4 novembre 2015 3 04 /11 /novembre /2015 16:16
Les petits bénévoles innocents qui nettoient la route radioactive

Les petits bénévoles innocents qui nettoient la route radioactive

 

Par Fonzy (5ème témoignage)

 

 La catastrophe de Fukushima a contaminé et contamine toujours, entre autres, ceux qui habitent dans les régions de Tohoku et de Kanto ; le rejet quotidien des eaux hautement radioactives dans le Pacifique, la diffusion constante de radionucléides à partir de la centrale Daiichi, les aliments qui contiennent césium, strontium ou plutonium... Oui, ici nous sommes exposés tous les jours à la radiation, et nous ne pouvons rien faire. Toutefois ce n’est pas une raison pour faire exprès de contaminer les gens, surtout les enfants !

 

  J’ai été stupéfaite quand j’ai lu l’article daté du 18 octobre 2015 qui parle du nettoyage de la route nationale 6 auquel avaient participé 1400 collégiens et lycéens de Fukushima. La route 6, qui était fermée à cause d’une forte contamination, a ouvert seulement en septembre 2014 ! Le niveau de radiation reste évidemment toujours très élevé ; par exemple plus de 0,25 microSv/h et 19 0000 Bq/m2 dans la ville de Soma située à 40 km de la centrale, selon l’article.

 

Yumiko Nishimoto, la présidente de l’Association sans but lucratif (ASBL) « Happy Road Net » qui organise ce bénévolat, dit que le nettoyage de la route 6 est l’activité que les enfants faisaient avant le séisme de 2011 et qu’il n’y a aucun danger maintenant de le reprendre. Elle désire encourager les enfants tout en faisant le nettoyage ensemble pour qu’ils puissent reconstruire leur pays natal. Elle va même plus loin en disant que nous devons soutenir les enfants de Fukushima de sorte que les radioactivités disparaissent. Ce qu’elle dit est vraiment incompréhensible. Ce n’est pas nos soutiens psychologiques qui font disparaître le césium ou le strontium.

 

Dans l’article, il y a un interview d’un lycéen qui dit : « Je participe au nettoyage, parce que je voudrais faire une petite contribution à mon pays. Je pense qu’il n’y a pas de risque. Je suis sûr que les adultes ne nous font pas travailler dans un endroit dangereux. »

 

 Voilà un des exemples qui vous montrent bien que les autorités japonaises profitent de la bonne volonté des jeunes pour convaincre les gens que Fukushima n’est plus radioactif. Je suis en colère. C’est absolument inadmissible de laisser irradier les jeunes enfants.

Les zones rouges 1-8 ont été nettoyées par les enfants

Les zones rouges 1-8 ont été nettoyées par les enfants

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31 octobre 2015 6 31 /10 /octobre /2015 07:00
Manifestations au Japon

Texte de de HORI Yasuo

du 5 octobre 2015

traduit de l'espéranto

par Ginette MARTIN

avec l'aide de Paul SIGNORET

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(source illustration : AFP PHOTO / KAZUHIRO NOGI)

Des manifestations se déroulent en divers endroits au Japon

Tanaka Shōzō
    Le 3 octobre, des membres de la Société Esperanto dont moi-même avons visité la ville de Tatebayashi dans mon département de Gunma. Là nous avons visité le petit musée fondé à la la mémoire de la lutte des agriculteurs.

Dans les années 1890, un problème de poison s'est avéré sérieux, il venait de la mine de cuivre du département de Tochigi, voisin de notre département. Une eau toxique sortant de la mine avait pénétré dans la rivière Watarase et avait pollué les champs, occasionnant un grand dommage pour les agriculteurs. Le gouvernement a négligé leurs plaintes, parce que, en ce temps-là, le cuivre jouait un grand rôle dans l'économie japonaise comme produit d'exportation majeur.

Manifestations au Japon

Le député Tanaka Shōzō a pris la tête des agriculteurs et s'est battu. Finalement, le gouvernement n'a pas pu négliger complètement ce mouvement et a «résolu» le problème en faisant un grand lac sur le site du village de Yanaka, pour que le poison ne coule plus vers la vallée et que les inondations ne puissent plus se produire, mais dans cette affaire, les habitants de Yanaka ont perdu leur domicile en 1909. Apparemment, le problème a été résolu, mais encore maintenant on gratte la terre toxique des champs et on plante des arbres dans les monts chauves autour des anciennes usines.

Manifestations au Japon
Manifestations au Japon

Le texte est le suivant:
Si l'on ne prévoit pas que l'Etat peut disparaître, c'est la fin de l'Etat.
Si l'on tue des citoyens, c'est la mise à mort de l'Etat.
Si l'on méprise les lois, c'est l'Etat qu'on méprise.

   A la lecture de ces phrases, j'ai été très ému, car les politiciens de ce temps-là ressemblent beaucoup à l'actuel Premier ministre Abe. Nous sommes dans la même situation que Tanaka et les agriculteurs.

Abe a approuvé avec beaucoup de légèreté la remise en fonctionnement des centrales nucléaires qui pourront causer la mort de l'Etat. Il a approuvé les lois permettant aux compagnies de faire travailler des travailleurs à très bas salaire selon leur bon plaisir. Il prévoit d'augmenter l'impôt sur la consommation et de détériorer la vie de la population. Il a ignoré la constitution japonaise et approuvé la "législation militaire", qui va mettre en péril la vie des Japonais. Depuis l'époque de Tanaka Shōzō, la politique japonaise continue de servir les capitalistes et opprime toujours la vie des populations.

     Abe maintenant dirige le Japon comme un dictateur et apparemment il est très fort, mais dans tout le pays les mécontentements et les colères explosent, ce qui donne lieu à des manifestations et luttes d'opposition.

 

Manifestations contre la nouvelle base militaire d'Okinawa
   L'île d'Okinawa est située dans la mer du sud, loin de l'île de Kyūshū.  Avant l'année 1609, lorsque le fief de Satsuma (l'actuel département de Kagoshima) s'est agrandi en envahissant l'île, celle-ci était le royaume indépendant de Ryūkyū.

 

À la fin de la Seconde Guerre mondiale, le gouvernement sacrifia Okinawa  afin de prolonger le régime impérial. Une cruelle bataille a eu lieu dans cette petite île entre les armées japonaises et américaines, impliquant les habitants. Le nombre de morts a été celui-ci:

 

Soldats japonais ne venant pas d'Okinawa     65 908

Habitants d'Okinawa                                      122 228

Soldats des Etats-Unis                                   14 006

Manifestations au Japon

Après la guerre, Okinawa a été occupée par les États-Unis jusqu'en 1972. Elle était elle-même une importante base militaire des États-Unis pour les guerres en Corée et au Vietnam. Plus tard, elle a été redonnée au Japon, mais elle continue d'abriter des bases militaires américaines. C'est une très petite île, occupant seulement 0,6% de la superficie totale du Japon, mais elle contient 73,8% des bases militaires américaines se trouvant sur le sol nippon. Les États-Unis sont comme un occupant d'Okinawa, il s'ensuit de terribles accidents et  crimes.

Manifestations au Japon

    Au milieu de la ville de Ginowan se trouve la base militaire de Futenma, qui est très dangereuse, car beaucoup de gens vivent alentour.  Le gouvernement qui va fermer cette base dangereuse, a commencé à en construire une nouvelle sur le rivage de Henoko et il affirme que remplacer celle de Futenma par celle d'Henoko est le seul moyen de protéger la vie des habitants. Toutefois, en fait, celle qui va être construite sera complètement nouvelle, équipée d'installations les plus modernes. Si elle est construite, Okinawa deviendra pour l'éternité une base militaire des États-Unis. 

    Les habitants d'Okinawa ne veulent plus être dans cette situation misérable. La plupart d'entre eux n'acceptent pas le plan du gouvernement. Au cours de la dernière élection générale, tous les candidats du Parti libéral-démocrate d'Okinawa, qui soutiennent le plan et Abe, ont été battus, et l'actuel préfet Onaga, qui s'oppose fortement au projet du gouvernement, a été élu. Il déclare qu'il fera tout pour le faire échouer. Le 21 septembre, lors de la réunion du Comité des droits de l'Homme des Nations Unies, il a dit : "Comment un pays qui ne peut pas garantir la liberté, l'égalité et la démocratie à son propre peuple, peut-il agir en concertation avec les pays démocratiques dans le monde?"

    Les habitants d'Okinawa le soutiennent, et beaucoup de gens dans d'autres départements soutiennent la lutte des Okinawaïens. Des manifestations ont lieu devant le Parlement à Tokyo et à Okinawa. Je suis sûr qu'Onaga et Okinawa vont gagner.

 

Manifestations contre la remise en route de la centrale nucléaire de Sendai
      Le réacteur n°1 de la centrale nucléaire de Sendai dans l'île de Kyūshū au sud, déjà vieux de 32 ans et le plus dangereux selon un chercheur, a été remis en fonctionnement par la compagnie Kyūshū. Au Japon, depuis septembre 2013, aucun réacteur ne fonctionnait, puis, au bout de 2 ans et demi, les Japonais ont eu à nouveau de l'électricité produite par le nucléaire.

Après l'accident nucléaire de Fukushima en 2011, le nouveau comité qui s'appelle Autorité de Régulation Nucléaire a été fondé pour examiner plus sévèrement les réacteurs. Ce comité a constaté que le réacteur n°1 de Sendai répondait à la nouvelle norme, mais son président n'a jamais dit qu'il n'offrait aucun risque. Le Premier ministre Abe a  détourné de son sens le résultat de l'examen du comité et a déclaré: "Le comité a constaté que le réacteur de Sendai est sûr selon la norme la plus stricte dans le monde, de sorte que le gouvernement approuve sa remise en fonctionnement".

Cependant, la norme n'est pas la plus sévère, ni ce réacteur tout à fait sûr. Diverses personnes expliquent de différentes façons les dangers du réacteur. En voilà les deux principaux :

   1. Possibles  éruptions très importantes sur l'île de Kyūshū
    La plupart des sismologues et vulcanologues avertissent d'une possibilité d'énorme éruption aux alentours du réacteur, et tous disent qu'il est impossible d'en prévoir la survenue, mais la compagnie d'électricité répète que c'est possible et qu'au moment venu elle transportera les matériaux nucléaires quelque part.

 

    2. Les plans d'évacuation ne sont pas suffisants
    L'Autorité de Régulation Nucléaire n'examine pas les  plans d'évacuation. Les villes et villages en sont responsables. Autour de la centrale vivent beaucoup de gens, de sorte qu'il sera très difficile pour tous les habitants d'être évacués rapidement sans problèmes.
    Le gouvernement et les compagnies électriques, profitant de la remise en route du réacteur de Sendai, désirent accélérer celle d'autres réacteurs. Maintenant, plus de 60% de la population s'oppose à cette politique du gouvernement, alors des manifestations  ont lieu à divers endroits.

Manifestations au Japon

Eruption du mont Aso le 14 septembre 2015

Actuellement les volcans japonais sont très actifs. Dans l'île de  Kuchinoerabu-jima près de l'île de Kyūshū, en raison de l'éruption les habitants se sont réfugiés ailleurs. Dans Kyūshū, le mont Sakurajima entre en éruption presque tous les jours et, dernièrement, le mont Aso dans la même île a fait de même. Sur l'île principale de Honshū, nous entendons aussi parler de nouvelles éruptions. Maintenant les volcans japonais nous avertissent des dangers des centrales nucléaires, mais le gouvernement n'a pas d'oreilles pour entendre. Vraiment "si nous ne prévoyons pas l'éventualité d'une disparition de l'Etat, c'est la fin de l'Etat".

Manifestations au Japon

Les Jeux Olympiques en 2020 vont-ils être une réussite?
    Le Japon a réussi à obtenir que les Jeux Olympiques de 2020 aient lieu à Tokyo . L'argument décisif de la réussite a été un mensonge du Premier ministre Abe. A cette époque, de nombreux membres du comité olympique CIO craignaient que Tokyo ne soit toujours pas un lieu sûr en raison de l'accident nucléaire de Fukushima. Pour balayer cette crainte, Abe a menti en disant que l'accident nucléaire était sous contrôle. Pourtant, même maintenant sortent chaque jour des réacteurs de Fukushima des substances radioactives qui se mélangent à l'air et de l'eau contaminée qui se jette dans la mer. Nous ne savons toujours pas dans quel état est le combustible nucléaire dans les enceintes des réacteurs. Beaucoup d'habitants de Fukushima ont dû être évacués dans des endroits étrangers et ils sont sans espoir de revenir à leur domicile et à leur ancienne vie.

   Après le mensonge d'Abe, s'est posé le problème du stade olympique. Le comité avait choisi le projet d'une femme, l'architecte Zaha HADID (photo), mais par la suite, il s'est avéré que le coût serait de 250 milliards de yens (environ 2 milliards d'euros). Beaucoup de gens se sont mis en colère, parce que les stades des Jeux Olympiques précédents avaient coûté moins cher :

 

2008 Pékin                  52, 5 milliards de yens

2012 Londres               58,3 milliards de yens

2016 Rio                      44 milliards de yens

 

2020 Tokyo           250 milliards de yens

 

    La colère des gens était si grande, qu'Abe a eu peur qu'elle ne se retourne contre lui et qu'elle ne prenne ensuite pour cible la législation militaire proposée. Il a déclaré soudain qu'il allait reconsidérer le plan, et le gouvernement a décidé de construire le stade avec un coût de 155 milliards de yens. Récemment, il a promis au président du CIO que le nouveau stade serait prêt en janvier 2020, trois mois avant la date prévue sur le plan. Est-ce que les Japonais approuveront ce plan encore très onéreux? Est-ce que le stade sera construit dans les délais promis par Abe?

Manifestations au Japon

Ensuite est arrivé le problème de l'emblème. Pour les Jeux Olympiques, on a besoin d'un logo. Le comité a choisi un logo conçu par M. Sano Kenjirō (Photo), mais ensuite on a trouvé un dessin similaire sur Internet. Le problème englobait d'autres problèmes et finalement le comité a décidé qu'il allait choisir un nouveau logo.

 

Les Jeux Olympiques de Tokyo ont commencé avec le mensonge d'Abe. Rien de bon ni d'idéal ne peut naître d'un mensonge. Lorsque le Japon a réussi à obtenir l'organisation des Jeux, beaucoup ont accueilli la nouvelle avec enthousiasme et ont applaudi Abe, mais un tel enthousiasme a aujourd'hui disparu. Au contraire, à cause de la construction à Tokyo, la main-d'oeuvre fait défaut et les matériaux renchérissent, donc la reconstruction des villes endommagées par la catastrophe de 2011 est maintenant difficile. Le thème principal des Jeux Olympiques de Tokyo était "Jeux Olympiques pour la reconstruction,", mais maintenant nous constatons que ce slogan est aussi un mensonge.

