"Pas du tout. On n'a jamais fait cela nulle part dans le monde, mais il n'y avait que l'eau de mer que nous pouvions utiliser sans limite, donc nous n'avions pas d'autre choix. Nous nous occupions seulement de deux choses: diminuer la pression dans l'enceinte du réacteur et y injecter de l'eau. Les autres questions étaient des bagatelles. Afin de contrôler le réacteur en furie, nous ne devions compter que sur l'eau de mer ".
– Vous n'avez pas pensé que si vous utilisiez de l'eau de mer, tous les appareils deviendraient inutilisables et que cela coûterait très cher?
"Pas du tout. Comme les barres de combustible étaient endommagées, on ne pourrait plus utiliser ce réacteur. Donc trouver le moyen de le contrôler était le plus important. Je n'ai jamais pensé à sa réutilisation. "
– Il y a un rapport sur l'heure du déversement de l'eau de mer. Il y est consigné que c'est à 20h20 qu'on a commencé à déverser de l'eau de mer, mais selon le rapport de TEPCO c'est à 19h04. Pourquoi cette différence?
"Tout de suite après que nous avions commencé à verser de l'eau de mer, à 19h04 est venu un coup de téléphone de Takeguro Ichirō de TEPCO, disant que le gouvernement n'autorisait pas encore le déversement, mais je n'avais pas du tout l'intention de l'arrêter, donc j'ai demandé au responsable de ne jamais arrêter, même si j'allais dire le contraire à TEPCO. Puis vint l'autorisation du gouvernement, et nous avons décidé de déclarer officiellement que le déversement avait commencé à 20h20 ".
– A 20h45 on a un rapport sur le déversement d'eau avec du borax. Pourquoi avez-vous utilisé ce mélange à ce moment-là?
«Je voulais utiliser du borax depuis le début, mais la radioactivité était très forte et on avait besoin de temps pour le dissoudre, donc j'ai décidé de déverser en premier de l'eau, et quand l'eau additionnée de borax a été prête, nous l'avons utilisée. Et à ce moment-là il était 20h20.
– Lorsqu'a eu lieu une explosion dans le bâtiment n°1, avez-vous discuté des moyens de prévenir une explosion dans les 5 autres bâtiments ?
"Oui, bien sûr. A propos du bâtiment du réacteur n°2, par hasard les panneaux de décompression étaient ouverts, peut-être à cause de la pression lors de l'explosion du bâtiment n°1, donc j'étais un peu tranquillisé. A propos du bâtiment n°3, nous avons beaucoup réfléchi, et même voulu demander aux soldats de faire des trous avec des armes à feu".
Le 13 mars 2011
– A partir de la panne du système de refroidissement HPCI jusqu'au déversement d'eau à 9h20, il s'est écoulé 6 heures et 40 minutes. Que pensiez-vous de l'état du réacteur n°3 ?
"Je pensais que j'allais mourir. Je voulais verser de l'eau le plus tôt possible, mais les conditions n'étaient pas au rendez-vous ".
– Tôt dans la matinée du 13 mars, le système de refroidissement HPCI du réacteur n°3 s'est arrêté, et vous avez essayé de mettre de l'eau avec le système RCIC (système pour refroidir le réacteur au moyen d'eau dans le condenseur), mais vous avez échoué, et vous avez estimé que le système de refroidissement du réacteur s'était mis en panne à 4h15. Compreniez-vous alors, qu'une grande partie du combustible nucléaire était déjà à nu?
"Bien sûr, oui. Pour cette raison, ma tâche la plus importante était de faire cesser cet état dès que possible, mais nous ne pouvions mettre en place les moyens pour cela. Des personnes extérieures nous ont critiqués en disant que nous travaillions très lentement. Je ne leur pardonne pas. Nous étions peu nombreux à travailler contre les trois réacteurs déchaînés".
– Il était 9h20, lorsque vous avez pu injecter de l'eau dans le réacteur n° 3.
«L'eau est entrée et la pression et le niveau de l'eau ont commencé à se normaliser. J'étais très content. Mais en réalité, j'ai été trompé par le témoin du niveau d'eau qui était endommagé. J'ai commencé à traiter le réacteur n°2. Il n'y a jamais eu et il n'y aura jamais d'hommes obligés de combattre en même temps contre trois réacteurs accidentés. Je ne veux plus me souvenir de tout ça ".