 

   Le Premier ministre Abe est assiégé de divers problèmes: introduction d'un impôt de 10% à la consommation, TPP (Traité du Trans-Pacifique) entre les pays sur le pourtour de l'océan Pacifique qui peut détruire l'agriculture japonaise, réductions des versements des assurances aux personnes âgées, etc. Réussira-t-il à résoudre ces problèmes? Je désire vraiment sa défaite.

 

Manifestations au Japon (2) en espéranto

Manifestations au Japon (1) en français

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26 octobre 2015 1 26 /10 /octobre /2015 17:14
Le Japon et les centrales nucléaires

Raphaël Hauptmann, lecteur tokyoïte du blog de Fukushima, nous fait part d’informations sur le nucléaire, en particulier de la sortie récente d’un documentaire réalisé par Hiroyuki Kawai, juriste militant pour la fermeture de toutes les centrales nucléaires du Japon.

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Centrale de Takahama, fermée en 2015 (source : AFP / Kazuhiro Nogi)

 

Selon une étude menée par l’équipe d’épidémiologistes de l’université d’Okayama dont les résultats ont été rendus publics début octobre, quatre ans après les fuites radioactives de la centrale de Fukushima, le taux d’apparition de cancers de la thyroïde chez les enfants du département de Fukushima est 50 fois plus élevé que la moyenne nationale.

 

Le lendemain du tsunami du 11 mars, les autorités décident l’évacuation dans un rayon de 10 km autour de la centrale. Les recherches de survivants dans la zone sont suspendues à ce moment, empêchant de sauver des dizaines de vies humaines.

 

Les équipes de la centrale de Fukushima ont été proches de l’abandon complet de la centrale. Le premier ministre de l’époque, M. Kan, était personnellement intervenu pour demander aux équipes d’éviter le scénario catastrophe qui aurait provoqué la chute du pays.

 

Le scénario catastrophe est une explosion de la totalité des réacteurs de Fukushima s’ils sont laissés à l’abandon, et une contamination radioactive entraînant la nécessité d’évacuation dans un périmètre de 250 km autour de la centrale, ce qui représente une population de 60 millions de personnes à évacuer, incluant la ville de Tokyo.

 

Prévision de l’évacuation de Tokyo en 2011 par le gouvernement japonais (source : Asahi Shimbun : http://ajw.asahi.com/article/0311disaster/fukushima/AJ201201070039)

Prévision de l’évacuation de Tokyo en 2011 par le gouvernement japonais (source : Asahi Shimbun : http://ajw.asahi.com/article/0311disaster/fukushima/AJ201201070039)

Au Japon, une association de 300 avocats lutte pour l’arrêt des centrales nucleaires sur tout le territoire japonais. Leur leader, M. Hiroyuki Kawai, a mené cette lutte pendant 30 ans. Leur argument : la sécurité des centrales n’est pas assurée, en considérant les risques de tremblements de terre, d’éruptions volcaniques, et la menace terroriste ou militaire. Ils ne bénéficient que d’une très faible exposition médiatique malgré la validité de leurs arguments et leur engagement altruiste, et utilisent Twitter, internet et séances de projection régionales comme vecteurs d’information. Les médias traditionnels japonais sont aujourd’hui fortement contrôlés par le gouvernement en place, la principale chaîne de télévision d’information NHK est sous la direction d’un proche du parti du premier ministre Abe. Les présentateurs trop critiques de la politique du gouvernement sont écartés sans bruits des plateaux de télévision.

 

Des rumeurs circulent sur la volonté des groupes d’extrême droite et de la droite militariste, avec à sa tête M. Abe, de maintenir la production d’énergie nucléaire pour faciliter un armement nucléaire dans le futur. Le gouvernement est en train de faire sortir de force le pays de la voie pacifique empruntée depuis l’Après Guerre et pourrait dans un futur proche renier les principes anti-bombe atomique hérités de Nagasaki et Hiroshima.

 

M. Kawai a réalisé un film documentaire, Nihon to Genpatsu (le Japon et les centrales nucléaires), diffusé du 10 octobre au 30 octobre 2015 dans une salle de cinéma du quartier de Shibuya à Tokyo. Ce malgré la qualité du documentaire qui mériterait une diffusion nationale et d’être vu par tous, apportant une vision claire des évènements de Fukushima et du fonctionnement du village nucléaire Japonais, qui a ses ramifications dans 60% des organes et administrations du pays et achète le silence des collectivités locales via des subventions.

 

Ayant expérimenté au Japon en 2011 la terreur liée aux radiations de Fukushima, je souhaite la fermeture des centrales nucléaires mondialement, pour tirer un trait sur le cauchemard éveillé qu’est le nucléaire, et faire progresser notre société. C’est notre mission d’éviter les catastrophes qui peuvent menacer l’espèce humaine d’extinction.

 

 

Le 14 avril 2015, un jugement de tribunal est rendu et donne victoire à Kawai-sensei pour la fermeture de la centrale nucléaire de Takahama, qui permet de protéger du risque nucléaire la région du lac Biwa, de Kyoto et Nara. C’est la première fois dans l’histoire du Japon qu’une centrale est arrêtée par décision juridique.

 

M. Kawai n’a pas peur et poursuit son combat de toutes ses forces, parce que sa lutte est juste. Il sait que la résistance de ses ennemis est un combat perdu d’avance et son objectif actuel est de retarder la remise en route des centrales japonaises jusqu’au moment où le transfert vers les energies renouvelables sera devenu une évidence. L’ancien premier ministre Koizumi est engagé à ses côtés pour la sortie du nucléaire et le transfert vers les énergies renouvelables.

 

Tokyo, Octobre 2015

Raphaël Hauptmann

 

Le Japon et les centrales nucléaires

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En savoir plus

Hiroyuki Kawai est né en 1944 dans l'ancienne colonie japonaise de la Mandchourie au nord-est de la Chine. Après des études à l’Université de Tokyo, il a commencé à pratiquer le droit en 1970 comme avocat. Aujourd'hui, il est président de Sakura Kyodo Law Offices à Tokyo. Après l'accident nucléaire de Tchernobyl, M. Kawai fit connaissance avec Jinzaburo Takagi, qui est l'un des fondateurs du Centre d'information citoyen sur le nucléaire (CNIC), et a acquis la conviction que les centrales nucléaires sont le plus grand destructeur de l'environnement. En coopération avec un ami avocat Yuichi Kaido, expert de premier plan dans les poursuites contre les centrales nucléaires, M. Kawai a commencé à se battre pour fermer les centrales nucléaires par les tribunaux en s’impliquant personnellement dans des poursuites contre la centrale nucléaire d’Hamaoka dans la préfecture de Shizuoka et contre le projet de la centrale nucléaire d’Ohma dans la préfecture d'Aomori.
Après le 11 mars 2011, M. Kawai est devenu encore plus actif dans les activités anti-nucléaires. Persuadé que le Japon doit s’orienter vers une société indépendante de la production d'énergie nucléaire, il a créé le Réseau national des conseillers juridiques dans les affaires contre les centrales nucléaires, qui a intenté des poursuites contre presque toutes les centrales nucléaires au Japon. Il conduit également le groupe de conseil pour les actionnaires de Tokyo Electric Power Company (TEPCO), qui réclament réparation de 5500 milliards de yens, la plus grande demande d'indemnisation dans l'histoire japonaise. Il est également l’avocat représentant un groupe de 14 716 plaignants qui poursuit en pénal les présumés contrevenants, dont les dirigeants de TEPCO, concernant la catastrophe nucléaire de Fukushima et les dommages qui en résultent.

Son adversaire actuel est le village nucléaire japonais. Il le définit comme une structure informelle gigantesque à but lucratif occupant 60% à 70% de l'économie japonaise, qui comprend non seulement les compagnies d'électricité, mais aussi des entreprises générales de construction, des banques, des entreprises commerciales, des fabricants, des entreprises de communication de masse, des chercheurs et des politiciens. (source : CNIC)

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Raphaël Hauptmann, Français expatrié de 36 ans, vit au Japon depuis novembre 2007 et travaille dans des filiales de groupes industriels. Il souhaite contribuer au débat libre sur le sujet du nucléaire et apporter un point de vue local sur la perception de la situation au Japon.

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19 octobre 2015 1 19 /10 /octobre /2015 13:26
Fukushima, bilan d’une situation sanitaire inquiétante

Avec ce nouvel article, la chercheuse Cécile Asanuma-Brice fait le point sur la dernière enquête épidémiologique concernant l’exposition à de faibles doses de radioactivité et sur les recherches médicales menées à Fukushima après l’explosion de la centrale en mars 2011. Sans surprise – ce n'est la première étude sur le sujet – il est confirmé que les faibles doses de radioactivité augmentent le risque de mort par leucémie. On apprend également qu'une étude scientifique japonaise confirme un taux des cancers de la thyroïde de 20 à 50 fois plus élevé à Fukushima que dans le reste du pays. Par ailleurs, l'article indique 64 décès d'ouvriers ayant travaillé à la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi depuis 2011, alors que Tepco n’en dénombre que 14 officiellement. Malgré les évidences, les autorités et l'opérateur continuent de nier les effets sanitaires désastreux de la catastrophe de Fukushima et de l'utilisation de l'énergie nucléaire en général.

PF

 

-oOo-

 

 

Fukushima, bilan d’une situation sanitaire inquiétante

 

Cécile Asanuma-Brice

 

 

Source : http://blogs.mediapart.fr/blog/cecile-asanuma-brice/191015/fukushima-bilan-d-une-situation-sanitaire-inquietante

 

 

Tant est grand l’irrationnel en cet affaire et par-delà les contradictions qui dépassent l’entendement, simultanément à l’annonce des résultats du groupe de recherche INWORKS (Ionising radiation and risk of death from leukemia and lymphoma in radiation-monitored workers) selon lesquels le risque de mortalité par leucémie ou myélome multiple des travailleurs de centrales nucléaires après exposition à des faibles doses est désormais avéré [1], le gouvernement japonais, avec l’aval de l’AIEA [2], a relevé les doses acceptables pour les travailleurs du nucléaire de 100msv/an à 250 msv/an en cas d’urgence [3].


Pour rappel, cette même norme qui était à 20 mSv/an avant l’explosion de la centrale de Tepco - Fukushima Dai ichi a été réhaussée à 100 mSv/an après l’accident (pour les travailleurs du nucléaire) et à 20 mSv/an pour la population civile. Suite au réhaussement de la norme, lors du seul mois d’août 2015, on compte trois décès parmi les travailleurs de la centrale nucléaire de Fukushima Dai ichi, ce qui porte à 64, selon les chiffres officiels [4], le nombre de travailleurs décédés des conséquences de leur travail.

 

Devant la vivacité des prises de position concernant les conséquences sanitaires du nucléaire, nous avons jugé nécessaire de refaire un bref bilan sur le sujet, afin de poser une question des plus candides : le nucléaire est-il dangereux pour l’homme ? Où en sont les enquêtes épidémiologiques sur le sujet ? Qu’avons-nous appris des diverses recherches médicales menées à Fukushima après l’explosion de la centrale en mars 2011 ?

 

 

Les effets épidémiologiques du nucléaire : Even INWORKS [5] doesn’t work…

 

Cette étude, menée par 13 chercheurs en épidémiologie provenant tous de laboratoires distincts, a été rendue publique en juin 2015. Son financement provient du centre de prévention et contrôle des maladies, du Ministère de la santé, du travail et du bien-être du Japon, de l’Institut de Radioprotection et de Sûreté nucléaire (IRSN), d’AREVA, d’électricité de France, de l’institut national pour la sécurité et la santé (USA), du département de l’énergie américain, du service sanitaire et humanitaire des Etats-Unis, de l’université de Caroline du Nord, du ministère de la santé publique anglais. Les financements de cette recherche relèvent donc principalement d’acteurs impliqués directement dans les intérêts du microcosme nucléaire. Néanmoins, les auteurs de cette recherche précisent que les financeurs ne sont à aucun moment intervenus dans la recherche ou dans la rédaction du rapport, leur rôle s’étant limité à l’autorisation d'accès aux données. Cette étude a consisté à suivre non moins de 308 297 travailleurs employés dans un équipement nucléaire depuis au moins un an, pour la France : par la Commission d’Energie Atomique (CEA), AREVA Nuclear Cycle, ou l’entreprise nationale d’électricité (EDF) ; les départements de l’énergie et de la défense pour les USA ; et pour l’Angleterre, les employés de l’industrie nucléaire inscrits au registre national des travailleurs de la radioactivité [6]. La méthode utilisée pour suivre l’état de santé des travailleurs a été la régression de Poisson, ou modèle linéaire de fonctions logarithmiques, qui permet de quantifier les associations entre la dose absorbée par la moelle épinière, et le taux de mortalité par leucémie, lymphoma (tumeurs qui se développent sur les cellules lymphatiques) ou myélome multiple. Jusqu’à présent les données dont nous disposions provenaient essentiellement de la radiothérapie. On avait par exemple démontré que l’exposition annuelle à des doses de radiations ionisantes était passée de 0,5 mGy par personne en 1982 à 3,0 mGy par personne en 2006 aux Etats-Unis. Ce phénomène a été observé dans la plupart des pays à revenus élevés. D’autres données avaient été accumulées via le suivi épidémiologique des survivants des deux bombes atomiques larguées par les Etats-Unis à Hiroshima et Nagasaki en août 1945. Leur analyse a permis de démontrer le lien de cause à effet entre l’exposition à des radiations ionisantes et le développement de leucémie. Mais ces résultats ne concernaient que l’exposition à des niveaux élevés de radiation. Les auteurs n’évoquent pas les bases de données effectuées et analysées après Tchernobyl. L’étude menée par l’équipe de chercheurs de INWORKS quant à elle, prouve la corrélation entre le risque de mort par leucémie et l’exposition à de faibles doses de radiation, via un suivi des individus concernés sur une période de 60 ans.

 

Risque relatif de leucémie – à l'exclusion de la leucémie lymphoïde chronique – associée à 2 ans de dose cumulée pour la moelle osseuse rouge (source : http://www.thelancet.com/journals/lanhae/article/PIIS2352-3026%2815%2900094-0/fulltext)

Risque relatif de leucémie – à l'exclusion de la leucémie lymphoïde chronique – associée à 2 ans de dose cumulée pour la moelle osseuse rouge (source : http://www.thelancet.com/journals/lanhae/article/PIIS2352-3026%2815%2900094-0/fulltext)

La raison au service du devoir de soumission

 

Mais puisque rien n’arrête ceux qui vont se servir à la boucherie ALARA (As Low As Reasonably Achievable – aussi bas que raisonnablement possible) [7], c’est moins d’évidences épidémiologiques que de « raison » dont nos vies dépendraient. Ainsi, la démagogie en la matière aurait depuis peu remplacé le terme de victime par celui de « personnes affectées » dans ses documents. Ce changement de terminologie, notamment dans les rapports de l’ICRP [8] n’est pas sans conséquence car l’affect, est, en psychologie, ce qui est opposé à l’intellect, et en cela, induirait des comportements qui ne seraient pas rationnellement fondés. En psychologie, l’affectivité est opposée à la cognition, soit aux capacités d’un raisonnement rationnel bien que cette approche dichotomique tende à se nuancer au cours du temps. En outre, l’utilisation du terme d’affect ici renvoie au discours d’une peur irrationnelle d’un danger mal connu (le nucléaire) qui serait à l’origine d’une radio-phobie. Récemment, l’ICRP s’accorde à dire que ce terme de « radio-phobie » dont elle était l’auteur, est déplacé. Il serait, selon leur nouveau discours, normal que les personnes aient peur car elles seraient dans la méconnaissance. Il s’agirait donc de mettre en place un système d’éducation afin de remédier à l’ignorance régnante. Cette logique est néanmoins en contradiction avec celle développée par les mêmes personnes pour appliquer le principe ALARA, soit : « nous ne savons pas, scientifiquement, quels effets sanitaires ont les faibles niveaux de radioactivité, donc on ne peut que faire avec sur place ». Le tout sera donc de trouver la voie pour enseigner ce que l’on ne sait pas… Cela en dit long sur le poids donné à la simple communication en la matière. Par ailleurs, l’étude Inworks a désormais démontré les conséquences sanitaires concrètes des faibles doses. Ainsi, on peut se demander si la communication mise en place par l’ICRP ne relève pas de l’endoctrinement publicitaire plus que de l’information scientifiquement fondée.

 

 « Faire aussi bas que raisonnablement possible » (ALARA) signifie également, selon Jacques Lochard, que « Le droit au refuge ne peut être une des règles de la radio-protection. Nous devons accepter la situation et faire avec. » [9]. Deborah Oughton (CERAD) complète ces termes prononcés lors du symposium sur l’éthique en radio-protection par « nous devons éduquer les gens aux risques, afin de rendre ce risque plus acceptable ». Le tout est de savoir par qui ce risque devrait être accepté et pourquoi. Ces quelques extraits d’intervention choisis parmi d’autres, nous ont amené à nous interroger sur ce qui est très certainement l’une des préoccupations majeures de nos sociétés aujourd’hui, soit le fait que ceux qui effectuent la prise de risque sont rarement ceux qui reçoivent les bénéfices de cette prise de risque. En cela la situation devient inacceptable pour ceux qui en sont victimes. Cela se reflète concrètement par la détérioration de leur état psychologique et se traduit par un taux de suicide qui augmente de façon exponentielle.

 

 

Les effets psychologiques du nucléaire : un retour impossible

 

Nous avions établi un premier bilan en décembre 2014 du nombre de victimes de cette gestion aussi désastreuse que le désastre lui-même, comptabilisant 1170 décès relatifs à l’explosion de la centrale nucléaire de Tepco [10]. Les résultats d’une enquête récente menée auprès de 16 000 personnes réfugiées par l’équipe du professeur Takuya TSUJIUCHI, directeur de l’institut d’anthropologie médicale sur la reconstruction des désastres de l’université de Waseda [11], montre que plus de 40% d’entre elles sont atteintes de troubles de stress post-traumatique (PTSD). Le professeur Tsujiuchi, interviewé par la NHK le 27 mai 2015, précise que contraindre ces personnes au retour à la vie sur le lieu générateur du désordre psychologique alors même que cet environnement reste instable en raison du taux de contamination et de l’état de la centrale nucléaire en déliquescence, aurait des conséquences dramatiques. Celui-ci précise qu’à la différence des résultats des tests post-traumatiques effectués après des tremblements de terre, il ressort de cette enquête que les victimes ne sont pas confrontées à un simple stress dans la gestion de leur vie quotidienne, mais ressentent une véritable angoisse de mort face à la menace nucléaire. Selon le professeur Tsujiuchi : « aujourd’hui on fait comme si la catastrophe avait pris fin, alors que ça n’est pas le cas. On coupe l’aide au logement, puis, l’indemnité pour préjudice nerveux, puis les compensations financières pour perte de bien… il n’y aura bientôt plus d’aides au refuge. La situation est très dangereuse. »

 

Carte de la Préfecture de Fukushima et des aires de dépistage de nodules thyroïdiens de 2011 à 2013 (source : http://www.ourplanet-tv.org/files/Thyroid_Cancer_Detection_by_Ultrasound_Among.99115.pdf)

Carte de la Préfecture de Fukushima et des aires de dépistage de nodules thyroïdiens de 2011 à 2013 (source : http://www.ourplanet-tv.org/files/Thyroid_Cancer_Detection_by_Ultrasound_Among.99115.pdf)

Les enquêtes épidémiologiques à Fukushima : Il est toujours trop tôt à moins qu’il ne soit déjà trop tard…

 

Le 8 octobre 2015, lors d’une conférence de presse à Tôkyô au club des correspondants étrangers du Japon, le Professeur Toshihide TSUDA, épidémiologiste de l’université d’Okayama, spécialiste des retombées sanitaires des pollutions environnementales, exprime son désarroi quant à la manière dont les enquêtes épidémiologiques sont actuellement menées à Fukushima. L’université médicale de Fukushima ainsi que la Préfecture elle-même, deux acteurs à la tête des investigations menées depuis 2011, estiment encore aujourd’hui, qu’il est trop tôt pour tirer des conséquences sérieuses des résultats obtenus.

 

Quels sont ces résultats ?

 

Le professeur Tsuda et son équipe ont repris la totalité des données rassemblées d’octobre 2011 jusqu’en juin 2015. Soit, l’échographie de la thyroïde d’un échantillon de 370 000 personnes âgées de moins de 18 ans au moment des faits. Ils ont mené une étude comparative prenant en compte la moyenne connue de développement de cancer de la thyroïde sur l’ensemble du Japon par classe d’âge par année afin de quantifier le rapport de causes à effets entre la pollution engendrée par les isotopes qui se sont répandus dans l’atmosphère après l’explosion de la centrale et l’accroissement du nombre de cancer de la thyroïde chez les enfants de moins de 18 ans dans la région.

 

« Si l’on fait une comparaison avec la moyenne nationalement connue, on en déduit, que le taux de cancer de la thyroïde des moins de 18 ans a été multiplié par 50. Dans les endroits où le taux est naturellement faible, on trouve une multiplication par 20 fois du nombre de cancer de la thyroïde. Dans les localités (au plan national) où le taux était le plus faible, nous n’avons pas encore détecté de cas de développement de cancer de la thyroïde. »

 

Le professeur Tsuda se porte en faux face au rapport de l’organisation mondiale de la santé de 2013 qui sous-estime considérablement les conséquences sanitaires de l’explosion de la centrale de Fukushima. Selon lui, il sera bientôt trop tard pour prendre les mesures qui s’imposent face à une multiplication importante des cancers (il s’agit en particulier de cancers de la thyroïde,  de leucémies et de cancers du sein) dans les régions contaminées qui n’ont toujours pas toutes été évacuées, et dans lesquels, bien au contraire, on rappelle les familles réfugiées dites "volontaires" à revenir habiter. Le professeur Toshihide TSUDA a publié le 5 octobre 2015 les résultats de ses recherches dans la revue internationale Epydemiology [12] et les exposera à l’Institut des systèmes complexes (CNRS) à Paris le 9 novembre prochain.

 

 


[1] Ionising radiation and risk of death from leukemia and lymphoma in radiation-monitored workers (INWORKS) : an International cohort study, Klervi Leuraud, David B Richardson, Elisabeth Cardis, Robert D Daniels, Michael Gillies, Jacqueline A O’Hagan, Ghassan B Hamra, Richard Haylock, Dominique Laurier, Monika Moissonnier, Mary K Schubauer-Berigan, Isabelle Thierry-Chef, Ausrele Kesminiene, 22 juin 2015.

 

[2] Agence Internationale à l’Energie Atomique

 

[3] NHK News, 25 Juillet 2015. 緊急時の被ばく線量 上限引き上げ案を審

Nikkei, 15 août 2015, 原発作業員の被曝限度上げ、緊急時250ミリシーベルトに 規制

http://www.nikkei.com/article/DGXLASDG08H1Q_Y5A700C1CR0000/

 

[4] Journal Nikkan Gendai du 26 août 2015 :

http://www.nikkan-gendai.com/articles/view/news/163113

 

[5] Ionising radiation and risk of death from leukemia and lymphoma in radiation-monitored workers

 

[6] dixit : National Registry for Radiation Workers in the UK.

 

[7] Principe de précaution en matière de radio-protection lorsqu’il y a incertitude sur la relation dose-effet.

 

[8] Commission internationale de Protection Radiologique. Symposium 2-3 juin 2015 à l’Université Médicale de Fukushima : workshop sur les questions d’éthique dans le domaine de la radio-protection, organisé par l’université médicale de Fukushima et l’ICRP

 

[9] Prononcé en anglais : « The right of refuge could not be one of radio-protection rules. We have to accept situation and deal with ». Ibid.

 

[10] Cécile Asanuma-Brice (2014) : Beyond reality: The management of migratory flows in a nuclear catastrophe by a pro-nuclear State, Japan Focus, nov. (en anglais)

 

[11] Waseda Institute of Medical Anthropology on Disaster Reconstruction

 

[12]http://journals.lww.com/epidem/Abstract/publishahead/Thyroid_Cancer_Detection_by_Ultrasound_Among.99115.aspx

 

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Source illustration d’entête : Daily News (Santana/AP)

 

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10 octobre 2015 6 10 /10 /octobre /2015 07:50
Que se passe-t-il après un accident nucléaire ?

Texte de de HORI Yasuo du 20 août 2015

traduit de l'espéranto par Ginette MARTIN

avec l'aide de Paul SIGNORET

.

Beaucoup de pays ont des centrales nucléaires. Qu'arrivera-t-il aux habitants lorsque surviendront des accidents nucléaires graves ? Vous pouvez clairement voir et comprendre ce qui va arriver aux habitants, c'est-à-dire à vous, si vous regardez les faits qui se déroulent à Fukushima. Le Japon est un pays moderne et apparemment démocratique, où les droits de l'homme sont apparemment protégés, et le gouvernement a un budget plus important que d'autres pays pour cette catastrophe. Que se passe-t-il dans ce "bon" pays ?

 

Des villes pourront disparaître


    Le gouvernement a publié une prévision de la future population des 12 villes de la région côtière de Fukushima, dont les habitants ont reçu l'ordre d’évacuer :

 

Pronostics :

 

Que se passe-t-il après un accident nucléaire ?

Dans ces villes vivaient 203 000 personnes avant l'accident nucléaire, et selon les estimations de 2008, la population passera à 135 000 en 2045, car la population du Japon en général diminue de plus en plus. Mais en raison de l'accident nucléaire, la population diminuera plus rapidement et sera de 102 000 avant 2045. À mon avis, cette prévision est trop optimiste. Parce que seules les personnes âgées reviendront dans leur ville, la population se réduira  plus rapidement, par conséquent ces villes vont bientôt disparaître.
Une enquête auprès des habitants des villes autour de la centrale nucléaire d'août à octobre 2014 montre que peu de gens veulent retourner dans leur ancienne ville :

 

Personnes désirant revenir  à leur maison :

 

Villes

Reviendront

Namie

16,6%

Futaba

12,3%

Ōkuma

13,3%

Tomioka

11,9%

 

 

Les villes vont devenir des sanctuaires pour les sangliers


    Au lieu de personnes commencent à s'installer des animaux sauvages, principalement des sangliers, dans ces villes.

 

Que se passe-t-il après un accident nucléaire ?

Auparavant, les chasseurs pouvaient vendre de la viande de sanglier, mais maintenant celle-ci a une contamination supérieure à la norme et se trouve non comestible, donc ils ne veulent plus chasser, et en outre on doit enterrer ou brûler les sangliers attrapés. Cela non plus n'est pas facile.

Les hybrides de sanglier (inoshishi) et de porc (buta) appelés "ino-buta" se multiplient. Ils ont plus souvent et davantage de bébés, de sorte que les problèmes augmentent.

 

 

Les départements voisins aussi souffrent


Les substances radioactives se sont disséminées à partir des réacteurs endommagés au-delà des limites du Fukushima et elles ont contaminé une vaste zone.

Que se passe-t-il après un accident nucléaire ?

Cinq départements autour de Fukushima : Miyagi, Ibaraki, Tochigi, Gunma et Chiba, conservent les quantités suivantes de déchets pollués :

 

Que se passe-t-il après un accident nucléaire ?

A propos du département de Chiba, le ministère de l'Environnement a proposé que le lieu de stockage final soit sur le terrain de la centrale à vapeur de TEPCO, et celui-ci a accepté le plan, mais les habitants ont vivement protesté, et le plan stagne. Le ministère sournoisement a remplacé le nom "lieu de stockage" par celui d' "installation à gestion de longue durée" pour tromper les habitants, mais bien sûr, il n'a pas réussi à les convaincre.

En juillet 2015, 7128 personnes dans le département de Tochigi situé au sud de Fukushima ont exigé de TEPCO le paiement d'une indemnité. Bien qu'ils aient souffert de l'accident comme les habitants de Fukushima, TEPCO n'a rien fait pour eux, ni ne s'est excusé auprès d'eux.

 

 

Les victimes sont rejetées


    Maintenant, dans les villes de Namie, Futaba, Ōkuma, Tomioka et Naraha le long de la côte de Fukushima (voir le tableau de la page suivante) plus personne n'habite. Selon l'ordre du gouvernement, tous les habitants ont été évacués et depuis plus de 4 ans ils vivent dans des lieux étrangers,  sans recevoir une indemnisation suffisante.

 

En mars, le gouvernement a publié un nouveau plan pour l'annulation de cette obligation de rester en refuge. Selon ce plan, à l'exception des villes trop fortement polluées, les autres deviendront "habitables" à partir de mars 2017, c'est-à-dire celles qui sont en dessous de 20 millisieverts par an, donc TEPCO et le gouvernement vont cesser de verser des indemnités à partir de mars 2018 et ensuite plus du tout. Mais ce chiffre de 20 est trop élevé. Conformément à la loi et jusqu'avant l'accident, un lieu  contaminé à plus d'un millisievert par an était inhabitable. Pour économiser l'argent compensatoire, le gouvernement et TEPCO essaient de faire revenir les habitants, leur imposant cette norme illogique pour eux.

 

Que se passe-t-il après un accident nucléaire ?