– Avez-vous pensé qu'il fallait s'occuper de la piscine destinée aux combustibles usagés dans le bâtiment n°4?
"Oui. Quand a eu lieu le tremblement de terre, le réacteur n°4 était en examen. C'est pourquoi les 548 barres de combustible avaient toutes été retirées et mises dans le bassin. Elles avaient été brûlées dans l'année, donc elles étaient très chaudes et des plus difficiles à traiter. Donc j'ai pensé qu'il était très important de savoir comment traiter le réacteur n°4 "
Le 14 mars 2011
– Vers sept heures du matin le réacteur n° 3 a commencé à se comporter de façon très anormale, avec forte radioactivité et pression élevée.
« J'ai signalé que le réacteur n°3 était dans le même état que le n°1 ; il y avait un risque d'explosion, c'est pourquoi à 9 heures 30 ou à 10 heures, j'ai donné à tout le monde l'ordre de se réfugier dans le quartier général antisismique, avant que l'explosion ne se produise à 11 heures 01. Il y a eu un appel téléphonique de M. Mutō de TEPCO. À sa demande, j'ai envoyé des gens à leur poste de travail. Et une explosion s'est produite. Je dois demander pardon aux membres du corps de défense, qui sont partis vers le réservoir d'eau avec leur camion et commençaient à travailler lorsque, à ce moment-là, a eu lieu l'explosion. »
« Dans un premier temps est venue une information faisant état de la disparition d'une quarantaine de personnes. J'ai alors eu l'intention de mourir. Si autant de gens étaient morts, je devais me faire harakiri. Par la suite, il devint clair qu'en fait il y avait quelques blessés mais pas de morts. Ce fut une chance parmi tant de grands malheurs. Étonnamment, personne n'était mort à l'endroit où étaient tombées des masses de béton arrachées au bâtiment. Certainement Buddha nous avait bénis. »
« Tous étaient abasourdis et ne savaient que faire. J'ai donc commencé par m'excuser auprès d'eux d'avoir apprécié la situation de façon erronée et j'ai dit : "Maintenant l'alimentation en eau s'est arrêtée. Si nous ne faisons rien, les choses deviendront pires. Je vous demande d'aller déblayer les gravats et de réparer les tuyaux. Prenez garde à la radioactivité." J'ai été touché de voir que tous étaient d'accord pour aller travailler. Après que j'ai procédé à la répartition des tâches, ils sont sortis. Au cours de ce travail, la plupart d'entre eux ont atteint la dose maximale d'irradiation. Grâce à eux, nous avons réussi à rétablir l'apport d'eau à seize heures trente. ».
– En ce qui concerne le réacteur n°2, de quelle façon pensiez-vous pouvoir rétablir l'apport d'eau ?
« Nous ne pouvions introduire de l'eau tant la pression était élevée. Le premier travail était de la faire baisser. Nous avons discuté des moyens. À ce moment-là il y a eu un appel téléphonique du cabinet du premier ministre, et M. Madarame (alors président de la Commission de sûreté nucléaire) m'a ordonné de faire baisser la pression et d'envoyer de l'eau à l'intérieur, et M. Shimizu (alors président de TEPCO) a crié la même chose pendant une séance de télévision. Je me suis étonné qu'ils puissent exiger cela, alors qu'ils ignoraient quelle était, ici, la situation. Tous voulaient rétablir l'apport d'eau, mais pour ce faire il faut d'abord des préparatifs, or cela ils ne le comprenaient pas. Ils pensaient simplement que nous hésitions. Je voudrais les battre, ces gens-là. ».
– Il vous a fallu beaucoup de temps pour faire baisser la pression. Quelle en était la cause ?
« Je ne la comprends pas bien moi-même. D'abord il n'y avait pas de batteries. Nous avons tenté d'ouvrir les valves de diverses façons mais en vain, et le niveau de l'eau baissait de plus en plus. Nous étions au plus près de la mort. Si nous n'arrivions pas à les ouvrir, nous serions désarmés, mais finalement nous avons réussi. Ensuite ce fut le tour du camion des pompiers qui n'avait plus d'essence, car il nous avait attendus longtemps. Il est reparti faire le plein et enfin nous avons pu envoyer l'eau. Je reprenais vie. Jusqu'alors j'étais comme mort. Toutes les quatre heures, ce camion de pompiers doit refaire le plein. Pendant le temps d'attente et le trajet vers la station d'essence les gens sont très exposés aux radiations. Ceux qui ont reçu cent et quelques dizaines de millisieverts sont ceux qui travaillaient à réparer les tuyaux et à livrer l'essence. ».