Au début de septembre, le gouvernement déclarera l'annulation de cet ordre d'évacuation pour les habitants de Naraha. 7300 habitants, n'ayant pas encore les moyens suffisants pour subvenir à leurs besoins, perdront l'argent compensatoire. 90% d'entre eux ne veulent pas revenir par crainte d'une forte radioactivité et à cause de circonstances défavorables ; sans  hôpitaux ni magasins, sans voisins. Ils pourront aussi perdre leur habitation, car le gouvernement ne donnera plus de logement temporaire gratuit à partir de 2017. Ils doivent continuer d'errer, avec inquiétude et sans stabilité, quelque part dans la société japonaise.

 

 

Conclusion


      Un accident nucléaire diffère complètement des autres accidents. La radioactivité se diffuse largement et ne disparaît pas, alors le drame va se prolonger très longtemps. Même si les réacteurs nucléaires ne se trouvent pas dans les environs de votre maison, à tout moment vous pouvez en devenir les victimes.

Le gouvernement et les entreprises électriques agissent en capitalistes, à savoir uniquement pour le profit, alors ils veulent cesser le plus tôt possible de s'occuper des victimes. Malheureusement des hommes cupides soudoyés par les grandes entreprises gouvernent le pays, il faut donc que des hommes honnêtes mais sans pouvoir continuent de souffrir. La situation actuelle des victimes de l'accident nucléaire de Fukushima montre cela clairement.

 

 

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Rapport en espéranto

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3 octobre 2015 6 03 /10 /octobre /2015 18:09
Fukushima : les voix silencieuses

La réalisatrice Chiho SATO est née à Fukushima. Habitant en France depuis 2010, elle a vécu la catastrophe de Fukushima de manière terrible, comme beaucoup d’expatriés, car elle n’avait aucune nouvelle de sa famille. Quatre ans plus tard, ses proches habitent toujours dans la zone d'évacuation volontaire, à 60 km de l’ex-centrale nucléaire de Fukushima Daiichi. Aujourd’hui, elle souhaite réaliser un documentaire intimiste sur cette région radioactive, intitulé « Fukushima : les voix silencieuses », avec comme objectif de « ré-ouvrir le débat sur la situation à Fukushima en y incluant la voix des habitants eux-mêmes ».

Très intéressé par cette démarche, le Blog de Fukushima s’est rapproché de la réalisatrice pour lui poser quelques questions.

PF : Vous qui habitez en France depuis 2010, comment avez-vous vécu la catastrophe de Fukushima en 2011 ?

 

CS : C’était réellement une situation cauchemardesque. C'est une amie japonaise qui m'a averti du tremblement de terre le 11 mars. J'ai immédiatement essayé de téléphoner à mes parents, mais à ce moment-là les réseaux téléphonique étaient saturés, je n'ai donc pu joindre personne ! Pendant deux jours, et malgré mes tentatives d'appels heure après heure, je n'ai pu entendre leur voix. Les nouvelles à la Télé et sur internet étaient mes seules sources d'information. Ce qui a eu pour résultat de m'angoisser encore plus, car les images montraient en boucle les ravages du tsunami. Le 13 mars, j’ai enfin réussi à joindre ma famille sur le portable de ma mère. Ils n'avaient rien, la maison n’avait pas subi de dégât, j’étais vraiment émue. Mais ils n'avaient plus d'électricité. Ils vivaient comme à l'époque d’Edo (1600-1868) !! Ma mère avait juste réussi à recharger son portable grâce à un petit générateur à manivelle. Ma mère s’inquiétait des risques dus à l'explosion de la centrale mais apparemment les informations à la radio n'en parlaient pas.

Par contre, en France, le nom de ma province natale courrait sur toutes les lèvres. J'ai alors commencé à envoyer des informations à ma famille par SMS.

 

PF : Est-ce que la catastrophe atomique de 2011 vous a fait changer d’avis sur l’utilisation de l’énergie nucléaire ?

 

CS : Je me souviens quand j'étais adolescente, lycéenne à Fukushima city, on nous a présenté un dessin animé ventant le coté écologique et « vert » de la centrale nucléaire de Fukushima. Celle-ci étant l'une des principales sources d'énergie de la ville de Tokyo, son gestionnaire (TEPCO) avait tout intérêt à ce que les habitants et en particulier les enfants de la région est une bonne image de cette centrale. Mais mes parents étaient toujours ouvertement anti-nucléaires sans pour autant être militant. J'étais donc peu enclin à adhérer au message « greenfriendly » de TEPCO. Mais avant la catastrophe, je n'avais jamais été « activiste » anti-nucléaire. Malheureusement, et comme pour beaucoup de personnes j'en ai peur, il a fallu que le désastre me touche personnellement pour que je décide d'agir concrètement.

 

PF : Considérez-vous votre film comme un acte engagé anti-nucléaire ou comme un état des lieux montrant la vie des habitants de Fukushima de manière neutre, favorisant la réflexion?

 

CS : Au début avec ce projet, je voulais simplement faire un état des lieux. Montrer aux français le quotidien d'une famille de Fukushima. Peut-être aussi donner à voir des visages, des vies réelles, qui souvent sortent de nos esprits ou deviennent abstraites lorsque l'on entend parler d'une catastrophe à l'autre bout du monde.

Aujourd’hui, mon point de vue s'est développé, affiné au fil de mes recherches et des discussions. La mauvaise gestion de la crise par les autorités japonaises et TEPCO et les problématiques lié à la désinformation ont rendu mon regard beaucoup plus critique. Cependant je ne veux pas perdre ce qui est l'essence de ce film en particulier : l'intimité et le quotidien de ma famille. Je désire donc être un témoin actif (puisque diégétique) des craintes, des interrogations, des espoirs de ma famille et de leur entourage.

 

PF : En quoi votre film peut faire prendre conscience des dangers du nucléaire ?

 

CS : Pour ma part je ne suis pas spécialiste du nucléaire ou médecin, je ne peux, ni ne veux rentrer dans des considérations scientifiques dans mon film. Je ne veux pas non plus pointer du doigt des enfants malades de la thyroïde et crier « Regardez ! C'est à cause du nucléaire ! ». Il y a plein de gens plus compétent que moi pour le faire. Par contre, je peux parler, en connaissance de cause, d'une autre particularité du nucléaire : on en oublie vite ses nuisances.

Dans un des extraits que nous avons mis en ligne, mon oncle nous confie qu’il a tendance à oublier la présence de la radioactivité. Aujourd'hui, ma famille préfère se dire que les doses auxquels ils sont exposés sont faibles et donc sans danger. A Fukushima-city, la plupart des gens n’ont pas peur de vivre, de respirer, ou de manger dans un environnement pourtant contaminé. Il est très difficile de se méfier ou même de se rebeller contre quelque chose qu'on ne voit pas, qu'on ne sent pas, qui ne nous fait pas souffrir dans l'instant. Donc, je pense que la prise de conscience que j'aimerais amener serait que l'un des plus grands dangers du nucléaire c'est de n'y penser que lorsqu'une catastrophe survient puis de l'oublier aussitôt.

 

PF : En impliquant votre famille dans ce documentaire, ne craignez-vous pas qu’elle vous le reproche un jour ?

 

CS : C'est une très bonne question. Je me la suis posée et continue de me la poser bien sûr. Je crains parfois d'être trop intrusive avec la caméra au sein de notre foyer familial. Mais je leur ai bien expliqué que mon point de vue n'était pas un jugement sur leurs choix ou leur quotidien. C'est la première fois que je réalise un documentaire aussi intime, alors bien sûr il y a une certaine « prise de risque » lorsqu'on est à la fois sujet, acteur et réalisateur de son film. Mais ma famille est très bienveillante et compréhensive. Et je pense, (j'espère) que peu à peu, eux aussi sont heureux de raconter leur expérience, leur histoire.

 

PF : L’évacuation des territoires contaminés a divisé la société japonaise. Comment vous positionnez-vous sur le fait de rester ou de ne pas rester dans les territoires radioactifs ?

 

CS : En premier lieu, je suis choquée par la manière dont les dirigeants japonais gèrent la crise. Ils minimisent les problèmes de contamination pour relancer l'économie de la région. Personnellement, je pense que la zone d'évacuation n'est déjà, à l'heure actuelle, pas assez étendue pour protéger les citoyens. Mais là, les autorités veulent réduire le périmètre et inciter des familles entières à se réinstaller dans des zones encore largement contaminées. Cette politique me met hors de moi ! Pour ce qui est de déménager, ou non, du territoire contaminé je pense que le choix est réellement personnel et donc différent selon les moyens économiques et les sensibilités de chacun. Et je ne peux me résoudre à juger ce genre de décision. Ma sœur, par exemple, avait quitté la province de Fukushima après la catastrophe. Mais l'année dernière, elle, son mari et leur deux enfants de 7 et 10 ans sont revenus habiter dans la département, non loin de chez mes parents. Pour ma part il est clair que je ne voudrais pas élever mes enfants dans cette zone mais encore une fois je ne peux pas juger les choix de chacun.

J'aimerais juste que toutes les familles qui font ce choix soit entièrement conscientes des risques encourus. Que leurs choix ne soient pas faussés par des propagandes gouvernementales.

 

(Propos recueillis par Pierre FETET, mis en forme par Lucas RUE, mari et co-réalisateur de Chiho SATO)

 

-oOo-

 

A ce jour, il manque encore 1500 euros pour que le film puisse être finalisé. Si vous êtes intéressé par le projet de Chiho Sato, vous pouvez lui apporter votre soutien par une participation financière, aussi modeste soit-elle, en cliquant sur le lien suivant qui donne aussi une présentation détaillée du projet :

 

FUKUSHIMA : les voix silencieuses

 

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27 septembre 2015 7 27 /09 /septembre /2015 06:53
Comment réarranger  les chaises-longues sur le Titanic nucléaire

Article paru sous le titre original « Rearranging the deck chairs on the nuclear Titanic » le 19 septembre 2015 sur le site du Japan Times

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Auteur : Jeff Kingston

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Traduction française : Fukushima is still news

Le bilan de l’accident nucléaire de 2011 à Fukushima récemment publié par l’Agence internationale de l’énergie atomique n’offre pas une lecture réjouissante et tombe à pic pour nous rappeler pourquoi le redémarrage de la centrale nucléaire de Sendai (dans la province de Kyushu) n’est pas une bonne idée.

 

Quand un organisme de promotion de l’énergie nucléaire présente, à de multiples reprises, de sévères critiques de l’affligeante culture de la sécurité nucléaire du Japon et expose la médiocrité  des mesures d’urgence et des protocoles de gestion des catastrophes, il est temps de se demander si les choses ont réellement changé dans les cinq dernières années, et si c’est une bonne idée de redémarrer les réacteurs nucléaires japonais quels qu’ils soient.


En 2012, le gouvernement a mis en place un nouvel organisme de surveillance de la sécurité nucléaire, l’Autorité de régulation nucléaire (NRA en anglais) et il prétend aujourd’hui que le Japon utilise les critères de sécurité les plus stricts du monde. Mais est-ce bien vrai ? Et est-ce vraiment important ?


Pour David Lochbaum, co-auteur de “Fukushima: The Story of a Nuclear Disaster,”un livre paru l’an dernier et le meilleur que j’aie pu lire sur la fusion des réacteurs, les dernières réformes ne sont qu’une manière de « réarranger les chaises-longues sur le Titanic nucléaire ». Lochbaum n’accorde aucune crédibilité à l’allégation du Japon qui veut que ses normes soient les plus strictes du monde.

 

« J’aimerais encore mieux acheter le pont de Brooklyn, » ironise Lochbaum. « Qu’aurait dit le Japon de ses normes de sécurité le 10 mars 2011 ? Aurait-il admis que ses normes de sécurité n’étaient qu’au 23è rang mondial, mais que ce niveau de protection était suffisant pour les citoyens japonais ? 

« Tout cela n’est que gesticulations sans valeur.  Aucun organisme de régulation quelque soit le pays ne concèderait publiquement ne pas avoir ce qu’il y a de mieux au monde en matière de normes. »


Si la NRA avait existé avant Fukushima, Lochbaum est d’avis que la catastrophe aurait démontré l’insuffisance de cet organisme.


« La NRA aurait été éclatée et ses attributions déléguées à diverses agences gouvernementales, » dit-il.


Mais à l’époque, la responsabilité et l’autorité en matière de sûreté nucléaire étaient divisées entre plusieurs agences et le gouvernement a décidé de concentrer tous les pouvoirs entre les mains de la NRA. Et c’est ce qu’il appelle une solution.


« Les catastrophes sont une mauvaise chose et nécessitent des changements, » dit Lochbaum. « On en oublie que les changements ne résolvent en rien les problèmes sous-jacents. »


Cependant, parmi ceux qui « réarrangent les chaises longues nucléaires », le Japon n’est pas le seul pays à brandir un simulacre d’amélioration de la sécurité. Lochbaum rappelle comme exemple l’incident qui a eu lieu en 2008 en Pennsylvanie.


« Quand on a découvert que des responsables sécurité sous traitants dormaient pendant leur  temps de travail à la centrale nucléaire de Peach Bottom, le directeur a licencié le sous-traitant et conservé les responsables sécurité, » rappelle-t-il. « C’était grosso modo le même groupe de personnes mais avec un logo différent sur leur uniforme. Mais la différence de logo avait en quelque sorte « résolu » le problème et tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes. »

 

L’histoire est pertinente puisque la plupart des employés de la NRA travaillaient auparavant pour l’Agence de sûreté nucléaire et industrielle qui a été tant décriée. La médiocrité du système de surveillance et les défaillances du système de sécurité qui ont été reprochés à l’Agence étaient dus à l’emprise réglementaire et à son attitude de servilité envers les opérateurs.


« C’est plus pratique de blâmer l’emprise réglementaire pour le désastre de Fukushima que de chercher la vérité,» indique  Lochbaum . «  Mais je ne connais aucun réacteur au monde, de quelque type que ce soit, qui aurait pu survivre au double impact du séisme et du tsunami qui a terrassé la centrale. » Et pourtant, ce n’est pas rassurant de savoir, comme le dit Lochbaum, que « le type et les procédures de fonctionnement de Fukushima ne sont pas radicalement différents de ceux qu’on trouve ailleurs dans le monde. »


Le rapport de l’AIEA et Lochbaum insistent tous deux sur la nécessité d’une défense en profondeur, c’est-à-dire de plusieurs niveaux d’infrastructures de sécurité, d’équipements et de redondance, pour réduire les possibilités d’accident nucléaire.


Une défense en profondeur dépend de multiples barrières qui limitent les risques, mais Lochbaum énumère toutes les barrières qui n’ont pas joué leur rôle à Fukushima : arrêt de l’électricité hors site, arrêt de l’électricité sur le site même, des générateurs de secours sur le site qui n’ont pas pu être mis en route à temps, un mur de protection anti-tsunami pas assez haut, etc.