– Pendant ce temps les équipiers de TEPCO travaillaient en milieu très radioactif.
« Il y avait parmi nous une femme, qui s'occupait du ravitaillement en essence du corps des pompiers. Elle faisait son travail vite et bien. J'ai voulu qu'elle se retire, mais elle a refusé. Elle avait un très fort sens du devoir. Elle restait à l'intérieur du quartier général antisismique où elle était assise à côté de la porte. L'explosion du bâtiment du réacteur n°1 a endommagé la porte et, à travers les fentes, l'air extérieur chargé de radioactivité a pénétré, si bien qu'elle a été irradiée au-delà de la limite admise et qu'elle souffrait en outre de l'exposition interne. Elle avait une mission de travail, mais son cas a été présenté par les mass media comme l'exemple même d'une mauvaise gestion de la centrale nucléaire. Je suis très remonté contre ces sales médias. »
– La température du bassin de refroidissement du réacteur n°4 était de 84 degrés, à 4h08. Est-il prévu que l'on doive faire quelque chose dans ce cas-là ?
« Oui. Nous devions ajouter de l'eau, mais nous manquions de main d'œuvre car il nous fallait nous occuper de trois réacteurs. J'ai donc demandé à la compagnie TEPCO de faire elle-même tout le nécessaire pour le réacteur n°4 ».
Le 15 mars 2011
– Entre 6h et 6h10, le matin du 15 mars, une explosion s'est fait entendre. Avez-vous ressenti une secousse ou entendu un bruit dans le quartier général antisismique ?
« L'explosion n'a pas été ressentie dans le quartier général. Une information m'est parvenue au sujet d'un petit bruit : "¨Pan !". J'ai pensé qu'une avarie avait pu se produire dans l'enceinte de sécurité, ce qui engendre une situation critique. J'ai ordonné alors qu'à l'exception des cadres tout le monde se mette à l'abri. Entre-temps un membre de l'équipe de direction, qui était allé dans le bâtiment n°4, a apporté l'information que la partie supérieure des murs avait craqué. Je ne peux toujours pas dire, si ce bruit provenait du bâtiment n° 2 ou du bâtiment n° 3 ».
– Est-ce que, à peu près à cette heure-là, le premier ministre est venu au bureau central de TEPCO ?
« Oui. À la télévision, j'ai vu le président et d'autres responsables de TEPCO se réunir et le premier ministre était très en colère et criait. Entre-temps s'était produite cette situation de crise, j'ai donc dit à TEPCO que j'allais évacuer les membres du quartier général. Nous, qui travaillions sur le terrain, nous devions nous préparer au pire, nous avons donc préparé des autobus et avons envoyé les membres du Q.G à la centrale nucléaire n°2. »
– Le bâtiment n°2 était en difficulté et vous avez constaté les avaries du bâtiment n°4, et ensuite le feu s'est déclaré. Qui a donné l'alarme ?
« L'intensité radioactive était telle autour de tous les bâtiments, que, même dans les salles des commandes, il était impossible d'assurer le service, donc de temps en temps les membres du Q.G. s'y rendaient pour recueillir des données. L'un d'eux a vu de la fumée sortir du bâtiment n°4. J'ai vérifié la chose avec des jumelles, car le système de télévision ne fonctionnait plus. Les pompiers ne sont pas venus en raison de la forte radioactivité, j'ai donc demandé par téléphone à M. Hosono (alors ministre de l'environnement), qu'il obtienne de l'aide, soit du corps de défense japonais, soit de l'armée américaine. Mais avant que l'aide n'arrive, le feu s'était éteint.»
– Dans le bâtiment n°4, la partie supérieure a été endommagée et le feu a pris au troisième ou au quatrième étage, et le 16 mars de nouveau le feu a repris. Qu'est-ce qui, selon vous, est arrivé là ?
« Je n'ai pas compris d'où provenait le premier bruit, j'ai donc soupçonné que les combustibles dans leur bassin étaient devenus trop chauds et avaient explosé. Mais ensuite, j'ai pu constater que les barres de combustibles étaient en état normal et que la cause du bruit était autre. Beaucoup disent à présent que de l'hydrogène issu du bâtiment n° 3 avait envahi le bâtiment n° 4 et avait explosé, mais je ne le crois pas, car je ne comprends pas de quelle manière il aurait pu y entrer, ni pourquoi seuls les murs sud et nord ont été rompus. Il n'y a pas de trous dans les murs situés à l'est et à l'ouest.»
* L'article paru dans le journal Mainichi rend compte du contenu du rapport jour après jour, jusqu'au 15 mars et j'ai conservé cette présentation. Pour les jours suivants, Mainichi procède par thèmes, et là encore je trouve que sa présentation est bonne. Donc, à présent, je traduis par thèmes.
ORDRE D'URGENCE D'OPERATIONS A EFFECTUER
– Il y a un document daté du 16 mars, à 10h04, dans lequel est écrit « Classement par ordre d'urgence des opérations à effectuer ». La première est l'apport d'eau dans le bassin de refroidissement des barres de combustible du réacteur n°4, la deuxième est la reconstruction d'une source extérieure de courant électrique, la troisième est la construction d'une voie pour les camions et la quatrième, l'apport d'eau dans les bassins des barres de combustible des réacteurs n°1 et 3.
« Dans le bâtiment n° 4 il y avait des barres de combustible extrêmement chaudes. Je craignais qu'elles n'aient été endommagées, donc il était très important d'en normaliser l'état. Je voulais que nous réparions des appareils et pour ce faire il est indispensable d'avoir du courant. Il importait donc en premier lieu de rétablir une source extérieure de courant et, si cela était impossible, d'utiliser alors des camions porteurs de générateurs. Le bâtiment n° 2 n'était pas endommagé, donc, au lieu d'effectuer un apport d'eau, nous avions l'intention de faire la réparation à l'intérieur.
– Le 17 mars, le réacteur n° 3 a été refroidi et non le n° 4. Pourquoi le n° 4 n'a-t-il pas été refroidi le premier ?
« Le matin du 17 mars, un hélicoptère a survolé la centrale cucléaire avec à son bord un équipier du Q.G. Celui-ci a filmé le bâtiment n°4 et nous avons vu de l'eau dans le bassin de refroidissement des combustibles. Voilà pourquoi nous avons refroidi d'abord le n°3. »
L'APPORT D'EAU EFFECTUE PAR LE CORPS DE DEFENSE A-T-IL ETE EFFICACE ?
– Le corps de défense a fait un apport d'eau par hélicoptères et par camions à haute pression du corps des pompiers, et la préfecture de police et le bureau du corps des pompiers ont de leur côté fait des apports d'eau par camions de pompiers à haute pression. Lesquels ont été efficaces et lesquels ne l'ont pas été ?
« À vrai dire, toutes les actions du corps de défense ont été inutiles. La quantité d'eau était trop faible et il est douteux que l'eau projetée ait atteint son but. Les actions menées par la préfecture de police et le bureau du corps des pompiers ont été inutiles, elles aussi. »
– Ensuite sont intervenus les Girafes et les Eléphants (camions dotés de très longs tuyaux destinés à déverser du béton). Ont-ils été efficaces ?
« Ils l'ont été. On a fixé les tuyaux juste au sommet du réacteur, et on a donc réussi à verser l'eau au bon endroit.»
DES AIDES VENUES DE NIIGATA
– Les membres du Q.G. sont-ils peu à peu revenus ?
– Le 15 mars, tous s'étaient réfugiés dans la centrale nucléaire n° 2. Puis certains sont aussitôt revenus et plus tard, peu à peu, les autres membres du Q.G. sont revenus à leur tour, n'est-ce pas ?
« Oui. Le terrain était si radioactif, que des gens ayant en charge la mesure et la recherche des radiations faisaient défaut. Des aides en assez grand nombre sont donc venus en renfort de la centrale nucléaire de Kashiwazaki-Kariwa, dans le département de Niigata ».