 

« Si une seule de ces barrières avait fonctionné, il n’y aurait pas eu de Fukushima, » insiste Lochbaum. « Il n’y a tout simplement pas eu suffisamment de “ et si ?”, ce que l’AIEA décrit comme « un manque de remise en question des systèmes de sécurité existants. »
 

L’AIEA sous-entend que parce qu’ils ne s’étaient pas préparés au pire et qu’ils s’appuyaient sur des scénarios probabilistes fondés sur des hypothèses démesurément optimistes, les instances de réglementation japonaises et les opérateurs de centrales ont négligé leur devoir. Le risque est bien là que la NRA, en vantant son nouveau système de sécurité, soit une fois encore en train d’alimenter le mythe de la sécurité.

« Quand nos hypothèses sont bonnes, les “critères les plus stricts” ont belle allure, » explique Lochbaum. «Mais quand nous nous trompons, c’est la faute de l’emprise réglementaire, d’une centralisation ou d’une décentralisation excessives dans la gestion, ou n’importe quelle excuse bidon. »

 

La NRA va continuer en grande partie à s’appuyer sur les déclarations et les autocontrôles des opérateurs pour garantir le respect de la réglementation. Étant donné que, de leur propre aveu, tous les producteurs d’énergie ont triché sur les données concernant les réparations et la maintenance, pourquoi leur ferait-on confiance aujourd’hui ?  

 

La centrale nucléaire de Sendai, dans la préfecture de Kagoshima, a été relancée cette année (Photo : REUTERS).

La centrale nucléaire de Sendai, dans la préfecture de Kagoshima, a été relancée cette année (Photo : REUTERS).

Lochbaum note également les incohérences énormes entre les évaluations de sécurité de la Commission de réglementation nucléaire américaine (la NRC) et celles des opérateurs. Il compare les objectifs de sécurité à des limites de vitesse pour le nucléaire, mais celles-ci n’ont aucun sens puisque les radars du gouvernement et les compteurs de vitesse des opérateurs sont complètement incontrôlables. Le résultat le plus concordant est une vitesse de 110 miles par heure au compteur du radar, alors que l’opérateur affirme avoir respecté la limite de vitesse de 55 miles. Mais dans une autre centrale, celle de Watts Bar dans le Tennessee, « le compteur nucléaire affichait 55 miles/heure quand le radar de la NRC affichait le chiffre accablant de 42 853 miles/heure ! ».


La conclusion de Lochbaum est que les modèles d’évaluation de risques « ne peuvent servir qu’à raconter des histoires amusantes et à perdre son temps de manière improductive tant que leurs résultats sont si loin de coïncider. Quand l’évaluation des risques présente un facteur de différence de 2 à 800, il est impossible de prendre des décisions qui tiennent véritablement compte des risques. Il ne s’agit plus de décision informée, mais de décision dé-formée. »

 

Il ne faut pas non plus attendre de miracles des tests de résistance appliqués aux réacteurs japonais ou d’autres mesures comme l’allongement de la hauteur des murs anti-tsunami, de la durée des batteries et autres améliorations marginales.


« Individuellement et collectivement, (tout cela) sert un peu de garde-fous et réduit la probabilité qu’une mauvaise hypothèse ne déclenche une autre catastrophe nucléaire, » fait remarquer Lochbaum. »  Mais tant que les barrières protectrices seront le résultat de suppositions sans avoir recours au “et si ?”, des catastrophes nucléaires continueront à se produire. »


L’AIEA affirme que le laxisme n’a pas sa place dans la sécurité nucléaire, mais n’interpelle pas le Japon sur une faille flagrante dans son système de préparation aux catastrophes. Elle expose en détail la nécessité de mettre en place un système d’évacuation d’urgence, des entraînements et des exercices adaptés, mais dans la réglementation actuelle, cette responsabilité revient aux villes qui hébergent les centrales, ce qui excède leurs capacités limitées, en particulier depuis que le périmètre de la zone d’évacuation autour des centrales est passé à 30 km. Les simulations d’évacuation fondées sur des conjectures optimistes montrent bien que la population vivant dans la zone d’évacuation sera exposée à d’importantes doses de radiation parce que les réseaux de transport seront saturés. Et si l’on prend en compte le risque d’une éruption volcanique qui déposerait une épaisse couche de cendres et d’un tsunami concomitant qui dévasterait les routes côtières, l’évacuation serait catastrophique.

 

Le Titanic lui aussi était mal préparé à évacuer les passagers, parce qu’il avait omis d’imaginer l’inimaginable et donc mal géré le risque. Il semble que les enseignements de Fukushima sont eux aussi ignorés : on préfère escamoter les risques et espérer pouvoir improviser de façon inspirée. Il y a donc bien lieu pour les citoyens japonais d’aller en justice pour bloquer le redémarrage des réacteurs et pour des juges courageux de résister aux pressions du village nucléaire et de prendre le parti du bon sens.

 

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20 septembre 2015 7 20 /09 /septembre /2015 18:04

Textes de HORI Yasuo des 11 et 15 août 2015

traduits de l'espéranto par Ginette MARTIN et Paul SIGNORET

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Sommaire :

  • Le réacteur n°1 de Sendai a été remis en route
  • Finalement, l'ancien président de TEPCO et d'autres seront accusés
  • Le gouvernement va décider de ce que seront les sources d'électricité en 2030
  • Des nouvelles encourageantes pour les habitants de Fukushima
  • Le saké japonais “Aidu-Homare” a obtenu le premier prix lors du concours mondial du vin
  • Écoliers et écolières de Tōhoku ont escaladé le Fuji-Yama
  • Festival équestre de Sōma
  • Quatre jeunes filles ont fait leur début comme danseuses de hula-hula

Nouvelles de l’été 2015 à Fukushima

Rapport du 11 août

 

Le réacteur n°1 de Sendai a été remis en route

 

Le réacteur n°1 de la centrale nucléaire de Sendai, dans le sud de l'île de Kyushu, déjà âgé de 32 ans et le plus dangereux selon l'avis d'un inspecteur, a été remis en route par la compagnie d'électricité de Kyushu. Au Japon, aucun réacteur ne fonctionnait depuis septembre 2013, or, deux ans et demi plus tard, les Japonais ont eu à nouveau de l'électricité d'origine nucléaire.

Après l'accident nucléaire de Fukushima en 2011, le nouveau comité qu'on appelle l'Autorité de Régulation Nucléaire a été établi pour examiner plus rigoureusement les réacteurs, et il a déjà jugé conformes à la norme quatre réacteurs des centrales nucléaires de Sendai, Takahama et Ikata. Le chef de l'Autorité affirme que les réacteurs sont conformes à la norme, mais n'affirme à aucun moment qu'ils sont sûrs. Cependant, le Premier ministre Abe a déclaré qu'il remettra en service les réacteurs que l'Autorité estime "sûrs", interprétant à sa manière les paroles du président du Comité.

Plus de 60% des gens s'opposent à la remise en route de ces réacteurs. A propos de celui de Sendai on mentionne principalement 3 dangers :

1. Le réacteur n'est pas équipé d'un récupérateur de corium, qui permettrait de récupérer les combustibles en fusion en cas d'accident grave, et en outre les installations nécessaires ne sont pas encore construites.

2. Dans l'île de Kyushu il existe un danger d'énorme éruption. La compagnie affirme que, avant une possible éruption, elle s'arrangera pour retirer les barres de combustibles et les transportera quelque part, mais les vulcanologues disent qu'il est impossible de prévoir une éruption d'une telle ampleur.

3. Les plans d'évacuation ne sont pas encore suffisants. Après l'accident de Fukushima, le gouvernement a fait passer la zone d'évacuation d'un rayon de 3 à 8 km à un rayon de 30 km, mais beaucoup de gens vivent dans cette zone agrandie et il s'y trouve beaucoup d'hôpitaux et des résidences pour personnes âgées, etc., de sorte qu'on ne peut pas prévoir d'évacuer tous les personnes malades et âgées. Le gouvernement se contente d'inciter les communes autour des centrales à établir des plans d'évacuation, mais, même en l'absence de ces plans, les compagnies électriques ont le droit de réactiver les réacteurs. Pour le gouvernement et les entreprises électriques, la vie a moins de valeur que l'électricité nucléaire.

L'été est intolérablement chaud au Japon, donc nous faisons un grand usage de climatiseurs, mais l'électricité n'a jamais manqué, et jamais les gens n'ont subi d'inconvénients dans leur quotidien. Pourquoi le premier ministre et le monde industriel veulent-ils réactiver les réacteurs, qui pourront occasionner de grandes souffrances pour les populations? C'est quelque chose de tout à fait incompréhensible pour les gens ordinaires.

 

      * Le 21 Août, a eu lieu un dysfonctionnement dans un tuyau du condensateur du réacteur n°1 de Sendai.

      * Dans le même département, en ce qui concerne le mont Sakurajima qui est un volcan très actif, on prévoit une grande éruption, et dans trois petits villages on a évacué tous les habitants. Le 2 décembre 2011 à 18h51, c'était sa dix-millième éruption depuis 1955, date à laquelle on a commencé à les compter. Il me semble que la montagne est en colère à cause de la remise en marche du réacteur. (Photo: éruption en octobre 2009)

Nouvelles de l’été 2015 à Fukushima

Finalement, l'ancien président de TEPCO et d'autres seront accusés


    Le 31 juillet, la Cour de révision de Tokyo a publié la décision de mettre en accusation les trois anciens dirigeants de TEPCO, à savoir l'ancien président M. Katsumata Tsunehisa, les anciens vice-présidents M. Tekedjuro Ichirō et Mutō Sakae pour crimes d'homicide  pendant les travaux. Elle a allégué que ce grand tsunami de 2011 était prévisible et qu'ils auraient dû prendre des dispositions appropriées pour s'en protéger, et même arrêter le fonctionnement des réacteurs. 

   Jusqu'à présent, le parquet de Tokyo a décidé à deux reprises qu'en raison de l'insuffisance de preuves il ne devait pas les accuser. Les victimes de Fukushima se sont opposées à cette décision et ont demandé sa révision, et finalement la Cour de révision de Tokyo a décidé d'accuser ces trois responsables.

   TEPCO soutient que, puisque que l'accident nucléaire a été causé par un tsunami d'une imprévisible violence, la compagnie est innocente. Il est illogique qu'aucun responsable de TEPCO ne soit accusé, malgré le fait que beaucoup d'habitants de Fukushima souffrent encore, certains ont péri durant leur exode ou sont morts de désespoir. Donc, cette décision de la Cour de révision de Tokyo est très bienvenue pour les victimes de Fukushima.

   La présidente du groupe de plaignants dans l'affaire de  l'accident nucléaire de Fukushima, Mme Mutō Ruiko 61 ans, en montrant les affiches où figuraient ces mots « Justice pour les citoyens » et « TEPCO sera accusé », a déclaré aux journalistes: " Je crois que le tribunal va découvrir la vérité de l'accident et juger équitablement l'affaire ".

Nouvelles de l’été 2015 à Fukushima

Le gouvernement décide de ce que seront les sources d'électricité en 2030


    Bien que beaucoup de gens ne veuillent pas d'électricité de centrales nucléaires, le gouvernement ne tient pas compte de leur opinion et a décidé le plan suivant pour les sources d'électricité en 2030 :

Nouvelles de l’été 2015 à Fukushima

   Afin de produire de 20 à 22% d'électricité à partir de centrales nucléaires, il sera nécessaire de faire fonctionner le plus possible de réacteurs, et même d'en construire de nouveaux. Le Premier ministre Abe avait promis qu'il diminuerait le nombre de réacteurs, mais il n'a pas tenu sa promesse.

 

 

Rapport du 15 août

 

Des nouvelles encourageantes pour les habitants de Fukushima

 

Des problèmes et des difficultés subsistent encore dans le département de Fukushima mais, malgré tout, les habitants s'efforcent de reconstruire leur existence. Je rapporterai aujourd'hui quatre nouvelles encourageantes les concernant.

 

Le saké japonais “Aidu-Homare” a obtenu le premier prix lors du concours mondial du vin

 

Le 16 juillet a eu lieu, à Londres, le plus grand concours vinicole, le “Challenge International du Vin” (International Wine Challenge, IWC), au cours duquel la marque “Aidu Homare” (Honneur de Aidu) a été sacrée, parmi 876 marques, championne dans le domaine du saké japonais. Le président de l'entreprise vinicole Homare a déclaré : “Quatre ans déjà se sont écoulés depuis l'accident nucléaire de Fukushima, et pourtant celui-ci continue d'influer de façon négative sur la vente de nos produits. Il nous faudra du temps pour gommer cette fâcheuse réputation. La seule chose que nous pouvons faire, c'est de fournir un effort constant pour produire un saké meilleur. J'espère que l'honneur qui, aujourd'hui, est rendu à notre saké, profitera à Fukushima.

Nouvelles de l’été 2015 à Fukushima

 Cette entreprise vinicole est située dans la région montagneuse Aidu, dans le département de Fukushima, à quatre-vingts kilomètres de distance de la centrale nucléaire et elle n'a que peu souffert de l'accident, mais elle pâtit du discrédit lié au nom Fukushima.

 

Écoliers et écolières de Tōhoku ont escaladé le Fuji-Yama

 

Entre le 22 et 24 juillet, cent-un élèves de la région de Tōhoku (dont 94 de Fukushima), qui ont vécu le tsunami et l'accident nucléaire de 2011, ont grimpé sur le  Fuji-Yama, haut de 3776 mètres. L'initiative du projet avait été prise par Mme Tabei Junko, la première femme à avoir fait l'ascension du mont Everest.

 

Photo : Watanabe Yukio

Photo : Watanabe Yukio

 Ils ont commencé leur escalade le 23, par mauvais temps, jusqu'à la septième étape, mais ont dû renoncer à continuer jusqu'au sommet. Madame Tabei les a encouragés par ces mots : « Vous êtes maintenant dans la montagne la plus haute du Japon. Prenez-en conscience et profitez-en bien. Remerciez tous ceux qui vous aident. J'espère que tous les Japonais feront l'ascension du  Fuji-Yama au moins une fois dans leur vie et vous, aujourd'hui, vous en aurez fait le premier pas. »

Noto Taichi, un élève de seize ans, qui, réfugié, vit maintenant à Tokyo, a dit :     « Je suis fatigué, mais je suis content d'avoir pu grimper sur le mont avec les élèves de mon cher Fukushima. »

 

Festival équestre de Sōma

Nouvelles de l’été 2015 à Fukushima

Du 24 au 27 juillet, s'est déroulé le Festival équestre de Sōma, dans la ville de  Minami-Sōma du département de Fukushima. Quatre-cent-cinquante samouraïs (guerriers de l'époque féodale) ont paradé dans les rues, galopé sur le champ de courses et combattu pour s'emparer des étendards sacrés lancés dans le ciel.