– Si un accident se reproduisait, devrait-on faire appel à des aides venus d'autres centrales nucléaires ?
« Fondamentalement oui. Mais l'un des problèmes est que les équipements changent de plus en plus, or chaque centrale a son propre équipement. Donc il peut arriver que des aides de Kashiwazaki soient incapables de réparer l'équipement d'une autre centrale. Un autre problème est que des salariés de TEPCO n'ont pas fait eux-mêmes certaines des tâches, mais les ont fait faire par des ouvriers d'entreprises sous-traitantes. En résumé : les gens ne peuvent pas s'adapter immédiatement à des équipements nouveaux, et les salariés de TEPCO n'ont pas l'expérience leur permettant de réparer eux-mêmes ces équipements. »
AU SUJET D'EAU POLLUEE
– Le 1er avril, le ministre de l'environnement, M. Hosono, s'est opposé au rejet d'eau polluée dans la mer.
« Quand j'ai entendu sa déclaration, je me suis étonné : qu'allait-on faire de l'eau polluée ? Nous avons versé de l'eau dans les bâtiments des réacteurs et cette eau ressort quelque part. Nous devons la traiter, mais c'est un problème qui n'avait pas à être traité entre le Bureau Central de TEPCO et le sous-ministère de la Sécurité nucléaire industrielle. C'est pourquoi j'étais très irrité.»
– Selon le rapport du 2 avril, on a découvert que beaucoup d'eau polluée s'est échappée du réacteur n° 2.
« Pendant la réunion du 4 avril au matin, il m'a été ordonné de faire cesser le rejet d'eau, mais personne n'a proposé une façon de traiter l'eau et de la conserver, j'ai donc beuglé qu'on y réfléchisse sérieusement, et ce n'est qu'après qu'on a commencé à penser à ce problème. »
– Etait-ce la montée du niveau de l'eau dans le réacteur n° 3 qui vous a poussé à hausser le ton au sujet de l'eau polluée ?
« Oui. Mon opinion était que nous devrions rejeter l'eau polluée à l'extérieur pour vider le bâtiment n°3, car nous n'avions aucun endroit pour l'y mettre. »
– Au sujet de l'eau dans le canal d'écoulement souterrain des bâtiments n° 5 et 6.
« Si l'eau endommageait le système électrique, nous perdrions le moyen de refroidir le réacteur, et il s'ensuivrait une phase critique. J'étais donc d'avis, que nous devions de toute façon rejeter l'eau à l'extérieur. »
– Il a été décidé de rejeter 1 500 tonnes d'eau polluée. Que pensez-vous de cette décision ?
« Je voulais retirer l'eau du canal d'écoulement souterrain, j'ai donc été étonné, que l'on ait décidé de cette quantité. »
– Nous entendons dire, que vous aviez déjà décidé, sans attendre l'autorisation du gouvernement, de mettre le réacteur n° 6 hors service quand il entrerait en phase critique par inondation.
« Oui, J'avais pris cette décision pour protéger l'usine, même si je devais être renvoyé. Si le réacteur n° 6 avait été inondé et que le réseau électrique soit hors service, cela aurait pu causer une fusion du cœur, il s'agissait donc de quelque chose de très grave. »
ACCIDENT EN 1991 ET SEISME DE CHŪETSU
Le réacteur n° 2 avait eu un accident à cause d'une fuite d'eau, en 1991. Cela avait entraîné l'arrêt de presque tous les systèmes de refroidissement. Ce fut un très grave accident, occupant peut-être le premier ou le second rang parmi les plus dangereux au Japon, mais on ne le considère pas comme tel. Cet accident m'a appris que l'eau est un danger et qu'il nous faut prévoir une parade contre les infiltrations d'eau, mais rénover de vieux réacteurs déjà en place n'est pas chose facile. Nous avons procédé à diverses restaurations, mais rénover de façon parfaite est très difficile, à cause entre autre des coûts. Nous devons certes en suivre le principe, mais le mettre en œuvre n'est pas aisé.
Quand la condition première, par exemple touchant la puissance supposée d'un éventuel tsunami, change, le mieux est de construire de nouvelles installations, mais si cela est impossible, nous utilisons les anciennes, ou bien nous les rénovons partiellement. Telle est notre manière de faire. Cependant, la puissance du tsunami de 2011, d'une hauteur de quinze mètres, a dépassé toutes nos prévisions, nous ne pourrons donc pas continuer d'y faire face ainsi.
En 2007, lors du séisme de Chūetsu qui détruisit simultanément plusieurs installations de la centrale nucléaire de Kashiwazaki-Kariwa, il y eut de grands dégâts mais l'arrêt se fit en toute sécurité. Malgré l'énorme tremblement de terre, les réacteurs s'arrêtèrent sans problème. Par la suite, nous avons examiné les équipements : presque tous étaient indemnes. Nous avons pensé qu'en un temps très bref, le séisme avait déployé une énergie capable d'arrêter tous les réacteurs. Mais il n'avait détruit aucune des sources de refroidissement. Il dépassait de beaucoup la puissance maximale qui avait été prévue lors de la construction, pourtant les réacteurs s'étaient arrêtés sans dégâts. Nous en avons conclu un peu trop vite, que le projet japonais tenait la route.
REPLIES OU PAS
« Pendant un temps, il nous fut impossible de verser de l'eau dans le réacteur n°2. J'avais fait baisser la pression, mais les camions des pompiers ne roulaient plus faute d'essence, donc il y eut des heures pendant lesquelles, nous ne pouvions pas faire d'apport d'eau. Mon cœur alors s'affolait chaque seconde dans la crainte que nous ne pussions pas y parvenir. En ce cas ce serait la fusion du cœur avec dégagement d'une énorme quantité de radioactivité, et par suite l'impossibilité, pour nous, d'aller aux réacteurs n° 1 et 3 qui se trouveraient alors dans la même phase critique, et enfin, même dans la centrale nucléaire n°2, nous ne pourrions pas travailler. La seule chose que je pouvais faire durant ces heures était d'attendre en priant.
C'est dans cette situation que j'ai fait savoir par téléphone à M. Hosono, alors ministre de l'environnement, que hormis les techniciens, les responsables de réparation et d'alimentation en eau, les pompiers, les manipulateurs et moi-même, je pouvais envoyer les autres se réfugier temporairement dans la centrale nucléaire n°2. À la télévision on a utilisé les mots de "repli de tous", or je n'ai jamais employé ce terme. C'est pourquoi je proteste énergiquement.»
(Fin des traductions)
COMMENTAIRES DE HORI YASUO
Ci-dessus j'ai traduit les comptes-rendus des auditions de Yoshida selon mon point de vue et l'intérêt que j'y trouvais en feuilletant les pages. L'article du journal Asahi disait ceci, en citant des paroles de Yoshida que je n'ai pu retrouver :
"À cause des difficultés dues à la présence de décombres et à la radioactivité, les apports d'eau par camions de pompiers ont été un échec, et la pression à l'intérieur des enceintes de sécurité a dépassé la limite. Le danger de voir se répandre partout une énorme quantité de radioactivité se rapproche. Cette situation M. Yoshida l'a exprimée ainsi : “Le syndrome chinois va se réaliser”, “En imagination, nous avons vu détruite toute la partie orientale du Japon.”"
Après avoir traduit, j'ai pensé les choses suivantes :
1. Au début, le gouvernement n'avait pas l'intention de publier ces comptes-rendus. C'est là, de sa part, une attitude inadmissible. Les gens ont le droit de connaître la vérité. Tous ont souffert, ou souffrent encore, à cause de l'accident nucléaire, donc nous avons le droit d'en savoir le plus de choses possibles. Si nous ne partagions pas l'information entre nous tous, comment pourrions-nous prévenir un nouvel accident ? Certainement le gouvernement, qui veut remettre en marche les centrales nucléaires, ne souhaitait pas que les gens aient une information véridique et terrifiante sur le danger de l'énergie atomique.
2. Nous ne pouvons pas dépendre à cent pour cent des médias. Asahi et Mainichi sont des journaux relativement consciencieux, mais les contenus de leurs articles respectifs sont très dissemblables. Il est possible que Yomiuri et Sankey, journaux de droite, aient traité le sujet selon des points de vue fort différents. Nous devons avoir accès au texte original, et nous devons même voir ce qui s'est passé et se passe derrière cet original.