 

Nouvelles de l’été 2015 à Fukushima

Comme la région de Sōma s'étend le long du rivage de l'Océan Pacifique, non loin de la centrale nucléaire de Fukushima, ses habitants ont souffert - et souffrent encore - deux fois plus que partout ailleurs, mais les samouraïs ne s'avouent jamais vaincus. Même au cours de l'été 2011, ils ont organisé le Festival équestre bien qu'à une échelle moins grande.

 

 Dans la parade, une fillette de neuf ans, Kimura Nanami a fait ses débuts. Son grand-père, mort à l'âge de soixante-neuf ans en décembre dernier, avait longtemps pris part aux festivals, et à son exemple ses fils et ses parents, eux aussi, y participaient - ou le font encore. Il espérait que sa petite-fille Nanami y prendrait place à son tour, en chevauchant une monture. Nanami s'était beaucoup entraînée et finalement, le 26 juillet, elle a pris le départ. Le matin, elle avait prié devant la photo de son grand père, puis avait rejoint la parade. Elle disait : « Mon grand-père m'a protégée. Je lui ai dit, en arrivant sur le champ de courses d'Hibarigaoka : "J'ai réussi !" »  (paru dans le journal Fukushima-Minpō du 28 juillet 2015)

Nouvelles de l’été 2015 à Fukushima

Lorsque j'ai visité cette région, en août 2013, dans des maisons saccagées par le tsunami j'ai trouvé des cuirasses couvertes de boue. Elles sont très pesantes.  L'ambition de beaucoup d'hommes, dans cette région, est de prendre part au Festival et, si possible, après s'être emparé de l'étendard sacré, de monter en courant vers le sanctuaire proche.

 

 

Quatre jeunes filles ont fait leur début comme danseuses de hula-hula

Nouvelles de l’été 2015 à Fukushima

À Iwaki, ville du département de Fukushima, se trouve un hôtel avec théâtre et piscine, le “Spa-Rezort Hawaiians”. Quelques années auparavant, il y avait à sa place une mine de charbon, mais celle-ci, en raison d'une réorientation de la politique énergétique, périclita et finalement fut fermée. Pour survivre, la compagnie propriétaire eut l'idée d'utiliser l'eau chaude d'une source présente dans la mine et elle ouvrit un grand hôtel. Pour rendre ce dernier plus attractif, elle décida de s'adjoindre une troupe de danse havaïenne. Ce fut un grand succès. Mais l'accident nucléaire eut un impact négatif sur l'hôtel, car Iwati est proche de la centrale et les gens eurent peur d'y venir. Après la catastrophe l'hôtel dut fermer pendant un an, et pendant cette période les danseuses ont fait une tournée à travers cent-vingt-cinq villes, dans tout le Japon, pour présenter un spectacle de hula-hula. Elles s'attirèrent la sympathie de nombreuses personnes, et lorsque l'hôtel rouvrit ses portes, les réservations affluèrent.

Devenir danseuse de hula-hula dans la troupe de l'hôtel est l'ambition de maintes amatrices de danse. Le  28 juillet, quatre jeunes filles ont fait leur début dans une chorégraphie nommée “Gros Mahalo! Merci! Merci! Merci!”. L'une d'entre elles, mademoiselle Abe Mitsuna, originaire de Iwaki, a confié : « Pour contribuer au réveil de Fukushima, je me suis fait danseuse ici. » Elle y dansera avec ses trente-huit collègues ballerines.        (paru dans le journal Fukushima-Minjū, du 29 juillet 2015)

 

________________________

 

Lien vers les deux rapports en espéranto :

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12 septembre 2015 6 12 /09 /septembre /2015 22:23

Citation de la source :

Watanabe, Y. et al., Morphological defects in native Japanese fir trees around the Fukushima Daiichi Nuclear Power Plant. Sci. Rep. 5, 13232; doi: 10.1038/srep13232 (2015).

Auteurs : Yoshito Watanabe1,*, San’ei Ichikawa2,*, Masahide Kubota2, Junko Hoshino3, Yoshihisa Kubota1, Kouichi Maruyama1, Shoichi Fuma1, Isao Kawaguchi1, Vasyl I. Yoschenko4 & Satoshi Yoshida1

Publication reçue le 23 février 2015 - Validée le 20 juillet 2015 - Publiée le 28 août 2015

Publication sous licence libre, rapport scientifique sur le site nature.com, lien-source :

http://www.nature.com/articles/srep13232

Traduction : Evelyne Genoulaz

1Fukushima Project Headquarters, National Institute of Radiological Sciences, Chiba 2638555, Japan. 2Japan Wildlife Research Centre, Tokyo 1308606, Japan. 3Tokyo College of Environment, Tokyo 1308606, Japan. 4Institute of Environmental Radioactivity, Fukushima University, Fukushima 9601296, Japan. *These authors contributed equally to this work. Correspondence and requests for materials should be addressed to Y.W. (email: y_nabe @ nirs.go.jp)

 

 

-oOo-

 

 

Après laccident à la centrale nucléaire n°1 de Fukushima Daiichi [F1NPP] en mars 2011, on a porté beaucoup d’attention aux conséquences biologiques du relâchement de radionucléides dans son proche environnement. Notre recherche s’est intéressée aux modifications dans la morphologie du sapin japonais, un conifère japonais présent à l’état naturel de façon endémique, sur des sites proches de la centrale. Nous avons pu observer sur les populations de sapins japonais poussant près de la centrale une augmentation de défauts morphologiques significative, concernant des suppressions de rameaux de tête sur l’axe principal, par comparaison avec une population de référence située loin de la centrale. La fréquence de ces défauts a pu être  mise en correspondance avec les niveaux de contamination des sites d’observation. Une augmentation significative de la suppression des rameaux de tête a pu être observée dans ceux dont l’élongation s’est produite postérieurement au printemps 2012, soit une année après l’accident. Nos résultats conduisent à la conclusion que la contamination par des radionucléides aurait contribué à des déficiences dans la morphologie des sapins japonais situés dans une zone proche de la centrale.

 

Au cours de l’accident à la centrale nucléaire n°1 de Fukushima Daiichi en mars 2011, des radionucléides relâchés dans l’atmosphère contaminèrent la zone environnante (1-2). Depuis l’accident, on a porté beaucoup d’attention aux conséquences biologiques d’une contamination par ces radionucléides. Afin de rechercher des changements biologiques opérés dans l’environnement, divers organismes présents à l’état sauvage dans les environs de la centrale et susceptibles d’être des indicateurs, ont fait l’objet d’observations, comme les singes japonais (3), les papillons Lycaneid ou encore les pucerons à galle de l’Epinette [gall-forming aphid] . Néanmoins, la poursuite d’études  sur des organismes sensibles au rayonnement, nous permettrait de mieux nourrir les conclusions, s’agissant de savoir si la contamination radioactive résultant de l’accident à la centrale eut un impact biologique sur l’environnement.

Au sujet de la biosurveillance quant à la contamination radioactive du moins, il a été prouvé que les conifères sont des indicateurs intéressants en raison de leur radiosensibilité élevée, comme l’a révélé voilà quelques décennies une étude de terrain utilisant des équipements à rayonnement gamma (6-9). C’est ainsi qu’on a conclu à des dommages sur deux conifères suite à l’accident nucléaire de Tchernobyl de 1986 : deux essences locales, le Pin sylvestre (Pinus sylvestris) et l’Epinette de Norvège (Picea abies) ont été atteintes, dans les zones contaminées par la radioactivité, de dommages biologiques caractérisés (10-12). En situation expérimentale comme en situation post-accidentelle, on a mis en évidence que des modifications de morphologie, en particulier dans le branchage de l’axe principal, furent les réponses radiosensibles des conifères les plus fréquemment observées (6-12).

 

Figure 1 - Schéma du sapin japonais en janvier 2015

Figure 1 - Schéma du sapin japonais en janvier 2015

Des conifères poussent dans une zone hautement contaminée par la radioactivité suite à l’accident à F1NPP, dont le sapin japonais (Abies firma) en est l’une des essences la plus naturellement répandue. A la différence des autres espèces de conifères, les populations de jeunes sapins japonais sont abondantes, en vertu d’une caractéristique propre à cette essence qui est de croître  même à l’ombre du couvert forestier. Or, la petite taille des arbres jeunes présente l’intérêt de faciliter l’observation de changements morphologiques sur l’arbre entier. De plus, la régularité de la croissance du sapin japonais sur une année permet de déterminer les changements année après année, et ce sur un certain nombre d’années. Pour notre étude, nous avons utilisé ce sapin du Japon comme un indicateur dans la recherche de l’impact environnemental de la contamination radiologique provoquée par l’accident F1NPP. Nous nous sommes intéressés aux modifications morphologiques des rameaux de tête dans les cinq dernières années, sur un territoire hautement contaminé situé aux alentours de F1NPP. Notre étude a porté, en janvier 2015, sur l’observation de trois sites (S1, S2 et S3) situés à des distances différentes de la centrale et présentant des niveaux de contamination différents. Ces sites se trouvent dans « l’Aire 3 » c’est-à-dire là où le retour des résidents est différé sur le long terme (Ministère de l’Economie, du Commerce et de l’Industrie). D’autres sapins japonais ont également été étudiés sur un site-témoin faiblement contaminé (S4), au sud-ouest de F1NPP.

 

Figure 2 - Carte montrant les sites d’observation. [Autres précisions : se reporter à la carte figurant dans l’article-source]

Figure 2 - Carte montrant les sites d’observation. [Autres précisions : se reporter à la carte figurant dans l’article-source]

Tableau 1 - Les sites d’observation des sapins en janvier 2015

Tableau 1 - Les sites d’observation des sapins en janvier 2015

LES RESULTATS

 

La plupart des sapins japonais ayant poussé à l’état naturel présentent un schéma de ramification monopodial typique, avec un tronc pourvu d’un axe principal unique (Fig. 3 B, C), tandis que certains  arbres présentent des défauts morphologiques sur l’axe principal du tronc (Fig.3 B, C).

 

Quel que fut le site de croissance, ces défauts sont caractérisés par une branchure irrégulière au niveau des verticilles [note : groupe de plus de deux feuilles, pousses…qui naissent au même niveau sur la tige, en anneau] de l’axe principal, avec la suppression distincte du rameau directeur qui habituellement fait une élongation à la verticale pour former l’axe principal.

 

L’espace laissé par ce rameau manquant a été comblé par les branches latérales demeurantes, qui ont poussé vers le haut ou bien maintenu leur position à l’horizontale (Fig. 3C).

Figure 3 - Indication des défauts morphologiques des sapins japonais. Les flèches indiquent la position des pousses de tête supprimées.  (A) arbre normal (S3) ; (B) arbre défectueux (fourche verticale, S1) ; (C) arbre défectueux (fourche horizontale, S2).

Figure 3 - Indication des défauts morphologiques des sapins japonais. Les flèches indiquent la position des pousses de tête supprimées. (A) arbre normal (S3) ; (B) arbre défectueux (fourche verticale, S1) ; (C) arbre défectueux (fourche horizontale, S2).

La fréquence des défauts morphologiques sur l’axe principal fut globalement variable sur les  différents sites d’observation S1, S2 et S3, mais elle fut significativement plus élevée dans chacun de ces sites en comparaison du témoin S4 (NDLT - test chi carré, cf. chiffres de l’article d’origine en lien…).

Cette fréquence se trouva en correspondance avec des débits de dose ambiante sur les sites observés, qui représentent des niveaux de contamination locale par les radionucléides (S1 > S2 > S3 > S4, Tableau 1).

Nous avons observé en S1 une fréquence élevée de défauts, où 125 des 128 arbres ont  présenté des défauts de branchage sur leur axe principal.

 

Figure 4 - Fréquence relative des modifications constatées sur l’axe principal de sapins japonais sur différents sites. On a dénombré les défauts par l’observation de 5 verticilles annuels à partir de la cime des arbres. On a exclu de l’examen les arbres présentant une carence en rameau directeur ou des rameaux directeurs morts dans leurs verticilles inférieurs ; ce pourquoi il y a une différence entre le nombre d’arbres observés pour leurs défauts (n : indiqué dans ce schéma) et le nombre total d’arbres observés (Tableau 1) […]

Figure 4 - Fréquence relative des modifications constatées sur l’axe principal de sapins japonais sur différents sites. On a dénombré les défauts par l’observation de 5 verticilles annuels à partir de la cime des arbres. On a exclu de l’examen les arbres présentant une carence en rameau directeur ou des rameaux directeurs morts dans leurs verticilles inférieurs ; ce pourquoi il y a une différence entre le nombre d’arbres observés pour leurs défauts (n : indiqué dans ce schéma) et le nombre total d’arbres observés (Tableau 1) […]

Nous avons analysé un à un les défauts de branchage de l’axe principal, pour chacun des verticilles  par année (Fig.5).

En comparaison des rameaux de l’année 2010, qui furent générés avant l’accident Daiichi, la fréquence de la suppression du rameau de tête a augmenté dans une proportion significative sur les rameaux qui ont poussé après 2012 (sites S1 et S3), ou après 2013 (site S2).

 

Cette fréquence a connu un pic en ce qui concerne les verticilles de l’année 2013, puis elle a eu tendance à décroître pour les verticilles de 2014, sur chacun des sites d’observation.

Les modèles de variation dans les séries des verticilles annuels ont été similaires sur les trois sites observés, tandis qu’on n’a observé  aucune variation selon l’année sur le site-témoin, S4.

Ces résultats indiquent que la suppression des tiges directrices s’est produite le plus souvent dans le cas des verticilles dont l’élongation provient des bourgeons terminaux d’hiver au début de la saison 2012-2013.

 

Figure 5 - Fréquence relative de la suppression des tiges de tête sur les verticilles annuels de l’axe principal dans les sapins japonais sur les différents sites. Les suppressions ont été dénombrées à l’observation de 5 ramifications annuelles à partir de la cime de l’arbre. Les années correspondent au moment où les rameaux ont crû au printemps. (Fig. 1). Ceux des arbres ayant des tiges de tête supprimées ou mortes lors des années antérieures ont été écartés de l’observation ; ce qui explique que le nombre des arbres (n : reporté sur le graphique) décroît d’une année sur l’autre [etc, cf doc-source].

Figure 5 - Fréquence relative de la suppression des tiges de tête sur les verticilles annuels de l’axe principal dans les sapins japonais sur les différents sites. Les suppressions ont été dénombrées à l’observation de 5 ramifications annuelles à partir de la cime de l’arbre. Les années correspondent au moment où les rameaux ont crû au printemps. (Fig. 1). Ceux des arbres ayant des tiges de tête supprimées ou mortes lors des années antérieures ont été écartés de l’observation ; ce qui explique que le nombre des arbres (n : reporté sur le graphique) décroît d’une année sur l’autre [etc, cf doc-source].

En dépit de l’augmentation significative de la fréquence de suppression des pousses de tête sur les  verticilles annuels autour de l’année 2013 dans les sites d’observation S1-S3, le nombre des  branches latérales élongées à partir de ces mêmes verticilles n’a pas montré de variation annuelle qui pût être mise en correspondance avec la fréquence de suppression des tiges de tête (Fig.6).

Il n’y a pas eu de différence dans le nombre de branches latérales au sein des rameaux annuels, y compris en S1 (one-way ANOVA, p = 0,84), où la fréquence de suppression des pousses de tête connut la variation la plus intense, en comparaison des autres sites d’observation (Fig. 5).

 

D’un autre côté, il y a eu une variation annuelle significative du nombre de branches latérales en S2, S3 et S4 [one-way ANOVA, cf. chiffres dans l’article-source…]. Néanmoins, les schémas des variations annuelles n’ont pu être rapprochés de la fréquence de variation des tiges directrices manquantes. Ce qui signifie que la suppression des tiges directrices s’est produite indépendamment de la modification du nombre des branches latérales élongées au niveau des verticilles.

 

Figure 6 - Nombre de ramifications latérales sur les verticilles annuels de l’axe principal des sapins japonais sur les différents sites. Les suppressions ont été dénombrées à l’observation de 5 ramifications annuelles à partir de la cime de l’arbre. Les années correspondent au moment où les rameaux ont crû au printemps. (Fig. 1). Ceux des arbres ayant des tiges de tête supprimées ou mortes lors des années antérieures ont été écartés de l’observation ; ce qui explique que le nombre des arbres (n : reporté sur le graphique) décroît d’une année sur l’autre (etc., cf. doc-source).

Figure 6 - Nombre de ramifications latérales sur les verticilles annuels de l’axe principal des sapins japonais sur les différents sites. Les suppressions ont été dénombrées à l’observation de 5 ramifications annuelles à partir de la cime de l’arbre. Les années correspondent au moment où les rameaux ont crû au printemps. (Fig. 1). Ceux des arbres ayant des tiges de tête supprimées ou mortes lors des années antérieures ont été écartés de l’observation ; ce qui explique que le nombre des arbres (n : reporté sur le graphique) décroît d’une année sur l’autre (etc., cf. doc-source).

Des différences dans le développement des rameaux directeurs et des ramifications latérales ont aussi été observées en examinant en détail les rameaux défectueux. Sur chacun des sites, les tiges directrices supprimées n’ont laissé aucune marque sur les branches latérales normales (Fig. 7A).

Des structures semblables ont également été observées sur les bourgeons d’hiver de 2015 au sommet de l’axe principal, où des bourgeons latéraux normaux avec une suppression totale des bourgeons apicaux ont parfois pu être observés (Fig. 7B).

Ces observations démontrent que la suppression des pousses de tête résulte vraisemblablement de la suppression des bourgeons apicaux à un stade précoce de leur développement, indépendamment de la formation des bourgeons latéraux.

 

Figure 7 - Indication de la pousse de tête et du bourgeon apical supprimés sur une branche principale des sapins japonais. Les flèches indiquent la position de la pousse de tête supprimée (A). Rameau annuel de 2013 (S1),  (B) : bourgeons d’hiver de 2015 à l’apex de l’axe principal (S1).

Figure 7 - Indication de la pousse de tête et du bourgeon apical supprimés sur une branche principale des sapins japonais. Les flèches indiquent la position de la pousse de tête supprimée (A). Rameau annuel de 2013 (S1), (B) : bourgeons d’hiver de 2015 à l’apex de l’axe principal (S1).

 

DISCUSSION

 

Dans cette étude, un accroissement significatif des déficiences morphologiques a été mis en évidence sur les populations de sapins japonais poussant sur les sols près de F1NPP.

 

Leur occurence est en correspondance avec un niveau de contamination radioactive représenté par le débit de dose ambiante de chacun des sites, suggérant que ces défauts pourraient être imputables à une exposition à la radiation ionisante provenant des radionucléides qui furent relâchés après l’accident.

 

D’un autre côté, une destruction de pousses de tête a aussi pu être observée sur le site témoin dans une plus faible mesure, ce qui indique que ces défauts n’ont pas été spécifiques à la radiation, mais universels. La destruction des pousses de tête sur le site témoin est apparue de façon aléatoire sur les rameaux annuels et non pas une année plutôt que l’autre. Mieux encore, même sur les sites fortement contaminés, une faible fréquence de défauts a pu être observée avant l’accident de F1NPP en 2011. Ces résultats ont suggéré que les défauts ont pu aussi apparaître indépendamment d’une exposition à la radioactivité.

 

Des défauts similaires au niveau de l’axe principal ont été rapportés concernant de nombreuses essences de conifères cultivées dans des plantations, qui comprennent la séparation du tronc en deux branches ou davantage, de taille semblable, ce qu’on appelle un défaut de fourche (14, 15, 16, 17). Les défauts de fourche peuvent avoir pour origine le bris de la branche directrice en raison d’un dommage accidentel, comme un oiseau qui s’y perche, l’attaque d’un animal, un fort vent, ou des maladies pathogènes, ou encore un stress environnemental comme le gel (14). Des études plus anciennes ont montré que chez le Pin tordu (ou Pin de Murray - Pinus contorta), les défauts de fourche pouvaient également être causés par un contrôle physiologique de la dominance apicale même en l’absence de dommages mécaniques (14, 15). Dans notre étude, les défauts de fourche qui ont été observés sur les sapins japonais étaient identiques à ceux des autres essences de conifères.

 

Relativement aux effets de la radioactivité, il a été rapporté la destruction des pousses de tête dans les Pins sylvestres qui furent exposés de façon chronique à la radiation, dans une zone contaminée tout près de la centrale nucléaire de Tchernobyl (11). Les arbres qui présentaient des défauts de fourche avec la destruction des rameaux de tête annuels formaient parfois des canopées buissonnantes sans aucun axe principal. Une autre étude a montré que les pins sylvestres à Tchernobyl ont eu pour caractéristique la disparition du tronc unique au profit de deux troncs ou davantage, ou de branches, en correspondance avec un débit estimé de dose reçue pendant le développement des bourgeons apicaux (12).

 

Bien que les défauts des pins proches de la centrale nucléaire de Tchernobyl ne fussent pas tous identiques à ceux qui furent observés sur les sapins japonais dans la zone proche de F1NPP, cette information semble appuyer la thèse d’une corrélation entre les modifications morphologiques des sapins japonais et une exposition chronique à la radioactivité provenant du relâchement de radionucléides.

 

En dépit de la correspondance entre les défauts des sapins japonais et le niveau de la contamination radioactive, on dispose de peu d’information biologique pour soutenir la thèse que les fréquences accrues des modifications morphologiques fussent causées par la radioactivité relâchée après l’accident de F1NPP. Même si le dommage intervenu au stade initial de la formation du bourgeon apical semble la cause primordiale de la suppression des rameaux de tête, il y a un laps de temps de deux ans entre 2011 —l’année où le niveau de radioactivité dans l’environnement fut le plus élevé — et 2013 —l’année présentant la fréquence en défauts la plus élevée— qui demeure sans explication.

 

Par conséquent, il convient de rechercher au niveau des cellules et des tissus, les procédés  impliqués dans la suppression des rameaux de tête, relativement au développement des bourgeons latéraux et apicaux des conifères.

 

Comme nous l’avons mentionné ci-dessus, un certain nombre de facteurs peuvent être responsables de l’accroissement des fréquences en défauts observées dans la morphologie des populations de sapins japonais près de F1NPP et, à ce jour, on n’a pas fait la preuve qu’un quelconque facteur isolé soit la cause unique de ces augmentations.

 

Néanmoins, une corrélation positive a pu être observée entre les débits de dose ambiante et les fréquences de défauts dans la morphologie, et ces fréquences ont augmenté après l’accident à F1NPP alors qu’elles étaient beaucoup plus basses avant l’accident, induisant qu’entre plusieurs facteurs potentiels d’augmentation des fréquences en défauts morphologiques, la radiation ionisante fut le plus probable.

 

Afin de confirmer ce postulat, il serait pertinent d’évaluer les niveaux de dose dans les sapins japonais dans les champs contaminés de Fukushima, et l’on devrait étudier dans des installations nucléaires, sur cette essence, les effets de l’irradiation à long terme.

 

 

 

[NDLT : Pour des précisions complémentaires sur les conditions de l’étude, merci de vous reporter à l’annexe du texte de la source].

 

-oOo-

 

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24 août 2015 1 24 /08 /août /2015 19:42

Article publié en 7 parties

 

(partie précédente)

 

 

4.2. Hypothèse d’une explosion de vapeur

 

4.2.1. Eléments favorables

 

- Les conditions nécessaires à une explosion de vapeur sont là : le cœur a commencé à fondre 24 heures plus tôt. Sans aucun refroidissement, un corium s’était formé et remplissait le fond de la cuve. Malgré l’injection d’eau douce, puis d’eau de mer, la fonte du cœur (« meltdown ») a bien eu lieu. L'injection d'eau de mer a commencé le lundi 13 mars 2011 à 13h12. Deux heures plus tard, malgré l'addition d'eau, le niveau d'eau dans la cuve du réacteur n'avait pas augmenté, ce qui laisse penser qu'il y avait déjà une fuite et que l’eau descendait directement dans le fond de l’enceinte de confinement où l’eau a pu s’accumuler. Si le fond de cuve a lâché, le corium a pu tomber dans cette eau et provoquer une explosion de vapeur.

- Les éléments observés démontrent qu’une explosion a eu lieu à l’intérieur de l’enceinte de confinement : déformation du puits de cuve au niveau du joint avec la piscine d’équipement, déformation de la vanne entre le puits de cuve et la piscine de combustible, déplacement de la porte d’accès de l’enceinte de confinement, et peut-être aussi explosion des condenseurs sous l’effet de la pression.

 

4.2.2. Eléments défavorables

 

- Selon la coupe du réacteur, il existe un puits de drainage au fond de l’enceinte de confinement (« equipment drain sump »). Si cette installation était en état, l’eau a pu être évacuée par ce conduit et de ce fait, en l’absence de masse d’eau, une explosion de vapeur n’a pas pu se produire. Toutefois, cette évacuation a pu aussi être bouchée par du corium puisque c’est cette matière qui est arrivée en premier en fond d’enceinte de confinement après avoir percé la cuve. C’est cette hypothèse qui est privilégiée par Tepco en 2011, comme le montre le schéma suivant : puisard rempli de corium.

 

Fig. 97 : Pour exemple, représentation du corium du BR1 remplissant le puisard  (Evaluation de Tepco en décembre 2011)

Fig. 97 : Pour exemple, représentation du corium du BR1 remplissant le puisard (Evaluation de Tepco en décembre 2011)

4.3. Hypothèse d’une explosion de zirconium

 

4.3.1. Eléments favorables

 

- Les conditions pour une explosion de zirconium sont réunies : d’une part le métal zirconium est là en abondance : il sert à envelopper les 34 524 crayons de combustible installés dans le réacteur. D’autre part, la chaleur est là : le combustible commence à être découvert le 13 mars 2011 vers 9h10 et donc l’eau ne joue plus son rôle de refroidissement.

- Le zirconium est au contact d’un hydroxyde de métal alcalin, le césium. Quand les gaines se fissurent, le césium, produit de fission, se libère et s’oxyde au contact de l’eau. Le césium ou l’oxyde de césium peuvent se transformer en hydroxyde de césium qui peut déclencher une explosion au contact du zirconium.

 

4.3.2. Eléments défavorables

 

- Le zirconium n’est pas pur donc il n’est pas censé réagir de la même manière. Les gaines de combustible sont en effet composées d’un alliage dénommé le zircaloy fait de zirconium (98 %) et de divers métaux (principalement de l’étain, mais aussi du chrome, du fer, du nickel, du hafnium)

- Le zirconium ne se présente pas sous forme de poudre ou de granulés mélangés à l'air dans un réacteur.

- Le zirconium est surtout connu pour produire de l’hydrogène en abondance au contact de l’eau quand la température monte et qu’il s’oxyde. Il favorise ainsi les explosions d’hydrogène plus qu’il n’explose lui-même.

 

4.4. Hypothèse d’une explosion due à un accident de criticité instantanée dans la piscine de combustible

 

4.4.1. Eléments favorables

 

- La vidéo montre que la première explosion se situe dans l’angle sud-est du BR3, là où se trouve la piscine de combustible.

- La photo aérienne du BR3 montre qu’il y a eu une explosion à l’endroit de la piscine.

- La double poutre n° 5, la seule à avoir été désolidarisée entièrement de la toiture, se trouvait juste au-dessus de la piscine de combustible

- Cette explosion a produit une forte chaleur qui a tordu les poutrelles métalliques du toit.

- Le nuage 3a, qui initie la grande explosion verticale, se situe exactement au-dessus de la piscine de combustible.

- Le nuage qui est propulsé à 300 mètres d’altitude n’a pas pu être guidé par les murs du BR3 car ceux-ci étaient déjà détruits par la première explosion. Les murs de la piscine de combustible d’une profondeur de 11,80 mètres ont pu jouer ce rôle.

- La machine de réapprovisionnement en combustible qui était positionnée sur la piscine a été projetée en l’air sous l’effet d’une explosion provenant d’en dessous d’elle et est retombée dans la piscine.

- L’endroit le plus chaud de la piscine le 20 mars 2011 correspond à l’emplacement supposé de l’explosion, c’est-à-dire là où il y a eu le moins de retombée de matériel (effet cratère).

- Tepco n’a jamais diffusé de photos des assemblages de la piscine à l’endroit le plus chaud.

- Des morceaux de combustible nucléaire ont été trouvés près du BR2 et jusqu’à plusieurs kilomètres de la centrale de Fukushima Daiichi.

- Des poussières de combustible de Fukushima ont été retrouvées partout dans le monde : de l'uranium à Hawaii et sur la côte ouest des Etats-Unis, du plutonium sur place mais aussi en Lituanie, de l'américium en Nouvelle Angleterre et sur la Côte Est.

- De la poussière noire qui se forme au sol près de la centrale de Fukushima est composée de produits de fission dont les césiums 134 et 137 et le radium 226.

 

4.4.2. Eléments défavorables

 

- Les photos de l’intérieur de la piscine montrent certains des assemblages de combustible intacts. Comment une telle explosion aurait-elle pu laisser du combustible au fond de la piscine sans l’endommager ?