3. Quand TEPCO construit et rénove une centrale, il semble que le plus important soit l'argent. Par exemple, pour restaurer ou rehausser la digue anti-tsunami, la compagnie a besoin de très grosses sommes. Elle ne veut pas dépenser tant d'argent pour un tsunami, qui pourrait ne pas venir. Si la digue n'était pas destinée à protéger la centrale nucléaire, cette attitude serait admissible, mais la centrale présente un danger d'une tout autre nature. Lorsque c'est l'argent qui gouverne, c'est toujours un danger et cela ne devrait pas être permis.
4. Enfin, j'exprime mes condoléances à M. Yoshida, qui est mort jeune, en se vouant à la lutte contre l'accident nucléaire.
(Crédit photo : Asahi Shimbun)
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N.D.E.
L’Asahi Shimbun a mis également en ligne des traductions anglaises des auditions de Yoshida :
Selon le dernier communiqué de presse d'Enfants de Tchernobyl Belarus, le 14 octobre 2014, lors du “International Symposium on Legal-medical Aspects of Nuclear Disaster and Human Rights” organisé à l'Université Waseda de Tokyo, Yves Lenoir, président de l'association Enfants de Tchernobyl Belarus, a fait une communication intitulée "La radio-protection internationale à Tchernobyl… et après"
Des faits et témoignages réunis pour la première fois révèlent la responsabilité première, pleine et entière des dirigeants de la Commission Internationale de Protection Radiologique dans le désastre sanitaire qui a suivi la catastrophe atomique de Tchernobyl en avril 1986.
Lors d'un contact téléphonique préliminaire, le 28 avril 1986, le Dr Henri Jammet, vice-président de la Commission, et le Pr Leonid Ilyin, responsable de la radio-protection pour l'URSS, se sont accordés pour prendre du temps alors que les taux de radiactivité étaient déjà des centaines de fois plus élevés que la radiation naturelle à plus de 100 km de la centrale.
Il a fallu attendre 10 jours, le 6 mai 1986, pour que la Commission se réunît avec d'autres experts pour conclure de même, et notamment conseiller de ne pas évacuer les populations exposées. Les évaluations des doses déjà reçues, jusqu'à 100 km, dépassaient souvent de bien plus de 100 fois les limites annuelles recommandées par la Commission.
Cette désinvolture inexcusable a conduit à l'irradiation et la contamination de plusieurs millions d'êtres humains. L'examen autorisé des conséquences sanitaires ultérieures a été effectué par des experts délégués de leurs pays respectifs dans le cadre de l'UNSCEAR, United Nations Scientific Committee on the Effects of Atomic Radiations, institué en 1955 au sein de l'ONU, dont l'Assemblée Générale vote les rapports, leur conférant ainsi un statut incontestable.
Il se trouve que la plupart des dirigeants de la CIPR sont aussi délégués ou représentants de leur pays à l'UNSCEAR.
Cette situation institutionnelle interdit très naturellement que les études scientifiques publiées qui mettent en évidence un lien entre Tchernobyl et la dégradation de la santé ainsi que l'accroissement des malformations n'aient été retenues pour établir les bilans de l'accident. On pense ici notamment à celui qui s'impose comme le plus officiel, rédigé dans le cadre du Chernobyl Forum entre 2002 et 2005 et signé par toutes les agences de l'ONU et les Etats les plus touchés de l'ex-URSS.
Des hommes impliqués dans cette gestion institutionnelle des conséquences de Tchernobyl coordonnent les actions équivalentes entreprises après la catastrophe de Fukushima, sous la bannière de l'UNSCEAR et de la CIPR, sous la supervision de l'AIEA qui occupe le terrain. La répétition “perfectionnée” du processus post-Tchernobyl suit son cours au Japon.
C'est ainsi que la radio-protection internationale s'est condamnée au déni, sous peine d'entraîner dans son naufrage tout l'édifice mental et idéologique qui légitime le développement de l'énergie atomique : Raison d'Atome oblige.
« Sans le web, mémoire vive de notre monde, sans ces citoyens qui n’attendent pas des anniversaires, de tristes anniversaires, pour se préoccuper du sort des réfugiés de Fukushima, eh bien le message poignant de Monsieur Idogawa (maire de Futuba) n’aurait strictement aucun écho. » (Guy Birenbaum, Europe 1, 1er mars 2013)