 

4.4.3. Elément indifférent

 

- Un des arguments d’Arnie Gundersen en faveur d’une explosion de criticité pour le BR3 est que celle-ci a produit une détonation, donc avec une onde de choc supersonique. Nous ne voyons pas en quoi cette information est un argument car l’hydrogène peut aussi produire une détonation (8). L’explosion d’hydrogène du BR1 a par exemple bel et bien produit une onde de choc supersonique. Cet argument n’est donc pas à conserver.

 

(8) Pour ceux qui s’intéressent à la combustion de l’hydrogène, se reporter au rapport EUR9689  de la Commission des Communautés Européennes, Eléments pour un guide de sécurité « hydrogène » , paru en 1985, chapitre II « Risques caractéristiques présentés par l’hydrogène », et en particulier le paragraphe 6.1.8 sur la détonation.

 

 

5. Conclusions prenant en compte les faits et les critiques

 

Tout d’abord, il faut s’en tenir aux faits avérés.

 

5.1. Il s’est produit plusieurs explosions

 

Il faut se rendre à l’évidence qu’on ne peut pas expliquer « l’explosion » du BR3 de manière simpliste comme voudrait l’imposer la version officielle depuis 4 ans. L’analyse de l’évènement démontre qu’il y a eu plusieurs phases visibles qui impliquent l’existence de plusieurs explosions en l’espace d’une demi-seconde :

- Phase 1 (instant T) : explosion principalement sur le côté sud-est avec destruction du toit

- Phase 2 (T + 0,0334 s) : production d’une flamme jaune-orange sur le côté sud-est

- Phase 3 (T + 0,0668) : destruction du toit et des murs de l’angle nord-ouest

- Phase 4 (T + 0,33  s) : formation d’un nuage au-dessus de la piscine de combustible

- Phase 5 (T + 0,43 s) : formation d’un nuage au-dessus du côté nord-ouest

 

5.1.1. Une explosion s’est produite dans la piscine de combustible

 

Nous avons vu dans le chapitre 4.4 qu’il y avait 12 éléments favorables à l’explosion de la piscine de combustible contre 1 défavorable. S’il fallait ne retenir qu’un seul élément favorable, c’est que du combustible nucléaire a été retrouvé à l’extérieur de la centrale. Comme le puits de cuve est resté fermé, ce combustible ne peut pas provenir du réacteur. Il provient donc de la piscine de combustible. Comme personne ne l’en a extrait, il s’est donc bien produit une explosion dans la piscine de combustible qui a projeté certains éléments à l’extérieur.

 

L’hydrogène n’ayant pas pu exploser dans l’eau de la piscine car il lui faut de l’oxygène gazeux, l’explosion ne peut s’expliquer que par un accident de criticité.

Ce n’est pas la première fois qu’un accident de criticité se produit avec du combustible nucléaire. Depuis 1945, l’IRSN en a recensés 39 qui sont survenus sur des réacteurs de recherche et sur des assemblages critiques dans des laboratoires.

Les accidents de criticité les plus courants durent un certain temps, jusqu’à ce que les conditions de la réaction en chaîne ne soient plus réunies. Par exemple, l’accident de Tokaï Mura (Japon, 1999) a duré 20 heures. Dans le cas de l’explosion de la piscine du BR3, Arnie Gundersen parle de criticité instantanée. C'est-à-dire que les conditions nécessaires à la réaction en chaîne ne durent qu’un instant. Mais cet instant suffit à provoquer une énergie phénoménale vu l’importance de la masse de combustible mise en jeu (97 tonnes). Le journal officiel donne la définition de la criticité instantanée : « Criticité qui serait atteinte sous l'action des seuls neutrons instantanés et conduirait à une situation accidentelle grave ».

On peut se demander pour quelle raison cet accident a pu se produire dans une piscine de combustible dont la géométrie a été étudiée pour que cela n’arrive pas. Comme tous les accidents, plusieurs facteurs ont probablement joué. Tout d’abord, il est possible que le « re-racking » ait été utilisé, c’est-à-dire un réarrangement des paniers, plus serré que celui prévu par les concepteurs, ce qui permet de stocker plus de combustible. Tepco a-t-il usé de cette pratique ? Les plans fournis par l’opérateur ne sont pas très clairs. L’un d’entre eux montre des caisses (fig. 87b, plan 2) dans un espace qui semble vide sur les autres.  

 

 

Fig. 98 : Contradiction de deux plans de Tepco concernant la piscine du BR3

Fig. 98 : Contradiction de deux plans de Tepco concernant la piscine du BR3

Le deuxième facteur est la nature du MOX, combustible qui contient un mélange d’oxydes d’uranium et de plutonium non prévu initialement pour être utilisé dans ce réacteur. Ce combustible est plus instable que celui à l’uranium simple. Un troisième facteur a pu jouer également : une explosion d’hydrogène aurait provoqué une pression sur l’eau et les barres de combustible, ce qui aurait soit modifié leur géométrie initiale, soit favorisé une réaction en chaîne par la compression des bulles de vapeur.

 

Immédiatement après cette explosion, à notre connaissance, aucune photo ne montre de panache de vapeur sortir de la piscine de combustible, comme si elle avait perdu une grande partie de son eau. Pour comparaison, la piscine du BR4 a longtemps émis un panache de vapeur, indiquant que le combustible continuait à se refroidir en faisant évaporer son eau de refroidissement. Après l’explosion du BR3, l’inquiétude était forte pour sa piscine de combustible qui devait être impérativement arrosée. Les opérations de largage d’eau par hélicoptère ont commencé dès le 18 mars 2011.

 

En ce qui concerne le seul élément défavorable, à savoir que s’il y avait eu un accident de criticité, tout le combustible aurait été endommagé, nous pensons que ce n’est pas forcément le cas. A notre connaissance, la disposition des 566 assemblages dans la piscine de combustible n’a jamais été diffusée par Tepco. Il est possible que l’accident de criticité se soit produit à un endroit où la géométrie était favorable à cet évènement et que les assemblages situés sur les côtés de la piscine, séparés par des racks vides, n’aient pas été affectés. Nous rappelons que Tepco n’a diffusé que les photos des assemblages périphériques, ce qui nous empêche de vérifier cette hypothèse.

 

Fig. 99 : Assemblages de la piscine de combustible : en rouge, la zone non documentée par Tepco (zone colorée en rouge ajoutée par l’auteur)

Fig. 99 : Assemblages de la piscine de combustible : en rouge, la zone non documentée par Tepco (zone colorée en rouge ajoutée par l’auteur)

5.1.2. Une explosion s’est produite à l’intérieur de l’enceinte de confinement

 

Plusieurs observations énoncées dans le chapitre 2 conduisent à conclure qu’une explosion s’est produite à l’intérieur de l’enceinte de confinement :

- La double porte entre la piscine de combustible et le puits de cuve a été détériorée côté puits.

- Le mur de séparation entre le puits de cuve et la piscine d’équipement s’est déboîté de son logement et a été poussé, ce qui implique que le diamètre du puits de cuve s’est élargi.

- La porte de l’enceinte de confinement du niveau 1F a été déplacée de plus d’un mètre. 

On pourrait rétorquer que c’est l’explosion de la piscine de combustible qui a provoqué ces effets. Or cela paraît peu vraisemblable car d’une part, la deuxième vanne de la porte entre la piscine de combustible et le puits de cuve a été poussée depuis le côté du puits de cuve et non pas depuis la piscine. D’autre part, l’explosion de la piscine de combustible n’a pas pu écarter le mur séparant la piscine d’équipement et le puits de cuve. Seule une explosion à l’intérieur de l’enceinte de confinement a pu élargir le diamètre du puits de cuve. Enfin, la porte inférieure de l’enceinte de confinement n’a pu être poussée que depuis l’intérieur.

- La radioactivité relevée au niveau de la dalle antimissile est très élevée : plus de 2 Sv/h en juillet 2013. Celle mesurée devant la porte de l’enceinte de confinement au niveau 1F l’est également : 0,87 Sv/h en novembre 2011.

 

Cette explosion a produit une sévère rupture de l’étanchéité de l’enceinte de confinement. On en a très bien vu les effets dans les semaines qui ont suivi les explosions avec ces importants panaches de vapeur qui s’échappaient du puits de cuve là où l’explosion avait fait des dégâts et ce débit de dose très élevé relevé par Tepco le 14 mars : 167 sieverts par heure au niveau de l’enceinte de confinement.

 

Il semble difficile qu’une explosion d’hydrogène, théorie soutenue par Tepco et le gouvernement, ait pu se produire dans l’enceinte de confinement tout simplement parce qu’il n’y avait pas d’oxygène à l’intérieur. En effet, l’eau bouillante du cœur a produit de la vapeur d’eau qui a envahi l’ensemble de l’enceinte de confinement. Cette vapeur d’eau qui sort sous pression est visible sur une photo 3 minutes après l’explosion (cf. figure 38). Par ailleurs, selon une analyse de l’IRSN en 2012, « l’enceinte de confinement est remplie d’azote, un gaz inerte. A ce stade, il n’y a pas de risque ».

 

Il nous semble qu’une explosion de vapeur au sein de l’enceinte de confinement peut expliquer les dégâts observés. Suite à l’explosion qui s’est produite dans la piscine de combustible, l’onde de choc a pu secouer et fracturer la cuve fragilisée par la chaleur intense et un gros paquet de corium a pu tomber dans le fond de l’enceinte de confinement où se trouvait de l’eau. La vaporisation quasi instantanée d’une grande partie de cette masse d’eau a pu faire augmenter la pression subitement avec les dégâts que l’on connaît.

 

L’explosion de vapeur est un accident extrêmement redouté par l’industrie nucléaire et fait l’objet de nombreuses études. L’EPR, qui aurait dû être le réacteur du futur mais qu’Areva n’a pas encore réussi à construire, est sensé justement corriger cette faiblesse des réacteurs nucléaires actuels : le récupérateur de corium permettrait, en théorie, d’éviter l’explosion de vapeur.

 

Fig. 100 : Effets possibles d’une explosion dans l’enceinte de confinement du BR3

Fig. 100 : Effets possibles d’une explosion dans l’enceinte de confinement du BR3

5.1.3. Une explosion s’est produite au niveau 4F

 

Nous avons remarqué aux chapitres 2.7.3.2 que le niveau 4F a énormément souffert d’une explosion. Celle-ci ayant affecté presque tout cet étage en détruisant, entre autres, un tiers des murs extérieurs, il est probable qu’il s’agisse d’une explosion d’hydrogène. Ce gaz a pu arriver par les tuyauteries des condenseurs qui sont reliées directement à la cuve du réacteur.  Ainsi, ce système qui est sensé refroidir le réacteur en cas de panne de refroidissement, une fois son service rendu, peut devenir un vecteur de propagation de l’hydrogène dans le bâtiment et faciliter ainsi les explosions. 

 

Fig. 101 : Effets de l’explosion qui s’est produite au niveau 4F du BR3

Fig. 101 : Effets de l’explosion qui s’est produite au niveau 4F du BR3

Fig. 102 : Exemple de condenseurs, ceux du BR1 situés aussi au 4ème niveau (4F)

Fig. 102 : Exemple de condenseurs, ceux du BR1 situés aussi au 4ème niveau (4F)

5.2. Proposition de déroulement des explosions

 

Au vu des faits exposés et de leur analyse, nous proposons maintenant notre compréhension du déroulement de ces explosions qui ont eu lieu dans le BR3 de Fukushima Daiichi le 14 mars 2011.

 

- Phase 1 : De l’hydrogène s’accumule dans le niveau 4F à cause peut-être de tuyauteries défectueuses en rapport avec les condenseurs reliés directement à la cuve du réacteur, et dans les niveaux 5F-CRF à cause de la réaction zirconium-eau du fait de l’absence de refroidissement de la piscine de combustible.

 

- Phase 2 : Une explosion d’hydrogène se produit au-dessus de la piscine de combustible. L’onde de choc commence à détruire la partie la moins solide du BR3 : la toiture.

 

- Phase 3 : L’onde de choc arrive en premier dans l’angle sud-est du bâtiment, crée une grande ouverture dans le toit et laisse passer le mélange explosif à une vitesse supersonique en produisant une flamme jaune-orange.

 

- Phase 4 : Dans la direction opposée, l’onde de choc primitive augmentée de l’énergie de son rebond contre les murs de l’angle sud-est, rencontre l’angle nord-ouest quelques centièmes de secondes plus tard et le détruit.

 

- Phase 5 : Par l’intermédiaire des escaliers de service et du sas d'accès matériel, l’onde de choc provoque quasi simultanément une explosion d’hydrogène au niveau 4F, détruisant un tiers des murs extérieurs et des plafonds ; les piscines qui ont des structures renforcées ne semblent pas touchées.

 

- Phase 6 : Dans le même temps, l’explosion d’hydrogène du niveau 5F-CRF compresse les bulles de vapeur de l’eau de la piscine de combustible, le coefficient de vide devient subitement positif (9) et la réactivité de la fission nucléaire est soudainement accrue, produisant un accident de criticité instantanée.

 

- Phase 7 : La piscine de combustible subit alors un « flash boiling », une sorte d’explosion de vapeur due à l’énergie instantanée dégagée par l’accident de criticité, ce qui a pour effet d’éjecter une partie des barres de combustible à l’extérieur du BR3.

 

- Phase 8 : L’onde de choc de cette dernière explosion détache du corium, voire le fond de cuve en tout ou partie, qui tombe dans l’eau qui s’est amassée en fond d’enceinte de confinement.

 

- Phase 9 : La masse de corium d’une température de 2500 à 3000 °C vaporise instantanément une grande partie de l’eau dans laquelle elle tombe ; c’est une explosion de vapeur qui, sous la pression extrême qu’elle dégage, déforme l’enceinte dite de confinement et entraîne la perte de son étanchéité.

 

Remarque : étant donné que nous ne disposons d’aucun élément visuel de l’explosion qui s’est produite dans l’enceinte de confinement, nous ne savons pas à quel moment elle a eu lieu. Nous l’avons placée arbitrairement à la fin de la série mais elle pourrait tout aussi bien être l’élément déclencheur de la phase 2.

 

(9) En effet la compression de la vapeur la rapproche de la densité de l’eau, qui fait alors office de modérateur de neutrons lents – ceux qui sont favorables à la réaction de fission de l’uranium – ce qui accélère donc la réaction en chaîne. Dans les bulles de vapeur, les neutrons ne sont pas suffisamment ralentis, cela freine la réaction. Ces considérations sont valables dans le cas où l’eau est à la fois le modérateur et le fluide caloporteur, ce qui est le cas de tous les réacteurs de Fukushima.

 

-oOo-

 

Au terme de cette étude, nous mettons le contenu de cet article en discussion. Nous serons heureux si vous laissez des commentaires ou des critiques qui permettront d’améliorer la compréhension de ces explosions.

 

 

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